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Syprès, à Talence (près de Bordeaux), innove à la fois sur sa forme juridique en adoptant le statut de Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) – s’inscrivant ainsi dans le courant de l’économie sociale et solidaire et plaçant l’homme, et non le capital, au cœur de son projet – et sur son objet en voulant renouveler de manière notable la préparation et l’accompagnement du deuil et les cérémonies rituelles… Le pari à la clef ?

Réussir à innover dans le secteur des pompes funèbres !

 

Logo Syprès Site
Miser sur le modèle coopératif n’est pas très habituel dans le milieu funéraire. Mais, pour Edileuza et Olivier Gallet, les initiateurs du projet, cela a vraiment du sens, car ils pensent que, pour dépasser le déni de la mort dans l’espace public et pour générer de l’innovation dans ce domaine, il faut échanger et agir avec les citoyens et les collectivités, ces derniers ayant la possibilité de devenir sociétaires de la coopérative. Et inventer de nouvelles formes d’obsèques, de cérémonies, de rituels, d’accompagnements, d’approches écologiques peut passer par des recherches et des réflexions collectives.

edilzuea gallet sypres Site

Syprès est une initiative qui s’est construite à partir des besoins sociaux exprimés par des citoyens confrontés à la mort et par des rencontres exploratoires. Huit cents personnes ont été rencontrées à travers les Ciné-Débats, les Cafés Mortels (expression de paroles ordinaires sur le thème de la mort) et des tables rondes. Cela a permis de recueillir des éléments importants sur le besoin de renouveau dans les pratiques funéraires, et plus largement autour de la mort. 

S’inspirer d’expériences novatrices

Des échanges avec des groupes suisses réfléchissant sur les célébrations civiles et avec la Fédération des Coopératives Funéraires au Québec (FCFQ) ont permis de mieux appréhender le besoin de rituels laïques et, surtout, la pertinence de l’approche coopérative. Au Québec, en quarante ans, les coops sont arrivées à reprendre en main un secteur soumis à une approche marchande et fortement financiarisée.
Au départ furent les "Cafés Mortels" imaginés par la codirigeante de Syprès, psychanalyste et entrepreneuse d’origine brésilienne, qui démarrèrent dans des Cafés Associatifs "Le Petit Grain" et "Le Garage Moderne". "Il y a un gros tabou sur la mort en France. Avec les Cafés Mortels, l’idée était justement de parler de la mort dans la cité. Tout le monde vient et dit ce qu’il a envie de dire sur le sujet. La mort est cachée, refoulée dans notre société et le rôle du Café Mortel est bien de libérer cette parole dans un cadre collectif, chaleureux et contenant. Par exemple, il y a une nécessité d’intervenir sur la mort en entreprise (décès d’un collaborateur, d’un(e) de ses proches, de suicides… ). À partir de nos interventions en EHPAD, on s’est rendu compte que même les professionnels confrontés à la mort au quotidien avaient besoin de cette espace de parole.’’

Café mortel1 Site

Ces expériences et plusieurs voyages d’études à l’étranger ont conduit le couple à concevoir la Coop Syprès. Celle-ci a donc vu le jour en octobre 2019, appuyée par la région Nouvelle-Aquitaine et l’apport des fondateurs, à hauteur de 75 000 €. La coopérative compte aujourd’hui une soixantaine de sociétaires et s’appuie sur une petite équipe de deux personnes, en plus des cofondateurs. Elle est accompagnée par l’Urscop (Union régionale des Scop d’Aquitaine), ATIS (Aquitaine Territoire Innovation Sociale) et le Réseau Entreprendre. Différentes ressources sont identifiées pour la levée de fonds : sociétariat (apports personnels, des familles, des partenaires), prêts, subventions..., pour faciliter le démarrage de son activité de pompes funèbres et de celle de son laboratoire de recherche.

Enrichir et personnaliser les obsèques

L’un des premiers buts de l’entreprise "bordelaise" est d’apporter de la nouveauté dans une pratique sociale centrale : celle du rituel de passage. Encore maintenant, que l’on soit croyant ou pas, c’est bien souvent la religion qui a le dernier mot quand il s’agit de passer de vie à trépas. Edileuza et Olivier Gallet tirent de cette contrainte culturelle un premier objectif : travailler à l’élaboration d’un rituel funéraire laïque.

"Les gens vont à l’église car souvent ils n’ont pas d’autre proposition. L’idée est de travailler sur l’histoire de la personne. Nous voulons également proposer un enterrement qui soit écologique, plus précisemment éco-responsable : fournitures éco-certifiées, limitation du recours aux produits chimiques et partenariats locaux. Par exemple, les catalogues des fleuristes à Syprès ne proposent que des fleurs locales, de saison et sans pesticide. Il ne s’agit pas de proposer une cérémonie low cost, mais au contraire un événement unique et de qualité, à un prix comparable à celui d’une cérémonie traditionnelle. Il s’agit de construire un rite funéraire laïque avec les proches du défunt, à partir de leur écoute, en composant des textes, des hommages qui soient proches. Je travaille avec le potentiel créatif de la famille et j’introduis à chaque fois une dimension personnelle et spontanée dans le rite. La mort n’est pas une maladie, c’est un processus douloureux, mais naturel. Il ne faut pas hésiter à convoquer la beauté dans un moment pareil", précise Edileuza Gallet.

Penser un traitement écologique du corps

Aujourd’hui, pour la société de Talence, le traitement écologique des corps peut s’imaginer en adoptant un jour des pratiques qui se développent à l’étranger sans être encore autorisées en France. Parmi celles-ci, on trouve l’aquamation, notamment au Canada, qui consiste à immerger les corps dans une solution d’eau et d’hydroxyde de sodium (soude caustique) que l’on fait bouillir. Cela détruit les chairs en gardant les os. Ces derniers sont ensuite réduits en poudre. Il y a aussi l’humusation, consistant à transformer le corps du défunt en compost. En France, on se heurterait actuellement à l’absence de statut juridique des particules issues de ce processus de dégradation naturel, entre autres.
Élaborer un moment exceptionnel

Aujourd’hui, concrètement, la coopérative Syprès, c’est deux activités principales : un service funéraire centré sur l’humain et un programme de R&D (Recherche et Développement). Pour la première, c’est bien sûr celle classique de PF avec l’organisation des obsèques, mais en mettant en avant la création de rituels funéraires uniques et en invitant les familles à donner du sens, de la beauté, de la sensibilité dans le respect de la vie du défunt. La cérémonie individualisée est élaborée avec un(e) célébrant(e), chef d’orchestre d’un moment exceptionnel.

L’entreprise revendique ce dernier terme (pour se démarquer de celui de maître de cérémonie), car le "célébrant" se doit d’être en mesure de réaliser un véritable travail d’enquête sur la vie du défunt. Cela permet de créer les conditions d’une cérémonie unique et d’improviser avec les personnes présentes lors des funérailles. Les missions des célébrants(es) sont donc démultipliées, et il est fait appel à leur profil créatif, artistique (pour la constitution de supports originaux de mémoire, par exemple).

Pour conclure, notons que la deuxième concerne une plateforme de "recherche-innovation" souhaitant répondre à des besoins non ou mal satisfaits touchant la gestion de la mort. C’est un espace de réflexion et d’action pour imaginer les nouveaux métiers et interventions avec les familles et les professionnels confrontés à la mort : 
  • Avant, pour envisager ses derniers moments, période où les liens sont importants avec les professionnels des établissements médicalisés ; 
  • Pendant les obsèques où l’on fait appel aux acteurs du funéraire ; 
  • Et après, durant le moment du deuil.

Le travail avec différentes "parties impliquées" (famille, professionnels, chercheurs...) est important dans le processus d’innovation. La finalité n’est pas uniquement de  comprendre, mais également d’expérimenter et de proposer de nouveaux services pour étoffer l’entreprise coopérative.

Gil Chauveau

Nota : (*) Le living lab est une méthodologie où citoyens, habitants, usagers sont considérés comme des acteurs clés des processus de recherche et d’innovation.

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations