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Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales d’octobre 2022.

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Jurisprudence

1 - Tribunal administratif de Versailles, 20 octobre 2022, n° 2207778

Droit d’être inhumé, liens avec la commune et emplacements disponibles

Mme C B, dont la mère est décédée le 13 octobre 2022, a demandé le 14 octobre 2022 à la commune l’attribution d’une concession funéraire, afin d’y édifier un caveau familial. Par une décision verbale et une décision expresse du même jour, le maire de la commune a refusé de procéder à cette attribution au motif que la mère de Mme B ne résidait pas sur le territoire communal et que le nombre de concessions disponibles ne permettait pas de faire droit à la demande.

Sur le plan procédural, la décision comporte plusieurs indications utiles aux praticiens. La requérante a initialement saisi le tribunal sur le fondement de l’art. L. 521-3 du Code de justice administrative, c’est-à-dire en estimant devoir demander "une mesure utile" en situation d’urgence. Mais ce texte ne peut être invoqué que dans les situations où la décision à prendre par le juge ne fera pas obstacle à l’exécution d’une décision administrative. Or, il existe bien une décision, ici, de refus, du maire.

Le tribunal estime donc que la demande doit être présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du même Code, c’est-à-dire une demande de suspension de l’exécution d’une décision administrative, toujours en situation d’urgence, devant le juge des référés, en invoquant un doute sérieux sur la légalité. Nota bene, ce qui suppose d’introduire parallèlement une demande d’annulation de la décision, devant le même tribunal… Et, plutôt que de rejeter la requête, ce qui aurait pu être, le tribunal requalifie donc la demande.

Tant qu’à opérer ce genre de "requalification" favorable au demandeur, il était selon nous possible d’invoquer l’atteinte à une liberté fondamentale, et de retenir l’art. L. 521-2 du Code, qui dispose que : "Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures."

Le Conseil d’État a déjà reconnu à la possibilité d’un individu de choisir son mode de sépulture, la qualité de liberté fondamentale relevant tant de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantissant à chacun le respect de sa vie privée et familiale, que de l’art. 9 relatif à la liberté de pensée, de conscience et de religion (CE, 6 janvier 2006, n° 260307, affaire "Martinot"), même si cette liberté est finalement relative en France puisqu’elle n’autorise que deux destinations à la dépouille mortelle : l’inhumation ou la crémation.

Ici, l’urgence à suspendre les décisions attaquées est justifiée par deux considérations :

- la nécessité d’inhumer rapidement la défunte, en raison des dispositions de l’art. R. 2213-33 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) imposant un délai maximal de six jours pour inhumer un défunt ;
- mais aussi, précision importante, par l’impossibilité de procéder à une inhumation dans les conditions souhaitées par Mme B et ses frères.
En ce qui concerne le doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées, deux sujets, si l’on peut dire habituels, étaient soumis à l’appréciation du juge :
- le droit à une concession,
- l’existence d’emplacements disponibles.

Ici, comme malheureusement souvent, le maire confond les droits de la défunte (la mère de madame B) et madame B elle-même, et de surcroît se trompe dans les deux cas. Les textes ne prévoient aucun critère tenant à la résidence du défunt. II faut apprécier les liens de la défunte avec la commune, mais également bien considérer l’auteur de la demande de concession (art. L. 2223-3 et L. 2223-13 du CGCT).

Or, il était établi que la mère de Mme B avait exercé pendant trente ans son activité d’enseignante dans la commune, et que Mme B elle-même y résidait depuis 2003. La défunte, comme sa fille, justifiaient donc de liens étroits avec la commune.

Quant à l’argument sur les emplacements, Mme B avait recensé 270 concessions échues dans le cimetière le 15 octobre 2022, ce que la mairie ne contestait pas. L’expiration des concessions funéraires a eu nécessairement pour effet que les terrains objets de ces concessions ont fait retour à la commune... et que l’absence de place disponible n’était donc pas établie…

Conclusion, le maire est enjoint par le tribunal de délivrer provisoirement à Mme B une concession funéraire dans un délai de 12 heures à compter de la notification de l’ordonnance. La décision eût été définitive, et non provisoire, en agissant au titre de la liberté fondamentale.

2 - Tribunal administratif de Nantes, 2e chambre, 19 octobre 2022, n° 2008570

L’exhumation de l’ossuaire municipal est de droit sauf exception

Une concession funéraire d’une durée de quinze ans a fait l’objet d’une reprise par la commune. Les restes de ses occupants, un couple, ont été transférés dans l’ossuaire communal. Les filles des défunts ont sollicité l’exhumation des corps de l’ossuaire afin de pouvoir les inhumer dans une nouvelle concession ou dans un autre cimetière. Le maire a refusé l’exhumation.

Mmes D et B ont exercé un recours administratif contre cette décision, rejeté par le maire, et ont donc porté leur demande devant le tribunal administratif. Aux termes de l’article L. 2223-4 du CGCT : "Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt. Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire."

Pour refuser l’inhumation, le maire a opposé que l’affectation à l’ossuaire était définitive, et, répondant aux recours gracieux, a ajouté que : "Ni l’article L. 2223-4 du CGCT, ni la jurisprudence en vigueur ne prévoit la possibilité d’une exhumation d’urnes placées à l’ossuaire […]. Il m’apparaît qu’en acceptant votre demande, je créerais un précédent qui me conduirait par la suite soit à devoir accepter toute demande d’exhumation […], soit à matérialiser une rupture d’égalité avec les autres administrés auxquels j’opposerai un refus d’exhumation."

Le tribunal ne retient pas cette analyse. Si en principe le dépôt de restes mortuaires dans un ossuaire est définitif, toute personne intéressée doit, sauf exception, pouvoir obtenir l’exhumation de corps de proches qui ont été déposés dans un ossuaire, et un refus ne peut être fondé que sur un motif de police administrative, tel que la salubrité publique ou la décence dans les cimetières. Ainsi, en estimant qu’il n’avait pas le choix, le maire a commis une erreur de droit, et sa décision est annulée. Il lui est enjoint de réexaminer la demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, et, sauf à justifier cette fois d’un motif de salubrité publique ou de décence dans les cimetières, il devra l’accorder.

3 - Tribunal administratif de Bordeaux, 6e chambre, 17 octobre 2022, n° 2100352

La commune responsable des préjudices liés à des mesures de police des cimetières

Le tribunal administratif de Bordeaux a condamné une collectivité en raison d’une faute commise par le maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police des cimetières, rappelant que la circonstance que l’erreur résulterait d’une faute de l’entreprise intervenante n’exonère pas la collectivité publique de sa responsabilité. Au cas d’espèce, une famille X est titulaire d’une concession funéraire dans laquelle repose leur conjoint et père depuis 1988. La concession est renouvelée en 2018 pour une durée de 15 ans.

Lors d’une opération de reprise d’une concession funéraire voisine, l’entreprise intervenante s’est trompée de concession à récupérer, a procédé à la destruction de la concession familiale X et à l’exhumation du défunt, pourtant titulaire d’une concession régulière. Le tribunal administratif est venu rappeler que "le maire doit veiller à ce que les bénéficiaires de concessions funéraires et leurs ayants droit ne puissent être troublés dans l’exercice exclusif de ce droit d’usage et de jouissance, et ce, pendant toute la durée de validité de ces titres".

Notamment parce que l’art. L. 2222-22 du CGCT précise que : "Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (8°) De prononcer la délivrance et la reprise des concessions dans les cimetières." En conséquence, la famille est légitime à solliciter la réparation de ses préjudices matériel et moral, et la condamnation de la collectivité.

La collectivité est responsable des travaux réalisés par les entreprises autorisées à intervenir sous son contrôle. Elle pourra en revanche initier une procédure contre l’entreprise fautive pour la voir condamnée à son tour.

4 - Tribunal administratif d’Orléans, 3e chambre, 14 octobre 2022, n° 2003604

La titulaire d’une concession est libre de choisir les bénéficiaires du droit à l’inhumation au sein de sa concession

Le maire d’une commune a refusé l’inhumation d’un défunt, monsieur B, dans une concession détenue par son beau-frère, monsieur E, selon l’acte de concession de 1987. Si l’acte initial prévoyait que la concession était consentie "à l’effet d’y fonder la sépulture particulière de monsieur E", le tribunal administratif a apprécié la volonté du titulaire "officiel" de la concession et a noté d’une part que la concession a été réglée à l’époque par le couple B et le couple E, et d’autre part qu’avant le décès de monsieur E, madame B avait été inhumée dans ladite concession.

Le tribunal retient donc que, même en l’absence de modification de l’acte de concession, les circonstances amènent à considérer que la concession individuelle est devenue une concession collective pour le couple E, mais aussi le couple B.

Le maire d’une commune ne peut, sauf pour des motifs tirés de la préservation de l’ordre public, s’opposer à une inhumation dont l’autorisation lui est demandée par le titulaire d’une concession funéraire. Il lui appartient également, en l’absence de tels motifs, de se conformer aux volontés du titulaire pour ce qui concerne l’étendue du droit à l’inhumation dans la concession concernée.

L’acte de concession fonde les droits du titulaire de la concession et les droits à inhumation. Le juge administratif apprécie, même en absence d’acte précis sur ce point, la réalité des volontés du titulaire de la concession, libre d’autoriser l’inhumation de quiconque dans la concession dont il est titulaire.
 
ADALTYS Avocats

Résonance n° 186 - Décembre 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations