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La transmission : pérenniser la lumière du savoir

La transmission est ancrée au plus profond de la nature humaine. Bien avant l’apparition de l’écriture, nos ancêtres cultivaient la transmission orale, une façon de léguer aux générations suivantes des conseils pratiques, une forme de philosophie de la vie, une identité propre, une culture sociale et artistique. Pourquoi transmettre et ne pas laisser ceux qui viennent après nous se forger leur propre expérience en commettant des erreurs ? Peut-être parce que ce témoignage sera fort utile pour affronter les tourments de l’existence, et viendra cultiver le souvenir de celles et ceux qui furent les émetteurs de cette transmission, mais surtout, sera une forte valeur ajoutée patrimoniale à une somme de connaissances immémoriales. Transmettre, c’est avant tout communiquer en prenant le risque de ne pas être compris, mais surtout, c’est révéler chez l’autre l’envie de recevoir, sans entraver sa liberté et son libre-arbitre.

L’éducation des enfants en est une démonstration évidente, et démontre également la fragilité subtile des messages que nous leur adressons.

Recevoir est une chose, mais le plus important est l’appropriation de ces recommandations, afin de les faire siennes pour être en mesure un jour de les transmettre à son tour, enrichies de ses propres erreurs, qui sont toujours, il faut le reconnaître, sources d’apprentissage et de progrès. La transmission est un don, mais c’est également une dette. On peut considérer notamment que c’est un droit qui génère des devoirs, dont le premier est de devenir à son tour un passeur de flamme, un relais sensible et exigeant d’un patrimoine et d’une sagesse intemporels.

C’est sans doute ce qui anime les forces vives de notre profession, dont l’esprit repose sur la conjugaison intime du savoir-faire et du savoir-être. Quelle que soit la puissance de l’inné chez les individus, l’acquis est irremplaçable dans la construction de "l’être parfait" dont nous souhaitons tous l’avènement. Vœu pieux, me direz-vous, mais, dans notre communication des valeurs et détails pratiques et fonctionnels, il y a toujours l’espoir de voir l’élève dépasser le maître et, à son imitation, de revoir nous-mêmes nos propres certitudes en polissant cette pierre cachée au plus profond de nous. Cette vision néo-platonicienne de la rectification permanente s’inscrit bien dans l’affirmation de nos valeurs.

Transmettre et socialiser sont des engagements quotidiens qui se veulent les gardiens de tout ce qui fonde nos actions. C’est également accepter de recevoir et de s’en trouver modifié, de devenir un maillon d’une chaîne intemporelle au service du bien commun. Ce que d’aucuns appellent la "modernité", nous le nommons "éternité". Nous évoquions supra le "désir de recevoir". Il convient de préciser cet acte de recevoir. Nous sommes passés depuis quelques décennies d’un impératif de transmission à un nouveau modèle basé sur l’acte d’apprendre, où nous avons créé des "apprenants", des entités impatientes qui revendiquent la capacité de construire seules et surtout selon leurs propres intérêts, leur propre savoir. Erreur funeste…

La transmission ne repose pas sur le profit immédiat, mais commence par l’humilité, tant du point de vue de l’émetteur que de celui du receveur. De l’humilité naît une forme de sagesse qui va devenir le ciment utile de la transmission. Le maître apprend autant que l’élève. Faire renaître ce couple, dont la magie a été estompée par la remise en cause des fondements pédagogiques à tous les niveaux, est un impératif catégorique auquel nous ne devons pas nous soustraire. On voit le résultat à bien des égards aujourd’hui, non sans craintes évidentes pour la suite des événements…

Commençons par nous interroger sur les différents cadres de transmission que nous mettons en œuvre dans le contexte professionnel qui est le nôtre et qui, cependant, ne nous exonèrent pas de nos propres responsabilités et devoirs initiaux, ce que nous avons tendance parfois à mettre en sourdine, reconnaissons-le. Oui, le savoir a besoin de temps, mais il a besoin, aussi et surtout, d’une volonté affirmée, de relais efficients, d’empathie, d’humilité et d’expertises reconnues. Un philosophe malien, Amadou Hampâté Bâ, dans un discours à l’UNESCO, avait souligné métaphoriquement : "Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle." Combien de bibliothèques devrons-nous voir brûler pour reprendre sérieusement en main puis pérenniser notre devoir de transmission ?
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
La reconnaissance est-elle la mémoire du cœur ?

Le salon FUNÉRAIRE PARIS 2023 vient de fermer ses portes, et l’heure est au bilan de cette dernière édition, ponctuée notamment de trophées qui saluent les innovations professionnelles tant techniques que sociétales. Ces événements posent la bonne question du besoin de reconnaissance que peuvent souhaiter tant les personnes que les structures professionnelles.

L’idée même de celle-ci dépasse largement le champ intellectuel, et se transcende dans l’espace politique et médiatique, et bien sûr dans le langage ordinaire. La reconnaissance et son besoin sont devenus une problématique chère à notre société, une thématique que l’on rencontre dans de nombreux domaines, notamment culturels ou professionnels, mais également dans le champ privé des individus.

La reconnaissance est une force, et elle génère une fantastique énergie, source de motivation. Cette dynamique est proactive dans le sens où elle dépasse le seuil des problèmes pour apporter des solutions. "La reconnaissance est la mémoire du cœur", souligne avec pertinence le poète écrivain Hans Christian Andersen. Célébrer un anniversaire, apporter un témoignage sous quelque forme que ce soit, recevoir une distinction honorifique, en sont des marques, et il faut reconnaître que l’être humain se nourrit de ces attentions particulières. Donnant le sentiment d’exister et d’être apprécié, elles s’inscrivent comme des marqueurs significatifs, créateurs de valeur tant individuelle que collective.

On assiste aujourd’hui, dans le débat public, à un véritable essor des besoins de reconnaissance, pouvant concerner le droit des minorités, les libertés civiles, parfois celles religieuses, ou encore de celui des victimes… Elle intègre de nombreuses revendications, avec ce désir sous-jacent d’atteindre, d’une manière générale, plus d’équité dans un monde dans lequel la gestion du collectif et de l’individuel est de plus en plus compliquée. Ainsi, l’exigence de reconnaissance prend bien des chemins de traverse pour atteindre son but. Aussi, pour y voir plus clair sur ce sujet, commençons par classer ces attentes dans trois grands registres : celui de la compétence, celui de l’appartenance et celui de l’amour.

Que seraient ces attentes sans le simple besoin de se dépasser soi-même et de s’autoreconnaître sur le grand principe de la philosophie aristotélicienne, d’avoir conscience que nous avons, en tant que simples individus, progressé sur le difficile chemin du "connais-toi toi-même", et de méditer sur le concept suivant : "Les êtres humains aiment exercer leurs talents (acquis ou innés), et plus ces talents se développent, plus ils sont complexes, plus grande est la satisfaction qu’ils procurent."

Aussi, ne voyons pas dans le fait d’attribuer ou de recevoir une reconnaissance une marque supplémentaire destinée à satisfaire des ego surdimensionnés, mais bien le salut inspiré de ceux qui respectent et admirent vos efforts et votre génie dans l’accomplissement d’une œuvre quelle qu’elle soit. "On ne se reconnaît mieux que dans le regard des autres", soulignait Jean-Paul Sartre. Commençons donc par nous reconnaître chaque matin dans notre glace comme le metteur en scène et l’acteur d’un grand projet. Changer le monde commence par se changer soi-même, il faut bien le reconnaître.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Le devoir de dignité, la frontière ultime

Le devoir de dignité est au cœur de l’activité funéraire, et cet impératif de conscience dépasse amplement l’argumentation de communication parfois constatée. Nous sommes devant une authentique exigence des populations, quelles que soient les religions, les philosophies ou les origines géographiques. L’actualité récente nous renvoie hélas de façon dramatique à ce type de considération qui est censée fonder notre humanité. Au regard des événements, on est en droit de s’interroger sur la prise en compte de la notion de devoir et de celle de dignité.

Le devoir est une notion fondamentale en philosophie, aux sources multiples. Dans celle-ci, on se pose la question de comment et pourquoi l’être humain doit respecter le devoir moral. Chez Kant, il est un impératif qui a pour vocation d’atteindre une certaine forme de liberté et de bonheur. Parmi les diverses définitions proposées par une littérature abondante accessible à tous, l’origine de cette notion peut s’inscrire dans le sacré et, de ce point de vue, l’ensemble des religions sont parallèles : le devoir viendrait de commandements divins, un ensemble d’instructions morales et religieuses données par Dieu à Moïse, selon la Bible. Par opposition, mais pas seulement, il peut avoir également une origine naturelle, une intuition de l’homme, un "instinct divin", comme le précise Jean-Jacques Rousseau.

D’un point de vue de la rationalité, et cette fois selon Kant, le devoir moral serait issu d’une réflexion consciente et rationnelle. Celui-ci désigne l’injonction de ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Il se réfère au bien (la morale) et/ou à la loi (le droit), suppose une règle et s’adresse à la liberté de l’individu, sans quoi il se confondrait avec la nécessité, à laquelle on ne peut échapper. Kant affirme que celui-ci n’a aucune valeur morale s’il n’est pas motivé par une conscience désintéressée de ses propres désirs. Pour être vertueux, l’être humain doit agir non par intérêt ou par habitude, mais par volonté d’agir bien : parce que, dans son for intérieur, il possède un élan moral sincère.

La dignité, quant à elle, se situe en amont du droit positif, et peut conduire à considérer que celle-ci exprime l’essence de l’humanité. La dignité de l’homme est donc la reconnaissance de l’appartenance à cette dernière. Elle est une exigence morale étroitement liée à l’autonomie, et donc à l’usage de la liberté. Il est donc une évidence qu’imposer cette forme de respect ne permet pas de rendre les hommes plus moraux. La dignité est donc le principe premier du système juridique, parce que la personne humaine est l’horizon, la frontière ultime du droit, en réalité sa finalité. Ce principe pose ainsi la primauté de l’être sur tout autre intérêt.

Devoir de dignité… Le respect de la personne, clé de voûte de notre humanité, s’impose comme une certitude, ainsi que l’indique l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."

La profession funéraire s’honore d’être en harmonie avec les principes de dignité, de respect de la personne humaine, vivante ou défunte, d’universalisme. Ainsi, votre mission en tant que telle ne supporte aucune entrave ni digression. Vous êtes les passeurs intemporels entre le vivant et la mémoire. Et cela serait heureux que, dans les diverses formations, soient consacrés quelques instants afin de reposer les fondamentaux de votre action… car "ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément". Les vers de Nicolas Boileau sont plus que jamais d’actualité…
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
L’innovation est-elle une valeur ?

L’IA, Intelligence Artificielle ou intelligence superficielle ?

La Qualité certifiée, valoriser le savoir-faire funéraire

Depuis plus d’une décennie, la certification Qualité s’est invitée dans l’offre globale de certains opérateurs funéraires. Le secteur public a été précurseur dans cette démarche, initiant ainsi une revalorisation de ses services aux populations. C’est ainsi que les normes ISO 9001, 14001 et OHSAS 18001 apparurent comme des éléments d’amélioration continue des prestations proposées. Les normes Qualité, Santé, Sécurité et Environnement contribuèrent efficacement à une nouvelle approche de gestion globale des entreprises. Plus qu’un argument de communication, celles-ci se sont révélées particulièrement efficaces dans la transmission d’informations, le suivi en temps réel des opérations et surtout le management global des entreprises, cela s’inscrivant dans un bienvenu regard introspectif des milliers d’opérations funéraires annuelles.

Les organismes certificateurs ont d’ailleurs bien compris cette approche sensible et ont rapidement proposé une palette normative adaptée notamment aux PME et PMI, augmentant ainsi une professionnalisation souhaitée des métiers fondamentaux du funéraire. C’est ainsi qu’est venue enrichir le paysage une nouvelle norme spécifique NF Services funéraires et organisation d’obsèques. Créée en concertation avec la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM), "NF Service – Services funéraires et organisation d’obsèques (NF407)" répond aux attentes des clients, des professionnels et des pouvoirs publics en attestant de la qualité de vos services. Cette norme atteste que l’entreprise prend en compte une approche qualitative des différents processus ainsi qu’une orientation tournée vers le client et sa satisfaction quant à ses produits ou prestations.

Démontrer par des audits indépendants que les services proposés sont en adéquation avec les exigences des populations est une chose, valoriser le travail quotidien des équipes en est une autre tout aussi essentielle. En effet, la mobilisation des personnels autour de la démarche est déterminante et contribue à la mise en avant de ses compétences, mais également d’une certaine façon de se démarquer de la concurrence par une organisation rigoureuse visant à atteindre les objectifs de performance que la norme propose et que vous pouvez enrichir tout à loisir.

La question posée aujourd’hui est la suivante : peut-on se passer d’une démarche certifiante ? En seulement une vingtaine d’années, les sociotypes ont été modifiés et les familles sont devenues de réelles consommatrices du funéraire, n’hésitant plus à faire jouer la concurrence, tant d’un point de vue économique que d’un point de vue qualitatif. Un deuil, des funérailles sont des épisodes que personne n’oubliera car ce sont des marqueurs puissants de nos existences. Une cérémonie d’obsèques ainsi que l’organisation de celles-ci relèvent d’une précision millimétrée et nous savons tous que nous ne pourrons pas rembobiner les dysfonctionnements toujours possibles car intervenant dans les mêmes conditions qu’un "direct" télévisuel.

Aussi, autant anticiper les facteurs de risques par une analyse effectuée en amont et en mettant en œuvre dès à présent les étapes de contrôle et d’amélioration indispensables à la satisfaction des familles… et de vous-mêmes. Il en va de vos entreprises, des familles éprouvées par un deuil, de la valorisation des savoir-faire mais également du savoir-être de vos collaborateurs. Cela amène à envisager une nouvelle séquence de formation pour les organismes formateurs du funéraire : celle traitant de la "Qualité" qui serait contruite sur la trame proposée par la norme NF407.

Cela pourrait être un pas supplémentaire pour l’augmentation de la performance de vos entreprises. Ainsi que le disait Socrate: "Il n’y a pas de résultats sans travail et pas de travail sans effort". Qu’en pensez-vous ?
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Savoir-être et savoir-faire, deux faces d’une même pièce

Au cours des différentes rencontres professionnelles funéraires, revient souvent la même thématique relative à la formation. Celle-ci pourrait se résumer à la difficulté que rencontrent certains opérateurs à recruter des personnels disposant d’une personnalité adaptée à l’accueil et à l’accompagnement des familles en deuil.

Il faut cependant reconnaître que la profession a considérablement évolué avec la professionnalisation de ses filières et le recrutement attire désormais des profils ayant, pour un grand nombre, effectué un parcours, même court, d’études supérieures. Les diplômes cependant ne font pas tout, et force est d’admettre que la fidélisation et l’offre d’une évolution de carrière viennent éroder une carte postale qui se voudrait idéale.

Pour ce qui est du savoir-faire, les différents métiers funéraires bénéficient aujourd’hui de formations réglementaires obligatoires et d’un certain nombre de formations continues spécifiques. Elles garantissent, tant aux opérateurs qu’aux collaborateurs, l’acquisition d’une pratique adaptée au contexte particulier qui est le nôtre. Celles-ci s’effectuent soit par le biais des enseignes que nous connaissons, soit par des organismes indépendants dont certains n’offrent pas toujours la qualité d’apprentissage et de savoirs indispensable pour pouvoir exercer auprès des familles. La formation des formateurs est l’une des sources de cette variabilité, le contrôle des organismes de formation en est une autre.

Tout ceci pour dire qu’il ne suffit pas d’arriver vers un recruteur avec un beau certificat de scolarité, mais plutôt avec ce qu’il est convenu d’appeler "le savoir-être". Pour donner quelques exemples de ce dernier, rappelons que tout commence par des choses simples : parler à intelligible voix, dire bonjour, être poli et montrer des marques de respect envers votre interlocuteur. Attention, sans tomber dans l’excès, bien sûr. Seulement montrer de l’intérêt à la personne que vous regardez dans les yeux lorsque vous vous adressez à elle, et sourire. La tenue et l’attitude sont des éléments de premier contact qui vont tracer votre avenir. Pour ce qui est de la tenue, évitez de vous présenter en vêtements de sport, faites plutôt l’effort de vous habiller correctement pour un entretien pro.

Cela peut sembler exagéré, voire caricatural, mais aujourd’hui le monde de l’éducation a changé. Malgré les efforts de la majorité des enseignants, ceux-ci ne sont pas là pour éduquer les enfants - c’est le rôle des parents -, ils sont là pour dispenser un savoir général afin de permettre aux élèves d’évoluer dans la vie. L’un ne va pas sans l’autre. Savoir-être et savoir-faire sont intimement liés, et c’est bien ce qu’il ne faut surtout pas oublier.

Alors comment faire ? Les fédérations ont la réelle capacité de faire et de parler avec force, d’une seule voix si elles le veulent… en revoyant notamment le thésaurus des formations et faire la séparation entre savoir-faire et savoir-être. L’idéal serait de répondre aux exigences du premier avant même d’attaquer les étapes du second. Mettre en œuvre et surtout appliquer le contrôle des formations par les autorités d’encadrement compétentes reconnues afin de garantir, tant aux opérateurs qu’aux élèves apprentis, que le savoir qui leur est dispensé répond bien aux exigences professionnelles qui, elles, sont fortes.

Ainsi nous pourrions dire : "Là où il y a une volonté, il y a un chemin." Cette citation pourrait être contrebalancée par : "Là où il n’y a pas de volonté, il n’y a que des problèmes." Nous sommes tous d’accord sur ce point. Il ne reste donc plus qu’à s’asseoir autour de la table et à bâtir un avenir qui soit en conformité avec ce que souhaitent les familles, les opérateurs, les collaborateurs… et les autorités de tutelle. C’est bien le moins que nous puissions faire.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef

Résonance n° 193 - Juillet 2023
Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué


C’est presque un serpent de mer auquel s’attaquent tous les gouvernements successifs depuis les années soixante-dix. La simplification administrative qui, il faut le reconnaître, malgré de gros efforts, se complique de jour en jour, à tel point que, par moments, on est amené à penser que Kafka est aux commandes.

La lourdeur administrative s’est quand même allégée sur quelques secteurs, ne serait-ce que par la généralisation d’Internet et la relation qu’il entraîne avec certains services publics. Aujourd’hui, il est désormais possible d’obtenir rapidement des documents grâce à ce média… Ayons toutefois une pensée émue pour les personnes âgées, qui n’ont pas toujours quelqu’un d’équipé à leurs côtés pour les aider à faire les nombreuses démarches numériques qui leur sont maintenant imposées. L’interaction avec les services publics joue un rôle crucial dans l’appréciation que le citoyen peut avoir de la gouvernance en général.
Mais, d’un autre côté, l’impact de la capacité des entreprises à remplir leur mission est non négligeable, cela peut générer des coûts supplémentaires, le tout pour un résultat ne correspondant pas toujours aux performances attendues. Il faut à l’analyse distinguer trois grands facteurs relatifs au fardeau administratif, selon une étude réalisée par Herd et Moynihan en 2018.

1 - Les coûts d’apprentissage : Les pertes de temps consacrées à rechercher des informations sur un dispositif ou un service, à vérifier son éligibilité, les conditions à remplir et les modalités d’accès…
2 - Les coûts de conformité : La fourniture de renseignements pour attester de l’éligibilité, les coûts financiers associés à l’accès aux services, ainsi que les coûts engagés pour s’affranchir de demandes discrétionnaires de gestionnaires…
3 - Les coûts psychologiques : Le sentiment de dévalorisation, la perte d’autonomie liée à un service administratif intrusif, la frustration d’avoir à faire face à des coûts d’apprentissage et de conformité et à des procédures suggérées injustes ou superflues, sans oublier le stress quant à la capacité à les respecter et à faire face aux coûts de conformité…

Tout ceci nous rappelle une citation restée célèbre d’un ancien Premier ministre en 1966, Georges Pompidou, qui disait en substance devant un parapheur chargé de décrets : "Arrêtez d’emmerder les Français, il y a trop de lois dans ce pays, on en crève, laissez-les vivre, et vous verrez, ça ira beaucoup mieux." Hélas, si quelque chose ne connaît pas la crise, c’est bien l’activité du flot législatif, qui, en 2021, battait un record, avec 125 ordonnances publiées. Il faudrait un mois entier pour parcourir les 89 185 articles en vigueur…

La tête nous tourne, car, pour les entreprises et notamment les entreprises funéraires, cette masse législative et réglementaire peut être vécue comme un frein à l’activité, notamment par rapport à nos voisins européens qui, pour certains, s’embarrassent de moins de textes pour une efficacité et une efficience supérieure à la nôtre.

Le vrai défi de la compétitivité réside sans doute dans une simplification administrative, mais elle doit être pensée intelligemment car pour vivre en société, il faut des lois, des règles, nous sommes tous d’accord là-dessus. Il faut également donner à l’Administration les réels moyens de les appliquer et de les faire respecter. C’est un sujet de réflexion et un beau et difficile chantier à mener pour les prochaines années, mais ensemble, acteurs du funéraire réunis, nous pouvons nous y atteler sans crainte car c’est aussi la perspective d’un avenir meilleur que nous pourrons offrir aux familles endeuillées.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
La notion de sécurité est-elle une valeur ?

La notion de sécurité revient de façon cyclique sur le devant de la scène, pareille à une mode… Or celle-ci n’en est pas une, elle est concomitante de nos actions depuis qu’un beau jour, un homme frottant un silex eut la chance de mettre le feu à quelques brindilles. Ce faisant, intrigué par son résultat, il se brûla la main et il comprit que le feu égale risque… incitant donc à la prudence !

La première démarche qualité était née et n’eut de cesse de se développer au fil des siècles, jusqu’à en être théorisée par Philippe Kourilsky. Ce dernier, scientifique de renom, est également l’auteur d’un rapport relatif au principe de précaution remis au Premier ministre en 2006. Cet ouvrage, dont nous vous recommandons la lecture, est toujours d’actualité et n’est autre que le livre de chevet de tout qualiticien traitant des normes QSE (Qualité-Sécurité-Environnement) qui se respecte.

Dès lors, pourquoi s’intéresse-t-on principalement à la sécurité, que ce soit à titre individuel, professionnel ou social ? Pour mémoire, rappelons-nous les effets spectaculaires des catastrophes de Seveso, AZF, ou encore la canicule de 2003… pour ne citer qu’elles, ou, dans un autre contexte, la multiplication des burn-out en entreprise.

Tous ces éléments relèvent de la mauvaise application d’un principe simple de précaution ou d’une politique de l’autruche qui consiste à croire, contre vents et marées, que tout va bien dans le meilleur des mondes. Bien évidemment, c’est généralement le contraire qui se produit et le bilan humain est malheureusement trop souvent lourd et dramatique.

Alors, comment faire pour créer, au sein de son entreprise, un climat qui permette à l’ensemble des collaborateurs de travailler en pleine confiance et en toute sérénité, malgré un environnement économique et concurrentiel qui est loin d’être apaisé ? Avant toute chose, il convient de réfléchir à la notion même de sécurité, puis de la mettre en rapport avec nos pratiques quotidiennes. Nous savons pertinemment que la profession funéraire est riche en risques de toutes sortes, matériels et moraux, biologiques et physiques… la liste est longue. Il faut donc assurément les prendre en compte, car le coût de l’inaction s’avère, ici, toujours très élevé et aucune entreprise ne peut s’offrir ce "luxe" parfaitement évitable.

N’oublions jamais que la sécurité vise à protéger l’homme et son environnement naturel en limitant, en toutes circonstances, les effets d’un éventuel dysfonctionnement. Sensibiliser à celle-ci, c’est donc aussi prendre le temps de rencontrer ses collaborateurs, cadres et salariés, de les faire parler de leur travail et des contraintes liées… afin de trouver ensemble les solutions pour renforcer la sécurité et réduire les risques d’accidents. Cette démarche est concrétisée par le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), obligatoire dans toutes les entreprises dès l’embauche du 1er salarié. L’employeur y consigne le résultat de l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité auxquels peuvent être exposés les salariés.

Le DUERP a été créé par le décret n° 2001-1016 du 5 novembre 2001, en application des articles L4121-2 et L4121-3 du Code du travail. À la question "comment donner un sentiment de sécurité ?", la réponse invariable est "privilégier l’écoute et la bienveillance". L’écoute est primordiale pour comprendre ce qui se passe autour de vous. Il est important d’éviter les jugements péremptoires ou les excès d’autorité. Bien sûr, constituer une équipe fiable afin d’effectuer la mission funéraire avec efficacité n’est pas chose simple. Fidéliser ses collaborateurs autour de votre projet d’entreprise passe donc par une disponibilité et une attention permanentes, et sans cesse renouvelées. Disponibilité, écoute, intégrité, traçabilité sont les quatre colonnes qui vont supporter votre édifice entrepreneurial.

En appliquant et pérennisant ces valeurs, vous contribuez à la mise en œuvre d’un management où vous amenez vos équipes à vous suivre, en instaurant une véritable relation de confiance, car la définition même de la sécurité au travail, selon l’étymologie latine du terme, est d’abord l’état de celui qui est "sine cura", "sans trouble ni inquiétude". Compte tenu de la spécificité de nos métiers funéraires, c’est bien le moins que nous pouvons faire pour le bien-être au travail de nos collaborateurs… Écoute et bienveillance.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Le respect ne s’use pas si l’on s’en sert

À l’aune d’événements récents, il apparaît que le syndrome de la "foire d’empoigne" se soit emparé de nombreux domaines, politiques, sociaux ou économiques, avec, pour conséquences, des débats laissant la place à des échanges "musclés" verbalement ou tout simplement au monologue avec tous les risques que cela comporte. Notre village gaulois semble être en proie à une forme de zizanie et tout laisse à penser que cela peut durer quelque temps. Antoine de Saint-Exupéry doit se retourner dans sa tombe, lui qui disait à juste titre : "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis." Cette citation née en période de guerre et son invocation par le mot "frère" nous rappelle que "tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits, ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité".

Ce rappel nécessaire à la déclaration universelle des Droits de l’Homme nous invite à prendre conscience que la différence n’est pas nécessairement une menace et que le ciment qui doit nous rassembler porte un nom : le respect. Mais qu’est-il précisément ? C’est, plus qu’un sentiment, un mode de vie qui consiste à penser et agir positivement envers et avec autrui comme envers soi-même, et à accepter les autres pour ce qu’ils sont, même s’ils sont différents de nous… un peu d’humilité n’ayant jamais fait de mal à personne !

Rappelons-nous que le respect évoque la capacité à prendre en compte ce qui a été exprimé et admis dans le passé pour en tirer éventuellement les conséquences dans le présent. En réalité, appliqué à un être humain, il prend un sens proche de l’estime et se construit sur l’aptitude qui nous pouvons avoir à nous souvenir des actes auparavant accomplis, lorsque ceux-ci sont bien sûr dignes d’être reconnus. Enfin, il ne doit pas être confondu avec la tolérance, car n’ayant pas les mêmes motifs et, pouvant, elle, être compatible avec le mépris.

Le respect se décline dans de nombreux domaines parallèles comme la tolérance, la politesse, le salut, la bienséance, le fairplay, le savoir-vivre et le savoir-être, notamment. Il n’est donc pas quelque chose d’anodin, à tel point qu’il a été érigé en principe à valeur constitutionnelle par décision du Conseil éponyme en date du 27 juillet 1994. Bien qu’il faille saluer cette décision, il est triste de voir le Conseil constitutionnel être dans l’obligation de nous rappeler à nos plus élémentaires devoirs.

Aujourd’hui, la notion du respect perdu s’exprime, entre autres, sur le média qu’est Internet et les nombreux réseaux sociaux qui s’y trouvent où, malheureusement, de plus en plus d’insanités et d’injures s’y déversent quotidiennement sur tel ou tel message. La toile est devenue aujourd’hui une zone de non-droit qui foule aux pieds les minorités, les femmes, les enfants, toutes celles et tous ceux qui ont le malheur d’avoir une pensée différente. Cette situation générée par ces médias et d’autres outils de communication dits sociaux est un signal positif œuvrant pour une remise à plat des rapports qui doivent régir nos vies sociales à l’avenir.

Pour ce qui est de nos rapports professionnels, interrogeons-nous sur de possibles discours hégémoniques qui ont la tentation de prospérer, afin de les relativiser et surtout de rappeler à leurs émetteurs qu’ils ne sont pas seuls sur terre, et que vouloir imposer ses vues au forceps ne débouche, à terme, sur rien de positif. Le respect n’est pas une marque de faiblesse, il ne dévalorise pas celui qui le dispense, il est rassembleur et peut être une énergie positive… Le respect fédère des équipes et rassemble ce qui est épars. Celui des autres commence par le respect de soi-même. En bref, il ne s’use pas si l’on s’en sert… alors, pourquoi s’en priver ?
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Rien ne sert d’avoir peur, il faut réfléchir à point…

Dans les nombreux entretiens que nous avons avec les professionnels du funéraire, un sentiment mitigé revient souvent dans les conversations, teinté de crainte, voire d’angoisse, et, il faut bien le dire, d’une certaine forme de peur. Il faut reconnaître que le climat est particulièrement anxiogène tant du point de vue géopolitique, économique que social.

Dès lors, prenons le temps de réfléchir sur ce sentiment souvent instinctif, mal connu, et qui, dans la plupart des cas, prend le pas sur notre lucidité. La peur peut constituer un obstacle important dans notre vie quotidienne. Elle peut nous empêcher de prendre des risques, de tenter de nouvelles choses, voire nous éloigner de nos objectifs. Elle nous renvoie une impression d’incertitude et d’impuissance qui nous pousse parfois à éviter les situations qui nous paraissent inquiétantes ou effrayantes.

Cela étant, il faut bien garder à l’esprit que la peur n’écarte pas le danger… au contraire ! Lorsque nous sommes en proie à la peur, notre cerveau se focalise sur les aspects les plus négatifs d’une situation, notre jugement devient irrationnel et le danger nous paraît souvent plus grand qu’il ne l’est réellement.

De plus, il faut être également conscient qu’à vouloir éviter une situation anxiogène, nous perdons notre capacité à la gérer efficacement, et ainsi, à la surmonter.

Les approches psychologique et philosophique de "la peur" apportent éventuellement des éléments de réponse intéressants. Ainsi, dans le cadre d’une psychanalyse, Sigmund Freud considère la peur comme un mécanisme de défense inconscient qui permet à l’individu de faire face à des situations menaçantes. Les existentialistes tel Jean-Paul Sartre y voient, quant à eux, un aspect inévitable de l’existence humaine, car elle provient du sentiment d’angoisse face à l’incertitude et à la liberté. Enfin, les stoïciens considèrent la peur comme le symptôme d’une perte de contrôle sur nos pensées et nos émotions, et qu’elle ne peut être surmontée qu'en cultivant la raison et la sagesse…

En conclusion, nous pouvons constater que la peur peut être appréhendée sous différents angles, qu’ils soient psychologiques et/ou philosophiques… mais nous constaterons également que, si elle n’écarte pas vraiment le danger, elle peut nous empêcher de faire face aux défis et aux risques inhérents à la vie. Il est alors primordial pour chacun d’entre nous de savoir identifier ses peurs, afin de les dompter… c’est là un passage obligé pour développer notre confiance en nous, surmonter les obstacles qui se dressent sur notre chemin, mais aussi et surtout, garder la tête froide quant aux risques et autres problématiques auxquels nous pouvons être régulièrement confrontés… notre capacité de réflexion n’étant autre que la clé de voûte sur laquelle repose la réussite de nos projets.

Ne craignons pas les mots, ce n’est pas parce qu’un concurrent s’installe en face de nous que le monde s’écroule ! N’oublions jamais que quoi que nous fassions, nous ne pourrons jamais modifier ces événements qui s’imposent à nous… en revanche, ce qui est certain, c’est que nous pourrons modifier notre regard sur ceux-ci et y apporter des réponses cohérentes, voire en tirer des bénéfices et/ou une perspective d’évolution… en femmes et hommes d’entreprise que nous sommes.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Des mots et des maux…

La France est une exception sociale tant en Europe que dans le monde. Notre système de redistribution est l’un des plus actifs, et notre protection sociale s’inscrit dans la même veine, quoi que l’on en pense. Comme pour tous ces principes protecteurs, un arsenal législatif et réglementaire vient garantir aux citoyens et aux travailleurs que ces dispositions s’appliquent à tous leurs bénéficiaires, mais, comme dans tout système, aussi vertueux soit-il, les failles peuvent exister…

Conséquence logique d'une crise sanitaire éprouvante et d'une montée en puissance des démarches Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) tous secteurs confondus, la prévention des risques professionnels devient un sujet central au sein de nos entreprises. Aussi, parmi ces risques, il en est certains qui sont plus sournois que d'autres et qui ne sont pas traités d'égale façon en fonction de la taille de la structure… je veux bien sûr parler des Risques Psycho-Sociaux (RPS).

Tout d'abord, force est de constater que la prévention des RPS en milieu professionnel n'est pas chose aisée. Non seulement le mal-être d'un collaborateur peut s'avérer être difficilement identifiable, mais il faut également tenir compte du fait que toutes les entreprises ne sont pas sur un même pied d'égalité quant à leur capacité à prévenir et à gérer ces RPS. Alors que les grosses structures ont les ressources nécessaires pour mettre en place un soutien psychologique dédié et adapté aux salariés en détresse, pallier leur absence et optimiser leur retour au travail, les TPE-PME sont, quant à elles, complètement désarmées face à ces problématiques.

Ensuite, nous le savons tous, œuvrer dans le secteur funéraire, c'est côtoyer la Faucheuse au quotidien… Pour autant, sommes-nous tous égaux face à cette charge émotionnelle ?

Sans vouloir remettre un instant en cause la protection sociale des travailleurs sur leur lieu de travail, dispositif auquel nous sommes particulièrement attentifs, le législateur serait toutefois bien inspiré de donner de réels moyens à son Administration afin de vérifier l'ampleur de ces maux. Si effectivement il y a parfois matière à redire pour certains abus au sujet des conditions de travail, ce n’est en aucun cas une généralité dans notre filière, loin s'en faut.

Aussi, il serait souhaitable, si nous voulons faire œuvre de réelle protection sociale et pérenniser celle-ci, de commencer par donner aux petites entreprises les mêmes moyens que les grosses structures... et de mettre, métaphoriquement parlant, un bon coup de pied dans l’arrière-train de celles et ceux qui sabordent l’esprit et la lettre d’années d’acquis sociaux dont nous sommes les premiers à nous honorer de l’existence et à œuvrer pour leur maintien. Qu’on se le dise !
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Gouverner, c’est prévoir…

"Gouverner, c’est prévoir, afin de pouvoir", citait le philosophe et sociologue Auguste Comte, fondateur du positivisme à la fin du XIXe siècle. Cette citation fut le fruit d’une observation attentive de la société de son époque, notamment par la montée en puissance de la recherche scientifique, ainsi que de la production industrielle. Il ne croyait pas si bien dire, car, aujourd’hui, force est de constater que les schémas prédictifs des sociétés savantes sont souvent mis à mal. On peut le constater avec l’émergence de la pandémie Covid-19 ou de certaines crises économiques liées que personne, ou si peu de monde, n’avait vues venir.

Doit-on en conclure pour autant que le positivisme est désormais "lettre morte" ? Non, bien au contraire. La "veille" des différents flux socio-économiques est plus que jamais nécessaire. Le fort développement des réseaux sociaux, et notamment d’Internet, nous permet d’avoir un regard attentif sur notre société, nous assurant de réaliser des projections à court ou moyen terme. Cette attitude de vigilance indispensable à la vie ainsi qu’à la survie de nos entreprises ne doit pas être le parent pauvre des chargés de communication ou du marketing de nos enseignes.

Le fait d’apprécier ou prévoir les situations par notre seule intuition doit être écarté de nos méthodes d’évaluation, car, si la part d’incertitude reste un élément non négligeable dans nos vies, l’amateurisme ou l’empirisme prédictif doivent disparaître de nos logiciels entrepreneuriaux. Sans nous poser en donneurs de leçons, rappelons cette citation dans l’ouvrage "Le Prince" de Machiavel : "le prince doit lire les livres d’histoire, et y considérer l’action des grands hommes, y examiner les causes de leurs victoires et de leurs défaites, pour éviter celles-ci et imiter celles-là", celle-ci nous incitant à être plus humbles dans nos prévisions.

Nous avons la chance de traverser une époque où les princes contemporains sont les visionnaires qui se sont attachés à faire de la circulation de l’information leurs chevaux de bataille. Les premières fortunes mondiales sont issues de cette transmission de l’information, encore faut-il utiliser celle-ci à bon escient. Dans le maquis des sites Web où le meilleur peut cotoyer le pire, nous avons la capacité de mettre en œuvre, à nos mesures respectives, des outils de veille dont les buts seront de nous rassurer et de nous stimuler face aux incertitudes socio-économiques qui nous concernent, notamment : Comment se développer de façon harmonieuse ? Quelle est la réelle température sociale ? ou Comment répondre aux attentes de nos concitoyens ?

Le ressenti que nous pouvons légitimement invoquer comme faisant partie de notre expertise professionnelle n’est en réalité qu’une vision subjective d’une problématique. Il convient donc de s’attacher aux données réellement objectives et de positionner notre curseur décisionnel de façon à être le plus cohérent possible par rapport aux schémas de développement que nous avons établi. Sans évoquer ici le "principe de précaution" - fort utilisé ces dernières années -, reconnaissons qu’être en état de veille, c’est avant tout être notre premier sujet d’observation… afin de savoir prévoir et limiter nos effets pervers pour transcender nos victoires et les répéter… et ainsi faire preuve d’humilité et d’intelligence dans nos actes de gestionnaires.

Bonnes fêtes de fin d’année à tous et, pour 2023, tous à vos jumelles !
 
Maud Batut
Co-Rédactrice en chef
L’avenir se prépare, le futur s’envisage

L’organisation de la journée du 12 septembre 2022 au Sénat, sous le haut patronage du Sénateur Jean-Pierre Sueur, a ouvert la voie d’un dialogue fructueux entre les personnalités présentes - élus, responsables des fédérations funéraires, opérateurs, universitaires et chercheurs, représentants du monde associatif et juristes -, ce large panel débattant autour de la loi 93-23 du 8 janvier 1993. Ce fut un regard sur trente années décisives où le funéraire, le moins que l’on puisse dire, a été totalement métamorphosé. Parmi les thèmes abordés, la question de l’avenir reste en devenir et, de ce point de vue, il nous semble pertinent de nous concentrer sur cette notion et sur celle de "futur".

L’avenir définit une période que nous serons appelés à vivre alors que la notion de futur renvoie à un temps plus lointain, laissant aux générations prochaines le soin d’arbitrer sur sa réalité. Aussi, si nous débattons sur l’avenir de notre profession, c’est tout simplement afin de préparer une action sur celle-ci, soit pour amender un devenir qui contreviendrait à notre éthique ou nos intérêts, soit en tentant de dominer d’ores et déjà celui-ci par des dispositions adaptées, dans une tentative de contrôle totale ou partielle. Tenter de contrôler celui-ci revient surtout à réduire, voire annihiler, son incertitude. Tâche difficile s’il en est, le métier de prévisionniste n’est pas une science exacte.

Penser l’avenir est en quelque sorte tenir le discours sur le réel pour mieux le façonner. Il fut finalement l’un des objectifs tenus par la journée du 12 septembre, car analyser factuellement un passé récent, même si celui-ci est de trente années, nous permet d’en tirer les leçons, et ainsi d’anticiper raisonnablement les temps à venir. "Pour bien savoir vers quoi on se dirige, il convient de se tourner vers le passé pour savoir d’où l’on vient."

L’avenir que nous imprimerons à nos métiers du funéraire passe incontestablement par l’éducation et, de ce point de vue, il y a beaucoup à dire. La responsabilité des formateurs est immense et la formation des formateurs est concomitante à la réussite de la transmission éthique que nous souhaitons mettre en œuvre. Le savoir-faire se conjugue avec le savoir-être. L’éducateur aura donc pour tâche de façonner cette nature humaine dans chacun des individus. En d’autres termes, si nous faisons l’impasse sur ce volet déterminant, nous déléguons en aveugle l’un des rouages essentiels du funéraire à venir à qui veut le prendre.

La sagesse populaire nous rappelle qu’"au royaume des aveugles les borgnes sont rois". Cela signifie en toute logique que le prix à payer serait cher, très cher, si nous n’y prenions pas garde… et, à défaut, demander l’arbitrage du législateur s’impose comme une voie salvatrice. Dans les métiers du funéraire, il est nécessaire de n’être jamais dans l’ignorance et la connaissance, notamment des lois initiées par celui-ci. Mais cela passe par un apprentissage.

Souvent, lors de nos débats, revient le thème de la formation, à juste titre. Nous sommes donc à l’heure des choix, et surtout à celle de l’union, car notre solidarité sur cette thématique doit s’imposer aux différents éléments contradictoires qui pourraient survenir. L’intérêt général et le bien commun priment, notre éthique et nos valeurs sont fortes et puissantes. L’heure est venue de faire front et de jeter les ponts utiles pour envisager, non seulement un avenir solide, mais également un futur lumineux, celui qui comblera nos exigences. Tels sont les enjeux d’aujourd’hui.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef

L’éthique funéraire a-t-elle de l’avenir ?

La tenue réussie, sous le haut patronage de Jean-Pierre Sueur, sénateur, du colloque de septembre 2022 au Sénat sur les conséquences de la loi de 1993 - passée sous le filtre de trente années d’application - a permis d’ouvrir de nombreuses et intéressantes voies de dialogue entre les participants, opérateurs, chercheurs, élus, entre autres.

La mort est un invariant, c’est notre destin commun. Et bien que cet événement ultime de nos existences semble acquis, des questions se posent désormais. Des voix s’élèvent demandant notamment que la mort soit traitée comme peut l’être une pathologie faisant l’objet d’une prise en charge solidaire, à l’instar de la maladie. Ce type de problématique a le mérite de nous faire réfléchir sur le traitement et les interrogations que celle-ci soulève. D’autre part et d’un point de vue politique, un débat s’ouvre sur l’euthanasie, le droit pour chacun de mourir dans la dignité, sur ses modalités, ses conséquences sociales et humaines, son indispensable cadre juridique.

En s’ouvrant à la concurrence en 1993, le secteur funéraire a dû et su, en quelques décennies, se remettre en cause par de nombreuses propositions sur les plans économique et sociétal. La profession s’est adaptée aux exigences des populations, toutes désireuses d’un traitement empreint de dignité et de respect de la personne disparue. De ce point de vue, de remarquables efforts ont été produits tant par les professionnels que par le tissu associatif. La multiplication des équipements funéraires témoigne d’une préoccupation de la sphère publique et privée pour que le défunt puisse se voir appliquer un traitement respectueux des besoins du corps autant que de l’accompagnement moral des familles. En peu de temps, ils se sont dotés de moyens matériels et humains cohérents avec leurs différents bassins de population, aux attentes hétérogènes il est vrai.

Dire qu’aujourd’hui le secteur se banalise est une erreur, car il n’existe pas "un" funéraire mais "des" funéraires. Sociotypes en évolution constante, multiplication des confessions et des rituels, financiarisation du marché, modes variés de sépultures… Pour intégrer ces différents aspects, les appliquer avec discernement et précision, pour prendre en compte les aspects sociologiques et humains du deuil, pour agir dans l’intérêt des familles tout en respectant les impératifs économiques d’une gestion d’entreprise, les opérateurs se doivent de relever de nombreux défis. Or, créer un avenir au secteur funéraire passe par un regard pointu sur les composantes de celui-ci, c’est-à-dire les forces vives qui seront en charge demain de transmettre aux familles toute l’éthique indispensable que vous appelez de vos vœux.

Le défi est simple, car il s’agit de s’atteler sans délai au vaste et nécessaire chantier de la formation en commençant par la certification des compétences des personnes en charge de celle-ci et par la mise en œuvre d’un circuit diplômant reconnu au sein des différentes académies. Dispenser la formation d’un savoir-faire est une chose, s’assurer de la bonne transmission d’un savoir-être en est une autre tout aussi essentielle. À ce niveau de préoccupation, il ne faut d’ailleurs pas négliger l’ensemble de la fonction publique locale et territoriale qui est également en attente de réponses dimensionnées la concernant sur ce chapitre.

Le funéraire est un domaine qui a su retenir l’attention du législateur à juste titre et c’est une bonne chose. La formation de ses élites ainsi que de ses acteurs de terrain est un sujet dont on ne peut pas faire l’économie, il en va de l’intérêt général et du bien commun. Tout le monde est concerné, public et privé, fédérations, réseaux, indépendants, collectivités. L’avenir de la filière dépend des propositions et des solutions que vous saurez apporter aujourd’hui afin de pérenniser l’éthique que vous défendez et les compétences dont vous êtes les détenteurs… Ainsi, vous serez les artisans de votre destin et porterez vos métiers vers l’avenir.

Steve La Richarderie
Rédacteur en chef

"Ego communicando hominem"

"Je suis un homme communicant", telle est la maxime de l’homme dit moderne équipé de smartphones, de tablettes, d’ordinateurs portables, mais surtout suivi par toutes sortes de moteurs de recherche dressant de ses habitudes et centres d’intérêt, des profils de la plus haute valeur d’un point de vue du marketing notamment.

Cette nouvelle relation "homme-machine" rend plus que prémonitoire le roman "1984" de George Orwell dont la lecture attentive devrait nous inciter à la réflexion, voire à la plus grande prudence.

Mais qu’est-ce que la communication, sinon le processus de transmission d’informations partant d’un émetteur à destination de récepteurs à l’aide d’un protocole permettant que celles-ci soient comprises de la même manière par l’expéditeur du message et ses destinataires. Vœu pieux s’il en est, car, à l’usage, il faut admettre que la bonne compréhension des messages suppose avant tout qu’on ait quelque chose à dire qui retienne l’attention. En bref, parler pour ne rien dire en fin de compte produit l’effet contraire de celui recherché.

Depuis une bonne décennie, notre profession a su intégrer et s’adapter aux outils contemporains que la technologie mettait à notre disposition. Mais, après analyse, il faut constater que le discours relevé dans de nombreux sites Internet d’opérateurs funéraires, n’est qu’une pâle copie de ce que produit le voisin. Tout ceci pour dire que la communication est un authentique métier et que l’appel à des professionnels reconnus du langage et de la promotion semble nécessaire si l’on souhaite atteindre la cible visée.

Réfléchir, émettre et s’assurer que l’on a bien été compris doivent être les clés de voûte d’un communiqué. Le domaine funéraire est un environnement délicat et sensible, car ces messages s’adressent à des populations touchées par la disparition d’un être cher. Aborder des sujets tels que l’organisation, le choix des prestations, l’accompagnement, mais également le financement, impose un langage de vérité et de loyauté qui soit au préalable codifié, évalué, vérifié, avant d’être livré aux multiples sociotypes destinataires. Ce qui peut paraître simple de prime abord est en réalité extraordinairement complexe et ne souffre pas l’empirisme, même animé des meilleures intentions.

Le choix de la structure professionnelle qui vous accompagnera est donc primordial. En parallèle de cela, apparaît l’intérêt de journées d’études telle celle initiée par le sénateur Jean-Pierre Sueur le 12 septembre au Palais du Luxembourg dont l’objectif sera d’échanger sur les textes fondateurs de la loi n°93-23 du 8 janvier 1993 à l’aube de leur trentième anniversaire, mais également de faire le point sur les bouleversements technologiques qui accompagnèrent cette révolution fondamentale. En trente ans, le monde a connu des bouleversements profonds, notre société aussi. Les comportements ont évolué, les habitudes, les mœurs, les aspirations, les exigences ne sont plus les mêmes. Alors, pourquoi notre communication globale devrait-elle être la même ?

Une réflexion profonde sur notre façon de communiquer est avant tout une introspection sur notre façon d’appréhender notre environnement, voire de passer en mode anticipation pour mieux prévoir les mutations à venir. Les enjeux sont de taille et nous en sommes tous conscients. L’innovation que nous produirons doit être le fidèle reflet des attentes des familles auxquelles vous vous adressez. Pour cela, il faut écouter avant de parler, analyser et évaluer les multiples options qui s’offrent à vous, puis être les initiateurs d’un nouveau monde, car communiquer revient à s’exposer. Offrons à celles et ceux qui nous écoutent, nous lisent, nous regardent, le meilleur de nous-mêmes. En conclusion, nous pourrions méditer sur des paroles de Jean-Luc Lagardère : "La communication est une science difficile. Ce n’est pas une science exacte. Ça s’apprend et ça se cultive".
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Transmettre le savoir, une promesse d’avenir

La journée d’études du lundi 12 septembre "Bilan et perspectives de la loi 93-23", mise en œuvre sous le haut patronage de M. le sénateur Jean-Pierre Sueur, est sans aucun doute le rendez-vous de la rentrée à ne pas manquer, une journée d’autant plus exceptionnelle et unique que le nombre de places limité permettra une interaction fructueuse entre intervenants et assistance.

La loi 93-23 du 8 janvier 1993 est encore très présente dans tous les esprits, car elle est l’acte fondateur d’un funéraire où l’humain retrouve sa place légitime au centre du dispositif. Cette ouverture à la concurrence a eu le mérite de repenser le funéraire français, non seulement dans son rapport avec les familles, mais également avec lui-même. Il faut reconnaître que le développement des moyens de communication contemporains (informatique et réseaux sociaux notamment) permet dorénavant aux professionnels une réactivité et une précision tant dans la gestion financière que cérémonielle, cela étant inenvisageable il y a une trentaine d’années.

Les gestions de la qualité, de la sécurité au travail, de l’environnement se taillent désormais une place de choix dans le management des structures tant publiques que privées et font écho aux exigences des familles. Se pose alors le délicat et trop souvent épineux problème de la formation. Une formation pluridisciplinaire où les compétences s’affirment à condition que le thésaurus des programmes soit à la hauteur des attentes des entreprises du secteur.

C’est sans doute de ce côté que le bât blesse, car il faut admettre que l’excellence côtoie souvent l’empirisme et il est sans doute temps de clarifier les offres. Les premiers clients de la formation sont en effet les formateurs eux-mêmes et ceux-ci doivent prendre en compte l’évolution des exigences de la population. Aujourd’hui, les sociotypes sont bouleversés en permanence et pour se maintenir au niveau des besoins, seule une formation continue - sanctionnée par des certifications reconnues - doit s’imposer à tous.

La transmission est donc au cœur de la problématique funéraire de ce XXIe siècle naissant.

Celle-ci doit être un échange fécond entre nous-mêmes et l’autre, un jeu où l’on accepte de recevoir des connaissances qui correspondent à nos attentes mais surtout qui va me transformer, me transcender. Après avoir œuvré des années durant dans un secteur professionnel, il est naturel d’éprouver le besoin de transmettre ce que l’on a reçu de ses maîtres. C’est la longue chaîne du savoir qui s’exprime au travers de cette épopée.

Malheureusement, être formateur suppose un supplément d’âme que nous ne possédons pas tous. Ça ne remet pas en cause nos qualités professionnelles, mais seulement nos aptitudes à être un bon médiateur, un pédagogue efficient. Cela s’apprend, ce n’est pas inné et ce n’est pas une faiblesse que de l’admettre. Force est de constater que le discours de la lucidité ne touche pas tout le monde et le législateur se doit de mettre un peu d’ordre dans ce domaine essentiel de la formation en rappelant les fondamentaux d’intérêt général tout en étant un arbitre bienveillant qui donnera à réfléchir à certains qui peuvent parfois dévaloriser une profession noble, celle des passeurs de relais, celle des créateurs d’avenir, celle que nous appelons tous de nos vœux… les transmetteurs de passion !
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
La formation est une révolution de l’âme

Lors de nos nombreux entretiens avec les opérateurs, enseignes ou indépendants, le sujet de la formation est régulièrement présent. Si ce thème est au centre des préoccupations des entreprises funéraires, c’est qu’il y a sans doute quelques raisons de s’interroger. Qu’elles soient réglementaires ou continues, les formations des personnels sont une nécessité compte tenu de l’aspect particulier des interventions effectuées auprès des familles. Nous savons tous que le domaine des obsèques est délicat, et combien les familles sont sensibles aux mots les plus anodins ainsi qu’aux postures des accompagnants funéraires.

Sans vouloir établir un classement de valeur, nous savons aussi aujourd’hui que la quantité ne fait pas la qualité, que toutes les propositions de formation ne sont pas d’égal niveau, et que les apprentissages ne sont pas dispensés tous avec les mêmes principes de rigueur et de sérieux. Les premiers à s’en plaindre sont les instituts spécialisés du secteur eux-mêmes, qui, forts de plusieurs années de pratique, ont su asseoir leur réputation.

Quelles pourraient alors être les sources de griefs ? Il apparaît que la qualification du formateur se révèle quelque peu floue, et nous assistons peu ou prou à l’émergence d’enseignants ou d’experts autoproclamés. Certains pourront dispenser une prestation "acceptable", quand d’autres se limiteront à une transmission approximative, voire désastreuse, des fondamentaux qu’exige la profession. Cette situation ne touche pas que le funéraire, et il en est de même pour de nombreuses professions. Les moyens de communication numériques aggravent sensiblement ce constat, à tel point que beaucoup appellent de leurs vœux une intervention du législateur pour une définition claire de ce qu’est une formation, et pour fixer un cadre professionnel et réglementaire obligeant le formateur à se former en amont pour acquérir la maîtrise de l’ingénierie pédagogique, entre autres, mais pas que !

Le chat se mordrait-il la queue ? Un exemple frappant et révélateur dans un univers connexe, la communication, nous fait apparaître une foule d’experts lors de séminaires ou de plateaux TV, dont on se demande si le "Café du Commerce" n’a pas été leur université. Si nous soulignons ce phénomène grandissant, c’est que nous pensons que le danger sous-jacent est immense. Lorsque vous, pompes funèbres, vous envoyez des personnels en formation, vous travaillez non seulement pour l’avenir qualitatif de vos services, mais aussi d’une certaine façon pour la transmission des valeurs éthiques essentielles qui fondent vos pratiques quotidiennes. La voie à suivre paraît d’elle-même. Pour atteindre cet objectif, il convient de s’en remettre aux authentiques "sachants" qui, seuls, peuvent être en mesure d’apporter les réponses pérennes que nous attendons tous.

"Connaître la vérité, non pas absolue, mais au sens existentiel du terme, la seule qui nous soit accessible, c’est déjouer le mécanisme des illusions et quiproquos relationnels… C’est être libéré d’un mal-être dont nous connaissons la cause", cite Sabine Le Blanc, professeure à l’EFREI de Paris, membre de la conférence des Grandes Écoles.

L’écoute des compétences réelles, interculturelles doit nous conduire à séparer le bon grain de l’ivraie, et apporter aux entreprises funéraires une transmission du savoir-être en rapport avec les objectifs d’excellence et de pérennité nécessaires à la profession. Élevons la qualité des transmissions et des transmetteurs pour aller vers toujours plus de perfection et de précellence dans nos métiers, car l’ultime finalité, c’est l’accompagnement que nous offrons aux familles en deuil.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Optimisme ou tentation du défaitisme, pile ou face ?

Le pessimisme est à la mode. Que nous écoutions une station de radio, regardions des débats télévisés ou autres blogs sur le Web, la fin du monde semble nous être annoncée pour demain. Réchauffement climatique, inflation, guerre à nos frontières, violences urbaines, terrorisme, mouvements politiques exacerbés, les sujets ne manquent pas, bien sûr, et cela n’a rien de bien réjouissant. Place peut être faite à la sinistrose… Et nous pouvons adopter la facilité en suivant cette tendance alarmiste.

Si l’on prend le temps de la réflexion, les choses sont peut-être graves mais pas désespérées et nous sous-estimons notre capacité d’adaptation. À bien y regarder, nous avons beaucoup d’occasions de nous réjouir. La progression de l’éducation, l’espérance de vie, notre niveau de vie, notre sécurité globale, tous ces facteurs sont en progrès notables depuis une centaine d’années. Évidemment, tout est perfectible, et notre système économique et social s’enrhume parfois, mais en général, nous résistons aux fluctuations et aux aléas contextuels qui nous sont imposés par des événements sur lesquels nous n’avons pas une prise suffisante pour les éviter. Nous évoluons dans une société héritière des grands mouvements humanistes, notamment ceux du "Siècle des Lumières". Nos valeurs démocratiques d’échange et de partage sont exceptionnelles, et nombre de citoyens de nations étrangères nous envient cette liberté de ton qui fait la spécificité française.

Prenons donc bien conscience que le pessimisme conduit au défaitisme. Si tout va si mal que ça et que plus rien n’est possible, que tout est condamné à l’échec, cela revient à se mettre dans une posture de devin. Les "monsieur-je-sais-tout" de tout poil tenteront de nous convaincre par des messages alarmistes, des bulletins météo du catastrophisme que tout est inéluctablement condamné à l’échec. Prenons donc le temps de réfléchir a minima. Nous sommes des professionnels du funéraire, et chaque jour nous accueillons dans nos murs des familles pour qui le monde vient de s’écrouler. Cette souffrance à laquelle nous assistons n’est pas empreinte de défaitisme, seulement de la douleur de la perte d’un être cher. Si quelqu’un, malgré le deuil traversé, a conscience qu’un lendemain peut et doit s’inscrire sous le signe de l’espoir, ce sont bien ces familles, et elles le font avec détermination, courage et espoir.

Chaque jour, nous avons la chance de recevoir de magnifiques leçons de vie qu’il convient d’intégrer avec humilité et de traduire à notre mesure dans nos actes du quotidien pour nos collaborateurs ainsi que pour nos intervenants extérieurs. Lorsque le monde semble devenir fou, montrons de la sagesse ; lorsqu’il se fait violent, exprimons la bienveillance ; lorsqu’il manifeste du pessimisme, faisons-nous l’écho de l’espoir. En restant positifs, nous donnons de l’énergie à nos actions, nous influençons notre environnement, nous rayonnons en exemplarité et en beauté.

"L’optimisme, dit Candide, c’est la manie de dire que les choses sont bien quand on est en enfer." En effet, celui-ci apprend que la quantité de bien est inférieure à celle du mal. La meilleure réponse que nous pouvons faire est de démontrer a contrario que la petite quantité de bien restera toujours au-dessus de celle du mal, car elle rayonne d’une énergie fantastique qui lui est largement supérieure, celle de la foi, de l’espoir, de la volonté, de l’engagement et de la détermination… tout ce qui caractérise notre profession funéraire et qui en fait ses lettres de noblesse !

Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
La vertu est-elle une fin en soi ?

Il est des mots intemporels qui reviennent sur le devant de la scène, telles des vagues à la mode, accolés à différentes postures de circonstance, en une espèce de récupération opportuniste aux motivations souvent bien éloignées de leur définition. La vertu est de ceux-ci.

Mais qu’est-elle donc ? Sa signification serait de ce qui porte une chose à sa perfection. Il y aurait deux sortes de vertus : celles, morales, perfectionnant le désir et se soumettant à la raison en vue de l’action, d’une part, et les "intellectuelles", d’autre part, enrichisssant l’intelligence seule, en vue de la contemplation. Ce sentiment, très prisé des philosophes de la Grèce antique, est par essence ce que vise le sage. Platon la qualifie "d’excellence naturelle" et Socrate s’interroge sur la possibilité ou non de l’enseigner. Serait-elle du ressort de l’inné ou de l’acquis, vaste question. Aristote, autre penseur de son temps, parle de vertu naturelle en faisant une disposition de l’âme. L’étymologie du mot nous renseigne sur son acception contemporaine. La vertu est une qualité distincte de l’homme… le mérite, la valeur morale, la vigueur, l’énergie, notamment par la bravoure, le courage, la vaillance. Le sujet passionne tellement que l’on s’est attaché à travers les âges à les quantifier. Ainsi, il y en aurait six pour certains, sept pour d’autres : la foi, l’espérance, la charité, la justice, la prudence, la force et la tempérance. Une sagesse populaire conclut assez bien les luttes philosophiques en citant : "La plus grande des vertus est comme l’eau, elle est bonne pour toutes les choses."

Entre 1937 et 1946, Vladimir Jankélévitch rédige "Le Traité des vertus", un pavé de 800 pages, doublé d’une réflexion morale établissant un système éthique autour de celles comme la sincérité, la gratitude, l’humilité. Cet ouvrage a le mérite de poser de bonnes questions qui pourraient inspirer les recruteurs et formateurs lors de leurs entretiens comme : un menteur peut-il être sincère ? L’humilité est-elle une cure d’amaigrissement morale ? Donner sans rien attendre en retour ? Le courage n’est pas un savoir mais une décision ? Entre autres interrogations. Le savoir-être est peut-être la définition très contemporaine de la vertu et il est sans doute souvent au cœur de nos préoccupations quotidiennes. Dans une civilisation de l’immédiateté et de l’information planétaire en temps réel, où la raison doit-elle se situer si ce n’est dans la mesure, la réflexion, l’humilité ?

L’excellence d’un homme, à plus forte raison d’un collaborateur d’entreprise, se mesure à celles qui, dans notre monde funéraire, porte un nom : "l’éthique", et plus largement "la déontologie". Ces termes nous sont familiers, car amplement déployés dans nos différentes communications ou prises de parole. Cette "responsabilité sociétale" - que nous affichons ouvertement depuis quelques années - s’institutionnalise au point de devenir une référence normative, avec le risque peut-être de devenir un banal "étalage de vertu" vidé de son sens, voire "à la mode". Aussi, prenons donc garde à ne pas tomber dans les excès, ce qui serait un manque d’humilité certain, voire une faute de goût, mais surtout l’obtention de l’exact contraire de ce que nous recherchons dans nos professions.

Cette éthique ou déontologie est avant tout une prise de conscience réellement individuelle qui aspire à faire le bien pour le bien. Ayons le sentiment d’avoir répondu à la voix du bien commun et sachons transmettre cette valeur à nos proches collaborateurs par des éclairages personnalisés et des formations adaptées. En accord avec nos pratiques et dans le respect des familles, tressons sans attendre des couronnes pour la vertu, tout en restant humble et attaché à notre éthique.

Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Je ne crois que ce que je vois ?

Nous connaissons tous la célèbre phrase attribuée à Saint-Thomas d’Aquin : "Je ne crois que ce que je vois." À l’heure des événements tragiques d’Ukraine où le combat des images se veut aussi farouche que les combats des armées en présence, la guerre de l’information oppose les belligérants, mais également les pays de l’Union européenne. Il y a quelques jours, nous avons découvert une vidéo montrant, avec un réalisme saisissant, la ville de Paris bombardée par des missiles.

Cette séquence avait pour but de convaincre que ce conflit pourrait très bien trouver une extension sur le territoire de l’UE… avec ce message adressé aux millions de Saint-Thomas européens que nous sommes. Croire ou ne pas croire la véracité des images est un authentique sujet. Cette réflexion nous appelle bien sûr à d’autres considérations. L’afflux des réfugiés ukrainiens pose d’évidents problèmes matériels en termes d’accueil, mais pas que… La douleur du deuil est présente dans les âmes des populations sur les routes de l’exil. Deuil de sa maison, de sa patrie, de ses proches restés pour combattre, des victimes du conflit, blessés ou défunts… L’affliction de l’arrachement s’imprime durablement dans les consciences.

Nous devons admettre que notre vision du monde peut être altérée par nos croyances ou par ce que nous voulons croire. Le climat de sidération, consécutif aux premières heures du conflit, a vite été supplanté par une posture manichéenne réactive à l’agression de ce qui est qualifié "d’empire du mal". La propagande de tous bords altère donc significativement notre raisonnement, aussi restons concentrés sur ce qui nous semble essentiel : aider les populations en exil à trouver refuge et sécurité sur notre territoire, mais également apporter le soutien psychologique indispensable à toutes et tous qui resteront marqués à vie par cette tragédie.

Concernant ceux qui ont perdu un membre de leur famille dans les combats, qui n’ont pu se recueillir sur une sépulture et acter la séparation, nous sommes bien placés pour savoir que cette fracture émotionnelle subie est une bombe à retardement dont les effets se manifesteront à court ou moyen terme. Alors, que faire ? Libérer la parole est indispensable, trouver les justes canaux de communication avec une langue étrangère peu pratiquée en France est l’un des défis à relever, mais nous avons la capacité de mettre en œuvre les moyens matériels et humains, chacun à notre mesure, pour apporter le réconfort nécessaire à ces femmes et enfants, personnes âgées, qui trouveront asile sur notre sol. Ce conflit peut augurer d’un bouleversement mondial de grande échelle et de long terme. La solidarité affichée dès les premières heures ne doit donc pas s’émousser avec le temps, mais bien être une prise de conscience universelle solidaire, pragmatique et sincère.

Ces événements doivent nous rappeler que nous sommes vulnérables en tous points. Ne faisons donc pas le deuil de nos consciences et inscrivons-nous sans attendre dans cet élan généreux et sensible d’aide et de soutien solidaire, matériel et surtout moral, auprès de celles et ceux qui souffrent et qui doivent supporter l’absence de leurs proches mobilisés dans la défense de leur patrie et dont beaucoup ne reviendront pas. Ne pas savoir, ne pas voir, ne pas pouvoir effectuer cette ultime séparation est une douleur envahissante, persistante et durable qui impacte les générations, porteuse potentielle de haine, de celle qui sème les germes des futurs conflits. Seule la parole libère, seule l’écoute et le partage peuvent tenter de soigner ces plaies béantes… C’est pourquoi notre action est essentielle.

De nombreux mouvements spontanés de notre profession répondent déjà aux besoins les plus urgents. À nous d’entretenir la flamme de la solidarité humaine, sans distinction de culture, de religion, d’origine. "La différence nous enrichit", souligne Saint-Exupéry, voici une opportunité de démontrer qui nous sommes réellement. Nous nous devons de pas laisser passer ce rendez-vous d’humanité et de solidarité.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
La probité, clé de voûte de votre édifice

Évoquer la probité dans votre cadre professionnel revient à souligner l’importance d’une clé de voûte dans l’élévation d’un édifice. En un mot, celle-ci relève de l’essentiel et elle définit la qualité de quelqu’un qui observe parfaitement les règles morales, qui révère scrupuleusement ses devoirs, les règlements, les obligations conventionnelles. Cette posture est une droiture qui incite à respecter le bien d’autrui et à porter la valeur morale personnelle et son éthique professionnelle de façon prioritaire à toutes autres considérations.

La probité est donc au cœur de vos préoccupations notamment lorsque vous procédez à des recrutements pour des postes à responsabilité ou la mise en œuvre d’interfaces avec les familles par un dialogue loyal piloté par vos conseillers funéraires.

Parler de probité s’applique dans de nombreux domaines, c’est une exigence morale qui suppose déjà d’afficher une honnêteté irréfragable, ne serait-ce que dans la présentation de ses compétences réelles, tant vis-à-vis du recruteur que devant des tiers, notamment lors d’une session de formation où certaines alertes vous imposent une attention accrue. La vraie question n’est pas de présenter une image trop brillante mais plutôt une image sincère. La confiance est à ce prix. La crédibilité ne se construit que sur des fondations saines, cela prend du temps et le moindre défaut de la cuirasse se paie immédiatement au prix fort. La chaîne "formation, recrutement, intégration" d’un nouveau personnel se doit donc d’être construite sur cette même sincérité.

Imaginez un instant la réaction d’un chef d’entreprise, dirigeant d’une structure, qu’elle soit privée ou publique, apprenant soudain que l’un de ses employés s’est rendu coupable d’une malversation, par exemple un détournement de fonds par la manipulation des acomptes clients à son profit. Ce scénario qui peut atteindre rapidement des sommes faramineuses n’est pas une chimère. Il s’est déjà produit dans un passé très récent et il se répliquera malheureusement dans l’avenir. Il n’est pas difficile de concevoir alors le tsunami provoqué par la révélation de ce délit hautement répréhensible et préjudiciable, les titres de la presse locale, l’impact sur les familles lésées et les familles clientes de l’établissement. Repensez aux vers de Pierre Corneille : "Que n’ai-je tant vécu que pour cette infamie, que pour voir flétrir en un jour tant de lauriers…".

Si la responsabilité semble évidente, celle du chef d’entreprise n’est pas à minorer. La confiance ne vous exonère pas de la vérification et c’est souvent l’absence de celle-ci qui est la source de ces actes délictueux. Les hommes ne sont hélas que des hommes.

Alors que faire pour pallier ce type de situation ? Premièrement, renforcer la formation initiale et continue, faire réaliser celle-ci par des personnalités reconnues et aux compétences vérifiées. Deuxièmement, lors des recrutements, analyser les CV et se concentrer sur le savoir-être en prenant le temps de vérifier le cursus du candidat. Troisièmement, mettre en œuvre en interne des procédures de vérification permanente afin de détecter très en amont les potentielles sources de dysfonctionnement. Quatrièmement, établir des contrats de travail et des fiches de poste qui soient conformes aux exigences législatives et réglementaires régissant le travail. Vous seriez étonnés de voir combien ces documents s’éloignent parfois de ces impératifs. Enfin, prendre le temps de mettre tout cela en œuvre et ne jamais procrastiner sur ce sujet en pensant que la foudre tombe toujours chez le voisin, ou que la taille de votre entreprise vous met à l’abri de ces dérapages.

Vous avez sans doute mis des années à construire votre réputation sur votre bassin de population. Un patient travail d’orfèvre qui vous a tenus sans relâche, vous et vos proches. Alors ne laissez pas des personnages sans scrupules ruiner l’œuvre et les efforts d’une vie, la vôtre. La probité à son corrolaire… votre perspicacité.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Le respect, un apprentissage permanent

Dans nos métiers du funéraire, le respect fait partie intégrante de notre ADN. C’est un fait et ce postulat est largement diffusé par les enseignes, réseaux, fédérations, indépendants du funéraire. Il ne faut pas y voir une forme de communication publicitaire, mais bien l’expression d’une éthique commune nous rassemblant et que nous cultivons jour après jour.

Certes, nous avons des quotidiens particuliers. La douleur, la souffrance des familles rythment nos heures, et nous avons appris à transférer ces torrents émotionnels bien naturels. Il en est de même de l’accompagnement que nous prodiguons à celles et ceux qui nous accordent leur confiance dans ces instants douloureux et que jamais nous pourrons, eux comme nous, oublier. Le respect est donc un terme particulier, mais qui se trouve quelque peu galvaudée dans nos sociétés contemporaines ; aussi, un retour sur mémoire s’impose…
Le respect s’impose comme une exigence morale universelle, interprétée dans tous les textes sacrés des religions et dans les philosophies classiques. Le parfait résumé réside dans le fameux Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse. Le fait de respecter une personne nous met avant tout dans la position où nous nous respectons nous-même.

De nombreux philosophes ont planché sur le sujet et l’un des plus célèbres d’entre eux est certainement Emmanuel Kant qui, dans Les fondements métaphysiques des mœurs, pose ces fameux impératifs catégoriques. Le premier est parfaitement explicite : Agis de telle façon que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans celle d’autrui, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. Le second précise : Agis selon la maxime qui peut en même temps se transformer en loi universelle. Le respect de l’autre s’inscrit chez le philosophe Emmanuel Levinas, comme chez Paul Ricœur, dans une perspective avant tout éthique qui se veut partie intégrante de l’universalisme.

C’est ainsi que la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 répond aux aspirations des hommes en posant ce texte en une loi irréfragable, qui devrait s’imposer à tous les êtres sensibles qui fondent notre humanité. Son article premier doit être présent en permanence en nos esprits : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Le respect, la dignité, l’éthique, l’intérêt général et le bien commun, la solidarité fraternelle humaine, le partage, la tolérance… tout ceci n’est pas inné, quoique… Une éducation permanente des générations est nécessaire, car l’être humain a tendance à oublier souvent un peu trop rapidement ses devoirs essentiels.

Nous en mesurons les effets pervers un peu plus chaque jour. Si tu diffères de moi, frère, loin de me léser, tu m’enrichis, citait Antoine de Saint-Exupéry. Cette phrase doit résonner dans nos consciences avec permanence, force et vigueur. L’autre n’a pas forcément la même couleur de peau, parle un langage différent du nôtre, a des coutumes différentes, son physique est peut-être inhabituel, peut-être souffre-t-il d’un handicap physique ou intellectuel. Où se situe la normalité ? Est-il audible de l’évoquer lorsque tant de différences se côtoient chaque jour ? Nous sommes bien placés pour le comprendre. Ce que nous savons avec certitude réside dans notre point commun d’être humain : nous sommes mortels, tous sans exception, là est notre destin.

Le jour où viendra cet ultime rendez-vous, nous serons présents pour accompagner les proches, toiletter le défunt, prendre soin de son corps et être les garants de sa dignité jusqu’à l’instant de la séparation définitive. Il en est de notre devoir de dignité, un impératif catégorique empreint d’humilité et d’empathie, car, ce faisant, nous assistons chaque jour à ce que sera notre propre moment d’être nous-même porté.
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Le dialogue, première des énergies renouvelables

L’époque est aux débats où s’affrontent deux antagonismes à grand renfort d’arguments ou d’idées reçues qui n’honorent ni l’une ou l’autre des parties en présence. Tout ceci nous appelle naturellement à nous interroger sur les vertus du dialogue dont le premier exemple est celui d’Adam et Ève au résultat pour le moins contrasté.

Le dialogue a une étymologie grecque dont nous devrions prendre en compte la subtilité. Tout d’abord, "logos" qui signifie "parole", "discours", mais également la raison. Puis "dia" qui ne signifie pas "à deux" mais "au moyen de", "au travers de". Il est donc sous-entendu que "la raison" est un moyen, mais alors, dans quel but ? On a tendance à idéaliser le dialogue, à en faire quelque chose de pur, de beau, une source de plaisir. C’est vrai que, bien compris par les parties en présence, celui-ci peut se révéler une source très positive, une émulation bénéfique où chacun repart en ayant reçu un salaire symbolique, celui de la connaissance.

Hélas, la réalité est souvent différente et on parle alors de "dialogue de sourds", de "joute oratoire", dont la finalité n’est pas l’échange, la compréhension, la synthèse et la restitution des idées de l’autre, mais bien la victoire totale sur un adversaire, un conflit où il n’y a pas de prisonniers… Le philosophe Schopenhauer soulignait à juste titre, dans son ouvrage "L’art d’avoir toujours raison", que "ce qui importe n’est donc pas l’expression de la vérité mais bien la victoire". Le dialogue devient alors monologue, mais pas nécessairement stérile. En effet, Socrate cultive cet art subtil dans ses fameuses "Questions" qui ne sont avant tout que rhétoriques, laissant peu de place à ce qu’il appelle les "figurants". À bien y regarder, ces monologues ne sont pas éloignés de sentiments moins nobles où l’orgueil siège en bonne place. Un risque qu’il faut bien mesurer dans cet exercice.

Un bon dialogue commence donc par la prise en compte de l’autre, de ses idées, de sa spécificité. Celui-ci n’est pas une guerre d’orateurs, mais bien un assemblage de complémentarités qui doivent déboucher sur une conclusion respectueuse des autres et de soi-même. Il est une source de connaissance, une énergie renouvelable à l’infini. Qu’il soit interculturel, religieux, politique, social… la raison doit s’imposer comme le médiateur essentiel dans cette approche. La dialectique devient un art, car cette confrontation pacifique des idées est un véritable dépassement de soi-même, "une purification de l’esprit", comme l’affirme Platon.

Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce court exposé dans nos pratiques quotidiennes professionnelles, et notamment lors des quelques tables rondes que nous aurons à fréquenter dans quelques semaines à FUNÉRAIRE PARIS ? La première serait déjà "l’humilité". Cette dernière ne dévalorise pas l’individu, bien au contraire, permettant même d’ouvrir plus grand son regard aux autres. Second point important : ne pas répondre à une question par une autre question. Cette astuce parfois utilisée ne fait qu’embrouiller le message initial. Enfin, se souvenir d’une phrase très connue qui a fait ses preuves : "apporter sa pierre à l’édifice". L’apport d’une contribution se fera en complémentarité de l’argument initial par un enrichissement du propos, une progression vers la lumière et non un retour aux abysses de l’ignorance. La recherche de la vérité apparaît donc comme la voie ultime de la sagesse. Ce respect mutuel instauré va rejaillir sur l’ensemble des participants et la synthèse conclusive du débat profitera à tous. C’est bien le but recherché…

Nous sommes face à de nombreux défis… qui ne sont pas conjoncturels, mais en réalité structurels. L’impératif catégorique d’un dialogue s’impose à notre profession tout entière. Subir ou agir devient essentiel et il ne saurait être question de détourner le regard devant cet enjeu décisif qui conditionne nos avenirs respectifs. Dialoguons !
 
Steve La Richarderie
Rédacteur en chef
Le centre de l’union, l’âge du faire

À l’arrivée de chaque nouveau salon funéraire, notamment celui de Paris-Le Bourget, ressurgissent les mêmes concepts sous forme de tentatives de fédération des esprits autour d’un projet commun, celui-ci ayant pour but de préserver la profession funéraire d’elle-même, d’une part, d’un avenir qui s’annoncerait plutôt pessimiste, d’autre part.

"Qui sème la discorde est pourvoyeur du diable", rappelle un proverbe allemand. Nous n’allons donc pas nous faire les pourvoyeurs du démon par des propos défaitistes.

Cependant, il faut reconnaître que la crise que nous venons de traverser, que beaucoup estiment conjoncturelle, est en réalité un phénomène structurel et de long terme. Oui, les sociotypes évoluent rapidement et ce que nombre de nos concitoyens ont compris, c’est que la problématique obsèques leur coûte cher et qu’aujourd’hui les porte-monnaie acceptent difficilement ce qui semblait naturel il y a encore quelques mois.

Donc, si basculement économique il doit y avoir, comment pouvons-nous espérer atténuer l’impact de celui-ci ? Plusieurs écoles s’affronteront comme à l’habitude. La première dira : "Vous vous faites des idées, c’est du grand n’importe quoi." Dont acte. La seconde dira : "C’est possible, mais attendons pour voir et pour décider ce qui convient." Pourquoi pas ? La troisième dira : "Envisageons l’hypothèse et réfléchissons à plusieurs pour anticiper." Ceci ne vous rappelle rien ? Les Trois Petits Cochons, l’un avec sa maison de paille, l’autre sa maison de bois et le troisième sa maison de pierre. La symbolique de cette comptine pour enfants est révélatrice de la nature humaine. "Attendre pour voir" relève d’un optimisme béat et souvent se termine en drame.

Nous avons la chance de compter désormais dans les rangs de notre profession bon nombre de chefs d’entreprises très inspirés et dont les résultats ne tiennent en rien au hasard, mais à une observation attentive du marché, de leur filière, de leur capacité de croissance. Ces qualités managériales ont toutes un point commun, l’écoute. Le temps est peut-être venu de se mettre autour d’une table, de rassembler les figures notables de notre profession, et d’échanger librement sur les différents aspects d’un marché fluctuant où la prédominance des intérêts financiers vont peu ou prou redessiner des contours qui n’épargneront personne. Imaginer un seul instant passer au travers des gouttes est une chimère. Recréer le centre de "l’union" semble a contrario une voie acceptable de dialogue et d’échange sur une thématique commune.

Il ne s’agit pas ici de se noyer dans des bavardages stériles ou des autocongratulations médaillées, mais bien de se parler et de faire que ces paroles ne restent pas des vœux pieux, mais des amorces de réponses à des questions que nous nous posons tous. Ces réponses pourront être portées le cas échéant auprès d’instances dites "représentatives" où siège l’État. Ce qui importe, c’est d’entrer désormais dans "l’âge du faire," de prendre conscience que nous sommes seuls les artisans de notre destin et que nous ne devons pas attendre d’intervention divine ou étatique pour faire progresser et pérenniser nos entreprises. "Vivre, prouve que tu existes" est un refrain célèbre. Pour Spinoza, l’existence, en actes, caractérise ainsi l’individu. Le terme d’union est donc réservé au rapport entre une chose singulière existant en actes et son idée. L’idée que nous nous faisons de nous-mêmes…

C’est bien parce qu’il s’agit de nous, de notre place dans ce grand projet de vie que nous avons initié notamment au travers de nos entreprises, que nous nous devons de faire un pas vers l’autre, partager et confronter pacifiquement et positivement nos idées pour recréer ce que des êtres inspirés nomment le "centre de l’union". Advienne que pourra…
 
Maud Batut
Rédactrice en chef adjointe
La pénurie, l’effet papillon ?

Nous vivons dans une société de l’abondance. La génération née à l’aube des années cinquante mesure l’écart flagrant qui existe entre les petites épiceries de quartier - ou du village de notre enfance - et les hypermarchés dont le gigantisme alimente notamment nos réfrigérateurs à l’impressionnant volume. Oui, nous avons changé d’ère, à tel point que les slogans des manifestations de mai 68 contre la société de consommation, même s’ils étaient prémonitoires, semblent bien faibles au constat de la réalité du XXIe siècle.

Mais, aujourd’hui, nous l’avons quitté pour entrer dans celle de l’hyperconsommation. Le résultat le plus visible est que nous épuisons le crédit annuel de la ressource planétaire en seulement quelques mois. En effet, selon le "Global Footprint Network", l’humanité a utilisé autant de ressources biologiques que ce que la Terre peut en générer en une année. Le 29 juillet est la date fatidique cette année et, à partir de ce jour, nous vivons "dans le rouge". Nous utilisons actuellement 74 % de plus que ce que les écosystèmes de la planète peuvent régénérer… Plus ça va, moins ça va.

Il ne faut pas chercher bien loin les responsabilités, et si certains vous disent que fermer le robinet de votre douche le temps de vous savonner ne va pas changer grand chose, sachez qu’ils sont dans l’erreur. Tous les gestes, toutes les postures en faveur d’une prise en compte des facteurs environnementaux sont nécessaires, indispensables, c’est une question de survie à très court terme. La pénurie guetterait-elle ? En 1972, le météorologue Edward Lorenz posait la question : "Le battement d’ailes d’un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ?" qui donnera naissance au célèbre "effet papillon" dans la théorie du chaos. Nous devons bien l’admettre, la pénurie est le corolaire de l’abondance, si bien décrite par Platon dans "Phèdre". Lors d’un banquet en hommage à Aphrodite, une mortelle, Pénia, symbole de la pauvreté, profite de l’ébriété avancée de Poros, le dieu de l’abondance. De cette union ainsi consommée naît Éros, mi-homme mi-dieu, un daïmon. Celui-ci n’a rien, il est pauvre et laid, mais il n’a de cesse d’approcher le beau au plus près, sans jamais pouvoir s’en saisir vraiment. Éros est un intermédiaire précieux entre les hommes et les dieux. Ainsi, il fait parvenir au Ciel "les prières et les sacrifices des hommes," et rapporte à ces derniers "les ordres des dieux et la rémunération des sacrifices qu’ils leur ont offerts". Quelle belle allégorie de la consommation !

Mais, hélas, la pénurie n’est pas seulement réduite aux biens de consommation. L’éducation, la culture et bien d’autres domaines faisant appel à la créativité ou à la transmission souffrent d’une forme aiguë de manque aux conséquences les plus dévastatrices. Celui des idées est désormais la grande invitée à la table de l’humanité. Force est de constater que nous évoluons dans un univers standardisé où chaque événement est dupliqué et duplicable à l’infini. C’est ainsi qu’apparaissent des rituels pour tout et n’importe quoi. Qui décide de ça ? Personne n’est vraiment capable de l’affirmer. Cette anesthésie mentale est dangereuse à plus d’un titre, car elle nous prive de tout esprit critique. La pensée unique s’applique également aux domaines de la formation et de la transmission des savoirs. Par exemple, lorsque vous assistez à une cérémonie, l’assistance reçoit un scénario qui a été quelque peu codifié lors de la formation des personnels funéraires. Certes, c’est satisfaisant de prime abord, mais ce qui est transmis initialement ne doit pas être l’alpha et l’oméga du maître de cérémonie, mais seulement une clé que sa créativité, conjuguée aux exigences des familles, va permettre de rendre l’instant solennel qu’est celui du cérémonial unique. Il n’y a pas bien sûr de recettes toutes faites et le plus grand danger est de laisser la routine s’installer dans nos vies comme dans nos métiers. La facilité n’est pas la bienvenue. En laissant ce manque d’imagination prendre le pouvoir, nous créons un monde qui ne sera que le reflet amplifié de ces carences malsaines.

La banalité ne doit pas faire partie de notre profession, tout simplement parce que celle-ci n’est pas banale. Elle est unique, irremplaçable, essentielle, sensible. L’application de recettes toutes faites, souvent peu imaginatives et manquant de sens réel, ne peut qu’être préjudiciable, non seulement pour nos entreprises, mais également pour les familles qu’elles sont censées réconforter et servir. Peut-être est-il grand temps de se mettre autour d’une table et de jeter des ponts au profit d’une vision qui se fait rare… l’innovation durable.
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
La vérité est-elle une opinion ?

À notre époque contemporaine où la diffusion des images, des écrits et des paroles est devenue planétaire et en temps réel, se pose inévitablement la question de savoir ce qui est vrai ou pas dans cette avalanche de données quotidiennes que nos esprits se doivent d’assimiler plus ou moins correctement. À bien y regarder, la vérité est beaucoup plus subtile qu’il n’y paraît. Un courant de pensée, "le réalisme", suggère que celle-ci est la conformité de la pensée à la réalité objective, celle de l’extérieur. Par exemple, si nous disons que la mer est bleue à ce moment précis et qu’effectivement elle est bleue, alors l’énoncé est conforme au réel.

Un autre courant de pensée, "l’idéalisme", dit que la vérité est la conformité à l’idée de la chose. Pour Platon, chaque chose est une copie imparfaite d’une idée qui existe indépendamment de cette chose. Pour déterminer le vrai, il faut s’attacher à l’idée et non à sa représentation.

Aujourd’hui, l’ultra-médiatisation symbolisée par les réseaux sociaux diffuse essentiellement ce qu’il est convenu de définir comme étant des opinions. Elles sont une forme de vérité, mais valables uniquement pour celui qui les diffuse. Ce sont donc des opinions personnelles qui sont reçues par la planète entière qui l’interprète "a priori" à tort comme étant des exactitudes. La réception de ces messages doit faire l’objet non pas d’une lecture rapide, mais bien d’une analyse réfléchie avec des éléments de comparaison. Malheureusement, notre ère de consommation nous fait digérer cette multitude de données le plus souvent sans réfléchir, ayant pour résultat de produire une retransmission falsifiée de ces opinions. L’exemple de la vaccination est aujourd’hui flagrant pour comprendre que bon nombre des "vérités" assénées peuvent n’être que des reflets falsifiés d’un énoncé scientifique totalement différent.

Alors, qu’en est-il de la vérité, et comment la discerner ? Deux écoles sont en présence : "l’empirisme" dit que celle-ci ne peut venir que de l’expérience, alors que le "rationalisme" affirme qu’elle est rattachée à la raison, démontrant par cela qu’il y aurait des vérités universelles indépendantes de l’expérience. Le philosophe Kant fut le porte-drapeau de ce courant par trois ouvrages restés célèbres : "Critique de la raison pure, de la raison pratique, de la faculté de juger".

Pour bien comprendre les messages qui nous sont adressés, il faut peut-être convenir que ces propos ne sont que de simples positions personnelles, et donc sujettes à caution. Ce ne sont pas des vérités universelles. Lorsqu’une personne vous assène des articles de loi à tout bout de champ, ce n’est pas pour autant un avocat. Platon, avec raison, nous semble-t-il, affirme que "l’opinion est un intermédiaire entre la connaissance et l’ignorance". Platon aurait dû connaître les réseaux sociaux, il s’en serait délecté à coup sûr.

Au concept de vérité, opposons donc celui de relativité. Introduisons le "vraisemblable" dans nos raisonnements avant de nous forger un sentiment que nous relayons comme étant une évidence. Prenons le temps de relire "Allégorie de la caverne". Ce récit présente le rapport illusoire des hommes avec la vérité en la confondant avec ce qu’ils perçoivent et pensent connaître, c’est-à-dire : l’opinion. Intéressant, non ? Pour tirer une leçon de cette réflexion rapide, prenons avant tout conscience en toute humilité de notre ignorance, ainsi nous formerons un rempart contre le dogmatisme qui se profile derrière cette avalanche d’inexactitudes, préméditées ou non.

Chaque jour, les opérateurs funéraires sont confrontés à une vérité universelle : la vie et la mort. Celle-ci, irréfragable, appelle à la réflexion, mais surtout à la prudence. La parole peut parfois se révéler dangereuse, manipulatrice, créatrice de dogmes funestes.

Alors que la vérité est une lumière morale que nous devons entretenir, par honnêteté, par respect des autres et de nous-mêmes. Elle nous apportera des certitudes immobiles et rassurantes, et en cela nous désirons du vrai, pur et sans taches. Commençons donc par une certitude en forme de postulat, à l’instar de Socrate : "Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien."
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
Le principe de précaution est-il une forme de domination ?

Depuis près d’un an et demi, la crise sanitaire engendrée par la pandémie de la Covid-19 a mis en lumière un certain nombre d’effets secondaires aussi inattendus qu’indésirables. Certes, nous avons tous conscience qu’un État se doit de garantir la sécurité et la santé de ses citoyens, pour autant la frontière entre les mesures adoptées et l’autoritarisme est particulièrement fine, ce qui fait dire à certains amateurs de théories complotistes que nous sommes désormais en "démocrature".

Loin de nous cette pensée mais observons tout de même que ce que nous définissons comme l’aune d’une société du contrôle n’est autre que le reflet du collier que nous nous sommes mis autour du cou nous-mêmes depuis belle lurette. Nous sommes tous majoritairement des adeptes des nouvelles technologies. Cela s’évalue par l’usage intensif que nous avons de nos smartphones et autres ordinateurs portables ou non. Nos cartes bancaires sont autant de fils à la patte que la reconnaissance faciale qui remplit de nos visages les disques durs des sociétés de sécurité de nos hypermarchés sous surveillance. Il fallait bien un jour se réveiller et c’est sans aucun doute ce que nous faisons actuellement en réaction à certaines mesures restrictives mises en œuvre par les gouvernements européens ou autres.

Faut-il pour autant passer d’un extrême à l’autre ? Pas nécessairement car, dans toute chose, nous devons conserver le sens de la mesure et de la relativité. La mise en place d’un "pass sanitaire" n’a pour vocation que de nous préserver, autant que possible, d’une contamination aux conséquences sévères. Ce n’est pas en réalité la fin du monde ni celle de nos libertés. C’est au contraire la préservation de celles-ci, de notre santé aussi pour ne pas finir en salle de réanimation avec un pronostic vital engagé… Et ne pas devenir le relais tacite de cette pandémie pour nos proches, tout en restant éveillé devant une réalité funeste à laquelle nous pouvons faire obstacle.

Au cœur de la crise du sida des années quatre-vingt, l’usage du préservatif s’est imposé comme le moyen de prévention le plus efficace "… qui préserve de tout sauf de l’amour". L’usage du vaccin contre la rage, développé par Pasteur, a sauvé des centaines de milliers de vies sans pour autant déchaîner un tollé médiatique, idem de la variole, la coqueluche, la poliomyélite. Souvenons-nous de la crise du sang contaminé et des drames engendrés. Le principe de précaution, aujourd’hui ancré dans notre culture, est un fondement philosophique qui a pour but de mettre en place des mesures pour prévenir des risques, lorsque la science et les connaissances techniques ne sont pas à même de fournir des certitudes, principalement dans le domaine de l’environnement et de la santé.

Dès son introduction en droit français, celui-ci comportait un certain nombre de caractéristiques originales : il devait permettre de prévenir un risque de dommages, alors même que ce risque n’était qu’hypothétique, ce qui distinguait la précaution de la prévention, les dommages à l’environnement. D’une culture de la réparation toujours traumatisante apparaît désormais celle préventive du risque. Bien entendu, l’émergence d’une crise au niveau d’un État aussi bien qu’au niveau d’une entreprise impose un certain nombre de règles de pilotage qui apparaissent déroutantes pour le profane. La prévention n’est pas une science exacte car elle explore souvent des territoires inconnus.

Afin de traverser cette période de pandémie au mieux de nos intérêts matériels et moraux, il convient donc de faire l’impasse sur notre esprit gaulois et individualiste pour faire face "ensemble" à la gravité de l’épisode. La profession funéraire sait de quoi elle parle car les familles reçues traversent toutes ces temps de crise où les certitudes sont mises à rude épreuve, où doivent s’instaurer la confiance et la loyauté. Tout cela, nous le maîtrisons parfaitement car il s’agit de nos quotidiens professionnels et humains. Alors, oublions ces théories complotistes et agissons une fois de plus dans la perspective de l’intérêt général et du bien commun. Nous savons si bien le faire…
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
La gifle

Nous n’avons pas pour habitude de traiter à chaud des sujets d’actualité. Néanmoins, certains épisodes méritent réflexion du fait de leur gravité et de l’impact sur notre société. Un Président de la République française giflé lors d’un bain de foule est le reflet d’une dérive dangereuse vers laquelle notre société semble se propulser de jour en jour.

Quoi que l’on pense de l’homme, il est investi d’une fonction aux lourdes responsabilités et conduit, pour un temps, les destinées de notre nation. Chacun a le droit de manifester son désaccord avec la politique conduite, personne ne peut s’arroger le droit de le faire savoir par un geste violent suscitant la réprobation unanime de la classe politique. Nous avons la grande chance de pouvoir vivre et évoluer dans un pays où la liberté de pensée et de parole assure le citoyen d’une capacité d’expression que peu de pays au monde peuvent revendiquer.

Le ciment fédérateur de cette liberté démocratique a pour composante le respect des autres et de soi-même. Pour le coup, ce monsieur a dû sécher ses cours d’instruction civique et nous fait la démonstration que, si celui-ci se perd, la bêtise et l’arrogance semblent avoir de beaux jours devant elle.

Mais, qu’est-ce que le respect ?

Ce mot vient du latin "respectus", qui signifie égard, considération. Respecter quelqu’un c’est faire attention à ce qu’il peut ressentir, avoir de l’estime pour lui, accepter ses différences, même si ça fait peur, même si on ne l’aime pas, même si on n’est pas d’accord avec lui ou avec ses idées. Une citation célèbre d’Antoine de Saint-Exupéry nous interpelle : "Si tu diffères de moi, Frère, loin de me léser, tu m’enrichis…" Une telle grandeur d’âme, un tel appel à l’écoute et au partage porte à la méditation… et à la révérence.

Pour le philosophe Kant, il est le sentiment moral par excellence, car c’est ce que nous sommes enclins à respecter en rapport au bien moral. Il a sa source dans le jugement de la raison et il est l’effet, dans la sensibilité, de la loi morale que représente la raison. Kant s’explique clairement dans les fondements de "La Métaphysique des mœurs" (1785), une époque fondatrice d’une nouvelle approche des gouvernances en général et de la dimension humaine en particulier.
En effet, le respect a une vocation sociale prépondérante, il sert à favoriser un climat harmonieux au sein d’un groupe, d’une famille ou d’une société. Il nourrit la bienveillance envers toute personne et toute chose, et ce, quel que soit le moment, l’humeur, le lieu, l’individu ou l’objet. Il incite à ne pas faire de mal à qui et à quoi que ce soit. Le respect mutuel est la base d’une bonne communication, d’une bonne collaboration, la base de la confiance en soi et de l’estime de soi. Celui-ci encourage l’autonomie et la responsabilisation mais, surtout, il permet de prendre conscience de ses propres différences avec les autres. La diversité ne doit pas être vécue comme une menace, mais comme une promesse d’échanges avec d’autres cultures, d’autres opinions, d’autres économies, d’autres savoir-faire.

Dans nos entreprises, nous œuvrons chaque jour à la manifestation du respect, non seulement celui ultime dû à la personne disparue, mais aussi celui dû à sa famille, au rituel funéraire qui est le sien, à ses proches venus l’accompagner. Le respect est consubstantiel de notre démarche professionnelle et humaine, il est la manifestation humaniste de nos convictions, de nos vocations.

Aussi, lorsque nous assistons à un tel spectacle, souvenons-nous d’une citation de Blaise Pascal : "Le respect de la personne humaine se fonde sur son caractère irremplaçable", et sur le fait qu’en France, on peut traiter tout le monde d’imbécile, tant qu’on le fait avec égards. Apparemment, ce monsieur va avoir un peu de temps pour intégrer cette nouvelle dimension.
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
Le silence

Dans de nombreuses cérémonies, il est presque devenu un rituel que de demander "le silence", cette fameuse minute qui serait alors comme une communion de l’assistance, une manifestation de respect, comme si cela devait démontrer à quel point l’objet de cette minute d’absence de bruit résumait une vie et marquait la séparation entre le monde des vivants et celui des défunts. Le silence absolu est une illusion, car quasiment impossible à obtenir, sauf à être dans une chambre sourde qui occulte tous les sons, mais vous renvoie à vos propres battements de cœur ou votre respiration. Où que nous soyons, il y a toujours une présence sonore, que ce soit le vent dans les feuillages ou les vagues mourantes sur la plage, comme d’infimes témoins de vie. Les seuls qui ne font pas de bruit sont ceux que nous accompagnons pour leur dernier voyage.

Le silence a cependant des vertus. Il favorise la concentration, mais également le détachement, appelé alors "méditation". Il nous renvoie à nous-même, nous permet d’affronter nos contradictions voire nos peurs, en toute sérénité et conscience. Il a un effet apaisant en diminuant le niveau de l’hormone du stress, le cortisol. La pratique de la méditation est aussi ancienne que le monde, se traduisant de différentes façons selon les courants religieux. L’étude contemporaine des neurosciences met en lumière les effets positifs du silence, comme la créativité, mais aussi l’écoute, ce qui peut sembler paradoxal.

La méditation favorise également le développement d’un troisième réseau, celui de la "saillance", parfois appelé "réseau réticulé activateur", qui réoriente l’activité mentale vers ce qui est important. Ainsi, faire silence peut se révéler en certaines circonstances une fantastique manifestation de réprobation face à un gouvernant. Dans l’épisode du retour de Varennes de Louis XVI en 1791, celui demandé au peuple au passage du roi fugitif marque un renversement de la hiérarchie politique. S’abstenir d’acclamer le roi fut un acte de censure : "Le silence du peuple est la leçon des rois", a-t-on coutume de dire depuis.

Il peut aussi en certaines circonstances être une manifestation de déni. Un accusé mis en cause devant des preuves formelles de son crime se mure dans le silence. En psychanalyse, il est parfois considéré comme une forme d’autocensure. Une thérapie fondée sur la parole est alors proposée dans laquelle l’absence de celle-ci est une des expressions de la résistance inconsciente de l’analysant à l’évolution thérapeutique. Le silence et le bruit sont le ying et le yang de nos existences. Des manifestations tellement contraires, et pourtant si semblablement familières.

En musique, il est, comme dans une conversation, une forme de ponctuation, une pause ou un soupir qui va contraster le propos, lui donner une forme de relief, une couleur particulière. Sacha Guitry soulignait avec le talent et le phrasé si spécial qu’on lui connaît : "Ô privilège du génie ! Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui".

En conclusion, ayons en mémoire les leçons apprises de ceux qui nous ont précédés et qui pour certaines d’entre elles insistaient sur cette précaution : "Avant de parler, tourne ta langue sept fois dans ta bouche", une façon d’observer et d’apprécier le silence avant de le rompre… Souvent une méditation salutaire permettant ensuite de contribuer à un dialogue de façon enrichissante, précise et pertinente… En évitant que nos paroles se résument à un bruit inconsidéré mais que celles-ci deviennent, à juste titre, la plus belle musique de nos âmes.
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
Le sacré et le profane, affaire de spiritualité ?

Parler du sacré et du profane en quelques lignes est certes très ambitieux, aussi tenterons-nous de rester simple dans nos propos et audible pour tous. Si nous parlons de ces deux notions aujourd’hui, c’est tout simplement parce qu’elles font partie de nos quotidiens professionnels et que, ce faisant, elles nous renvoient à nos pensées les plus intimes, craintes ou espérances selon nos humeurs. La conduite d’une cérémonie d’hommage revêt un caractère sacré, même si elle est d’essence laïque. La laïcité n’empêche pas la spiritualité, et, si l’on se penche sur l’étymologie du mot "sacré", on s’aperçoit que son périmètre est beaucoup plus vaste qu’il n’y paraît de prime abord. Ce mot vient du latin "sacer", qui désigne ce qui est saint et, par extension, renvoie à ce qui a vocation à être respecté, protégé, sanctuarisé… et vénéré. L’adjectif "profane" – son contraire et d’une certaine façon son frère jumeau – vient du latin "pro fanum", qui signifie "en dehors du temple".

Quelques millénaires d’histoire se chargeront de creuser le fossé entre ces deux conceptions, ce qui nous renvoie à sa position d’un point de vue philosophique : cette dernière notion se définit par opposition à celle de sacré : est profane tout ce qui n’est pas sacré. Elle est définie dans un groupe humain fondé sur une initiation ou une révélation.

Et la spiritualité, dans tout ça ? Reconnaissons que celle-ci revêt des costumes différents selon le contexte et l’usage que l’on veut bien lui prêter. Est-ce pour autant un terme fourre-tout, un alibi en réaction aux dogmes religieux ? Ce serait un raccourci facile, qu’il faut éviter. L’ère post-moderne occidentale a bouleversé bon nombre de principes millénaires, notamment le fait religieux en France. La remise en cause de la séparation de l’Église et de l’État par certains, le refus de la soumission religieuse par d’autres, la propagation des moyens de communication numérique, la découverte de philosophies non occidentales font que l’homme moderne ne sait plus toujours où se tourner, se cherchant des clones préfabriqués auxquels il pourrait adhérer, comme le consommateur infidèle qu’il devient parfois.

Bien comprise, la spiritualité est fondée sur la notion plus large de "l’expérience intérieure" ou de la croyance. Pour le philosophe Kant, le discours devrait toujours faire référence à une expérience possible et ne jamais spéculer sur du vide. La philosophie concerne donc plutôt la "pensée", là où la spiritualité s’intéresse à "l’esprit", dans le sens spiritualiste du terme. Celle-ci est une notion valide aussi longtemps qu’elle ne fait pas "référence à des croyances, religieuses ou autres", et qu’elle se définit comme "l’incidence de la vérité sur le sujet".

Dans le contexte funéraire que nous connaissons bien, il est grand temps d’admettre que les familles ne se satisfont plus vraiment de pseudo-rituels qui mixent et singent le fait religieux quel qu’il soit, et qu’elles sont en recherche de moyens d’expression qui révèlent ce qu’est ou ce qu’a été leur existence. L’art subtil et sensible de l’opérateur va consister à mettre en œuvre des réponses et des moyens qui traduisent ces espérances, en réalité des exigences intimes.

La réflexion qui s’engage est profonde et essentielle. Sortir des sentiers rebattus du confort douillet du conformisme est toujours un exercice compliqué qui demande du temps, une introspection critique qui peut ne pas être agréable, mais qui finalement doit déboucher sur une nouvelle lecture de nos pratiques. Cela passe notamment par remettre au centre du dispositif l’humain dans toutes ses dimensions. Le temps est peut-être venu, pourquoi pas, de s’attacher des conseillers philosophiques pour éclairer nos pas ?
 
Maud Batut
Rédactrice en chef

Résonance n° 169 - Avril 2020
Devoir d’intégrité, devoir de dignité

Par les temps qui courent l’intégrité ne frappe pas à toutes les portes, c’est en tout cas une réflexion générale dont le pessimisme reflète assez bien le climat ambiant baignant dans une atmosphère covidienne des plus prononcées. Essayons dans ces quelques lignes de remettre l’église au centre du village et apportons un regard positif à ce qui reste un noble sentiment dont la définition est souvent dévoyée de son sens originel.

L’intégrité se définit comme une valeur morale qui sert de référence et guide nos choix et nos actions. Elle désigne aussi la capacité d’une personne à respecter ses engagements et ses principes, malgré parfois des pressions contraires. En tant que concept moral, celle-ci est associée à l’honnêteté ou à la probité. La considération de l’intégrité morale de la personne comporte de nombreuses composantes, dont celle qui a donné lieu à la jurisprudence la plus abondante, à savoir le droit au respect de la vie privée.

La loi du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens fut une consécration doctrinale et jurisprudentielle de celui de respecter la vie privée. Ce texte suppose un droit subjectif, inséré à l’article 9 du Code civil, et constitue la première apparition d’un droit de la personnalité stipulé dans ce Code. Le respect de la personne marque donc une étape essentielle dans nos relations sociales et professionnelles. Quelles que soient les circonstances, la personne privée est au centre des débats. Le respect de celle-ci, de ses opinions, de son physique, de sa volonté, de sa santé, de son identité confessionnelle ou laïque, de ses opinions politiques… l’intégrité en somme… qui devient la colonne vertébrale de l’existence d’un individu au sein d’une société.

Le problème vient toujours des visions exacerbées que l’on peut avoir d’un simple nom. Par exemple de ce nom féminin aux vertus nobles et morales de probité, témoignant d’une rigoureuse honnêteté, on en arrive parfois à accoler un suffixe qui remet en cause la vision généreuse que l’on peut en avoir. "L’intégrité" devient "l’intégrisme" et cette vision du monde, qu’elle soit religieuse, économique, politique ou sociale… se distingue du fondamentalisme. Ce terme "intégrisme" peut désigner plus généralement toute attitude doctrinale de conservatisme intransigeant et c’est pour cela qu’il s’accole parfaitement avec de très nombreux domaines de la société. Le champ sémantique du vocable s’est ainsi étendu dans des usages impropres désormais répandus, et souvent à connotation péjorative.

Plus que jamais, il est donc bon de se concentrer sur les valeurs morales essentielles qui sont censées nous unir plutôt que de nous diviser. L’intégrité n’est pas une convenance personnelle, elle est une vertu, un repère, un but en constante redéfinition auquel nous devons, en tant que personnes physiques ou morales, consacrer tous nos efforts afin d’en tirer honneur et contentement. In fine, l’intégrité est aussi un devoir de dignité. Et celle-ci n’est bien sûr pas négociable. Elle doit donc s’appliquer à tous les niveaux de l’entreprise, que l’on soit dirigeant ou salarié. Qu’il s’agisse notamment de politique d’achat, d’accompagnement des familles, de santé, de sécurité et de conditions de travail, l’intégrité se traduit par la loyauté, le respect et la dignité que nous devons aux autres mais également à nous-mêmes.

Ainsi, avant de porter un quelconque jugement sur une situation ou une personne, prenons le temps de la réflexion, de la sagesse et de l’humilité. Gardons-nous d’appréciations péremptoires, car nous pourrions très bien nous retrouver un jour également sur la sellette de façon inappropriée. Quelles seraient alors les pensées de nos relations sociales et professionnelles envers nous ? Qu’aimerions-nous recevoir en témoignage ? Notre image de professionnels se construit en tout premier lieu par l’édification de ce que nous sommes en tant que personnes. Nos interlocuteurs pour la plupart auront toujours tendance à nous renvoyer l’image que nous leur émettons. L’intégrité est donc une boussole de savoir-être au service de nos différents savoir-faire. Ayons l’intelligence de ne pas l’oublier et consultons-la sans relâche. Un faux pas est si vite arrivé.
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
Le conformisme est-il devenu la norme ?

À bien analyser le discours de nombreuses enseignes commerciales, et pas nécessairement des enseignes funéraires, on prend conscience d’une banalisation du langage. Prenons un exemple simple : l’information. Relayée médiatiquement par le jeu bien connu des copier-coller, l’actualité devient rapidement obsolète, périssable, avec une date de fraîcheur de seulement quelques heures.

Cette expression d’une forme de la pensée unique a pour nom "le conformisme", un processus d’influence sociale par lequel une personne ou un groupe est conduit à aligner ses propres perceptions, croyances ou comportements sur ceux d’un ensemble d’autres personnes.

La bonne question à se poser est de savoir pourquoi nous nous conformons aux normes sociales au point d’en oublier nos individualités ? L’individu se conforme avant tout pour éviter le conflit qui peut surgir de la manifestation de deux opinions différentes. Sur ce point précis, il faut oublier les notions de majorité ou de minorité. Votre environnement social immédiat, même si sa pensée est minoritaire pour le plus grand nombre, peut conditionner ce réflexe de survie sociale qu’est le conformisme.
En bref, vous "mettez un mouchoir sur vos propres opinions". Vision certes à court terme mais qui ne vous exonère pas de vos pensées intimes sur le sujet et, bien entendu, de votre petite voix dans la tête qui vous reproche votre lâcheté sociale.

La faiblesse de circonstance est une chose, la stratégie en est une autre. Vous pouvez très bien vous conformer à l’opinion du groupe afin d’éviter des sanctions mais également pour conforter votre position sociale dans celui-ci… Ce conformisme qualifié "d’utilitaire" n’atteint pas les croyances profondes de l’individu, cette orthodoxie de façade n’est qu’une tenue de camouflage qui vous permet d’atteindre ou de vous rapprocher des buts que vous vous êtes fixés. Cependant, les gens ont besoin de se sentir uniques : chacun veut se distinguer dans la masse en tant que citoyen meilleur par rapport à la moyenne, pour augmenter le sentiment de bien-être personnel. Ce sentiment porte un nom : la réactance.

D’une certaine façon, notre profession a besoin de cette forme de réactance, et appelons un chat un chat : d’anticonformisme créateur. C’est dans la critique objective des modèles de société qui nous sont imposés que se trouve la troisième voie, celle de la création libératrice et, somme toute, du progrès. Aujourd’hui, nous assistons à des cérémonies funéraires qui sont majoritairement stéréotypées, avec les mêmes clichés imposés comme des rituels alors que ce ne sont que des ersatz émotionnels.

Peut-être le temps est-il venu de penser différemment, de remettre en cause un certain nombre de certitudes, de s’attaquer aux racines du problème où la facilité, pour ne pas dire la paresse intellectuelle, tient le haut du pavé ; et de donner la parole aux sociologues et aux philosophes pour oser l’âge du "faire". Ne péchons pas par modestie immodérée, nous possédons en nous les ressources pour entreprendre cette révolution spirituelle et, à franchement parler, nous sommes aux premières loges en tant qu’initiateurs et acteurs.

Plus un être humain se sent compétent pour effectuer une tâche, moins il se conforme au groupe. Ce postulat a été mis en évidence notamment par deux sociologues, Worchel et Cooper. N’oublions donc jamais que si les groupes façonnent et socialisent les individus en leur imprimant un mode de faire et de penser, ceux-ci sont néanmoins composés d’individualités.

C’est aujourd’hui à la puissance créative des individus qu’il faut faire appel afin de retracer des perspectives qui renvoient le panurgisme ambiant aux oubliettes de l’histoire. Affichons nos intelligences, nos ambitions, notre anticonformisme, notre capacité de faire et créons enfin un environnement qui inspire au lieu d’anesthésier… Réveillons-nous !
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
Civisme et solidarité, des valeurs aux actes

En ces temps incertains où la pandémie occupe le centre de nos préoccupations quotidiennes, il est beaucoup question de l’opinion des Français, à grands coups d’éditoriaux. Nous ne céderons pas à la tentation statistique mais nous saluerons au contraire les grands vainqueurs de cet épisode, contre toute attente… le civisme et la solidarité.

Solidarité : Notre personnage central (femme ou homme) est un être solidaire, attaché à un projet commun où le partage s’impose. N’oublions pas que la France est le pays des Restos du Cœur, du Téléthon et de bien d’autres actions toutes plus louables les unes que les autres. Cette posture solidaire est une ouverture à autrui et elle illustre parfaitement le principe républicain de fraternité. Ces temps troublés confirment cet attachement généreux et sensible qui caractérise le français souvent considéré pourtant comme un individualiste patent.

Civisme : Cette valeur "impose" au citoyen de respecter et de faire respecter les lois et les règles en vigueur. Cette prise de conscience éveille l’individu à la prise en compte de ses devoirs envers la société. Cette conscience est constitutive du respect des autres et de soi-même, de son environnement, de ses codes de vie, d’un ensemble de normes sociales qui n’existent que pour réguler la vie en groupe. Les clés de l’évolution et de la transformation sont en résumé un savant dosage de civisme et de solidarité.

On parle beaucoup de citoyenneté mais il convient de ne pas mélanger les genres. Celle-ci n’exprime que la condition du citoyen a contrario du civisme qui exprime la condition du citoyen conscient de ses devoirs. Ainsi, lorsque vous entendrez à nouveau des propos où il est question "d’actions citoyennes", veillez à remplacer ce dernier mot par "civiques", vous serez alors plus proches de la réalité.

Notre profession est justement un savant dosage de solidarité et de civisme. La très grande majorité des opérateurs et acteurs de la filière professionnelle du funéraire, possèdent une conscience aiguë de ce qu’est la solidarité, ne serait-ce que par sa pratique quotidienne de la souffrance des familles et de l’empathie qu’elle provoque même aux plus endurcis.

Le civisme est également au cœur de nos actes. La connaissance des textes législatifs et réglementaires, et notamment leur diffusion auprès des familles, mais également la prise en compte des droits et des devoirs en situation de crise… beaucoup d’entre vous se reconnaîtront dans cette esquisse. À l’heure de la Covid-19, il semblerait que la course au profit ralentisse quelque peu au bénéfice d’un intérêt général et d’un bien commun nettement plus humaniste que les cours de la Bourse.

Méditons sur cette tradition civique qui affirme également que "l’homme est un animal politique". Morale de l’histoire, il n’y a pas de logos sans Philia (on ne peut penser et parler seul). Le civisme n’est que la capacité politique qui permet à l’homme de penser avec son semblable. Même s’il a été supplanté par le terme de "citoyenneté", notre époque et la communauté dans laquelle nous évoluons nous imprègnent profondément et nous n’échappons pas à la règle.

"L’art qui s’occupe de l’âme s’appelle politique" citait Platon dans le Gorgias, et c’est bien là notre vocation à toutes et à tous, prendre soin des âmes des vivants mais également des corps des disparus. C’est bien cette prise en compte des plus humanistes - et hautement politique - qui est le ciment de notre activité. Quels que soient les environnements, les circonstances et les contextes ponctuels ou récurrents, nous sommes toujours bien présents et discrets, opératifs et dévoués pour transmettre à ceux qui restent, ce supplément d’âme qui fait tout l’honneur et toute la singularité de nos métiers. Nous sommes femmes et hommes politiques !
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
La fidélité est-elle un dilemme ?

La fidélité n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît, tant d’un point de vue théorique que pratique. Étymologiquement, celle-ci s’appelle ainsi parce qu’on fait ce qu’on a dit et "cochon qui s’en dédit". L’engagement contracté - qu’il soit relation commerciale, adhésion à un concept, à un réseau, etc. - se doit donc d’être inamovible ou du moins constant dans la durée déterminée préalablement.
La fidélité est un devoir qui nous oblige non seulement à être mais aussi à rester quoi qu’il arrive attaché à l’obligation et/ou la convention souscrites. Elle suppose que l’on se fasse violence pour rester fidèle à ce que l’on aime, à nos devoirs, à ceux en qui nous avons confiance, en qui nous avons foi.
 
Les mots latins fides (foi) et foedus (pacte, accord, alliance) proviennent d’une même racine indo-européenne, "beidh", qui a donné également en grec "pistis" et qui suggère d’une manière générale l’idée de confiance. Du fait que cette dernière se donne et se reçoit, la valeur du mot "foi" oscille entre le sens actif de "faire confiance" (avoir foi, avoir la foi) et le sens passif d’"inspirer confiance" (faire foi, être digne de foi, jouir d’un crédit, être fiable). D’où la possibilité d’une fidélité construite sur une vraie confiance.
 
Malheureusement, l’évolution des mœurs nous fait distinguer aujourd’hui la fidélité de la foi. Les raccourcis de langage tels que "ma foi" ou encore "sur ma foi" n’ont plus cours mais d’autres reprennent vigueur tels que "digne de foi" ou un écrit qui "fait foi" ou encore un "témoignage fidèle".
 
La fidélité est aussi une rectitude qui s’impose comme une vérité mais, avouons-le, celle-ci peut revêtir parfois les habits du dilemme, cet argument présentant au choix deux propositions dont l’une est nécessairement vraie si l’autre est fausse, et qui conduisent à une même solution, laquelle s’impose donc de manière absolue notamment en matière de logique formelle.
 
Dans les débats contemporains, il est souvent question de dilemmes éthiques ou moraux, qu’on appelle également "conflits de valeurs", situations où les vertus et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles. Il faut donc choisir entre deux actions différentes qui s’excluent mutuellement. Il s’agit d’une alternative éthique quand le choix effectué entraîne des conséquences sérieuses, positives ou négatives, pour le décideur et pour autrui. Intervient alors le concept de fidélité dans la décision finale.
 
À chaque instant de notre vie privée ou professionnelle, nous sommes confrontés à des choix. Certains sont simples d’autres se révèlent complexes et souvent lourds de conséquences. Alors comment effectuer ces choix si ce n’est en faisant appel à la raison, notre raison, notre capacité bien humaine à prendre une décision qui engage, qui sera l’expression de notre convenance personnelle, bref une décision qui sera morale à nos yeux. Le devoir de fidélité à nous-mêmes est donc cette obligation qui nous est faite non seulement d’être mais, bien plus, de rester attachés à nos affections et à nos devoirs.
 
Ainsi, en toutes choses, restons fidèles aux origines, à ce que nous sommes, à nous-mêmes ainsi qu’à notre image. "Je suis ce que je suis, je suis celui qui suis, je suis…"
 
Maud Batut
Rédactrice en chef
Homo confinatus, solitude 2.0 ?

Le confinement est de retour alors que nous espérions en avoir fini avec le virus. Vains espoirs, à tel point que si nous sommes dans la version 2 de cet isolement protecteur, tout laisse à penser qu’il y aura peut-être au printemps une version 3… en attendant le vaccin sauveur. Devenir ermite au XXIe siècle ne s’apparente que de très loin à ce que peuvent vivre les pères Chartreux au sein de leur monastère au cœur du Dauphiné. L’une des prières qui rythme notre journée est celle qui concerne le désir impérieux d’une connexion Internet efficiente pour bénéficier de la dernière série visionnée sur le câble pour tuer le temps. Or, ne tuez pas le temps, car celui-ci vous le rendra bien, en définitive.

De tous les biens que nous possédons, le temps est le seul dont on puisse se montrer avare. Personne cependant ne poussa ce penchant plus loin que Pline, le naturaliste. "Il se faisait faire la lecture étant à table, suivant l’usage des anciens. Un de ses convives arrêta un jour le lecteur sur une prononciation défectueuse et lui fit répéter le mot, ce qui suspendit la lecture. - N’aviez-vous pas compris la chose, lui dit Pline ? L’autre en étant convenu. Pourquoi donc, continua-t-il, l’avoir fait répéter ? Nous perdons au moins dix lignes à cette interruption."

Faisons donc contre fortune bon cœur et, pour ceux qui ne peuvent être en télétravail, peut-être est-il le temps de méditer sur son propre sort et d’en tirer a minima des aspects positifs. Paradoxalement, c’est le philosophe Schopenhauer, pourtant peu enclin à l’optimisme, qui ouvre les portes d’une pensée réconfortante : "On ne peut être vraiment soi qu’aussi longtemps qu’on est seul ; qui n’aime donc pas la solitude n’aime pas la liberté, car on n’est libre qu’étant seul. Toute société a pour compagne inséparable la contrainte et réclame des sacrifices qui coûtent d’autant plus cher que la propre individualité est plus marquante. Par conséquent, chacun fuira, supportera ou chérira la solitude en proportion exacte de la valeur de son propre moi. Car c’est là que le mesquin sent toute sa mesquinerie et le grand esprit toute sa grandeur."

Ce confinement que nous subissons modifie durablement nos habitudes de travail pour en redéfinir les fondamentaux. Le présentiel n’est plus l’alpha et l’oméga de l’employeur, bien au contraire, ayons-en pour preuve l’immobilier d’entreprise qui en subit déjà les contrecoups. Plus révélateur, l’outil informatique devient subitement le révélateur essentiel de l’efficience du salarié à son poste de travail. Pointeuse permanente, votre ordinateur sait tout de vous, de vos actions, de vos visites sur tel ou tel site, et peut définir un profil que, jusqu’à présent, seul votre banquier était en mesure d’approcher. Si d’aucuns s’interrogent sur le "monde d’après", sachez que nous y sommes déjà immergés jusqu’au cou et que nous ne mesurons pas encore précisément quelle sera l’emprise de ce nouvel univers sur nos vies professionnelles, mais également privées.

Pour les entreprises, un nouveau modèle économique est en création et nos réflexions doivent se porter sur la mise en œuvre d’une posture qui puisse à la fois satisfaire les familles en deuil et être porteuse d’une sécurité préservée de nos personnels. Des espaces, telles les cérémonies, doivent être réinvestis à l’aune de cette nouvelle ère numérique. La technologie aujourd’hui est accessible au plus grand nombre et met le bout du monde à notre portée sur un Smartphone. Des arguments qui tendraient à démontrer que "ça ne marchera jamais" sont dûs souvent à de l’ignorance et/ou à de la résistance au changement. L’imagination reprend le pouvoir désormais et vous êtes depuis longue date des femmes et des hommes d’initiative. Cette époque troublée n’est en réalité qu’une fantastique opportunité de prendre des avantages concurrentiels et de faire évoluer des postures anciennes. Si subir ne demande aucun effort, agir vaut mieux que subir, soyez-en convaincus une nouvelle fois.
 
Maud Batut
Rédactrice en chef

Résonance n°165 - Novembre 2020
Au cœur de la crise se situe l’opportunité

"Un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l’opportunité dans chaque difficulté." Quelle belle école de la vie suggère cette citation attribuée de façon apocryphe à Einstein. La crise suppose le danger et la gestion de celui-ci diffère selon nos propres filtres ; en un mot, nous introduisons dans la boucle un sentiment puissant : la peur. Chacun d’entre nous va se révéler en traversant cette période de crise. Nos forces, mais également nos faiblesses, vont s’imposer à nous comme autant de facteurs sur lesquels nous allons influer, non pas pour tenter de les modifier, mais plutôt pour les accepter en tant que tels et remettre en cause la perception que nous avons des événements.
La peur n’écarte pas le danger, alors il ne sert à rien d’avoir peur, dit le marin à l’approche de la tempête. Sur cette lapalissade se révèle un bon sens commun dont l’aspect philosophique n’échappera à personne. Face à la peur, le lâcher-prise s’impose pour retrouver la lucidité nécessaire à la compréhension et à l’adaptation à la situation nouvelle. Pour s’imprégner de ces pensées philosophiques, il convient de se tourner vers trois grands courants de pensée : les stoïciens, les épicuriens et les cyniques. Vous ne trouverez pas dans leur lecture de quoi éliminer les maux qui vous tourmentent mais, a contrario, de quoi les combattre, et surtout de quoi réduire les nuisances collatérales de ces peurs.
Souvenons-nous de cette citation d’Épictète : "il y a des choses qui dépendent de nous et il y a des choses qui n’en dépendent pas". Une fois que vous avez intégré ce principe, vous pouvez considérer que vous êtes déjà sur la voie de la sagesse. À cette réflexion profonde, vous conjuguerez d’autres facteurs essentiels pour faire de vous un "être éclairé". Pour y parvenir, vous accueillerez les nouveaux événements avec sagesse, humilité et sérénité. Sur cette voie de la connaissance, il vous faudra également adjoindre d’autres qualités, tels la justice, mais également le respect des autres et de soi-même. Bref, vous entrerez en interaction avec votre environnement. Enfin assoiffé de vérité transcendantale, vous serez femme/homme de décision car prendre parti, même lorsque votre prise de position s’avère difficile et délicate, c’est agir.
La passivité a ses limites, et si la crise est "subir", votre réponse est une action positive, voire décisive, pour justement modifier les contours de cet événement. "La crise, c’est le sentiment de la crise." Il faut reconnaître que parler en boucle des aspects de cet épisode, par exemple la Covid-19, non seulement ne contribue pas à sa résolution mais participe au contraire à amplifier son ressenti, le visionnage des chaînes d’information en continu étant pour beaucoup dans la contagion anxiogène de nos concitoyens. Alors, que faire ? La première chose, nous semble-t-il, est de continuer à vivre et à appliquer les consignes de sécurité, même si celles-ci nous semblent paradoxales.
Il vaut mieux vivre temporairement avec un masque en tissu qu’avec un respirateur artificiel. En persévérant, ayez donc des projets d’avenir et vivez vos rêves, à défaut de rêver votre vie, car l’histoire de l’humanité est jalonnée de catastrophes sanitaires d’origines "naturelles", agressives et omniprésentes ; cela n’a jamais empêché la créativité de s’exprimer même aux heures les plus sombres de notre aventure humaine…
"La peur n’évite pas le danger, le courage non plus… mais la peur rend faible et le courage rend fort." Alors que choisissez-vous comme mode de vie ? À l’heure où nous mettons sous presse, la deuxième vague est arrivée, nous dit-on. Dont acte. Pour la première, nous avons subi une onde de choc violente qui a révélé les faiblesses de notre système. Pour ce retour annoncé, nous avons eu le temps d’anticiper les mesures préventives et correctives qui s’imposaient. Et surtout, nous avons l’opportunité de nous placer sous l’angle des stoïciens, des épicuriens ou des cyniques. Par nature, Épicure nous convient bien car, à côtoyer la mort chaque jour, nous choisissons toujours de donner une chance à la vie. Et vous, quel sera votre choix ?
 
Maud Batut
Rédactrice en chef

La loyauté n’est-elle qu’un système féodal archaïque ?

Combien de fois avons-nous entendu "j’attends de mon personnel une loyauté totale à l’entreprise". Finalement ne donne-t-on pas à ce nom féminin une coloration plus proche de nos propres sentiments qu’à ceux réellement contenus dans ce terme. Oui, bien sûr, son antonyme a pour nom duplicité, hypocrisie, fourberie, traîtrise… Il est étonnant de constater qu’aucun système philosophique ne s’intéresse vraiment à la "loyauté". Peut-être est-il possible que, pour beaucoup d’entre nous, ce mot oscille entre féodalité et système mafieux et que l’exigence de celle-ci ne soit finalement qu’une mainmise d’un individu sur un autre, créant ainsi une dépendance supplémentaire.
D’un point de vue étymologique ce mot est un substantif dérivé de l’adjectif "loyal", qui lui-même trouve racine dans l’adjectif latin "legalis"… la loi. Ainsi, "loyal" devient le jumeau de "légal". Ne chipotons pas, nous sommes bien conscients que la définition originelle de la loyauté a besoin d’un sérieux dépoussiérage à l’aune des nouveaux sociotypes du XXIe siècle : "loyauté = fidélité manifestée par la conduite aux engagements pris, au respect des règles de l’honneur et de la probité".
Dans les faits, nous sommes à des années-lumière de ces considérations qui animent encore les plus âgés d’entre-nous. Alors, que faire pour que celles et ceux qui rejoignent nos entreprises assimilent des notions que leurs parents d’une part, les enseignants d’autre part, n’ont pas toujours réussi à faire entrer dans leur savoir-être ?
L’une des réponses tient dans une maxime qui, parfois, fait rire ceux qui la lisent : "Pour ce qui est de l’éducation, les parents enseignent la politesse, le respect, la probité… pour ce qui est de l’enseignant à l’école, il vous transmettra la connaissance de la littérature, des mathématiques, de l’histoire et de la géographie". Il est un fait que, sur certaines de nos recrues, il y a fort à faire et qu’une grande patience et motivation doit animer l’encadrement des sessions de formation. De ces rares cas ne tirons cependant pas une généralité mais observons que ces exceptions comportementales sont de plus en plus nombreuses et reflètent bien le malaise de notre société contemporaine.
Aussi, nous suggérons l’enseignement d’une matière qui va prendre force et vigueur dans les années à venir : l’éthique. Cette matière serait un condensé de ce qu’est le respect, le savoir-vivre et le savoir-être, la politesse, l’empathie, la bienveillance et tant d’autres considérations sans quoi la vie pourrait devenir un enfer peuplé d’irrécupérables "sauvageons" incultes.
Obtenir la loyauté ne signifie pas toutefois créer un lien de soumission aveugle à un homme ou à une entreprise, elle signifie la prise de conscience de ce que l’on est, d’où l’on vient et de la légèreté de son bagage intellectuel et moral, et qu’un jour une femme ou un homme se sont penchés sur votre existence pour vous suggérer une nouvelle voie, celle de l’apprentissage et plus tard celle de la transmission altruiste. Ceci faisait dire à un grand homme outre-manche "Que ta loyauté s’exerce sur ton propre soi. Ainsi, tu ne seras plus jamais traître envers les autres". Son auteur, Francis Bacon, est le père de l’empirisme moderne. Kant lui dédia à ce titre sa "Critique de la Raison pure". Il pose le premier les fondements de la science moderne et de ses méthodes qu’il conçoit comme entreprise collective fondée sur l’observation des faits naturels, des arts et techniques, et la recherche des causes naturelles. Pour ce qui est de la loyauté, c’est justement ce choix prémédité d’affirmer que finalement nous porterons notre détermination sur celui qui ne l’a pas forcément eu dans sa vie et que, par la patience, la pédagogie, l’accompagnement, l’éveil, la méthode, nous allons participer à l’émergence d’un être nouveau, réfléchi, autonome, prévenant, juste. "Vous le valez bien" dit une séquence publicitaire célèbre. Bien sûr que nous le valons bien, nous ne faisons qu’exprimer ainsi notre devoir altruiste de dignité et de respect envers les hommes, finalement une forme de loyauté et de reconnaissance fondamentales envers nous-mêmes. Charité bien ordonnée…
Ne tombons donc pas dans les raccourcis schématiques et caricaturaux qui font florès par les temps qui courent, mais bien au contraire, agissons intelligemment pour la refonte d’une part de notre enseignement professionnel, pour l’intérêt général, le bien commun et pour donner un avenir au futur.

Maud Batut
Rédactrice en chef

L’âge du faire est-il un impératif catégorique ?

En cette délicieuse période estivale, la fête nationale du 14 juillet est un marqueur incontournable où la nation communie avec ses corps constitués et où la gratitude de celle-ci s’exprime à grands renforts de médailles honorifiques. Mais qu’est-ce que la reconnaissance sinon que d’être redevable à un tiers de ses bienfaits. Il faut cependant admettre qu’elle est également et surtout une vue de l’esprit sous forme d’une évaluation d’un don. Ce dernier provoque en nous la notion de dette et le remerciement est l’un des moyens de nous affranchir de cette dette.

La gratitude est une obligation car bien évidemment nous sommes les obligés de celui par qui le bienfait arrive. Elle est aussi un privilège, un sentiment où l’amour n’est pas étranger. Celle-ci génère toute une gamme d’émotions, un débordement qui doit se traduire par une contrepartie symbolique, financière ou morale. En règle générale, celui qui prodigue les bienfaits agit par expression de son devoir personnel, une action qui n’attend rien en retour sinon la satisfaction de sa conscience en paix avec sa règle de vie.

La manifestation de la reconnaissance peut s’exprimer par un regard évocateur, une poignée de main franche ou un simple "merci". La manifestation de la gratitude, a contrario, suppose un dédommagement, une compensation afin de rétablir un équilibre rompu entre un bienfaiteur et son obligé. Que préférer dans tout cela ? Penchons-nous sur la morale kantienne dans "Critique de la raison pratique" où Kant part du concept de "bonne volonté". Pour le philosophe allemand, l’intelligence, le courage… ne sont pas des choses absolument bonnes ; leur valeur dépend de l’usage qu’on en fait. Il en est de même du bonheur qui n’est pas un bien en soi puisqu’il peut être source de corruption par celui qui n’est pas animé de bonne volonté.

Qu’est-ce qu’une bonne volonté ? Ce n’est pas celle qui atteint ses objectifs, c’est celle dont les intentions sont pures. Qu’est-ce qu’une volonté pure ? Une résolution qui obéit au concept du devoir. Ainsi, la "bonne" correspondrait à une action "par devoir". "Agis de telle sorte que tu traites l’humanité […] toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen". Quelle magnifique et extraordinaire pensée !

Donc à l’heure où nous parlons de reconnaissance pour de nombreux acteurs de la période trouble que nous venons de passer, suggérons une autre posture qui serait de ne pas oublier ces personnes le 15 juillet venu.

La reconnaissance est intemporelle, imprescriptible, inaliénable… ou du moins devrait-elle l’être. Puisque nous en sommes aux suggestions, ouvrons une autre voie, celle de la connaissance. Nous pensions connaître notre système de santé mais nous avons été bercés par le doux chant d’une sécurité sociale et d’un modèle médical et hospitalier se voulant pour tous… Simple illusion car nous nous sommes réveillés d’un seul coup en plein cauchemar, en contemplant ce que nous pensions éternel partir en ruines successives et irréfragables.

Aussi, le temps est venu de nous pencher plus que jamais sur notre mode de vie. Cela ne signifie pas de partir battus devant cette reconquête de notre environnement global, mais simplement de prendre soin de nous tous, de nos familles, de nos entreprises, de nos emplois, de nous-mêmes, d’avoir un regard bienveillant sur notre prochain d’où qu’il vienne et quelle que soit sa prétendue "classe sociale". La connaissance éclairée de ce que nous sommes nous impose un devoir impérieux, celui d’agir concrètement, avec nos mesures respectives mais toujours dans le respect des autres et de nous-mêmes. Or donc, l’âge du faire est revenu.
 
Maud Batut
Rédactrice en chef

Former sans déformer

Le recrutement des personnels n’est pas une mince affaire et il arrive parfois que nous fassions des choix inappropriés. Les a priori se paient cher et, comme il n’existe pas de remède miracle, nous nous en remettons aux différentes dispositions législatives et réglementaires de notre profession concernant la formation. La formation initiale ne faisant pas tout, il est indispensable de faire appel à la formation continue afi n de permettre aux salariés de parfaire leurs acquis. Tiens, la part de l’inné et de l’acquis dans la construction d’une personne, ça ne vous rappelle rien ? Bien évidemment, nous naissons tous avec un capital lié à notre patrimoine génétique issu de nos parents, "bagage hériditaire" qui se confi rme par la manifestation de traits de caractère particuliers qui se dévelop-peront en fonction de notre environnement culturel, social et de notre éducation.

Si une personnalité née avec des capacités intellectuelles importantes se trouvait plongée dès sa naissance dans un climat particulièrement défavorable, voire néfaste, il y a fort à parier qu’elle n’irait pas loin dans la vie, aussi intelligente soit-elle. L’acquis est donc essentiel afi n de faire valoir l’inné. L’éducation est donc un vecteur essentiel de valorisation de l’humain par la manifestation des valeurs inculquées depuis son plus jeune âge. La synthèse de l’inné et de l’acquis peut être rapprochée du concept "transcendantal" de Kant. Ce dernier dit que, si toute connaissance commence avec l’expérience, elle ne dérive pas pour autant de celle-ci car, pour en avoir une, encore faut-il disposer de cadres aptes à la réveiller ; et ces cadres qui sont des conditions de possibilité de l’expérience, ne sont pas eux-mêmes empiriques (ils ne découlent pas de l’expérience).

Pour revenir à la formation des personnels, nous sommes pratiquement dans le même cas de fi gure. Le formateur est la pièce centrale du dispositif, celle qui va façonner l’homme nouveau de demain, qui va contribuer à l’expression du sens en domaine contextuel. Encore faut-il que celui-ci soit du niveau attendu. De ce point de vue, nous sommes très nombreux à avoir des doutes, de gros doutes. Soit il possède une expérience irréfragable doublée d’un sens pédagogique reconnu ; soit, après avoir suivi une formation thématique, il s’autoproclame formateur. La déformation est en marche…

Les grandes enseignes ont bien compris les dangers représentés par les appren-tis sorciers de la branche. L’offre formation des "majors" du funéraire est non seulement crédible, mais elle porte ses fruits, et c’est bien le moins que l’on puisse en attendre.

Le législateur serait vraiment bien inspiré de remettre l’église au centre du village et de rappeler les fondamentaux. On ne s’intitule pas formateur par sa simple volonté. Un enseignant fait valoir ses titres afi n de dispenser son savoir dans l’enseignement. Rien de plus naturel, me direz-vous ? Il faut croire que non, si l’on en juge par les nombreuses réfl exions désabusées ed’entreprises. Une formation réalisée en dépit du bon sens impacte durablement celui qui la reçoit, c’est même une véritable catastrophe humaine et professionnelle. Tout est à reprendre, il faut reformater "le disque dur". Perte de temps, coût fi nancier et humain.

Alors que faire ? Exiger les qualifi cations des intervenants et le thésaurus précis de la formation. Parcourir le chemin d’expérience vérifi é du formateur et ne pas hésiter à lui poser des questions. Les grandes enseignes répondent déjà à cela car elles en comprennent bien les enjeux. Le contexte économique actuel est perturbant, voire anxiogène… La formation devient alors un investissement matériel et humain important pour une PME. L’étudiant porte les attentes de son entreprise, forge son avenir avec elle, reçoit, avant d’être un jour lui aussi en capacité de transmettre. Ainsi va la vie… Mais, pour que cela puisse devenir une réalité souriante, l’usage du balai semble une priorité, affaire d’intérêt général et de bien commun, et sur ce point, nous sommes tous d’accord, me semble-t-il.

Maud Batut

Rédactrice en chef

Le civisme éclairé, renaissance du bien commun ?

Compte tenu de l’épisode épidémique que nous traversons, le confinement fut l’occasion d’effets secondaires inattendus. Le numérique et la diffusion télévisée sortent vainqueurs de deux mois de faible activité. Les chaînes d’information enregistrent de ce fait des scores d’audience exceptionnels. Les experts d’un jour se succèdent et nous assènent vérités après vérités, quitte à se contredire du jour au lendemain. Peu importe, selon eux, l’information est une denrée périssable à la date de fraîcheur qui se compte en heures.

Devant cette schizophrénie grandissante, et en réaction, le bon sens se fait jour parmi nos concitoyens et renaît ainsi un sentiment que l’on croyait disparu : le civisme. Il faut dire que notre société néo-libérale nous a plutôt habitués au culte de l’individualisme forcené. C’est pourquoi, avec bonheur, les citoyens se sont emparés de nombreux axes de solidarité, tout simplement parce qu’ils se retrouvent peu ou prou devant un État gérant au jour le jour pénuries et contradictions. La nature a horreur du vide.

"L’art qui s’occupe de l’âme s’appelle politique" soulignait Platon dans le Gorgias. C’est justement le civique qui permet à l’homme de penser avec son semblable et d’affirmer que celui-ci est un animal politique. Cependant le civisme est autre chose qu’un supplément d’âme, cette forme de civisme démocratique est en quelque sorte une adhésion à la théorie des droits. Hélas, les droits ne sont pas tout et certainement pas une propriété individuelle absente de devoirs. Une politique des droits de l’homme est nécessaire car il est bon de savoir ce que l’on veut faire en société. Par ailleurs, nous consentons à la démocratie car elle nous assure des droits mais nous sommes perturbés par l’impuissance à pouvoir parfois nous gouverner collectivement.

C’est bien le paradoxe français qui s’exprime. "Le triomphe de l’État social n’est cependant pas univoque. Il peut être équivoque. Même fondé sur la souveraineté du peuple, le régime démocratique peut être despotique. Une douce tyrannie civilisée où les individus se désintéressent du bien public", cite Frédéric Cohen, docteur et enseignant en philosophie politique et sciences politiques à Sciences Po, et d’ajouter : "la majorité est toujours la plus forte mais pas toujours la plus sage. Le nombre devient le critère du bien. On en vient ainsi à confondre la majorité avec le bien commun qui n’est plus une finalité. Le bien devient utilitaire à des fins particulières, c’est l’intérêt qui prédomine".

La grande leçon de ce confinement, où la vie économique s’est trouvée en grand péril et qui nous a donné du "temps de cerveau disponible", est assurément une bonne surprise. Les citoyens se sont à nouveau mis à réfléchir, à imaginer, espérer un "après", à envisager d’autres hypothèses. La solidarité a pris un second souffle et s’est exprimée avec force et vigueur. Les Français se sont affranchis de la tutelle de l’État et se sont organisés en petits groupes agissants, nodules communicants et proactifs. Est né un sens commun partagé par tous qui donne des repères à la vie "ensemble" et un réel plus collectif prend, contre toute attente, son envol. Cette forme d’économie sociale et solidaire n’est pas une réponse palliative. Cet épisode contraint créé de nouvelles espérances, de nouvelles exigences, l’utilité en est une.

Nous venons tous de nous rendre compte que la croissance forcenée dont on nous rebat les oreilles à longueur de journée n’est pas nécessairement l’alpha et l’oméga de nos vies, ni de celles de nos enfants que nous hypothéquons sans vergogne. Le bonheur national brut n’est peut-être donc pas une utopie, il conjuguerait l’économie et l’humain, la capacité de faire raisonnable et les besoins essentiels du groupe.

De toute évidence, nous aurons l’occasion de ressentir les conséquences inattendues de cette épidémie qui a propagé un nouveau virus : le civisme éclairé, une lumière qui n’est pas près de s’éteindre…

Maud Batut

Rédactrice en chef

Fraternité, ce supplément d’âme essentiel…

"La fraternité n’est qu’une idée humaine, la solidarité est une idée universelle." Cette citation de Victor Hugo résonne étrangement à l’heure où se ferment les frontières, où l’un des effets secondaires d’une épidémie non pré-vue est l’apparition d’une certaine fracture sociale, notamment sous la forme d’une solitude numérique amplifiée. Le clavier et l’écran sont devenus le média privilégié de nos existences confinées. Face à ce qui nous est imposé, à cette épidémie qui met à l’épreuve plus que nos organismes, nous devons profiter de ces journées de retraite forcée pour nous interroger sur le sens profond de la solidarité. Envisageons une autre hypothèse, et, au lieu d’invoquer la solidarité, invitons la fraternité sur le devant de la scène. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de convaincre, comme pourrait le faire Socrate, mais bien de persuader, comme le ferait Gorgias. Nous sommes dans le schéma classique opposant rhétorique et dialectique. Plus que la solidarité – mise à toutes les sauces ! –, réhabilitons le noble concept de fraternité.


Elle est un droit…

La lecture de l’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme devrait être fixée à jamais dans nos mémoires : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité." C’est un opérateur funéraire public qui, il y a une quinzaine d’années, fi t apposer, en relief et dans toutes les langues de France, d’Europe et des communautés résidant sur le territoire de son agglomération – soit une trentaine de versions –, ce texte fondamental sur les murs jouxtant l’équipement funéraire. Innovation peu banale qui reflète un savoir-être essentiel, irremplaçable dans l’accomplissement de notre mission funéraire de service au public.


… un devoir

"Autant la liberté et l’égalité peuvent être perçues comme des droits, autant la fraternité est une obligation de chacun vis-à-vis d’autrui. C’est donc un mot d’ordre moral", résume le philosophe et essayiste contemporain Paul Thibaud. Elle est, pour nous, l’essence de la dignité.


… un choix

La fraternité n’est donc pas nécessairement innée. C’est souvent une patiente école de l’éveil pour celles et ceux qui ont fait le choix de l’embrasser. Cette démarche est une réelle initiation humaniste. Qu’elle se traduise par la tolérance, la charité, l’écoute, la compassion. Elle est notamment la promesse reconnue de l’apôtre Jean : "Demande et tu recevras, cherche et tu trouveras, frappe et on t’ouvrira."


… un don

La fraternité est un véhicule, un support, une dotation qui va nous permettre d’appréhender la puissance de notre démarche humaniste. Nous explorons par cette révélation le mythe de la caverne exprimé par Platon, où l’âme exilée doit affronter l’obscurité du monde souterrain pour sortir de "l’autre côté". Elle est la compagne fidèle de ce lent voyage initiatique qui va permettre de puiser les forces nécessaires à l’accomplissement de ce périple, à la mutation du "moi", pour laisser enfin apparaître la présence du "soi".


… une dette

La fraternité doit se concevoir alors comme le corollaire du savoir, de l’humilité, de la patience, de la sensibilité, de la réceptivité, de la lucidité. C’est un courant, une énergie motrice, un remède, une attirance, une logique, une transparence. C’est la première des énergies renouvelables, la permanence de toutes choses, la clé qui ouvre les portes de l’évolution, une drogue où l’accoutumance est la bienvenue. Elle est vecteur de communication, arme contre l’ignorance et la peur, pandémie de sagesse qui nous permettra de nous ancrer sur les voies de la connaissance et d’intégrer ses enseignements avec humilité et bonheur. La fraternité est l’amour qui ne se souvient pas du passé, qui s’exprime au présent, et qui pense toujours à l’avenir. Comme nous sommes contraints pour beaucoup à une activité ralentie, profitons de ces quelques instants pour nous interroger sur la façon dont nous pourrions traduire en termes concrets ce magnifique concept. Un devoir inflexible, pour resserrer les liens de notre humanité…

Maud Batut

Rédactrice en chef

La communication, un (bon) outil de gestion de la crise…

Cette fois, ça y est, nous sommes dans une vraie crise, sanitaire de surcroît. Les médias audiovisuels nous rendent paranoïaques à grands coups d’experts invités sur les plateaux, distribuant des discours plus ou moins anxiogènes à qui veut bien les entendre. À l’heure où nous paraissons, notre voisin transalpin décrète une quarantaine sur l’ensemble du pays… du jamais-vu ! Dans ces heures décisives, l’information dans les entreprises est déterminante, et à ne pas mettre dans des mains inexpérimentées compte tenu de ce contexte bien particulier de péril potentiel pour la santé. Il ne faut pas confondre la gestion de celui-ci et sa communication.

Pour beaucoup d’organisations, bien gérer une crise consiste surtout à bien communiquer. Cependant, il faut convenir que ce qui se dit de celle-ci devient aussi important que le phénomène lui-même, et que la communication est désormais une arme et une parade incontournable de la gestion des crises. Dans ces moments-là, la préservation de l’image et des intérêts des sociétés est privilégiée. L’organisation doit convaincre de la légitimité et du bien-fondé de son action. Pour cela, il lui faut suivre certaines règles qui peuvent se résumer en trois points principaux.

1 - Réagir : le temps de réaction est l’une des composantes capitales tant dans la gestion que dans la communication de crise. En effet, lors de celle-ci, l’entre- prise doit réagir immédiatement afin de maîtriser autant que possible tous les flux d’informations qui vont l’entourer. En étant réactive, elle montre qu’elle prend ses responsabilités vis-à-vis du problème, qu’elle en est consciente et ne le renie pas. C’est dans les toutes premières heures qui suivent le début du danger que l’organisation doit prendre la parole. Cette dernière sera jugée sur sa capacité à prendre la réelle mesure de la situation, et sur la réactivité dont elle fera preuve pour prendre des mesures concrètes.


2 - Informer :
quel que soit l’objectif, le but permanent sera de garder la maîtrise sur les informations délivrées et sur les perceptions des acteurs de la crise. Si l’organisation ne prend pas clairement position, c’est d’autres qui s’en chargeront. Si elle fait de la rétention de données ou pratique la politique du secret, d’autres échafauderont des hypothèses et divulgueront des infos non contrôlables. Il est donc essentiel voire vital que l’organisation s’exprime par l’intermédiaire des médias afin de projeter une image de calme, de clarté, de compétence, mais aussi et avant tout d’empathie pour les victimes. L’information doit aussi mettre en avant les actions en cours ou à venir dans des délais très brefs.


3 - Occuper tout l’espace médiatique :
la communication ne doit pas se contenter de quelques annonces, elle doit être présente dans tous les supports de presse, d’une part pour maîtriser les flux d’informations qui l’entourent, et d’autre part pour maintenir une image positive vis-à-vis du public, des clients de l’entreprise, de ses actionnaires, ses partenaires, sans oublier bien sur ses salariés. La communication de crise doit donc s’articuler autour de tous les médias, et prendre en compte leur complémentarité. Enfin, il ne faut surtout pas négliger le nouveau vecteur de diffusion que représente Internet, et se souvenir qu’au moment de la sortie de crise, cet outil laisse des traces (entre autres dans les fameux moteurs de recherche et réseaux sociaux).


En conclusion, le coronavirus ne va pas faire disparaître l’humanité. C’est une situation préoccupante mais avec un bilan pour l’heure inférieur à la grippe saisonnière ou encore aux accidents de la circulation. L’analyse a posteriori de cet événement, désormais planétaire mais historiquement loin d’être un inconnu, réserve des rebondissements intéressants. Tout ceci amène à s’interroger sur le principe de précaution. La peur n’écartant absolument pas le danger, or donc, rien ne sert d’avoir peur…

Maud Batut

Rédactrice en chef

La dignité est-elle une illusion ?

Constatant certaines dérives significatives, nous sommes en droit de nous interroger sur le principe de "dignité" qui, malheureusement, s’apparente de plus en plus à une illusion. Il faut reconnaître que ce nom féminin a été regrettablement utilisé de façon souvent opportuniste pour justifier l’injustifiable et que sa revendication semble de moins en moins crédible. Pourtant, quoi de plus beau que celle-ci ?

Cette notion trouve son sens tant au niveau philosophique, que juridique ou religieux. La dignité est l’essence même de l’humanité. Le philosophe Paul Ricœur nous invite à l’idée que "quelque chose est dû à l’être humain du fait qu’il est humain". Toute personne mérite donc un respect inconditionnel, quel que soit sa condition sociale, physique, sexuelle, mentale, religieuse, ethnique. Est-il besoin de rappeler à la lecture de l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : "Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité" … Un ange passe…

Elle est de l’ordre des principes et ne renvoie non pas à un donné mais à un dû, c’est-à-dire à "quelque chose" qui n’est pas négociable ; ou encore, en d’autres termes, à ce que les juristes nomment "l’irréductible humain".

Le concept de "dignité humaine" occupe désormais une place éminente dans le droit international des droits de l’homme et notamment dans les textes relatifs à la bioéthique, tels que la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme de l’UNESCO et la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine du Conseil de l’Europe, toutes deux en 1997. L’idée de dignité humaine a donc une longue histoire et la difficulté de la définir vient de ce que l’accumulation des discours qui s’en emparent et celle des institutions qui la mettent en œuvre en modifient les contours.

Elle est sans doute le résultat d’un tissage entrelaçant ou appariant diverses influences, comme celles de la religion, de la philosophie ou du droit ; et elle marque l’apparition d’un système juridique qui se donne les moyens de penser l’homme débarrassé des présupposés de la foi, de ses coutumes et de ses institutions qui font son histoire concrète. Dès lors, on est passés de la nature à la nature humaine et à l’égale dignité des hommes entre eux.

Lors de périodes troublées, telles celles que nous vivons actuellement, où le doute s’empare de tous, où les valeurs fondatrices de nos sociétés sont mises à terre, où la précarité s’empare des plus faibles, il ne nous reste qu’elle en partage. Aussi, lorsqu’il est question d’accorder une pause à des personnes salariées venant de perdre un enfant, seule la dignité doit conduire notre approbation. C’est notre marque de solidarité avec des personnes qui vivent un authentique drame d’une douleur extrême qu’il va falloir porter jour après jour que d’accepter ce bouleversement de l’ordre naturel des choses, de prendre pitié… encore un terme oublié de notre vocabulaire…

Nous, professionnels du funéraire, nous connaissons hélas que trop bien cet épisode d’une fulgurante violence qui frappe une famille, qui anéantit toute forme d’espoir et d’amour. Nous en évaluons parfaitement les conséquences humaines et sociales pour celles et ceux qui sont frappés par cette tragédie. Peu importe ce que dit "la loi", ce qui compte avant toute chose, c’est ce que nous sommes, femmes et hommes qui connaissons cet univers sombre. Ce qui importe, c’est le regard que nous porterons et l’action que nous conduirons pour accompagner l’un de nos collaborateurs si le sort venait à le frapper aussi durement. En cela nous affirmerons haut et clair où se situe notre devoir de dignité et notre qualité d’être humain, notre signature.

Maud Batut

Rédactrice en chef

La volonté est-elle un pouvoir ou un désir ?

Tradition solidement ancrée, la présentation des vœux en début d’année est un passage obligé de civilité. "Je vous souhaite de…" exprime implicitement nos propres attentes, que nous projetons vers notre interlocuteur. Mais qu’est-ce que la volonté ? Définie comme un pouvoir de se déterminer à agir en fonction de motifs ou de raisons, la volonté est une faculté de projection vers des fins ou des objets parfois complexes.
"Il est si évident que nous avons une volonté libre, qui peut donner son consentement ou ne pas le donner quand bon lui semble, que cela peut être compté pour une de nos plus communes notions", affirme Descartes en 1644 dans "Les Principes de la philosophie".

Cet appel au libre-arbitre repose sur l’idée que la volonté et l’entendement sont deux facultés distinctes. Nous pouvons vouloir ce que notre entendement nous révèle être le pire. Pour Spinoza, cette appréhension relève d’un rapport imaginaire à soi-même et fait que le libre-arbitre est une illusion, et d’affirmer : "Nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n’appétons ni ne désirons aucune chose parce que nous la jugeons bonne ; mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons." Dans ce cas, n’entrons-nous pas dans la caverne mystérieuse du désir ressenti comme une velléité ?

Le velléitaire veut tout et son contraire, il déborde de projets parce qu’il n’en met en œuvre aucun. Le volontaire, au contraire, reste sur le registre d’une certaine forme d’humilité, mais s’engage dans l’accomplissement de ce qu’il a projeté. Une bonne démonstration faite que l’on ne peut pas vouloir l’impossible.
Pour le philosophe Ricœur, "le désir peut signifier une mise à l’écart de la raison au profit d’une lecture idéalisée du réel". Il est une construction intellectuelle par laquelle nous imaginons, désirons et idéalisons. Finalement, c’est par l’échelle du temps que le plaisir du désir prend toute sa dimension. Un fois assouvi, celui-ci nous conduit-il à la satisfaction ou, a contrario, à la désillusion ? Schopenhauer disait avec raison que sa réalisation est comme "une aumône que l’on jette à un mendiant. Elle lui sauve la vie aujourd’hui pour prolonger sa misère jusqu’à demain". Il nous faudrait donc vivre perpétuellement dans le désir et exploiter cette force comme un "vouloir vivre". Désirer c’est vivre, vivre c’est exister.

Comment rapporter ces pensées à nos quotidiens ? Simplement en demeurant en quête permanente du désir, de ce "vouloir vivre" qui nous anime et nous transcende, quels que soient les obstacles et les dangers rencontrés au long du chemin. Il n’est pas synonyme de souffrance dès lors que l’on accepte l’enjeu et que nous nous concentrons sur notre capacité à faire et notre volonté à nous autodéterminer à partir d’un choix raisonné, fondé sur une analyse objective de nos forces et nos faiblesses.

C’est notamment le credo de tout initiateur d’entreprise, vaincre ses passions et les soumettre à la raison en gardant à l’esprit sa volonté et l’intégrité de son projet. Donc, dans cet esprit, le désir manifeste une volonté positive de puissance affirmative qui suppose imagination, créativité, audace. Celui-ci est l’incarnation de l’homme, c’est ce qui crée son relief, sa personnalité. Cette volonté s’inscrit dans l’allégorie de la caverne de Platon. Se découvrir à soi-même et rectifier ainsi les aspérités de notre pierre cachée pour tendre vers l’idéal.
Ainsi, le désir est bien cette volonté d’entreprendre qui monte du fond de nous-même vers notre raison et que notre vouloir aiguillonnera par la pointe du plaisir. Que vous souhaiter de plus à l’aube de cette année nouvelle, sinon le plaisir d’être et de faire ?

Maud Batut
Rédactrice en chef

Un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir 

Cette citation de Winston Churchill pose une bonne question. La mémoire est-elle le souvenir ? À bien y regarder, il semblerait qu’il ne faille pas les confondre, et que si ce sont les deux faces d’une même pièce, ce n’est qu’en apparence. Le mot "mémoire" est largement usité, notamment lorsque l’on évoque le "devoir de mémoire". Celle-ci nous permet d’avoir conscience à l’instant présent de ce qui n’est plus. Elle est un concept générique qui englobe les souvenirs. De ce point de vue, l’être humain est faillible et a souvent tendance à effectuer un tri de façon inconsciente pour ne conserver que certains aspects d’une période ; et à oublier ou à atténuer en surface les autres trop douloureux. Le terme "mémoire" invoque la psychopathologie, notamment les processus psychiques hétérogènes, voire contradictoires qui font que celui-ci ne signifie pas nécessairement "se souvenir" et "se rappeler".

Le concept de "devoir de mémoire" est récent. Il est venu sur le devant de la scène à l’aube des années quatre-vingt, et a migré inexorablement vers le discours politique. On pense immédiatement aux grands cataclysmes que furent les conflits mondiaux du XXe siècle, et plus particulièrement à la Shoah et à ses atrocités associées. Ce "devoir" s’applique également à d’autres périodes noires et récentes de l’humanité… Citons la traite des esclaves - qui perdure aujourd’hui sous d’autres formes -, le génocide arménien, les crimes contre l’humanité en ex-Yougoslavie, au Rwanda, etc., la liste est longue… Hélas trop longue et trop contemporaine, ce qui en dit long sur les leçons à tirer du passé et sur la capacité de l’homme à y parvenir.

Qui dit "mémoire" doit se pencher sur "l’oubli", inévitablement, ce qui fait dire que "le devoir de mémoire est justement destiné à valoriser ce qui est choisi pour être souvenu".
Or, la mémoire n’est pas une simple aptitude à se souvenir, car elle deviendrait alors un ordinaire disque dur de stockage de données sensorielles. La psychanalyse avec Freud offre une affirmation radicale : "La conscience naît là où s’arrête la trace mnésique". En termes clairs, conscience et mémoire sont "exclusives l’une de l’autre". Cette dernière relève de l’inconscient et se manifeste en délivrant un message dans les actes conscients faisant que le sujet peut se rappeler une situation ou un épisode, mais sans s’en souvenir précisément. Ce fait se vérifie au niveau de nos rêves qui ne sont que des succédanés de notre mémoire. Ce retour sur nous-même se fait à notre insu, nous visitons parfois notre passé sans pour autant nous en rappeler.

L’histoire tente de comprendre la complexité de ce qui s’est passé et de mettre en rapport les détails et les contradictions de la réalité. La mémoire peut simplifier la réalité pour devenir collective et, ce faisant, en néglige les détails et les contradictions. Si l’Histoire a un caractère scientifique, la mémoire, elle, est par nature collective. Le philosophe Emmanuel Kattan pose avec justesse le délicat problème de sa transmission. "Les idéaux et les valeurs qui ont animé la vie, inspirent les descendants et contribuent à orienter leurs choix. En se rapportant au souvenir de ses ancêtres, l’homme se situe lui-même au sein d’une trame narrative."

Qu’il s’agisse d’événements historiques ou de passé familial, le devoir de mémoire doit laisser peu à peu la place à une certaine forme de "droit à l’oubli"… dans un subtil mélange des deux, pour se réaliser au final dans une forme plus "apaisée", dans un rapport au passé de groupe ou d’individualités assumant leur histoire. L’Histoire est indispensable pour comprendre le passé, la mémoire est indispensable pour construire et vivre pleinement le présent.
Comme vous pouvez le constater, rien n’est simple dès lors que l’on pénètre dans l’inconscient de l’homme, une complexité qui ne souffre pas de manipulation, mais bien d’une prise en compte des réalités individuelles, de leur écoute et d’un accompagnement attentif. N’est-ce pas là justement notre vocation morale première ?

Maud Batut
Rédactrice en chef

Ce ne fut pas la Toussaint mais la Saint-Barthélemy des pompes funèbres !
Quelques centaines d’agences ont été contrôlées par des émissaires "ni vu ni connu" envoyés par Que Choisir. En conséquence, la grande majorité des opérateurs contrôlés ont reçu une lettre de cet organisme de consommateurs les enjoignant de rectifier leurs documents commerciaux et/ou leur attitude d’accueil de clientèle. Premier problème, le ton de ces lettres est comminatoire.

La profession funéraire est-elle toujours productrice d’un égrégore ?

Encore un mot bien savant mais qui convient bien à l’exercice d’un éditorial. L’égrégore, que l’on pourrait définir par l’inconscient collectif ou encore la mémoire collective, ou d’archétypes selon les travaux du philosophe Jung, est un phénomène qui fait l’objet de nombreuses recherches et qui est le produit d’un courant de pensée collective, une énergie qui nous fait focaliser sur des évènements ou des actions au sein d’un microcosme, qu’il soit familial, civil ou professionnel. Lorsque nous partageons un moment fort, celui-ci déteint sur nous et se dilue dans un mode collectif de pensée. Nos émotions mutualisées trouvent une extériorisation dans un esprit de groupe.

Souvenons-nous des événements tragiques de la tuerie de Charlie Hebdo, cette énergie intense se manifesta, c’est le moins que l’on puisse dire, par plusieurs millions de personnes dans la rue exprimant leur refus de l’extrémisme. La France est devenue Charlie, l’égrégore fut de la plus belle ampleur. On parle alors d’égrégore fécond. Celui-ci n’est pas nécessairement identique à la pensée de chaque individu. Il est un produit, une résultante, mais non l’expression personnelle, intime d’un ego.

Cependant, tout est égrégore. L’enfant né au sein de la cellule familiale subit l’égrégore de celle-ci. Nous impactons tous celui du milieu dans lequel nous évoluons. Il en est de même pour notre vie professionnelle, réalité alternative de ce que nous sommes, finalement très perméables à ses sollicitations. Si nous posons la question : "Le funéraire est-il toujours porteur d’un égrégore ?", nous sommes quelque peu provocateurs, mais à dessein. Comme tout est égrégore, la réponse est forcément : "oui". Mais en allant au fond des choses, ne sommes-nous pas en train d’en créer un, artificiel, qui n’est plus le reflet et le produit d’une multitude d’individus, mais au contraire une posture standardisée, diluée au sein d’une pensée unique globalisée qui veut, à l’instar d’autres secteurs économiques, le réduire à sa plus simple expression, cherchant a annihiler justement son énergie.

L’égrégore n’a de réelle valeur que s’il est le produit de la différence. Sa richesse est là et faisait dire à Antoine de Saint-Exupéry : "Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis." Retrouver le sens profond de l’égrégore, c’est avant tout mener un combat avec soi-même. C’est aussi retrouver la vibration des jeunes années où tout était possible, où rien ne semblait faire obstacle. Ce constat est transposable au monde de l’entreprise. À la banalisation des comportements, aux réactions cousues de fil blanc, aux discours stéréotypés, il est grand temps d’opposer un réveil et une prise de conscience du monde que nous construisons. Il est temps pour chacun de quitter sa zone de confort, un égrégore trop largement partagé, érigé en dictat, et qui finalement nous conduit à l’échec, sinon à une impasse.

Retrouvons le sens de l’entreprise, de l’innovation, du partage des valeurs qui fondent notre humanité. Nous ne sommes pas des produits financiers, mais des âmes en possible errance qu’il faut rassembler sous un nouvel étendard afin de produire une éthique qui soit autre chose qu’un mot de plus dans le dictionnaire. L’espoir réside dans la multiplicité et non dans l’uniformisation. L’énergie universelle est l’indocilité volontaire, non la soumission ; l’énergie personnelle est l’affirmation de notre éthique, non celle d’arguments collectifs fallacieux destinés à endormir… la femme ou l’homme que nous sommes… ou souhaitant être… dotés de raison, de créativité, de volonté d’entreprendre, d’altruisme. Cet égrégore s’appelle l’humanité, et il est grand temps de s’en souvenir, et d’y revenir sans attendre.

Maud Batut
Rédactrice en chef

"La peur n’écarte pas le danger"

Nous connaissons tous cette citation et, bien souvent, nous la complétons nous-mêmes par un définitif "alors ça ne sert à rien d’avoir peur", qui ne doit rien à l’auteur Misha Defonseca née Monique De Wael, écrivaine belge contemporaine, qui défraya la chronique par son ouvrage "Survivre avec les loups" retraçant son incroyable périple pendant la Seconde Guerre mondiale et vendu à plus de 200 000 exemplaires avant que l’auteure ne reconnaisse la non-authenticité de ses propos.

La citation en revanche est valide et intéressante à plus d’un titre, surtout si elle est considérée dans son ensemble : "La peur n’évite pas le danger, le courage non plus. Mais la peur rend faible et le courage rend fort." En qualité de responsables au sein d’entreprises ou dirigeants de celles-ci, nous sommes confrontés chaque jour à la prise de décisions et à l’inévitable doute qui accompagne notre réflexion. "Le doute est le commencement de la sagesse" est une citation d’Aristote. En effet, Aristote rappelle que le doute est la première étape vers une possible acquisition de la sagesse. Celui-ci conduit-il vers une connaissance meilleure ou bien vers un flou encore plus vaste ? Son origine commence par l’ignorance. En effet, douter débute par une non-connaissance d’un fait ou d’un sujet qui va conduire vers une remise en question de la personne. On peut donc faire le lien entre ignorance et doute parce que la première conduit au second. Lorsque ce dernier surgit, l’hésitation prend le relais. Douter, c’est en effet s’apercevoir qu’on manque de certitude.

Nous le savons tous, nous traversons une période de turbulences économiques et sociales et, bien souvent, cet état d’esprit s’installe dans nos quotidiens et vient perturber nos prises de décisions.

Persévérer dans le doute conduit rapidement au défaitisme face à la connaissance. Utilisons-le donc comme un ressort inévitable à toute forme de progrès, mais également comme une posture intellectuelle salutaire qui nous permettra de ne pas nous laisser abuser par des vérités toutes faites ou trop souvent relevant d’un bruit de fond urbain : la rumeur.

En un mot, positivons résolument face au doute !

Baisser les bras devant le premier obstacle, renoncer au premier avis de coup de vent n’est pas le bon exemple que nous, capitaines de nos navires entrepreneuriaux, devons donner à notre environnement. "Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles", Sénèque a raison sur toute la ligne.

La meilleure des réponses que nous puissions apporter aux incertitudes et remises en cause d’où qu’elles viennent est bien justement une forme de pédagogie positive que vous connaissez. Communiquez, expliquez, rétablissez les vérités, opposez aux caricatures toutes faites un discours transparent et loyal, battez-vous, ne laissez pas la morosité et le doute faire le lit du soupçon accusateur, procureur opportuniste qui, à force d’anathèmes, vous réduira bientôt à l’impuissance.

Nous n’avons à rougir de rien. Ce n’est pas parce que quelques oiseaux de mauvais augure se distinguent et défraient la chronique que l’amalgame doit s’appliquer à une profession tout entière. Très prochainement, notre profession se rassemblera lors du Salon du Funéraire de Paris. Il vous appartient au préalable de dire haut et clair la réalité de vos actions. Le scepticisme n’est qu’une façon de nier cette réalité et de faire de nous tous les victimes d’une paralysie de l’esprit, de la pensée et de l’action. L’heure n’est plus au vague à l’âme, mais bien à la lutte, aussi, les hésitations pénalisantes doivent être mises de côté sans attendre. Parlez, dites ce que vous avez à dire, osez, communiquez, expliquez, convainquez, luttez, résistez… Retrouvez votre âme de combattant d’entreprise, elle vous va si bien.

Maud Batut
Rédactrice en chef

Savoir et connaissance, deux faces d’une même pièce ?

Nos métiers du funéraire reposent pour une large part sur la transmission du savoir. Depuis quelques années, cette transmission orale a fait sa mutation en créant une filière d’acquisition des compétences qui se traduit notamment par une reconnaissance officielle lors de formations diplômantes.

Entre savoir et connaissance, que faut-il retenir, et parle-t-on bien de la même chose ? En effet, dans le langage courant, savoir et connaissance sont souvent synonymes. Bien qu’appartenant au même domaine, il convient cependant de distinguer le processus actif de production, la connaissance, du résultat que nous nommerons "le savoir". La différence ainsi produite génère une mise en acte, donc une connaissance produit du savoir. C’est ce que résume la définition du Littré (1877). Le savoir désigne une construction mentale individuelle qui peut englober plusieurs secteurs de connaissance. Ainsi s’inscrit peu à peu le champ de l’expérience dans la construction du savoir. À ce propos, il est intéressant de noter que savoir et connaissance s’opposent au domaine de "la croyance".
"Il faut savoir, pas croire…" Que de fois, lors de formations, cette petite phrase est revenue…
La dimension qualitative du savoir est donc essentielle pour nos métiers, car elle suppose un processus continu d’assimilation et d’organisation des connaissances. L’application en pratique de l’ensemble de ces acquisitions démontre la volonté d’exécution et apporte ainsi une valeur ajoutée à l’expérience acquise. L’ensemble de ces acquêts lors de ce processus d’élaboration a pour nom : métacognition.
Le but de toute formation est d’apporter aux récepteurs de celle-ci la capacité de faire. "Savoir, c’est pouvoir." Il n’y a qu’un pas à faire pour intégrer le "savoir-faire" et, avec un peu de persévérance, le "savoir-être".
On l’aura compris, le savoir et la connaissance sont deux constructions intellectuelles qui ouvrent la porte à d’autres perspectives, tout aussi séduisantes, notamment dans les champs philosophique ou scientifique. Nous savons tous que l’éducation est essentielle, c’est un socle commun qui nous permet d’appréhender d’autres disciplines. Cette valeur collective va fonder notre société et permettre à chacun d’évoluer au sein de celle-ci. Longtemps restée le parent pauvre de l’entreprise, la formation est devenue aujourd’hui la composante essentielle de celle-ci. C’est elle qui est garante de la qualité, qui est au cœur de la transmission aux jeunes générations, qui permet l’émulation sociale de nos forces vives.
Si celle-ci est l’axe d’acquisition d’un savoir-faire, il est également grand temps de se pencher sérieusement sur le "savoir-être". Cette dimension ne s’acquiert pas nécessairement lors de nos cursus pédagogiques… et c’est bien dommage. La formation ne remplace pas l’éducation. Il ne reste que l’exemplarité de nos comportements et l’éthique que nous apportons à la mise en œuvre et à l’élaboration de nos procédures professionnelles. Sans cette dimension éthique, nos différents savoir-faire ne valent pas grand-chose.
À l’aube de cette rentrée de septembre, et compte tenu de différents événements périphériques d’actualité où l’éthique est mise à mal, penchons-nous sur l’impérieuse nécessité d’être, pour notre part, les gardiens de celle-ci, et de veiller à ce que ce message immatériel soit bien transmis, reçu, assimilé et restitué par celles et ceux qui collaborent avec nous au service rendu aux familles en deuil. L’éthique n’est pas un argument publicitaire qui ne satisfait que celui qui s’en vante, c’est un savoir-être déterminant, permanent et exigeant, qui fonde nos savoirs et connaissances ; et justifie pleinement notre mission de confiance.
De ce point de vue, il y a un formidable chantier à poursuivre… et l’heure du repos n’est encore pas arrivée.

Maud Batut
Rédactrice en chef

L’intelligence sans conscience n’est-elle que ruine de l’âme ?

Il n’aura échappé à personne que notre monde contemporain se focalise sur la recherche d’intelligences, sur terre comme dans l’espace infini. Celle-ci est devenue un critère social, à tel point que nous avons tous dans notre entourage des personnes qui, sur le ton de la fausse confidence, nous apprennent que leur fille ou fils est un(e) "surdoué(e)". Il n’y en aura jamais eu autant. La cerise sur le gâteau, si je puis dire, est l’apparition de l’IA, ou "Intelligence Artificielle", technologie qui risque d’envahir petit à petit nos espaces de liberté et qui mérite que l’on s’y attarde. Loin de nous l’idée d’en faire le procès, mais interrogeons-nous cependant.
Reconnaissance vocale ou faciale, credit-scoring bancaire, moteurs prédictifs ou de recherche… les capacités informatiques actuelles évoluent plus vite que nos propres imaginations, et la science-fiction s’installe dans nos quotidiens, à tel point que certains pays entament déjà une gestion civique de leurs ressortissants par des processus liés à l’IA. Vous avez un permis à points de citoyen !
Infractions routières, comportements individuels, ces données concentrées dans ce qu’on appelle le Big Data – pas loin de devenir le "Big Brother" du romancier Georges Orwell –, peuvent s’avérer vite liberticides, voire dangereuses. Le mouvement transhumaniste, thuriféraire de l’IA, gagnerait à méditer sur le fait que "la machine ultra intelligente sera la dernière invention que l’homme aura besoin de faire, à condition que ladite machine soit assez docile pour constamment lui obéir". Irving Good, par cette pensée, renvoie notamment l’humain à une réflexion simple : dès lors qu’une machine aura réellement la capacité de penser par elle-même et d’interagir, aurons-nous encore la capacité de nous interposer à des décisions que nous estimerions néfastes ?
L’IA est la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains, car elles demandent des processus mentaux de haut niveau, tels que l’apprentissage perceptuel, l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique. Pour John Mac Carthy, l’un des créateurs de ce concept, "toute activité intellectuelle peut être décrite avec suffisamment de précision pour être simulée par une machine".
Peut-être pensez-vous que nous voyons les choses trop en noir. Malheureusement, ce sujet impose que les questions soient posées avant plutôt qu’après. Nous devons prévoir et non pas subir.
Jetons un coup d’œil sur l’IA rapportée à notre segment d’activité. Le Big Data nous permet aujourd’hui de puiser dans les banques de données publiques (et elles sont nombreuses) et de collecter des informations insoupçonnées sur les personnes, puis de les exploiter à des fins financières. La donnée informatique devient donc une arme commerciale qu’une législation hexagonale ne peut restreindre.
Chaque jour qui passe, les fonctions d’apprentissage automatique de ces machines s’accroissent, à tel point que des pans entiers de décision humaine pourraient bientôt être délégués à des automates. Les machines feront-elles les "lois" de demain ?
"Science sans conscience n’est que ruine de l’âme." Rabelais exprime finalement ce qu’est l’esprit humain : intuition, conscience, communion.
La conscience – cum scientia (latin) : activité psychique qui fait que "Je pense le monde et que je me pense moi-même, et ce parce que la conscience est une mise à distance de l’homme face au monde et à lui-même". C’est ce qui fait que je ne suis pas posé dans le monde comme peut l’être un objet, mais que "je" me rapporte au monde, que "je" le vise, que "je" m’y projette.
Que nous soyons en mesure de créer des "machines intelligentes", qui accomplissent certaines tâches pour le seul profit de l’humanité, est louable. La conscience prend alors une autre dimension, celle de la dignité qui permet à l’homme de penser le monde et de se penser lui-même. Mais celle-ci a un prix, elle est une libération qui impose la nécessité de devoir répondre de ses actes et de les assumer. Parallèlement à cela, parce qu’elle permet la pensée, elle est ce qui génère le questionnement philosophique.
À l’invitation "Connais-toi toi-même", Socrate répond : "Je sais que je ne sais rien". Humilité qu’une machine ne saurait avoir. Par moments, il est bon de ne pas pouvoir répondre à une question, car cela enclenche un processus stimulant pour l’homme comme la recherche d’hypothèses… ce carburant intellectuel, adrénaline de l’esprit, caractéristique propre à l’être humain.
Que deviendrions-nous si demain l’IA prenait le dessus ? Des morts-vivants ? Des esclaves d’une technologie inventée par nous mais dont nous aurions perdu le contrôle ? Peut-être… Alors, restons vigilants !

Maud Batut
Rédactrice en chef

L’exemplarité…
Ou comment incarner l’émulation

Nous devons bien avouer qu’au fond de nous-même, nous aimons parfois les images. Tout commence dès le plus jeune âge. Lorsque notre comportement en classe répondait aux attentes du maître, nous avions droit à une image. "Sage comme une image", être un modèle pour ses petits camarades, une référence…
Notre nature humaine a besoin de modèles, car souvent un manque d’imagi-nation nous incite à trouver chez les autres des points positifs que nous souhaiterions nous approprier. Mais attention, si rechercher une vertu semble positif, il faut qu’elle conserve néanmoins son caractère pédagogique, sous peine de dénaturer "l’exemple" et n’en faire qu’un simple copier-coller sans intérêt. Un modèle n’est pas une idole, notre libre-arbitre doit rester intact.
En cela, la notion d’exemplarité ne constitue pas un frein à la liberté individuelle, bien au contraire. Elle doit conserver son caractère profond qui a pour nom "l’émulation". Ce sentiment, considéré comme noble et louable, est supposé pousser à surpasser ses concurrents dans l’acquisition de compétences et de connaissances dans un périmètre d’activités sociales diverses. Celle-ci suppose donc au préalable une adhésion au modèle revendiqué. Et, ce qui en fait tout l’intérêt, c’est la volonté de transcender celui-ci. Que le contexte soit le défi personnel ou collectif, que l’objet soit culturel ou professionnel, la volonté initiale est la même… Progresser !
Appliquée au monde entrepreneurial, qui peut incarner ce concept d’exemplarité, si ce n’est le détenteur du pouvoir, celui qui imprime un cap à tenir et définit les moyens à mettre en œuvre ? Le dirigeant de la société doit être un exemple pour ses collaborateurs, car il est le pourvoyeur des références comportementales qu’il doit mettre en harmonie avec les propos qu’il tient.
Il ne doit pas y avoir d’interférence entre les traits de personnalité de celui-ci et les stratégies qu’il dicte. Un dirigeant est là pour incarner un modèle d’autorité, un diffuseur de politique d’entreprise, un gardien de l’éthique de celle-ci, un équilibre social juste. Si l’on prend la référence militaire, l’exemplarité du chef rejaillit sur ses troupes. L’admiration portée au commandement se traduit dans les faits par une transcendance des troupes dans un contexte martial où côtoyer la mort ne peut se faire sans une absolue confiance dans une hiérarchie et ses décisions. Être un modèle suppose ici d’incarner le respect, l’admiration, la confiance, l’adaptation, le don de soi…
Le modèle "exemplaire" doit également veiller à ce que l’image qu’il transmet est bien conforme. Elle ne devra pas être dénaturée par le fait qu’en qualité de référent initial, celui-ci n’est pas vraiment un critère absolu en soi ; ou encore que les récepteurs de l’image émise ne possèdent pas le même degré de volonté et d’énergie pour devenir eux-mêmes des relais positifs pour leurs compagnons de travail.
Les faits divers regorgent hélas de cas de ce type. Celles et ceux qui sont supposés être des modèles pour leur société cèdent parfois à des pulsions néfastes pour le plus grand nombre. Les collaborateurs ont besoin d’un "idéal" managériale pour pouvoir coopérer activement en situation de changement. La volonté de collaborer si celui-ci est absent se traduit très vite par une situation d’échec et de mise en danger de la firme elle-même. Nous avons besoin de références positives, pas de gourous ni d’apprentis sorciers, encore moins de chefs de bandes. La coopération des collaborateurs de l’entreprise passe par la confiance dans leurs dirigeants, et la notion d’engagement repose sur l’adhésion au modèle, à l’aspect rigoureux et exceptionnel de celui-ci, à la cohérence de son image.
Or donc, restons très attentifs à nos actions, en qualité de référents et de décideurs, nous sommes les artisans de nos destins professionnels. Si l’entreprise ne marche pas, c’est de notre responsabilité. Si un accident survient, c’est qu’il y a une faille sévère dans notre dispositif de sécurité au travail. Si nous sommes pénalisés, c’est que la faute est nôtre, volontaire ou non. Pour conclure, si nous devons trouver un mot qui colle bien à "l’exemplarité", adoptons sans hésiter la "responsabilité".
Regardons-nous dans une glace, et ne trichons pas… Sommes-nous vraiment en accord avec l’image du modèle que nous sommes censés émettre ?
Une bonne question à se poser chaque matin.

Maud Batut
Rédactrice en chef

Vérité, relativité, opinion, ça se discute…

Nous le savons tous, il y a autant de vérités que d’individus et, de fait, la communication peut parfois devenir laborieuse, chacun campant sur ses propres affirmations avec le sentiment d’être propriétaire de l’objectivité…

Certains malentendus naissent de ce constat, les conflits également.

Ce que nous considérons comme vérité n’est en fait, bien souvent, qu’une opinion. La démarche d’élaboration d’une vérité doit se distinguer de cette dernière, et c’est là qu’intervient la notion de relativité. La formule "à chacun sa vérité" suppose une conception relativiste élaborée notamment par le philosophe sophiste Protagoras dans les dialogues de Platon (Théétète). Ce relativisme, en posant que c’est de l’être même des choses, et non seulement de leur connaissance, que chaque individu est le critère, fait de la connaissance un simple point de vue et abolit ainsi toute possibilité de vérité.

La célèbre formule "l’homme est la mesure de toute chose" tend à signifier qu’il n’y a pas de vérité absolue, mais une multiplicité de points de vue qui varient en fonction des époques, des lieux… des états d’âme. À la "vérité", préférons le concept "d’élaboration du sens en domaine contextuel", et soyons prudents dans nos affirmations.

Si nous développons ce thème aujourd’hui, c’est qu’en qualité d’organe de presse, nous sommes fréquemment confrontés lors de nos entretiens rédactionnels à un certain nombre d’affirmations, toutes initialement de bonne foi mais qui, journalisme oblige, imposent une vérification ainsi qu’une analyse croisée, mais aussi et surtout contradictoire, du sujet traité.

Bien entendu, dans la plupart des cas, nous nous trouvons devant deux personnes bien identifiées, supposées être de bonne foi, mais nous sommes également face à deux expressions d’une réalité dont l’angle de vue multiple génère une différence qu’il nous faut prendre en compte. De fait, la vérité a disparu et nous sommes devant deux opinions plus ou moins éloignées voire contradictoires.

Analysons rapidement ce qu’est une opinion, à savoir un jugement que l’on porte sur un être vivant, un phénomène, un fait, une situation, un objet ou une chose. Elle peut être considérée comme bonne ou mauvaise, tout dépend de la nature de l’individu, de son caractère, ses émotions, son comportement. Elle peut donner de mauvaises informations - et donc influencer - sur un sujet étudié au sein d’un groupe, d’une personne, d’un objet. Celle-ci est un ensemble de jugements que l’on se fait à propos d’un objet. Selon des définitions attribuées à Platon, elle est la "conception que la persuasion peut ébranler, fluctuation de la pensée par le discours, pensée que le discours peut mener aussi bien au faux qu’au vrai". Celles-ci peuvent donc être paradoxales, consensuelles ou douteuses.

En conclusion, qu’est-ce que la vérité et comment l’atteindre puisque l’on ne peut pas la confondre avec la réalité et encore moins avec l’opinion ? D’un point de vue théorique, elle s’oppose à l’erreur ou à l’illusion. D’un point de vue pratique, elle s’oppose au mensonge.

Vous comprendrez sans effort les choix cornéliens d’une direction de publication qui doit, selon la formule consacrée et parfaitement appropriée, "séparer le bon grain de l’ivraie", l’ivraie étant cette graminée sauvage et nuisible qui est censée provoquer une sorte d’ivresse.

Aussi, lorsque nous engageons le débat sur tel ou tel sujet, gardons-nous de nos opinions tranchées, méditons sur le sens caché des choses ou des faits, prenons la hauteur et le recul nécessaires à une bonne compréhension contextuelle des événements et, toujours pour invoquer les métaphores dont regorge notre belle langue française, "ne prenons pas les vessies pour des lanternes". Ceci étant fait, et après une bonne nuit de sommeil dessus, la vérité nous apparaîtra lumineuse et toujours surprenante, car elle n’est jamais celle que l’on croit, c’est en cela qu’elle est magique, une évidence universelle partagée.

Maud Batut
Rédactrice en chef

Ne nous voilons pas la face…

Il est d’usage lors de nos éditoriaux d’élever le débat et, souvent, nous faisons appel à des références philosophiques universelles. Une respiration salutaire destinée à nous apporter un rayon de soleil par une réflexion apaisée. Hélas, la réalité nous rend parfois la vie dure, de même que les chiffres sont têtus.

Depuis quelques mois déjà, nous sommes régulièrement interpellés par nombre d’opérateurs fortement courroucés devant l’augmentation significative des impayés après obsèques. Il est un fait que le contexte économique actuel n’est pas des plus favorables, mais pas que… Les familles connaissant des épisodes tendus financièrement se manifestent en général et, bien qu’évoquer leur situation soit délicat et sensible, elles trouvent toujours auprès des opérateurs funéraires des réponses qui prennent en compte ces difficultés ; et ceux-ci aménagent des échéances de la façon la plus souple possible. Nous le savons tous.

Il y a également ce qu’il est convenu d’appeler "les personnes dépourvues de ressources suffisantes". Ces familles trouvent une écoute attentive auprès des services sociaux de leur commune, ainsi qu’un accompagnement dimensionné, de même qu’une médiation, voire une prise en charge financière des obsèques. Enfin, il y a les endettés chroniques, les furieux de la carte bleue, les "je-m’en-foutistes" de tout poil, pour qui tout est dû, se moquant totalement des conséquences de leurs actes. Ils connaissent parfaitement les textes de loi, comment les contourner et sont des adeptes conscients du "Comment vivre au-dessus de ses moyens"… référence à l’opus écrit par André Calles, Dominique Eudes et Nicole de Menthon, édité chez Denoël en 1981.

Là où la démarche commerciale (il faut bien à un moment parler d’argent lors d’organisation d’obsèques) devient délicate, c’est que les textes protègent l’insolvabilité par surendettement mais, malheureusement, ceux-ci ne séparent pas les inévitables et compréhensibles épisodes involontaires ou temporaires de ces autres moutons noirs.

Face à cela, il me vient en mémoire un article, dans le très sérieux China Daily, informant des faits suivants… qui ne présagent rien de bon. La Chine, dans sa province du Hebei, teste une application visant à donner une "note sociale" d’ici à 2020 à sa population. Cette application serait intégrée notamment au célèbre WeChat, majoritairement utilisé par les Chinois mais aussi chez nous. Cela permettrait de signaler sur votre smartphone la présence "d’endettés" et de "personnes inciviques" dans un rayon de 500 m. Dissolution de la vie privée, incapacité d’accès aux moyens de transport ou aux services publics, non possibilité de location d’appartement, d’accès à l’éducation… les pénalités prévues sont nombreuses et progressives, de même que les bonus pour la dénonciation de ces personnes. L’arrivée de l’intelligence artificielle va décupler les possibilités et initiatives de ce genre. Il y aura donc d’une part les "bons citoyens bien notés", et les "moutons noirs" d’autre part. Bien sûr, ce type de système de délation ne peut avoir nos faveurs…

Mais ne souriez pas en pensant que nous sommes exonérés de ce type de menace à la vie privée. Celle-ci s’arrête où commence celle des autres. Et bien que nous soyons attachés à la préservation de cette qualité de vie, je ne sais pas combien de temps nous pourrons encore résister au nom de ces bons sentiments, au train où vont les choses et la technologie.

Votre magazine "Résonance" s’est toujours attaché à traiter des innovations et de l’actualité funéraire de façon la plus homogène possible. Aussi, ne soyez pas étonnés si, dans nos prochains numéros, nous ouvrons nos colonnes à des juristes, des économistes, des réseaux ou des financiers, pour que soit abordé le sujet de l’endettement, mais de la manière la plus digne possible, sans démagogie, et également sans concession pour certains qui abusent de façon préméditée des dispositions sociales existantes. En conclusion, je citerai la phrase pleine de sagesse de l’une de mes amies chinoises : "Tu sais, tu vis au paradis, et tu ne le sais pas"…

Maud Batut
Rédactrice en chef

L’abus de faiblesse, le degré zéro de l’humanité

C’est un sujet qui est venu sur le devant de la scène avec ce qu’il est convenu d’appeler "l’affaire Bettencourt", aux contours flous, et soudain, passé la médiatisation de cet épisode, nous avons tous pris conscience que cette situation abusive n’avait rien d’exceptionnel, bien au contraire.

Le scénario est simple, une démarche individuelle ou commerciale "appuyée" peut rapidement se transformer en abus de faiblesse. La cible première est constituée par les personnes âgées. Pour la plupart, elles vivent seules (environ 25 % des hommes et 52 % des femmes) et ont plus de 75 ans. Ces personnes peuvent également être isolées socialement ou géographiquement, mais surtout, elles peuvent être affaiblies psychologiquement ou physiquement du fait d’une perte partielle d’autonomie.

La conséquence de cet état est que celles-ci seront tentées d’accorder leur confiance à celui ou celle qui saura recréer un lien avec elles et, de façon insidieuse, obtenir de leur part de l’argent, une signature au bas d’un contrat, voire des biens. Cette manœuvre sournoise et lâche tend à devenir banale. Il faut malheureusement avouer que l’état de décrépitude morale de certains ouvre la porte à tous les débordements frauduleux et indignes.

Le législateur sanctionne l’abus de faiblesse sur le plan civil aussi bien que sur le plan pénal. Ce dernier prévoit trois années d’emprisonnement et 375 000 € d’amende, et bien sûr sur le plan civil l’annulation d’éventuels contrats passés entre la victime et son bourreau. Mais, n’est-ce pas appeler les pompiers lorsque l’incendie a déjà ravagé la maison ? Bien évidemment, les moyens de recours existent, mais, si vous considérez le sociotype des victimes, vous imaginez aisément qu’elles ne sont pas en mesure d’appréhender une suite juridique pour faire valoir leurs droits.

Et si l’on inversait la tendance ? C’est-à-dire, dans le domaine qui est le nôtre et qui n’est pas exempt de tels comportements sordides, si le législateur avait la bonne idée de préciser noir sur blanc les domaines où la vulnérabilité des personnes est une évidence incontestable. Prenons par exemple le démarchage immédiat post-obsèques sur le conjoint survivant pour la prévoyance funéraire, que ce soit directement ou téléphoniquement, ou encore la survente lors de l’organisation des obsèques, inventaire à la Prévert…

Le problème est toujours le même. Notre profession est composée très majoritairement de personnes honorables et dévouées dans l’accomplissement de leur mission funéraire… Il reste toujours le 0,1 % de vautours qui estiment être au-dessus des lois humaines de dignité et de respect envers les personnes affaiblies, et qui justifient à elles seules que la République légifère pour protéger celles et ceux qui ne sont plus en mesure d’exprimer totalement et de façon indépendante leur libre-arbitre.

Alors, oui, un tel texte appliqué au funéraire est souhaitable, car il est hors de question que les pratiques délictueuses d’un nombre infime viennent jeter l’opprobre sur une profession tout entière. À bien regarder, un fort pourcentage des personnes qui font appel à nos services sont âgées, veufs ou veuves, isolées, parfois malades ou handicapées, certaines méconnaissent la langue française, leur niveau d’instruction peut être aussi faible ou inexistant, et cela va de pair avec la détresse économique… Vous connaissez, c’est souvent votre quotidien.

Notre devoir de dignité est de les accompagner de façon loyale au mieux de leurs intérêts matériels et moraux. C’est ce qui fait la grandeur de notre métier, et c’est ce qui nous fait chaud au cœur en fin de journée. Avoir agi humainement et moralement.

Soutenir des initiatives législatives et réglementaires afin de contenir les pratiques commerciales délictueuses en domaine contextuel, c’est avant tout nous protéger nous-mêmes d’individus qui n’ont rien à faire parmi nous, professionnellement et humainement. Méditons et agissons ensemble…

Maud Batut
Rédactrice en chef

Les lois entravent-elles nos libertés ?

Bonne et intéressante question me direz-vous… penchons-nous ensemble sur ce sujet délicat par les temps qui courent. Tout d’abord il convient d’effectuer le distinguo entre les lois naturelles et les lois morales, qu’elles soient d’essences politiques ou juridiques.

La loi naturelle renvoie aux sciences de la nature et définie ce qui est ou advient dans la nature. Einstein avec sa théorie de la relativité générale n’écrit pas un texte, il clarifie ce qui est et que jusqu’à présent nous ignorions. La loi dans son acceptation juridique ou politique, prescrit, énonce un devoir ou une obligation. Bien évidemment si tout le monde appliquait le même sens et les mêmes valeurs morales, il n’y aurait pas besoin de créer des lois. Ce qui est intéressant, c’est que les lois ne sont pas des obstacles à la liberté. Nous sommes en effet en mesure d’enfreindre ces dispositions à nos risques et périls, s’entend.

Si l’on estime que le concept de liberté s’entend en l’absence de toutes lois ou de tous règlements, il est essentiel de distinguer la contrainte de l’obligation. La contrainte suppose une force à laquelle nous ne sommes pas en mesure de nous soustraire, qu’elle soit physique ou morale, et qui annihile notre capacité de faire et d’assumer nos choix. Une dictature s’apparente à cette description contextuelle de la contrainte.
A contrario, l’obligation suppose la liberté, nous ne sommes pas en dictature, la loi morale ou juridique n’évolue pas dans un contexte de contrainte.

Bien sûr, nous avons l’exemple chaque jour d’entorses aux lois les plus élémentaires et c’est justement parce qu’il faut appliquer ces lois que nous pourrons jouir de nos libertés de façon pérenne. S’affranchir de ce constat nous propulsera dans un univers que nous ne souhaitons pas, celui où le choix n’existera plus. Donc, la non application de la loi est un danger liberticide.

Abolir la loi serait rétablir celle de la nature à savoir la loi du plus fort. Dans le "Pacte Social" de Rousseau il y a une véritable urgence à quitter cet état de nature, car c’est un état de guerre et d’injustice. Or donc, vivre sans lois c’est ne supporter personne au-dessus de soi, c’est ne suivre que son propre, bon vouloir, non celui des autres… ce qui revient à se détourner, à se passer d’autrui. De toute évidence, renier la loi revient donc à renier la dimension politique qui fait l’homme en tant que tel, un tenant de cette fameuse humanité qui tend au perfectionnement d’elle-même et de la société dans laquelle elle évolue. Rien n’est parfait certes, mais il vaut cent fois mieux une liberté sous l’égide des lois qu’une dictature sous le règne du plus fort.

En conclusion, au lieu de chercher en permanence le moyen de contourner les lois dès qu’une est votée, penchons-nous sur l’esprit qui a présidé à sa rédaction et qui est inspiré par le bien commun et l’intérêt général. Pour ce qui nous concerne, nous, professionnels du funéraire, nous avons des instances telles le CNOF où nous sommes en capacité de prendre en main notre destin, d’en être les artisans actifs, c’est ce que nous faisons et c’est ce que nous devons entretenir avec force et vigueur. Alors, appliquons ces textes, ces lois, il en va de notre liberté individuelle et collective…

Maud Batut
Rédactrice en chef

Transparence, éthique et respect des équilibres

Il n’aura échappé à personne que notre pays traverse une grave crise sociale conjuguée avec un contexte économique pour le moins tendu. Depuis plusieurs mois de nombreuses manifestations sont l’expression d’un grand nombre de revendications dont le recul permet maintenant de poser une synthèse.
Il ne nous appartient pas dans ces colonnes professionnelles de lancer un débat politique mais il est impossible de rester insensible à l’expression de cette colère sociale, quelles qu’en soient la source ou les récupérations multiples dont elle fait l’objet.
Si nous voulons tenter de tirer une leçon de ces événements, nous ne pouvons que constater que le souhait profond des Français, toutes tendances confondues, va vers l’expression d’une éthique affirmée en matière politique et économique. Cette volonté de justice doit être prise en compte par l’ensemble des corps sociaux. Qu’on le veuille ou non, le funéraire n’échappe pas à ce postulat, même si certains ne manqueront pas de sourire à cet énoncé.
Or, le funéraire a depuis longtemps déjà fait cette introspection. Il suffit de se pencher sur les textes législatifs et réglementaires en vigueur pour constater que notre secteur professionnel est l’un de ceux qui légifèrent le plus, sinon le mieux.
Affirmer l’éthique dans ce domaine, c’est avant toute chose faire œuvre de transparence. Les devis-types sont la réponse dimensionnée au besoin d’information d’une population rendue soudainement vulnérable par la perte d’un être cher et qui se trouve devant des choix contextuellement pénibles à mettre en œuvre.
Nous avons un arsenal de textes adaptés dans l’ensemble des activités de la profession, encore faut-il les respecter, d’autant plus que ces textes ne sont pas le fruit du hasard mais bien d’une concertation préalable avec l’ensemble des fédérations, groupements et réseaux d’influence du funéraire.
Il y a également des voies d’amélioration prioritaires. Parmi celles-ci, penchons-nous sans attendre sur le délicat problème des transports de corps transfrontaliers et de l’imbroglio administratif qu’il génère d’un côté et de l’autre d’une frontière depuis longtemps effacée, Europe oblige. La simplification, la cohérence et l’harmonisation administrative sur ce sujet sont des priorités dont le CNOF doit être le porteur diligent, nous semble-t-il.
Nous évoquions plus haut l’indispensable transparence en matière funéraire, notamment le volet de la tarification. Il en est un autre qu’il nous paraît nécessaire de souligner : la liberté de choix des familles. Cette liberté de choix commence par une information loyale, claire et détaillée des obligations réciproques lors de la signature d’un devis, d'un bon de commande ou d'un contrat.
La liberté de choix, c’est avant tout le respect des familles en deuil et de ses volontés. Le respect et la dignité fondent notre relation de confiance avec les familles et il ne saurait être question de laisser s’installer une dérive préjudiciable à l’ensemble de notre profession, nous en sommes tous d’accord. Alors, démontrons-le sans attendre à celles et ceux qui sont en droit d’exiger des comptes de notre part, exposons sans crainte ce que nous sommes, femmes et hommes de confiance, gestionnaires de probité, accompagnateurs dignes de la douleur.
Nous n’avons pas à craindre d’une concurrence illusoire mais seulement de nous-même et de nos actes. Ouvrons donc le débat entre nos différentes instances dans des états généraux salvateurs et traçons les perspectives d’une profession qui n’a pas peur d’elle-même et de ce qu’elle représente. Telle sera notre contribution à ce grand chantier de la rénovation sociale qui débute seulement… soyez-en convaincus.

Maud Batut
Rédactrice en chef

L’actualité du funéraire a été une nouvelle fois mise en avant par certains médias. Pour d’autres, il ne faut pas parler de la mort, c’est encore tabou. Eh bien, parlons-en…

Économie, éthique, finance… où sommes-nous dans tout cela ?

La financiarisation du secteur funéraire est relativement récente et suit de façon naturelle l’émergence, l’apogée et la disparition de certaines "bulles". C’est ainsi que le monde économique s’est intéressé très tôt à l’immobilier avec le résultat que l’on connaît (subprimes), puis à l’informatique et aux télécoms, tous les pans de notre savoir-faire y sont passés. Une telle frénésie ne s’est pas encore emparée du funéraire, ou si peu que l’on peut considérer que notre segment est marginal et n’intéresse pas grand monde ?

Erreur, c’est exactement le contraire. Les appétits sont déguisés et discrets mais ils sont bien présents. Il est vrai que le funéraire ne déchaîne pas les passions, fait même un peu peur, mais lorsque l’on évoque les chiffres d’affaires de la profession et la perspective proche du baby-boom, les craintes ancestrales s’estompent au profit de l’attente programmée de rendements juteux. La machine à sous est une chose mais l’argent et ce qu’il permet, ne doivent pas nous faire perdre de vue qui nous sommes et ce que nous faisons au quotidien et pour qui. Certes un apport conséquent en trésorerie permet de réaliser bien des choses, mais pour le bénéfice de qui ? Des actionnaires ? Des familles ? Des deux ? Intéressante question s’il en est. Lorsque le monde frétille en attente de la manne monétaire, replongeons-nous dans nos souvenirs d'étudiants en direction des philosophes grecs, qui déjà à leur époque, s’étaient penchés sur cette problématique.

Aristote surnommé "le Prince des philosophes", élève de Platon était très soucieux de recréer l’harmonie dans la Cité par une quête du bonheur idéal, le détachement par rapport aux richesses terrestres qui étaient supposées améliorer la vie sociale. Nous sommes à des années-lumière des revendications contemporaines. Il dénonça les pratiques spéculatives et monopolistiques et instilla de l’éthique dans son rapport à l’argent. Cette théorie, "la chrématistique" (du grec chrema = richesse) se composait de deux formes distinctes. La première consistait à acquérir des richesses en vue de la satisfaction des besoins en ayant pour seul objet le bien-être humain dans la maison. Pour Aristote, l’économie raisonnée est un moyen au service d’une finalité humaine. La seconde forme, qu’il condamne sans détour, consiste à confondre l’économie en oubliant la finalité humaine mais en inscrivant "les richesses" comme seules finalités. La chrématistique doit être une technique au service de l’homme et de l’économie et non une finalité ayant pour objet l’accumulation sans limites de la richesse.

Aristote serait-il le premier dénonciateur du grand capital ? Possible… son souhait s’inscrit dans la clarté des échanges et surtout une notion du bien commun nouvelle, profitable à tous et aux institutions. Indéniablement grand nombre de nos managers ou gouvernants feraient bien de se replonger dans "Éthique à Nicomaque" au lieu de considérer que la finance n’est plus au service de l’économie mais au seul service d’elle-même.

Bien entendu, nous ne sommes pas des ignorants, nous savons tous qu’une entreprise doit assurer la couverture de ses risques et générer du profit, ne serait-ce que pour investir en moyens matériels et humains et satisfaire le bien-être de ses forces vives. Mission impossible ? Certes non. Il suffit simplement de réfléchir un peu et d’arrêter de scier la branche sur laquelle nous sommes tous assis, car une fois brisée, cette branche ne sera plus d’aucune utilité pour quiconque.

Dès lors, un nouveau monde émergera et je ne suis pas certaine que nous l’appréciions et que l’éthique, l’économie, la finance, cèdent la place définitivement à l’intolérance, la haine et la violence. Sommes-nous vraiment prêts pour cela ?

Maud Batut
Rédactrice en chef

Éduquer, enseigner, transmettre… si proches et pourtant si éloignés

La formation des personnels est une composante essentielle au sein de chaque entreprise funéraire. Elle se veut tout d’abord "réglementaire", ce qui veut dire "obligatoire". Sa durée varie en fonction du poste occupé, agent, conseiller, maître de cérémonie, dirigeant… sans oublier bien sûr les thanatopracteurs.

L’ensemble du dispositif est cadré dans la loi 2008-1350 du 19 décembre 2008, par insertion d’un article L. 2223-25-1 du CGCT, puis dans le décret 2012-608 du 30 avril 2012 et enfin précisé dans les décrets D. 2223-55-2 à 17 du CGCT. Une circulaire du 20 juin 2012 souligne les modalités d’exécution. Loin de moi l’idée de remettre en cause ces textes cadres. Néanmoins, je pense utile que nous nous interrogions sur le fond autour du concept "formation" qui se révèle être une sorte de fourre-tout avec notamment des spécificités importantes.

L’éducation en effet suppose plusieurs synonymes tels qu’élever, enseigner, former. L’éducation renvoie à la famille, l’enseignement renvoie à l’école, former pour sa part aurait tendance à se substituer au concept d’éducation, voire à le faire disparaître. Il est de coutume de penser "formation initiale, formation professionnelle", à tel point que cette fameuse formation reprend l’adaptation d’un individu à la société de A à Z.

L’éducation se définit comme "l’ensemble des processus et des procédés qui permettent à tout enfant humain d’accéder progressivement à la culture, l’accès à la culture étant ce qui distingue l’homme de l’animal". Parler d’éducation fait référence à la pédagogie et les choses se compliquent quelque peu : "La pédagogie, dès qu’elle s’exalte elle-même, est toujours tentée de mépriser les savoirs qu’elle est chargée de communiquer. La pente de toute pédagogie est d’être un dogmatisme quant à la forme, la manière d’éduquer, lié à un relativisme quant au contenu", souligne justement Olivier Reboul dans son ouvrage "La Philosophie de l’éducation". Son analyse est intéressante à plus d’un titre car visiblement l’auteur ne se situe pas dans le camp de ceux qui privilégient "la méthode" au détriment du "savoir". La pédagogie se révèle être un incessant combat entre "contrainte et désir", "spontanéité et transmission", "rupture et continuité". Pour s’en convaincre, ne manquez pas le prochain débat télévisuel sur l’éducation, vous en aurez pour votre argent, si je puis dire. La polémique est éternelle.

Si nous rapportons cette réflexion à la formation des personnels, il est important de savoir ce que nous voulons en fin de compte : des têtes bien pleines ou des têtes bien faites ? Nos formations sont tournées vers le "savoir-faire" à acquérir, n’oublions pas que ce savoir-faire ne pèsera pas lourd s’il manque l’indispensable "savoir-être" qui, lui, ne se mesure pas en heures de présence. Vient alors la responsabilité qui nous incombe de la transmission au futur diplômé, l’indispensable tutorat, l’esprit compagnonnique qui, outre une technique, dispense l’humanisme irremplaçable, clé de voûte de la profession funéraire. Cet esprit dans sa transmission intacte, réclame une grande patience, une tolérance non laxiste, un amour du métier et de ce qu’il représente d’un point de vue opérationnel et symbolique… Bref, une certaine forme d’abnégation quand on prend conscience des sommets parfois à atteindre.

N’oublions jamais que nous sommes les artisans du destin de notre profession et que, de ce point de vue, nous créons aujourd’hui les acteurs funéraires de demain.
Alors, toujours prêts ?

Maud Batut
Rédactrice en chef

Remettons l’église au centre du village

En effectuant ma quotidienne veille de presse, je suis tombée sur une news qui m’a fait sourire et qui, si l’on considère le contexte, ne manque pas d’humour.
Je veux bien que nous soyons dans une civilisation où le smartphone tente de s’imposer en remplacement des contacts humains, où le réseau social, quel qu’il soit, remplace la lecture de votre journal préféré, mais il y a une limite à tout et il est grand temps de remettre "l’église au centre du village" comme disait justement ma grand-mère…

C’est ainsi que, dans sa grande sagesse, le TGI de Metz dans une décision du 17 août 2018 (TGI Metz, 17-08-2018 - n° 17/01794) a considéré les éléments suivants : en l’espèce, le défunt avait fait part de ses dernières volontés par SMS. Sa veuve avait contesté les dernières volontés de son mari avec qui elle était en procédure de divorce. Dans un SMS écrit à sa sœur le 23 octobre 2016, le futur défunt demandait que sa mère "récupère (sa) part".

Pour celles et ceux qui seraient tentés par ce mode pour le moins original en matière testamentaire, procédons à un petit rappel réglementaire : l’article 970 du Code civil entend protéger l’expression des dernières volontés du testateur et encadre la transmission de ses biens, la jurisprudence a régulièrement admis que le testament olographe pouvait être effectué sur n’importe quel support : une carte postale écrite de la main de l’intéressé, (Civ. 24 juin 1952), une lettre missive (Cass. civ., 25 avril 1925 ; ÇA Aix-en-Provence, 2 octobre 1973 ; contra CA Pau, 20 avr. 1961 ; 11 janv. 2005, n° 02-16.985), un carnet (CA Lyon, 4 janvier 1923), voire une machine à laver le linge (CA Nancy, 26 juin 1986, JCP N 1987, II, p. 96, obs. G. Venandet).

L’auteur du SMS aura sûrement confondu "olographe" et "télégraphe", bien mal lui en a pris. Abusé peut-être par une jurisprudence reposant sur des écrits électroniques (textos, courriels, réseaux sociaux), il faut cependant exclure les dernières volontés dévolutives par SMS. Donc, si vous pensiez faire une bonne blague à un ami très fortuné en profitant de son absence momentanée pour vous envoyer un texto de son téléphone, faisant de vous son légataire universel… C’est loupé !

Le TGI rappelle que "… cette exigence manuscrite permet de limiter des risques de falsification, de prévenir les risques d’erreurs dans la rédaction, de garantir une réflexion suffisante de la part du testateur". Le support de l’écriture n’a donc aucune importance pourvu que le testament soit "écrit en entier, daté et signé de la main du testateur". À ce niveau, une observation s’impose. Lorsque, par exemple, votre banquier accède à votre demande de prêt, l’ensemble des documents est réalisé par voie électronique et votre signature est également authentifiée par l’envoi d’un code sur votre smartphone, code que vous répercutez immédiatement sur la tablette de votre conseiller.

Il y a fort à parier que la simplification administrative, qui se "complexifie" toujours un peu plus chaque jour, se penchera, enfin, sur ces nouveaux moyens de communication, notamment pour les contrats obsèques (qui, comme par hasard ont une valeur testamentaire), les certificats de décès qui doivent être déposés en mairie avec la demande de transport de corps… Bref, la modification et l’évolution de ces archaïsmes administratifs feraient sans doute gagner du temps aux professionnels ainsi qu’à l’Administration, et ne laisseraient plus à la jurisprudence le soin comme d’habitude de tout régler. Donc, en ces temps de grande réforme, suggérons à nos gouvernants de se pencher sur le syndrome de l’usine à gaz, une spécificité bien française héritée de monsieur Colbert ; à défaut nous pourrions toujours tenter d’électrifier la bougie ?

Maud Batut
Rédactrice en chef

Quels ossuaires pour quelles villes ?

L’art. L. 2223-4 du CGCT (Code Général des Collectivités Territoriales), modifié par les lois n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 et n° 2011-525 du 17 mai 2011, dispose : "Un arrêté du maire affecte à perpétuité dans le cimetière un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt. Les restes des personnes qui auraient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire." Les maires se trouvent donc depuis 2008 dans l’obligation de posséder un ossuaire.
Toutefois, l’art. R. 2223-6 du CGCT précise que : "Lorsque le cimetière n’offre pas d’emplacement suffisant pour la construction de l’ossuaire visé au premier alinéa de l’art. L. 2223-4, les restes peuvent être transférés par décision du maire dans l’ossuaire d’un autre cimetière appartenant à la commune. Lorsque la commune est membre d’un syndicat de communes, d’un district ou d’une communauté urbaine, le transfert peut avoir lieu dans les mêmes conditions sur le territoire d’une autre commune appartenant au même groupement de communes."
Résonance a déjà publié de nombreux articles sur la législation en matière d’ossuaire, et en particulier sur la destination des restes exhumés après des reprises de concessions. Le constat que nous pouvons en faire, 10 années après la promulgation de la loi, est que les communes ont diversifié la création de leur ossuaire et la gestion du contenu. Beaucoup ont réaffecté des équipements existants, et rares sont celles qui ont réellement construit de nouveaux ouvrages.
En termes de destination, il est sans doute nécessaire de distinguer les restes des corps exhumés placés dans des reliquaires savamment identifiés par les services gestionnaires du cimetière, et les cendres issues de la crémation des ossements.
Concernant la crémation des ossements après reprise de concessions, une fois la non-opposition à la crémation des défunts contrôlée, la législation tolère que les restes des corps exhumés d’une même concession puissent être rassemblés dans une même volige en vue de leur crémation. Les cendres recueillies sont alors soit placées dans un reliquaire au sein de l’ossuaire, soit dispersées au jardin du souvenir.
Peu de villes utilisent la première hypothèse, car il n’y a guère d’intérêt économique à ajouter le coût d’une crémation, si les restes finissent dans un reliquaire. La deuxième hypothèse est donc a priori la plus fréquente. Quelques gestionnaires ne trouvent pas illogiques de rassembler avant la crémation, dans la même volige, les restes provenant de plusieurs concessions, puisque les cendres se trouveront rassemblées in fine au lieu de dispersion. L’intérêt économique de cette solution n’est pas négligeable, sauf que ce que la législation permet en termes de pièces anatomiques n’est pas clairement confirmé pour les restes des corps exhumés.
Afin de ne pas saturer prématurément leur jardin du souvenir, certaines villes ont créé des ossuaires spécifiques pour recueillir les cendres issues des reprises administratives, qui peuvent pour certains cimetières devenir rapidement très volumineuses. Une des solutions fréquemment utilisées est d’affecter à l’ossuaire un caveau justement repris. L’idéal est alors de prévoir une trappe ou ouverture sur le dessus de la pierre tombale pour permettre la dispersion sans avoir à effectuer de lourds travaux.
La récupération d’un caveau sain dont la concession n’a pas été renouvelée par les familles est une solution rapide et économique pour les municipalités. Un arrêté du maire affecte donc à perpétuité ce caveau comme ossuaire. Il est alors conseillé de l’identifier par une gravure pour la meilleure information des usagers du lieu.
Qu’en est-il des petites communes ? La gestion administrative des cimetières est exercée par le ou la secrétaire de mairie, qui doit partager son temps dans de multiples activités. Malgré toute sa bonne volonté, l’agent n’a que très peu de temps à consacrer à la gestion du cimetière. On constate d’ailleurs que les concessions sont souvent perpétuelles. Les reprises sont rares, et l’ossuaire, bien qu’obligatoire, n’est que peu utilisé, quand il existe. De plus, les communes rurales ont moins de problèmes fonciers que les communes urbaines, et il devient ainsi moins problématique de construire des extensions.
Ces petites communes ont grand besoin d’information, de soutien et de conseils pour leur activité funéraire. Elles ne disposent que très rarement de logiciel informatique de gestion des cimetières, et n’ont à leur disposition que des fiches cartonnées séculaires et des informations très parcellaires sur les types de concessions voire l’identité des défunts. Malheureusement, les contraintes budgétaires réduisent les investissements que les maires peuvent consacrer à leur cimetière, et il faut louer les municipalités qui proposent des cimetières parfaitement entretenus parfois magnifiquement exposés face à la mer ou à flanc de coteaux qui font le plaisir des randonneurs qui sont sûrs d’y trouver un point d’eau et un lieu de tranquillité pour une pause bien méritée.

Mathieu Legrand

Les exhumations de corps peuvent-elles être effectuées toute l’année ?

Le service proposé à nos lecteurs, de préférence abonnés, en matière de conseil juridique, a généré de nombreuses interrogations ou questions émanant de communes, en règle générale de petite taille, sur certaines modalités de l’exercice des pouvoirs de police du maire dans le domaine des opérations funéraires réalisées dans les cimetières. L’exhumation des corps et les conditions de sa réalisation est une préoccupation relativement constante.
En effet, nombreuses sont les communes qui s’interrogent sur la possibilité de surseoir durant la période estivale aux exhumations, qu’elles soient sollicitées par les familles (par les proches parents du défunt, article R. 2213-40 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales - CGCT), ou lorsqu’elles sont entreprises "administrativement" par les communes, soit dans le cadre de la mise en œuvre de procédures de reprises de concessions non renouvelées au terme d’un délai de deux ans après l’anniversaire du contrat ; ou abandonnées, notamment les concessions perpétuelles, soit lorsqu’il s’agit de reprendre des emplacements gratuits, sis en terrain commun ou service ordinaire, au-delà de la durée réglementaire minimum de cinq années, afin de les consacrer à de nouvelles inhumations.
La première des constatations, en ce domaine, est que le CGCT ne comporte aucune règle interdisant saisonnièrement les exhumations. En revanche, le maire est tenu de mettre en œuvre ses pouvoirs de police, ce qui constitue en fait plus qu’une obligation de moyens qu’un réel pouvoir, à portée facultative, qu’il tire des dispositions combinées des articles insérés dans le CGCT, partie législative ou réglementaire. Tant les articles L. 2213-7 à L. 2213-15, pour la partie législative, et R. 2213-2 à R. 2213-57 pour la partie réglementaire du Code, imposent au maire de nombreuses contraintes susceptibles d’engager sa responsabilité et celle de sa commune. Ces sections intitulées "Police des funérailles et des lieux de sépultures" ont codifié de nombreux textes qui, pour la plupart d’entre eux, existaient déjà dans le Code des communes, voire antérieurement dans le Code d’Administration Communale (C.A.C).
Selon l’article L. 2213-9 du CGCT : "Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort". Et l’’article L. 2213-10, pour sa part énonce : "Les lieux de sépulture autres que les cimetières sont également soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires".
Mais, au titre de la police générale dans la commune, le maire, en vertu de l’article L. 2212-2 du CGCT qui dispose : "La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques etc.", est tenu de prendre toutes dispositions de police utiles pour assurer l’hygiène et la salubrité publique sur le territoire de sa commune.
En période estivale, marquée le plus souvent par des chaleurs caniculaires, et bien que les exhumations doivent avoir lieu en dehors des heures d’ouverture du cimetière au public et achevées avant 9 heures, nombreuses sont les communes qui, par la voie du Règlement des cimetières, ont limité les périodes d’exhumation en été, soit purement et simplement interdites. À titre indicatif, à Marseille, le Règlement général des cimetières interdit les exhumations, quelle que soit leur nature, durant les mois de juillet et août de chaque année. Ce règlement général doit être institué par arrêté municipal et constitue en droit un acte administratif à portée réglementaire, opposable à tous les citoyens, qu’ils soient privés ou professionnels.
En conclusion, la règle qui ce dégage de cette tribune est que le régime juridique des exhumations, dès lors qu’il ne serait pas contraint par des dispositions législatives ou réglementaires, est libre et relève de la compétence du maire, agissant en qualité d’autorité dotée de pouvoirs de police autonomes, la seule limite étant les respect des finalités énoncées à l’article L. 2212-2 du CGCT, soit l’hygiène, la salubrité publique et la sécurité sanitaire.

Maud Batut
Rédactrice en chef

Concessions funéraires et caveaux 

La construction des caveaux est un droit reconnu aux concessionnaires ou à ses héritiers. Que choisir : les caveaux proposés par les communes ou ceux proposés par des entreprises ? La concession funéraire existe depuis l’Ordonnance royale du 6 décembre 1843 qui, en son article 3, prescrivait : "Les concessions de terrains dans les cimetières communaux pour la fondation de sépultures privées seront à l’avenir divisées en trois classes :
1) Les concessions perpétuelles,
2) Les concessions trentenaires,
3) Les concessions temporaires de 15 ans au plus.
Cette ordonnance avait mis fin à un long traumatisme issu des dispositions du décret-loi du 23 prairial an XII qui, inspiré par les dogmes révolutionnaires, dont l’égalité, avait instauré un régime juridique identique pour toutes les sépultures établies dans les cimetières communaux, la sépulture gratuite en service ordinaire ou terrain commun, pour une durée de cinq ans au-delà de laquelle la commune disposait du pouvoir intangible de reprendre les emplacements afin de les consacrer à de nouvelles inhumations. Ce décret-loi imposait donc que, pour un cimetière, la superficie des terrains devait être au moins cinq fois plus étendue que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés durant une année, afin de permettre les rotations quinquennales.
Les préoccupations des Français au XIXe siècle étaient de retrouver la possibilité de fonder dans les cimetières entrés dans le giron de la législation nationale, des sépultures familiales pérennes, car, au XVIIIe siècle, les associations cultuelles régnaient en maître pour créer et gérer des espaces sépulcraux, dans un but lucratif, même si les indigents devinrent au XXe siècle des "personnes dépourvues de revenus suffisants", auxquelles la sépulture en pleine terre était normalement dévolue. Pour MM. André Autran et Jean-Pierre Tricon, dans leur ouvrage "La commune, l’aménagement et la gestion des cimetières", "le caveau de famille est devenu une véritable institution dans la mesure où il permet, post-mortem, de réunir tous les membres d’une famille et ce pour l’éternité, sans distinction de croyances, ni de fortune".
C’est dans un tel contexte que l’Ordonnance royale citée a donné naissance aux dispositions législatives actuelles relatives à la définition de la concession funéraire, telle qu’elle résulte de l’article L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales. La construction d’un caveau sur une concession funéraire est un droit reconnu aux bénéficiaires de la concession, ainsi que la pose de monuments et tombeaux. De ce fait, un marché s’est ouvert, qui est demeuré longtemps dans le domaine des entreprises de travaux de marbrerie ou d’opérateurs funéraires polyvalents, dont les entreprises de pompes funèbres, qui peuvent, au titre de leurs activités connexes, proposer aux familles la vente de caveaux et des travaux de marbrerie.
Les concessions funéraires constituent un mode d’occupation du domaine public communal qui n’est pas exposé aux contraintes des occupations du domaine, précaires et révocables et elles n’ouvrent pas aux concessionnaires ou aux héritiers un droit de propriété (le domaine public est inaliénable et imprescriptible). Par contre, le caveau, généralement enfoui partiellement ou totalement dans le sol, constitue une propriété de la famille du concessionnaire.
Il est donc possible de considérer que la propriété du dessous ne l’emporte pas sur la propriété du dessus, tout autant que les règles d’ordre public protégeant la concession (obligation de renouvellement pour les concessions à durée déterminée), ou d’entretien pour les concessions perpétuelles, seraient respectées, car, dans le cas contraire, la commune est en mesure de se réapproprier ces emplacements.
Les communes ont lancé des marchés pour la construction des caveaux afin de maîtriser l’ordonnancement du cimetière, et de garantir la qualité des ouvrages durables et étanches en généralisant le caveau "monobloc". Les concessionnaires bénéficient de garanties sérieuses en matière de qualité des ouvrages confortées par la garantie décennale due par les constructeurs et maîtres d’ouvrage publics, dont la solvabilité ne pouvait être contestée.
Demeure, certes, la faculté de confier ces travaux à un entrepreneur privé, mais la commune est en mesure, par la truchement du règlement des cimetières, d’imposer des règles protectrices, portant notamment sur l’étanchéité des caveaux, car ce problème récurrent a fait l’objet de nombreux conflits. Nous aurons l’occasion de développer plus amplement cette thématique dans le cadre des articles de nos juristes, mais, devant les nombreuses interpellations qui nous parviennent, il m’est apparu nécessaire de rappeler ces quelques règles et principes de base.

Maud Batut
Rédactrice en chef

Cent de moins…

… et la sérénité en plus !

Selon les dispositions de l’article R. 2223-76 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), l’admission en chambre funéraire intervient dans un délai de quarante-huit heures à compter du décès, et peut avoir lieu sur la demande écrite (alinéa 3) : soit du directeur de l’établissement, dans le cas de décès dans un établissement de santé public ou privé qui n’entre pas dans la catégorie de ceux devant disposer obligatoirement d’une chambre mortuaire conformément à l’article L. 2223-39, sous la condition qu’il atteste par écrit qu’il lui a été impossible de joindre ou de retrouver dans un délai de dix heures à compter du décès l’une des personnes ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.
Les formalités d’admission sont particulièrement souples, dès lors qu’elles s’effectuent par la remise de l’extrait du certificat de décès au responsable de la chambre funéraire et, dans le cas où celle-ci serait située hors du territoire de la commune du lieu de décès, le maire de la commune où se trouve la chambre funéraire d’accueil du corps et le responsable de la chambre funéraire sont destinataires de l’extrait du certificat de décès.
Selon l’article article R. 2223-90 du CGCT, le seuil obligatoire des décès survenus dans un établissement de santé public ou privé imposant la création d’une chambre mortuaire dépend de la survenance d’un nombre annuel de décès qui doit être au moins égal à deux cents, cette condition étant appréciée au vu du nombre moyen de décès intervenus dans chacun des établissements considérés au cours des trois dernières années civiles écoulées. De surcroît, selon l’article R. 2223-89 du CGCT, le dépôt et le séjour à la chambre mortuaire d’un établissement de santé public ou privé du corps d’une personne qui y est décédée sont gratuits pendant les trois premiers jours.
Le CGCT, article R. 2223-79, édicte que, pour un transport de corps dans une chambre funéraire sollicité par un directeur d’établissement de santé public ou privé, n’étant pas tenu de disposer d’une chambre mortuaire, les frais résultant du transport à la chambre funéraire sont à la charge de l’établissement, ainsi que les frais de séjour durant les trois premiers jours suivant l’admission (cf. circulaire du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, du ministère de l’Intérieur, DH/AF, n° 99-18 du 14 janvier 1999).
Ces dispositions engendrent, certes rarement, des conflits entre les opérateurs funéraires, ainsi que cela ressort de certaines décisions judiciaires (cf. cour d’appel de Lyon, 3e chambre A, 14 décembre 2017), dans la mesure où le délai de dix heures courant à compter du décès peut ne pas être respecté ou, et cela constitue une réelle atteinte aux principes concurrentiels, si l’opérateur funéraire gestionnaire de la chambre funéraire se trouve en position dominante dont il pourrait abuser, en tentant de capter la clientèle potentielle qu’est la famille du défunt transféré dans son établissement. Il y a lieu également de s’interroger sur la légalité des conventions liant les établissements de santé publics aux opérateurs funéraires, gestionnaires de chambres funéraires, puisque, selon la circulaire précitée, celles-ci doivent nécessairement donner lieu à une mise en concurrence, rarement respectée.
En définitive, alors que la justification de la loi du 8 janvier 1993 était de garantir une concurrence pleine et entière entre tous les opérateurs funéraires, dont il convient de rappeler qu’ils gèrent une mission de service public, force est d’admettre que, par le biais des prérogatives conférées aux directeurs d’établissements de santé publics ou privés, le jeu de la concurrence est manifestement faussé car, même si l’autorité de la concurrence considère que le marché des obsèques est un marché pertinent, les familles placées devant la réalité de la présence du corps de leur parent dans une chambre funéraire deviennent éminemment captives.
Une raison de plus, afin de garantir l'égalité entre les opérateurs funéraires et d’assurer la protection des intérêts moraux et financiers des familles, pour prôner un abaissement du seuil obligatoire - de deux cents à cent, en moyenne annuelle selon les critères établis - pour l'aménagement dans les établissements de santé publics ou privés, voire dans les établissements sociaux ou médico-sociaux, de chambres mortuaires.

Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Circulez, il n’y a rien à voir !

Le droit au respect de la vie privée est inscrit dans notre Code civil (article 9 alinéa 2), disposant que : "Chacun a droit au respect de sa vie privée". Ce respect s’exprime sous réserve que nous prenions soin de ne pas livrer en pâture notre vie privée à grands renforts de réseaux sociaux. Sinon, les choses se gâtent…

Ces fameux réseaux sont au cœur de nos vies. Ils remplacent notre courrier et sont autant de cartes postales de prétendus événements réservés au cadre de la famille, mais désormais accessibles à la planète tout entière. Dans ce contexte, la confidentialité des données numériques est très mince, actualité oblige.

Le flou artistique réside dans le fait qu’il n’existe pas de réelle définition légale de ce qu’est la vie privée. La jurisprudence a cependant apporté un périmètre convenu qui semble protéger l’individu face aux atteintes de toutes sortes (vie sentimentale, vie familiale, santé, opinions politiques ou religieuses, situation financière…), mais de façon incomplète au regard de l’évolution fantastique des techniques de diffusion de l’information et de traitement des données, mais surtout de la rapacité de l’ogre numérique.

L’usage récent du réseau Internet a donc bouleversé les clivages traditionnels et donne un sérieux coup de pied à nos droits fondamentaux en la matière. L’apparition du Big Data, et les applications marketing qui en découlent, exposent désormais nos attentes les plus personnelles et anodines aux feux de la rampe et de nos commerçants inspirés 2.0. Il en est de même pour bon nombre de recruteurs qui examinent le profil Facebook des postulants, où les classiques soirées étudiantes arrosées deviennent autant de freins à des carrières prometteuses.

Nous devons constater, toute honte bue, que nous avons laissé prospérer des titans numériques qui deviennent autant de dictateurs détenteurs des profils de nos intimités et abuseurs de nos faiblesses innocentes. Nous savons consciemment que le mal est en nous, et nous en redemandons. L’addiction numérique est la drogue du millénaire. Face à cela, nos réactions sont lentes et progressives, car obéissant nécessairement aux règles du droit… Mais de quel droit parlons-nous face à un phénomène planétaire ? Bien sûr, la jurisprudence française s’est finalement substituée, mais vient toujours, et localement, avec un métro de retard sur des initiatives de compagnies financières n’obéissant qu’à une seule règle : "le premier arrivé a toujours raison et dicte sa loi".

Nous sommes peu de chose, mais, réunis, nous commençons à peser sensiblement dans le débat décisif de la préservation de nos libertés fondamentales. En sa qualité de groupe de presse professionnelle et spécialisée, Résonance prendra sa part d’initiative, et sera une force de proposition par la traduction concrète des attentes et exigences de l’ensemble des représentations de nos métiers du funéraire.

Le RGPD (Règlement Général pour la Protection des Données) est une fantastique opportunité de reprendre le contrôle de nos données et d’en assurer la préservation et l’intégrité totale. Que l’on soit opérateur, fabricant, concepteur technique, industriel, collectivité, groupe ou enseigne..., nous parlons d’une même voix : "nos données sont notre valeur."

De cette façon, le fameux "circulez, il n’y a rien à voir" sera une réalité face aux pilleurs numériques et margoulins de tout poil.

Maud Batut
Rédactrice en chef

Résonance n°139 - Avril 2018

 

"À la légère" ou bien "Mentir est tout un art" : on hésite…

Nous voudrions revenir sur l’incroyable affaire de l’inhumation à Paris des cendres de Michel Déon, initialement refusée par la Ville dite "Lumière" au nom des prescriptions du CGCT, et notamment des obligations qu’il imposerait pour l’inhumation.
Il y a une semaine, la mairie de Paris justifiait sa position sur l’application du droit, suivant l’avis de son adjointe chargée des affaires funéraires, Pénélope Komites. "Devant la mort, cette même égalité en droits s’applique, que l’on soit une personnalité publique ou non, que l’on soit membre de l’Académie française ou non. Et je suis fière qu’à Paris nous appliquions scrupuleusement ces principes fondateurs de notre République." (http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/02/19/01016-20180219ARTFIG00284-hidalgo-capitule-deon-aura-bien-une-sepulture-a-paris.php)
Eh bien, si nous sommes ravis que l’adjointe aux affaires funéraires de la Ville de Paris ait le sens de la République, nous sommes bien marris qu’elle n’en connaisse pas un peu mieux les dispositions du CGCT éclairées par le juge. Certes, l’auteur de "Pages grecques" ou du "Balcon de Spetsai" n’habitait pas Paris au moment de son décès et ne remplissait apparemment pas les autres conditions fixées par l’article L. 2223-3 du CGCT. Nous citons à dessein ces titres non parce que nous croyons que toutes les Pénélope sont grecques, mais simplement pour pointer que si Spetsai, charmante île non loin d’Athènes, avait été en France, son maire y disposerait de la faculté de pouvoir y inhumer Michel Déon : il n’y a pas de dérogation à demander, puisque cet article L. 2223-3 ne fixe aucunement le droit à obtenir une sépulture concédée dans un cimetière, droit qui est fixé par l’article L. 2223-13 du CGCT et pour lequel le juge reconnaît de longue date la possibilité de prendre en compte les liens du demandeur avec la commune (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. no 297914). Il n’y aurait donc rien d’infamant à refuser la sépulture à cet artiste s’il ne dispose d’aucun lien avec la Ville de Paris (et l’on peut comprendre que celui-ci soit examiné avec attention), mais non pour un motif tiré de sa domiciliation…
Allez, soufflons à Pénélope Komites une vraie possibilité de reléguer à la hussarde et légalement Déon : rien n’oblige le maire à un lieu de sépulture précis, et, avec tous les cimetières parisiens, on pourrait bien en trouver un, moins convoité que d’autres, disposant d’un emplacement inconfortable, qui n’offrirait pas au "jeune homme vert" le champêtre et glorieux repos que l’Irlande pouvait lui offrir…

Maud Batut
Rédactrice en chef

L’inhumation en terrain privé : selon que tu sois riche, puissant ou misérable ?

Parmi les nombreuses dispositions désuètes que recèle le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), l’inhumation en terrain privé se distingue tout particulièrement.

L’article L. 2223-9 du CGCT précise en effet que "toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite". Le sens de cette disposition est malaisé à appréhender. En effet, que signifient les expressions "hors de l’enceinte des villes et des bourgs" et "distance prescrite" ? Par exemple, pour cette seconde notion, le juge combine l’article L. 2223-9 avec l’article L. 2223-1 du CGCT, qui dispose que : "La création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière sont décidés par le conseil municipal. Toutefois, dans les communes urbaines et à l’intérieur des périmètres d’agglomération, la création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière à moins de 35 mètres des habitations sont autorisés par arrêté du représentant de l’État dans le département." Il en tire alors la conclusion suivant laquelle cette distance prescrite est de 35 mètres.  

"Il est particulièrement intéressant de relever que, depuis qu’il est interdit de conserver chez soi l’urne funéraire, loi 2008-1350 du 19 décembre 2008, ce mode d’inhumation en terrain privé va désormais constituer la seule possibilité de conserver chez soi une urne funéraire." Alors que les inhumations dans les cimetières sont accordées par le maire, c’est le préfet qui est compétent pour octroyer le droit d’être inhumé en terrain privé. Il s’agira du préfet du département sur lequel la propriété est située (art. R. 2213-32 du CGCT).

Ce pouvoir du préfet est totalement discrétionnaire, et ne se justifie le plus souvent que par l’existence de traditions locales ou familiales. L’autorisation d’inhumer en terrain privé sera exclusivement individuelle. Elle ne confère donc aucun droit d’inhumation dans le même terrain privé aux autres membres de la famille. Elle ne peut d’ailleurs pas être délivrée du vivant des intéressés d’après une circulaire du ministre de l’Intérieur du 5 avril 1976 (citée par Georges Chaillot, in "Le Droit des sépultures en France", éditions Pro Roc, p. 430). Ces autorisations ne peuvent donc donner lieu à la création de cimetières familiaux et privés…

Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Des cadavres dans le jardin…

Dans le journal Sud-Ouest publié en ligne le 27 octobre 2017 et sous la plume de Clément Pougeoise, on peut lire ce titre pittoresque :
"Dordogne : il découvre des ossements humains dans son jardin. Le journaliste nous dit : "En achetant leur première maison à Saint-Antoine-de-Breuilh, en Dordogne, en juin 2016, deux trentenaires débarquant du Nord de la France ne s’imaginaient pas tomber sur le cimetière des anciens propriétaires à quelques mètres de leurs fenêtres. En faisant réaliser des travaux d’épandage de la fosse septique, ils ont découvert des os humains dans le jardin.

"Au départ, on croyait qu’il s’agissait de squelettes de l’époque gallo-romaine parce qu’il y a un site pas loin." Le notaire, l’agent immobilier et les anciens propriétaires ont été alertés, et les travaux ont arrêtés trois jours durant. "Les gens qui nous ont vendu la maison nous ont alors expliqué, devant témoin, la présence d’une dizaine de corps qui sont les anciens propriétaires de la maison et leurs aïeux. La dernière habitante de la maison, en 1976, a été enterrée ici. C’est la grand-mère de la vendeuse." Il semblerait que ceci soit courant dans ce pays de tradition protestante : "Il y en a régulièrement dans le coin", précise le maire de la commune Christian Gallot, qui déclare ne pas être au courant de l’affaire. Le litige devra être tranché par le tribunal de Bergerac, puisque les actuels propriétaires souhaitent l’enlèvement des corps aux frais des vendeurs.
C’est l’occasion de rappeler que l’article L. 2223-9 du CGCT précise que : "Toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs et à la distance prescrite." Alors que les inhumations dans les cimetières sont accordées par le maire, c’est le préfet qui est compétent pour octroyer le droit d’être inhumé en terrain privé. Ce pouvoir du préfet est totalement discrétionnaire, et ne se justifie le plus souvent que par l’existence de traditions locales ou familiales. L’octroi d’une telle autorisation ne signifiera aucunement que l’autorité publique acceptera d’autres inhumations en ce lieu. Néanmoins, le maire reste l’autorité de police sur ces lieux de sépulture, puisque l’article L. 2213-10 du Code général des collectivités territoriales énonce que : "Les lieux de sépulture autres que les cimetières sont également soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires." Le maire peut ainsi exiger en vertu, de ses pouvoirs de police, que certaines prescriptions soient respectées par la sépulture en terrain privé quant aux modalités de l’inhumation, du respect de la décence…

On peut alors se demander pourquoi ne subsiste aucune trace juridique de l’existence de ces inhumations…

Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Le Cercueil

Au jour ou mon aïeul fut pris de léthargie,
Par mégarde on avait apporté son cercueil;
Déjà l’étui des morts s’ouvrait pour son accueil,
Quand son âme soudain ralluma sa bougie.

Et nos âmes, depuis cet horrible moment,
Gardaient de ce cercueil de grandes terreurs sourdes;
Nous croyions voir l’aïeul au fond des fosses lourdes,
Hagard, et se mangeant dans l’ombre éperdument.

Aussi quand l’un mourait, père ou frère atterré
Refusait sa dépouille à la boîte interdite,
Et ce cercueil, au fond d’une chambre maudite,
Solitaire et muet, plein d’ombre, est demeuré.

Il me fut défendu pendant longtemps de voir
Ou de porter les mains à l’objet qui me hante. . .
Mais depuis, sombre errant de la forêt méchante
Où chaque homme est un tronc marquant mon souci noir.

J’ai grandi dans le goût bizarre du tombeau,
Plein du dédain de l’homme et des bruits de la terre,
Tel un grand cygne noir qui s’éprend de mystère,
Et vit à la clarté du lunaire flambeau.

Et j’ai voulu revoir, cette nuit, le cercueil
Qui me troubla jusqu’en ma plus ancienne année;
Assaillant d’une clé sa porte surannée
J’ai pénétré sans peur en la chambre de deuil.

Et là, longtemps je suis resté, le regard fou,
Longtemps, devant l’horreur macabre de la boîte;
Et j’ai senti glisser sur ma figure moite
Le frisson familier d’une bête à son trou.

Et je me suis penché pour l’ouvrir, sans remord
Baisant son front de chêne ainsi qu’un front de frère;
Et, mordu d’un désir joyeux et funéraire,
Espérant que le ciel m’y ferait tomber mort.

Emile Nelligan
Eaux-Fortes Funéraires

 

De l’art de recycler, sinon les restes, tout au moins les chapelles…

La période est propice aux nouvelles concernant le secteur funéraire, c’est ainsi qu’on apprend, par un article de "La Voix du Nord" publié le 29 octobre dernier sous la plume de Charles-Olivier Bourgeot, que la Ville de Roubaix vient de décider de la vente aux enchères sur un site spécialisé de chapelles funéraires, issues, nous le comprenons, de reprises de concessions funéraires en état d’abandon (même si les conditions juridiques telles que présentées dans le quotidien nous laissent quelque peu dubitatifs quant à leur régularité).

Cette commune n’en est pas à son coup d’essai, puisque, parallèlement, elle procède de même pour des maisons, qui seront également mises à prix, à 1 €. Les acheteurs s’engageront "à effectuer les travaux de rénovation nécessaires à leur maintien". L’enjeu n’est pas anodin, puisque le cimetière de Roubaix compte 310 chapelles funéraires, et que la ville est désormais propriétaire de 53 d’entre elles. La vente concernera plusieurs de ces singulières propriétés communales : "Quatre chapelles ont été ciblées. Vidées, elles sont de différentes tailles (de
4 à 10 places) et dans un état correct."

"On ne vend pas des ruines", précise Margaret Connell, adjointe au maire en charge du cimetière. En sus du coût d'achat de l’édifice, les acquéreurs devront s’acquitter du prix des concessions. "On n’oblige pas à une concession perpétuelle, ce sont des concessions de 30 ans minimum", précise le directeur des affaires civiques. Enfin, on y apprend également que, fort astucieusement : "Chaque année, la ville restaure 3 ou 4 chapelles dont elle est propriétaire pour en faire de nouveaux columbariums. Et cette réaffectation fonctionne. "Ce qui est intéressant, c’est l’appropriation des lieux par les familles", selon Alain Vantroys, directeur du service municipal des droits civiques. Une bonne douzaine a déjà connu cette nouvelle destination. La ville dépense 150 000 € par an à cet effet.

Ces deux initiatives méritaient, selon nous, d’être mises en valeur. En effet, voici une démarche qui réussit le tour de force de présenter une solution économique tant pour les familles que pour la municipalité, tout en préservant un patrimoine autrement irrémédiablement voué à disparaître. Cette élégante solution mériterait bien de participer à une gestion moderne des cimetières tout en en préservant "l'atmosphère" si particulière de ce lieu…

Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 

À la manière d’un cadavre…

Dans la "Vie de saint François d’Assise", on rapporte cette citation : "Un jour, on demanda à François qui peut être vraiment appelé "obéissant". Il répondit en donnant le cadavre comme exemple : "Prends le cadavre et laisse-le là où tu veux : il ne te contredira pas et ne murmurera pas. Il ne dira rien lorsque tu l’auras déposé. Si tu le poses sur un siège, il ne regardera ni en haut ni en bas" [...]." Si cette maxime est usuellement employée pour illustrer l’obéissance, nous pourrons l’utiliser à d’autres fins.

Ainsi, on peut lire, dans Le Figaro en date du 16 août 2017, un article relatif aux bénévoles regroupés dans une structure dénommée "Collectif les morts dans la rue" dont nous reproduisons ce poignant extrait : "Nous sommes là afin qu’il soit clair, aux yeux de tous, que votre vie a eu un vrai sens et que vous êtes digne d’être saluée pour tout ce qu’elle a apporté aux autres". Dans le cimetière de Thiais (Val-de-Marne), Claude, pantalon noir, chaussures noires et polo bleu, s’adresse à la tombe de Yolaine, décédée à 84 ans. Il lit avec une voix grave le texte qu’il a préparé et un poème. La cérémonie est brève, mais solennelle. Une heure auparavant, il voyait la dépouille mortelle de Yolaine dans la chambre mortuaire où elle se trouvait avant sa mise en bière. Il ne l’a jamais connue, et pourtant, il a souhaité lui rendre hommage."

C’est l’occasion, en cette fin d’été pluvieuse, certes de rappeler l’extraordinaire dévouement de ces hommes et femmes accompagnant jusqu’à la tombe ceux qui leur étaient des inconnus, mais néanmoins leur frère en humanité. C’est aussi l’occasion de pointer, qu’aussi louable soit l’existence d’un service public de l’inhumation décente, républicaine, gratuite pour les plus démunis, il est des missions qu’il lui est malaisé de remplir, et qui, peut-être, devraient appartenir à la Cité.
En effet, l’article L. 2213-7 du CGCT énonce que : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance." Tandis que l’article L. 2213-27 du CGCT énonce que : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’article L. 2213-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend à sa charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques."

Derrière ces obligations juridiques essentielles, se pose donc la question, dans nos sociétés individualistes, d’une "liturgie laïque" pour ne pas oublier que ces inconnus méritent au moins quelques mots et un moment de recueillement, et surtout pour ne pas, dévoyant cette maxime des premiers ascètes chrétiens, que nous soyons pareils à des cadavres devant la disparition d’un homme…

Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 

Le site cinéraire a-t-il la réglementation qu’il mérite ?

Nous profiterons d’un article présentant un règlement de site cinéraire pour revenir sur cet équipement : s’il y a bien un équipement cinéraire qui peut être la source de nombreuse interrogations, c’est bien en effet celui-ci. Par exemple, en ce qui concerne la dispersion, le Code nous énonce que (art. L. 2213-2 du CGCT) : "Le site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation comprend un espace aménagé pour leur dispersion et doté d’un équipement mentionnant l’identité des défunts […]". On le sait, l’expression "jardin du souvenir", initialement retenue, n’est plus reprise dans les textes. Néanmoins, elle est l’expression la plus courante pour désigner "l’espace aménagé" pour la dispersion. D’autre part, si on délaisse un équipement ressemblant à un jardin, que choisir ? Un puits ? Une mer de galets ?

Deuxième interrogation : Que signifie réellement le terme "disperser" ? Faut-il strictement se conformer à l’acception d’un dictionnaire ? En un mot, convient-il d’interdire certaines pratiques comme le dépôt d’un monticule de cendres ? D’ailleurs, un tel monticule ne serait-il pas contraire au respect dû aux morts ? Faut-il obliger à le disperser d’une certaine façon ? Faut-il interdire cette possibilité aux familles, en arguant qu’il conviendrait d’être habilité pour ce faire, méconnaissant les hypothèses dérogatoires tolérées par l’Administration ? Toutes ces questions ne connaissent absolument aucune réponse juridique pour le moment.
En ce qui concerne l’inhumation des urnes, les questions sont moins présentes, néanmoins, quelques incertitudes subsistent ; pour les cavurnes, les problématiques sont bien moindres, et ce mode de sépulture cinéraire n’appelle que peu d’interrogations. Il en va de même, à notre sens, du scellement, où les seuls enjeux sont que le règlement de cimetière organise ce qu’il faut entendre par "sceller", tant en interdisant le simple dépôt qu’en favorisant un mode de fixation pérenne des urnes garantissant la solidité de leur fixation.

L’inhumation dans une case de columbarium, nonobstant l’incohérence déjà décrite dans ces colonnes résultant d’une dissociation malvenue et juridiquement erronée commise par l’Administration entre le régime du columbarium au sein du cimetière et celui contigu à un crématorium, ne pose que peu de problèmes. …
Voici pêle-mêle quelques remarques, qui n’épuisent pas le sujet, mais dont l’utilité pourrait être de constater que, bornées d’une part par le respect dû aux restes mortels et d’autre part par la nécessaire prise en compte des intérêts des communes dans la gestion économe et rationnelle de leurs équipements funéraires, les pistes sont nombreuses pour inventer la réglementation générale du site cinéraire de demain, là où, aujourd’hui, il ne peut qu’exister, mais c’est déjà un début, qu’un règlement local de cet équipement …

Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 

Le service public de l’inhumation en terrain ordinaire : relique ou enjeu ?

Le maire et son cimetière : une source permanente de responsabilité ?

Dispersion des cendres, pleine nature et voies publiques : de l’urgence d’une définition ?

Le cimetière et l’intercommunalité : le temps est-il venu de se trouver ?

Le cimetière est-il un lieu de promenade ou un espace vert pour l’application du "zéro phyto" ?

Pour une réglementation de l’ossuaire ?

Mais qui est donc la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ?

Réduction de corps et exhumation : ce n’est malheureusement pas du pareil au même…

Ordre public et sépulture : la commune est-elle obligée d’inhumer les innommables ?

Cimetière public et laïcité : le paradoxe français

À l’heure où la laïcité est au centre de tous les débats, on ne peut que se satisfaire de la solution retenue pour les cimetières, même si certaines dérives existent, parfois stimulées par les pouvoirs publics, lorsqu’ils incitent au carré confessionnel, pourtant illégal, comme succédané à l’interdiction du cimetière confessionnel. On ne saurait trop rappeler que la loi du 14 novembre 1881 a abrogé l’article 15 du décret du 23 prairial an XII, qui imposait aux communes de réserver dans les cimetières une surface proportionnelle aux effectifs des fidèles des différents cultes, et imposait alors aux familles de déclarer le culte du défunt.

Dans le même esprit, la loi de 1905 relative à la séparation des Églises et de l’État a interdit d’élever ou d’apposer tout signe ou emblème religieux sur les monuments publics, sous réserve, prévoyait l’article 28 de la loi du 9 décembre, des symboles religieux antérieurs à cette loi, et des terrains de sépulture dans les cimetières et monuments funéraires. Plus près de nous, le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose en son premier alinéa que : "Chaque commune consacre à l’inhumation des morts un ou plusieurs terrains spécialement aménagés à cet effet." L’article L. 2213-8 du CGCT confie, lui, au maire la police des funérailles et des cimetières. Quant à l’article L. 2213-9 du CGCT, il mentionne comme étant compris dans l’exercice de ce pouvoir de police, les inhumations, tout en précisant qu’il n’est permis "en aucun cas d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte des défunts" (exception notable de l’Alsace-Moselle). Juridiquement, il pouvait difficilement en être autrement.

En effet, le cimetière est un lieu appartenant à la collectivité. En tant que tel, le principe de neutralité des services publics, dont la laïcité n’est qu’un corollaire, doit s’y appliquer. Parallèlement, le CGCT, en son article L. 2223-12, énonce que : "Tout particulier peut, sans autorisation, faire placer sur la fosse d’un parent ou d’un ami une pierre sépulcrale ou tout autre signe indicatif de sépulture." Ainsi, le cimetière apparaît dans toute sa singularité : en tant qu’espace public, ses parties publiques doivent être strictement neutres. Cette neutralité s’exprimera par l’impossibilité de distinguer des cimetières réservés à telle ou telle confession, ou d'aménager au sein du même cimetière des lieux d’inhumation spécialement dédiés à un culte (le carré confessionnel n’étant que le fruit du hasard…).

Néanmoins, tant le fait que le concessionnaire y dispose d’un droit réel immobilier sur son emplacement, que de la possibilité de placer sur chaque emplacement un signe distinctif de sépulture, a abouti à ce que l’expression de la religiosité des défunts apparaisse au sein de cet espace public. Ainsi, l’espace public est neutre, et le terrain concédé ou accordé au titre des terrains communs permet l’expression des convictions religieuses de chacun…

Maud Batut
Rédactrice en chef

Aux urnes ?

À travers les deux jurisprudences relatives à la destination des cendres dont on pourra lire les commentaires dans la présente revue, l’occasion était trop belle pour ne pas revenir sur le singulier régime juridique des cendres issues des crémations. Certes, la loi de 2008 leur conféra une protection civile et pénale à l’égal des corps, néanmoins, de par leur nature même, ces urnes funéraires et les cendres qu’elles renferment sont justement particulièrement propices à l’intervention du juge et, osons même le dire, à l’intervention du juge pénal.

En effet, là où les restes mortels contenus dans un cercueil sont par nature difficilement transportables, et s’il est peu évident d’en dissimuler la nature, il n’en va pas de même pour une urne funéraire. D’autre part, la législation permet bien plus que pour une dépouille mortelle "classique" la violation du droit. Prenons pour exemples : l’absence d’obligation de traçabilité de l’urne dès la remise de celle-ci à la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles par le crématorium ; la possibilité en fait, sinon en droit, de les conserver, en contradiction avec les textes, chez soi ; l’inexistence de définition de la notion de dispersion en pleine nature, le succès relatif de la déclaration de dispersion à la mairie qui détient l’acte de naissance, etc.

L’on pourrait encore continuer d’égrener la longue théorie d’obligations aux contours flous et de formalités administratives soit peu contraignantes soit aisées à violer. Si l’on comprend que la totale innocuité pour la santé publique puisse justifier un certain libéralisme, le nécessaire respect des restes mortels ainsi que les légitimes besoins d’hommage des familles rendraient bien utile une nouvelle réflexion quant aux destinations, et surtout quant au devenir de ces urnes.

Une telle réflexion permettrait peut-être d’éviter des affaires comme celles jugées par la cour d’appel de Grenoble, où des cendres conservées en violation de la loi au domicile d’un membre de la famille sont dispersées dans une propriété privée par le père du défunt sans que son ex-compagne en soit prévenue… Ou bien l’attendu de la cour d’appel de Riom, selon lequel il n’appartiendrait pas à un particulier de demander le respect de la législation applicable au devenir de ces restes mortels.

N’évoquons même pas les ubuesques questions parlementaires où, par exemple, le ministère doit répondre à la question d’un parlementaire sur la possibilité d’acheminer les urnes par la voie postale, nous gratifiant des mérites comparatifs quant à l’éventuelle qualification pénale d’atteinte au respect des défunts d’un simple envoi postal ou d’une livraison par entreprise de messagerie…

À suivre …

Maud Batut
Rédactrice en chef

La commune et le Solitaire

Le goût macabre des gazettes pour les faits divers liés à la mort ne se dément pas, tout particulièrement d’ailleurs lorsque l’incurie supposée de l’Administration peut être mise en exergue. Un article récemment paru dans La Voix du Nord du mercredi 11 mai dernier ne déroge pas à cette règle et nous gratifie d’un titre choc : "Enterré dans le carré des indigents sans que sa famille soit prévenue". Tout est dit !

Rappelons tout d’abord que, juridiquement, il n’existe pas de carré des indigents, mais un terrain commun qui est le seul service public obligatoire, réservé à ceux qui remplissent certaines conditions fixées par le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), et que si, en pratique, les plus démunis y reposent le plus souvent, il ne leur est pas expressément réservé. Quels sont les faits : un homme, retraité de La Poste, est décédé subitement à Lille début février, il ne lui reste qu’une sœur, mais qui vit en Normandie. La commune de Lille, au bout de quinze jours, l’inhume en terrain commun. La commune aurait-elle commis une faute ?
Il est tout d’abord possible de constater que les services administratifs ont sollicité un délai dérogatoire pour procéder à cette inhumation, puisque, indubitablement, un tel délai excède celui donné afin d’organiser les funérailles.

De surcroît, il n’existe aucune obligation pour la commune de se livrer à des enquêtes. En effet, l’art. L. 2213-7 du CGCT énonce que : "Le maire ou, à défaut, le représentant de l’État dans le département pourvoit d’urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance." La formulation de cet article nous permet de rappeler que, juridiquement, si les familles ont normalement l’obligation de payer les frais des funérailles, elles n’ont aucunement l’obligation de pourvoir à ces mêmes funérailles. Enfin, l’art. L. 2223-27 du CGCT précise que : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l’art. L. 2223-19 n’est pas assurée par la commune, celle-ci prend à sa charge les frais d’obsèques de ces personnes. Elle choisit l’organisme qui assurera ces obsèques." Le Code monétaire et financier (art. 72 de la loi no 2013-672) a donc été complété par un art. L. 312-1-4 selon lequel : "La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes".

La commune est donc en dernier ressort l’ordinatrice des funérailles et, on le sait bien, n’a que peu de moyens d’investigation pour retrouver : renseignements obtenus auprès de la commune de naissance du défunt, de sa ville de résidence… Paradoxalement, si une faute pouvait être retenue contre la ville de Lille, c’est à la limite celle de ne pas avoir essayé de trouver ces fonds, et encore, en l’absence de toute volonté présumée du défunt, qu’aurait-elle pu faire d’autre que de l’inhumer dans le terrain commun. Rien !

Évidemment, la détresse de la sœur se comprend, mais il existera toujours des hypothèses marginales où, dans le bref délai donné pour l’organisation des funérailles, aucun proche ne peut être retrouvé…

Maud Batut
Rédactrice en chef

Tel qu’en lui-même enfin l’éternité le change ?

Si nous empruntons à Mallarmé ses vers, c’est à l’occasion de l’examen actuel par le Parlement du projet de loi pour une République numérique, dont
l’article 32 adopté en première lecture par l’Assemblée nationale (petite loi n° 663) évoque le cas de la "mort numérique".

Le législateur, à la suite d’interrogations de plus en plus importantes à ce sujet (on lira avec profit l’étude du professeur Cécile Pérès au Recueil Dalloz 2016
p. 90 sur le sujet ainsi que les deux fiches pratiques élaborées par la CNIL, "Mort numérique : peut-on demander l’effacement des informations d’une personne décédée ?“ 29 oct. 2014 ; CNIL, "Mort numérique ou éternité virtuelle : que deviennent vos données après la mort ?“ 31 oct. 2014, disponible sur le site de cette institution), a décidé de légiférer.

Les députés ont déjà bien amendé le projet initial, qui désormais affirme que toute personne peut définir des directives relatives à la conservation, à l’effacement et à la communication de ses données à caractère personnel après son décès. Ces directives sont générales ou particulières. Il est de plus prévu la désignation d’une personne chargée d’exécuter les souhaits de la personne décédée.

À défaut de désignation, les personnes suivantes ont qualité, lorsque la personne est décédée, pour prendre connaissance des directives et demander leur mise en œuvre aux responsables de traitement concernés, dans l’ordre suivant : les descendants ; le conjoint non divorcé ; les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession ; les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir.

En l’absence de directives, les droits mentionnés à la présente section s’éteignent avec le décès de leur titulaire. Toutefois, par dérogation, les héritiers de la personne décédée justifiant de leur identité peuvent, si des éléments portés à leur connaissance leur laissent présumer que des données à caractère personnel la concernant faisant l’objet d’un traitement n’ont pas été actualisées, exiger du responsable de ce traitement qu’il prenne en considération le décès et procède aux mises à jour qui doivent en être la conséquence, ainsi qu’à la clôture du compte.

De même, tout prestataire d’un service de communication au public en ligne informe l’utilisateur du sort des données qui le concernent à son décès et lui permet de choisir de communiquer ou non ses données à un tiers qu’il désigne. N’en doutons pas, ces dispositions continueront sans doute d’être ajustées, tant ce sujet deviendra préoccupant dans les années qui viennent.


Maud Batut
Rédactrice en chef

“Je ne veux pas être mis dans une boîte“

Une ordonnance de référé de la cour d’appel d’Orléans en date du 29 janvier 2016 (no 16/00296, 18 bis/2016) met en lumière tout particulièrement le travail du juge, confronté à un conflit relatif au choix de la sépulture d’un défunt.

On le sait, c’est au juge judiciaire, et plus spécifiquement au tribunal d’instance, qu’échoit depuis 1887 la délicate mission de déterminer quelles étaient les dernières volontés du défunt relatives au sort de sa dépouille mortelle.

On le sait moins, mais le juge n’intervient que lorsque cette volonté est à la fois contestée et peu évidente à déterminer. Ici, d’ailleurs, il n’existe aucune expression de volonté écrite de la part du défunt. Il convient donc de rechercher quelles sont la ou les personnes les plus qualifiées pour décider des modalités des funérailles.

Or, dans cette ordonnance rendue évidemment parce qu’il y avait litige, le défunt avait affirmé : “Je ne veux pas être mis dans une boîte.“ Le juge estime alors : “Que l’expression ainsi employée peut, peut-être, être entendue comme une expression de l’angoisse du passage inéluctable que constitue une mise en bière, mais ne peut constituer une manifestation du souhait d’être incinéré“ et que : “même si le défunt a “réfléchi tout haut“ à l’hypothèse d’une incinération, il n’existe aucune certitude de ce que sa résolution était réelle de ne pas reposer auprès de sa famille à Vendôme, comme il en avait toujours exprimé le souhait“, puisque de toute façon : “la mise en bière est un acte obligatoire, que le corps soit destiné à être inhumé ou incinéré“.

Ainsi, on le voit bien, le juge se livre à une véritable analyse des témoignages et pièces qu’on lui soumet, bien loin de ne se satisfaire que d’une froide analyse juridique, il cherche réellement à révéler ces volontés dans un litige où bien évidemment les passions sont exacerbées par la douleur, puisque pas moins de six attestations étaient produites à l’appui d’une inhumation dans ce cimetière, tandis que la concubine revendiquait une crémation.

Par-delà ces faits, on comprend bien mieux le travail du “Droit“, qui consiste, à partir de comportements, de faits qui apparaissent parfois anodins, à les confronter à des règles pour faire produire à celles-ci leur plein effet. Si tout majeur ou mineur émancipé en état de tester a le droit de régler ses funérailles, ainsi que l’énonce la loi de 1887, le juge doit placer la volonté du défunt au sommet de ses raisonnements et, ainsi, expliquer ce que peut vouloir signifier une phrase, a priori dépourvue de tout effet juridique…


Maud Batut
Rédactrice en chef

La disparue de Saint-Nazaire

Récemment, la presse (“source presseocean.fr“, repris dans “cimetiere-de-France.fr“ : “Saint-Nazaire : Erreur irréparable lors de la crémation du corps d'une défunte“) nous expose le tragique fait divers suivant : Une nonagénaire fut crématisée à la place d’un homme trouvé mort sur la voie publique. La famille témoigne : “Maman nous avait dit maintes fois son souhait d’être inhumée dans un cimetière nazairien et de ne surtout pas être crématisée“. Or, la veille de l’inhumation, lorsque la famille souhaita une dernière fois voir son défunt, il apparut que ceci était impossible. L’erreur s’expliquerait par le fait que l’identité du défunt n’aurait pas été vérifiée par le policier car la housse n’a pas été ouverte. C’est en tout cas ce que, de nouveau, relate la famille : “À ce qu’on nous a dit, ça n’a pas été fait“, explique ainsi l’une des enfants de la nonagénaire. Une plainte a été déposée. La famille, témoigne encore, après que les cendres de leur défunt ont été placées dans un cercueil et inhumées : “Mais quand je vais sur sa tombe, j’ai l’impression qu’elle n’est pas là“ ; “et penser que son corps a été crématisé devant une famille qui n’était pas la sienne est douloureux“.

En somme, le sentiment que la fin de leur histoire avec leur mère – et ainsi sans doute le début de leur travail de deuil – leur a été volée. Que doit nous enseigner cette tragédie du recueillement bafouée par l’incurie humaine ? Tout d’abord, que les obligations juridiques existent justement pour que ces faits ne surviennent pas. En effet, le nouvel art. L. 2213-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), issu de la loi du 16 février 2015, est désormais le suivant : “Afin d'assurer l'exécution des mesures de police prescrites par les lois et règlements, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu'il y a crémation s'effectuent :

  • dans les communes dotées d'un régime de police d'État, sous la responsabilité du chef de circonscription, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par ses soins ;
  • dans les autres communes, sous la responsabilité du maire, en présence du garde champêtre ou d'un agent de police municipale délégué par le maire“.

Tandis que l’art. R. 2213-2-1 dispose que : “En tous lieux, l'opérateur participant au service extérieur des pompes funèbres mentionné à l'art. L. 2223-23 munit, sans délai, le corps de la personne dont le décès a été constaté d'un bracelet plastifié et inamovible d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'Intérieur comportant les nom, prénom et date de décès ou, à défaut, tous éléments permettant l'identification du défunt“.

Il convient de remarquer que, si ces obligations de surveillance ont été considérablement allégées dans le CGCT, c’est bien pour que l’on se concentre sur l’essentiel, pour prévenir les erreurs irrémédiables… Puis, au-delà de ces faits, que les acteurs du funéraire, policiers inclus, ne doivent pas trier dans leurs obligations - c’est bien la totalité d’entre elles qui se justifient - pour ne plus tendre aux gazettes de tels bâtons pour se faire battre…

Maud Batut
Rédactrice en chef

En décembre 2015 est sorti un film aussi esthétiquement impressionnant que troublant philosophiquement. Il s’agit de "New Territories", de la cinéaste française Fabianny Deschamps. En lisant le South China Morning Post, elle prend connaissance d’un fait divers terrible autour du commerce des morts (les faits décrits présentement empruntent à la présentation du film par l’Association du cinéma indépendant pour sa diffusion : l’ACid), des gens se sont mis à disparaître par dizaines, dans un rayon de cinquante kilomètres. Des vieux, des femmes, des handicapés. En fait, ils étaient assassinés pour servir de cadavres de substitution à l’incinération, puisque le Parti communiste chinois avait rendu obligatoire la crémation en Chine, avec comme but avoué l’éradication de vieilles traditions religieuses.

Ces organisations mafieuses proposaient de crématiser un défunt acheté par la famille, de le faire passer comme étant le leur aux yeux des autorités avec la complicité des opérateurs funéraires du cru, et de pouvoir ainsi les inhumer (en cachette) comme l’exige la tradition. C’est là que se croisent deux destins, ceux d’une jeune Chinoise fuyant avec son fiancé dans ces nouveaux territoires que les Chinois appellent - l’entre deux mondes - et qui séparent Hong Kong du reste de la Chine, et d’une Française qui vient commercialiser un nouveau procédé funéraire, contraire lui aussi aux rites ancestraux.

Quel beau sujet de réflexion que la contradiction entre la coutume et le droit, illégitime lorsqu’il violente l’un des aspects fondamentaux de notre humanité : le culte des morts. Évidemment, dans nos pays occidentaux, la crémation est un mode de sépulture alternatif, dont le succès grandissant ne se fait pas à l’encontre des aspirations de la population, mais bien parce que la société change et qu’elle accepte ce procédé, qui, il n’y a pas si longtemps, ne rencontrait qu’un succès des plus limités. C’est d’ailleurs le sort des nouveaux procédés, lorsque les pouvoirs publics les agréent effectivement, de ne rencontrer que très progressivement leur public au gré des évolutions sociétales.

Cette problématique peut trouver à s’appliquer également, non pas vis-à-vis de nouveaux procédés, mais d’anciens, dont la logique intrinsèque est poussée dans ses derniers retranchements. N’y a-t-il pas des questions à se poser sur un équipement aussi "classique" que le cimetière ? Comment en améliorer la conception ? Comment résoudre les problèmes de place qui ne manqueront pas de se poser dans les grandes agglomérations ? Faut-il "verticaliser" les cimetières, en empruntant la voie des enfeus, par exemple ? On le pressent, l’augmentation extrêmement significative du nombre des décès qui est attendue, le fameux "papy-krach", suite logique du "papy-boom", nous obligera nécessairement à nous poser des questions quant au devenir des morts…


Maud Batut
Rédactrice en chef

Le gouvernement des juges ?

Dans ce numéro, on trouvera tout particulièrement deux nouveaux textes réglementaires d’importance ; tout d’abord, “les bonnes feuilles“ d’un volumineux arrêté relatif aux bonnes pratiques en matière de prélèvement d’organes, puis un texte particulièrement symbolique sur la prise en charge par l’État des militaires morts en service ou dont la mort a été causée par le service, même si un délai de cinq ans s’est écoulé depuis. Un texte qui à n’en pas douter vient combler le manque entre la sépulture de celui qui a obtenu la mention d’état civil que constitue l’inscription de la qualité de “Morts pour la France“ et l’inhumation dans une nécropole nationale.

Deux preuves évidentes qui démontrent à l’envi que, quand l’Administration le souhaite, elle peut produire des textes modernes et adaptés aux conditions d’aujourd’hui. Car la bonne volonté ne suffit pas ; à l’instar d’un article consacré à l’ossuaire, nous verrons que l’enfer peut décidément être pavé de bonnes intentions, et que le législateur peut parfaitement réussir à instituer une disposition complètement contraire à son intention. Il faudra au moins l’intervention du juge pour venir éclairer ce que les juristes appellent, sans ironie aucune, “l’intention du législateur“. Néanmoins, si le juge peut venir éclairer de son interprétation des dispositions obscures, il ne peut assurément faire dire aux textes qui apparaissent clairs le contraire de leur énoncé. De nouveau, certaines écoles juridiques, et plus particulièrement les tenants de la théorie réaliste de l’interprétation, vous diront que le pouvoir glisse ainsi des mains du législateur bégayant au juge chargé de donner sens à ces phrases que les arcanes de la procédure parlementaire ont obscurcies indûment. Ils sont d’ailleurs nombreux, les textes où la jurisprudence s’est imposée. C’est le juge qui donna tout son sens, et par-delà, indubitablement l’intention du législateur, son sens actuel à la loi de 1887 relative à l’organisation des funérailles en décidant de ce que signifiait les phrases : “Tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. Il peut charger une ou plusieurs personnes de veiller à l’exécution de ses dispositions.“ Alors que ces dispositions n’avaient vocation primitivement qu’à permettre d’opter pour des funérailles civiles ou religieuses... C’est le juge encore qui détermina les différents types de concessions, organisa un cadre minimum à la reprise des terrains communs, valida le principe de l’opération de réduction de corps, fixa des limites aux opérations d’exhumation à la demande des familles.

Allez ! Soyons idéalistes, pour l’année 2016 qui commence, souhaitons-nous un législateur précis et une Administration moderne au service du droit funéraire, donc de tous ceux qui exercent une activité liée à ce secteur, et surtout, aux familles qui comptent sur ces professionnels pour les accompagner dans leurs épreuves…

Maud Batut
Rédactrice en chef

Récemment, la presse (“source presseocean.fr“, repris dans “cimetiere-de-France.fr“ : “Saint-Nazaire : Erreur irréparable lors de la crémation du corps d'une défunte“) nous expose le tragique fait divers suivant : Une nonagénaire fut crématisée à la place d’un homme trouvé mort sur la voie publique. La famille témoigne : “Maman nous avait dit maintes fois son souhait d’être inhumée dans un cimetière nazairien et de ne surtout pas être crématisée“. Or, la veille de l’inhumation, lorsque la famille souhaita une dernière fois voir son défunt, il apparut que ceci était impossible. L’erreur s’expliquerait par le fait que l’identité du défunt n’aurait pas été vérifiée par le policier car la housse n’a pas été ouverte. C’est en tout cas ce que, de nouveau, relate la famille : “À ce qu’on nous a dit, ça n’a pas été fait“, explique ainsi l’une des enfants de la nonagénaire. Une plainte a été déposée. La famille, témoigne encore, après que les cendres de leur défunt ont été placées dans un cercueil et inhumées : “Mais quand je vais sur sa tombe, j’ai l’impression qu’elle n’est pas là“ ; “et penser que son corps a été crématisé devant une famille qui n’était pas la sienne est douloureux“.

En somme, le sentiment que la fin de leur histoire avec leur mère – et ainsi sans doute le début de leur travail de deuil – leur a été volée. Que doit nous enseigner cette tragédie du recueillement bafouée par l’incurie humaine ? Tout d’abord, que les obligations juridiques existent justement pour que ces faits ne surviennent pas. En effet, le nouvel art. L. 2213-14 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), issu de la loi du 16 février 2015, est désormais le suivant : “Afin d'assurer l'exécution des mesures de police prescrites par les lois et règlements, les opérations de fermeture et de scellement du cercueil lorsqu'il y a crémation s'effectuent :
- dans les communes dotées d'un régime de police d'État, sous la responsabilité du chef de circonscription, en présence d'un fonctionnaire de police délégué par ses soins ;
- dans les autres communes, sous la responsabilité du maire, en présence du garde champêtre ou d'un agent de police municipale délégué par le maire“.
 
Tandis que l’art. R. 2213-2-1 dispose que : “En tous lieux, l'opérateur participant au service extérieur des pompes funèbres mentionné à l'art. L. 2223-23 munit, sans délai, le corps de la personne dont le décès a été constaté d'un bracelet plastifié et inamovible d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'Intérieur comportant les nom, prénom et date de décès ou, à défaut, tous éléments permettant l'identification du défunt“.

Il convient de remarquer que, si ces obligations de surveillance ont été considérablement allégées dans le CGCT, c’est bien pour que l’on se concentre sur l’essentiel, pour prévenir les erreurs irrémédiables… Puis, au-delà de ces faits, que les acteurs du funéraire, policiers inclus, ne doivent pas trier dans leurs obligations - c’est bien la totalité d’entre elles qui se justifient - pour ne plus tendre aux gazettes de tels bâtons pour se faire battre…


Maud Batut
Rédactrice en chef

Pas de ça chez moi (Not in my backyard) !

Les règles de vie en société sont généralement acceptées, du moins en théorie, avec facilité. Là où le bât blesse est quand se pose le moment de les appliquer. Chacun convient qu’un équipement public est nécessaire, mais personne n’en veut chez lui. C’est que les Anglo-Saxons appellent l’effet “Nimby“ (Not in my backyard).

Le secteur funéraire n’échappe pas à ce mal des temps modernes, où l’individualisme forcené veut prendre le pas sur les intérêts de la société. Ainsi peut-on lire que, récemment (La Voix du Nord du 25 novembre 2014), des riverains ont fait circuler une pétition contre l’installation dans leur rue d’une chambre funéraire, susceptible, selon eux, de dévaloriser leur patrimoine immobilier, ou de provoquer une circulation routière gênante. N’oublions pas que cet équipement relève du service public extérieur des pompes funèbres et comme tel, justement, est d’intérêt général. D’autre part, que les riverains se rassurent, les règles entourant la création d’un tel équipement vérifieront bien sûr l’impact de celui-ci sur leur environnement puisque existe une procédure de “porter à connaissance“, certes plus légère qu’une enquête publique en bonne et due forme, mais néanmoins rigoureuse, à l’issue de laquelle le préfet devra autoriser la création ou l’extension de la chambre (R. 2223-47 CGCT).

Il convient néanmoins de noter que ce contentieux est peu abondant, les textes précisant que l’autorisation ne peut être refusée qu’en cas de trouble à l’ordre public ; et que les riverains se rassurent de nouveau, le juge a déjà estimé que cette atteinte pouvait résulter de problèmes de circulation sur la voie publique (CAA Marseille, 17 janvier 2005, req. no 01MA01894) : “Considérant, en quatrième lieu, que le préfet pouvait légalement se fonder sur un motif tiré de la sécurité de la circulation sur les voies publiques pour considérer que le projet de chambre funéraire présenté par M. X portait atteinte à l'ordre public ; qu'il ressort en l'espèce des pièces du dossier que les conditions de circulation et de stationnement aux abords de l'établissement projeté par le requérant, situé à l'intersection de voies sur lesquelles circulent de nombreux véhicules, était susceptible, eu égard au faible nombre de places de stationnement disponibles pour les convois funéraires, de constituer un risque sérieux pour la sécurité des usagers empruntant ces voies ; que M. X n'est dès lors pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur d'appréciation.“ Néanmoins, il apprécie strictement cette notion.

Ainsi, la cour administrative d’appel de Douai (CE, 3e et 8e sous-sections réunies, 6 mars 2014, no 357208, SCI C) ne pouvait limiter le nombre de salons d’une chambre funéraire, au motif de sa localisation apparemment trop proche d’un voisin. La cour aurait dû se fonder uniquement sur des considérations relevant de l’ordre public ou de la salubrité, ce qu’elle a omis de faire.

 


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 

La crémation : réflexions pastorales et liturgiques !

C’est au cours du XXe siècle, "lorsque la crémation ne parut plus relever exclusivement d’un rejet de l’espérance chrétienne", que l’Église catholique va assouplir sa sévérité à l’endroit de ce mode de funérailles, notamment par l’instruction du Saint-Office du 8 mai 1963. Or, à cette époque, la pratique crématiste représentait moins de un pour cent. Avec un taux actuel de trente pour cent et l’annonce, à l’aube de 2020, d’un décès sur deux concerné par ce mode opératoire, force est d’admettre que de nouvelles réflexions s’imposaient.

Publié par le Secrétariat général de la conférence des évêques de France, le document (coll. Documents Épiscopat, no 6/2014) intitulé "Accueillir et accompagner la pratique de la crémation – Évolutions en cours et réflexions liturgiques", établi sous la responsabilité de Mgr Bernard-Nicolas Aubertin, mérite de retenir l’attention pour plusieurs raisons.

D’abord parce que ce document (de belle facture) contient d’intéressants constats, notamment statistiques, sur les funérailles célébrées à l’Église ou hors de celle-ci, et surtout une analyse particulièrement stimulante des évolutions de la société concernant tant la conception du corps et sa survalorisation, que le regard sur la mort et la notion de "bien mourir". La naissance de rites autour de la crémation est également clairement évoquée ; le document relevant que désormais, au crématorium, il ne s’agit plus seulement d’un geste technique, mais a été mise en place (à partir de 1986 au Père-Lachaise) une cérémonie avec notamment recueillement, musique, paroles, gestes d’hommage…

De même, le défunt ne décédant qu’exceptionnellement à domicile, sont rappelées la "complexification des circuits funéraires" et la "simplification" que représente la réalisation d’une cérémonie au crématorium.

La diversité de la réponse de l’Église s’explique par le fait que la décision dépend de chaque diocèse. Souvent on y optera pour la présence (décidée et organisée) de l’Église au crématorium, dans le cadre d’un "partenariat" avec les professionnels du funéraire afin de rendre aux familles un réel service. Mais demeurent évidemment dans ce cadre des questions ou difficultés que le document ne tente pas de cacher et analyse objectivement. Par ailleurs, parfois, l’Église décide et motive son absence du crématorium.

Ensuite, ce document aborde l’intéressante question du corps du défunt dans la célébration des funérailles. S’y trouvent notamment évoquées les questions relatives à la dignité du corps dont témoigne le rituel, ainsi que la tonalité eucharistique des funérailles chrétiennes. Enfin, le document s’achève sur la problématique de la célébration au crématorium, en distinguant réflexions pastorales et réflexions liturgiques.

Cette réflexion menée par l’Église s’avère particulièrement intéressante et montre un réel questionnement sur sa situation dans un paysage funéraire nouveau. Il est notamment possible d’y trouver une approche de l’absence ou de l’insuffisance de rites autour de la crémation, carence qu’ont dénoncée, chacun à leur manière, Damien Le Guay et François Michaud-Nérard, dans leurs ouvrages parus en 2012. Ce questionnement est d’ailleurs particulièrement relayé, comme l’a montré, par exemple, l’intéressante journée d’étude sur les funérailles, organisée le 2 décembre dernier par la Faculté de droit canonique de l’Institut Catholique de Paris.


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Pour la préservation du repos ultime !

Les récentes profanations de sépultures ayant eu lieu en Alsace et en Normandie, et pour lesquelles, en tout cas pour celles perpétrées en Alsace, la confession juive des défunts semblerait, au dire du procureur de la République, le motif de ces actes ignobles, nous interpellent et nous rappellent l'efficience de notre droit à ce sujet.

Au-delà de la morale la plus élémentaire, le droit pénal trouvera à s’appliquer, puisque en effet l’art. 225-17 du Code pénal érige en délit ces comportements : "La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d'urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende", tandis que l’art. 225-18 dispose que : "Lorsque les infractions définies à l'article précédent ont été commises en raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, les peines sont portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 € d'amende pour les infractions définies aux deux premiers alinéas de l'art. 225-17 et à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 € d'amende pour celles définies au dernier alinéa de cet article".

Car, même si les dépouilles ne sont pas profanées, les sépultures, comme d’ailleurs les monuments édifiés à la mémoire des morts, sont également protégés. Il convient de rappeler qu’il faudra attendre la loi du 3 février 2003 pour que cette circonstance aggravante de faits racistes, précocement appliquée au droit funéraire, soit généralisée à d’autres infractions ; soulignons aussi que tous les rapports sur le sujet pointent le fait que la quasi-totalité de ces profanations frappent les sépultures chrétiennes, même si le retentissement médiatique est plus fort lorsqu’elles touchent une autre religion, ce qui est évidemment compréhensible par la proportion des unes et des autres dans nos cimetières.

Nous relèverons qu’un rapport de 2008 des députés Flageolet et Poisson ("Du respect des morts à la mort du respect") souligne le fait que, lorsqu'elles sont commises par de jeunes adultes, c’est quasiment toujours en réunion, ce qui d’ailleurs ne constitue pas une infraction en l’espèce, et surtout qu’elles sont quasiment toujours des dégradations causées aux sépultures sans atteinte aux cadavres.

Enfin, il convient de préciser que cette infraction peut être constituée aussi pour des actes dont la gravité semble moindre, mais dont le juge retient la volonté de violer le respect dû aux morts ; il en va ainsi, par exemple, quand la famille détruit systématiquement les fleurs fraîches et les pots qui ont été déposés par la concubine du défunt (Crim. 8 février 1977, n° 76-92772).

Ainsi, les divisions des vivants ne doivent pas perturber le repos des défunts…

 

 


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

Droit à inhumation…

L’actualité la plus récente a permis au grand public et aux médias de
(re)découvrir le caractère obligatoire du cimetière, et la compétence liée du maire quant au droit à inhumation. Ce sont bien entendu des épouvantables évènements terroristes qui ont endeuillé la France au mois de janvier qu’il s’agit. En effet, incidemment, s’est posée la question du devenir de la dépouille des trois assassins, dont on se doute bien que les communes à se mettre sur les rangs pour leur donner une sépulture ne furent pas légion. C’est là que le droit à inhumation affirmé par l’article L. 2223-3 du Code général des collectivités territoriales a pris de nouveau tout son sens : La sépulture dans un cimetière d'une commune est due :
1- Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2- Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu'elles seraient décédées dans une autre commune ;
3- Aux personnes non domiciliées dans la commune, mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4- Aux Français établis hors de France n'ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits sur la liste électorale de celle-ci.

On remarquera que la numérotation posée dans cet article induit qu’il existe un ordre de priorité. C’est donc tout naturellement la commune du lieu de décès qui doit offrir la sépulture en terrain commun, le maire y est obligé, sauf raison d’ordre public. Les familles disposant, elles, du choix parmi cet éventail de possibilités. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’est le lieu de décès. En droit, ce ne peut être que le lieu où le décès a été constaté par la rédaction du certificat de décès par un médecin.

Dans une autre affaire récente, celle du bébé rom inhumé dans la commune de Champlan, il convient de noter, à l’instar de ce que Damien Dutrieux a fort bien expliqué (http://www.lagazettedescommunes.com/310059/bebe-rom-le-refus-dinhumer-nest-pas-une-faute/), que le décès ne fut pas constaté dans cette commune mais à Corbeil, et que de surcroît la famille résidait à Champlan, mais était domiciliée dans une autre ville dans les locaux du Secours Catholique. Le maire de Champlan pouvait donc légalement refuser l’inhumation.

Justement, c’est de Damien Dutrieux que je voudrais vous parler maintenant, il vient de connaître un sérieux problème de santé, qui l’éloignera de nos colonnes quelque temps, nous lui adressons à lui et à sa famille tous nos plus sincères vœux de rétablissement. C'est Philippe Dupuis, son ami et collègue, qui viendra pendant sa convalescence nous apporter son analyse de l’actualité juridique du droit funéraire.

 


Maud Batut
Rédactrice en chef

 

 
Première lecture…
 
Le Sénat vient d’adopter, le 27 mai dernier, en première lecture, la proposition de loi no 123, déposée par le sénateur Jean-Pierre Sueur et le groupe socialiste, visant à instaurer un schéma régional des crématoriums. L’adoption de ce texte doit retenir l’attention des professionnels non seulement quant à son contenu, mais encore au regard des informations qu’il permet de recueillir, notamment au travers du rapport élaboré par le sénateur Jean-René Lecerf.
 
Quelques chiffres
Outre le pourcentage de crémations réalisées en 2011 (32,15 %), les travaux parlementaires révèlent qu’aujourd’hui fonctionnent 167 crématoriums alors que 32 sont en projet. Si 17 départements métropolitains n’étaient pas pourvus d’un tel équipement en 2006, ils ne sont désormais plus que 4 (le Cantal, la Lozère, la Haute-Marne et le Territoire de Belfort). Par ailleurs, seules 52 intercommunalités (au sein desquelles figurent les communautés urbaines et les métropoles pour lesquelles la compétence est de droit) disposent de la compétence, cette dernière demeurant donc essentiellement communale. Si le rapporteur relève que ce dernier chiffre ne représente que 2,42 % des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre (que sont les communautés de communes, d’agglomération, urbaines, et les métropoles), force est d’admettre qu’il est difficile de comprendre qu’une telle compétence demeure communale, alors qu’un crématorium concerne toujours les populations des communes avoisinantes. Seuls l’ignorance de la possibilité de transférer volontairement la compétence et le fréquent désintérêt des questions funéraires chez les élus semblent expliquer ce chiffre limité.
 
Des justifications
Les espoirs déçus expliquent le retour de cette question du schéma, présente dès 2005 dans une proposition de loi du sénateur Sueur, reprise en 2006 dans les recommandations du riche rapport des sénateurs Sueur et Lecerf, intitulé "Sérénité des vivants et respect des défunts" (Rapp. No 372, Sénat, 31 mai 2006, 104 p.). En effet, les parlementaires avaient écarté l’idée d’un schéma, considérant que, l’autorisation préfectorale étant accompagnée d’une enquête publique, elle permettrait nécessairement la répartition rationnelle des équipements sur notre territoire ; pour le dire autrement, les députés avaient jugé que cette procédure d’autorisation serait suffisante pour réguler harmonieusement les projets d’implantation de crématoriums ; or, de l’aveu même du sénateur Lecerf (rapport no 545, p. 13), la situation actuelle montre que cette espérance a été déçue, puisque, selon lui, "elle reposait peut-être sur une mauvaise appréciation de l’enquête publique, qui porte avant tout sur l’impact environnemental du projet et non pas sur son adéquation avec les besoins de la population en matière de crémation". 
Le constat est néanmoins des plus clairs pour les sénateurs Sueur et Lecerf ; il s’agit, par ce schéma régional, de régler les deux vices du système actuel, à savoir une offre inadaptée aux besoins et parfois plus coûteuse pour les citoyens, et, pour les collectivités, un risque financier avéré. Outre l’exemple de Roanne, où deux crématoriums sont situés à moins de 8 km l’un de l’autre, le rapport relève qu’en Moselle, les crématoriums de Sarrebourg et de Saint-Jean-Kourtzerode sont distants de moins de 20 km, alors qu’ils se trouvent dans une aire urbaine qui comptait moins de 40 000 habitants en 2010. De la même manière, moins de 15 km séparent les crématoriums de Beaurepaire et de Marcilloles, dans l’Isère, créés le premier en 2007 et le second en 2009, comme ceux, en Seine-et-Marne, de Saint-Soupplets et de Mareuil-lès-Meaux, ce dernier étant actuellement en construction.
 
Amendements
Parmi les modifications apportées à la proposition, sera relevée la consultation désormais prévue du Conseil national des opérations funéraires, qui, grâce à la commission, voit ici son rôle (voire son existence !) rappelée, alors même que le ministère de l’Intérieur n’en publie plus les rapports et ne répond pas à la question parlementaire du sénateur Sueur sur le non-respect du Code Général des Collectivités Territoriales en la matière. De même, les communes de plus de 2 000 habitants et les établissements publics de coopération intercommunale seront consultés sur le projet de schéma. Ce schéma, révisé tous les six ans (pour coïncider avec la durée des mandats locaux), devra être instauré dans les deux ans de la publication de la loi (sa première révision intervenant toutefois au bout de trois ans).
Si la diminution annoncée (!) du nombre des régions n’aura "a priori" aucun effet sur cette proposition, demeure un aléa important lié à l’inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale du texte adopté par le Sénat, alors que l’on se souvient du temps qu’il a fallu pour d’autres propositions relatives à la législation 
 
Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

La découverte du funéraire par les nouveaux maires

 

Madame ou Monsieur le Maire, nouvellement élu, si vous vous attendiez, avant d’entrer dans le combat électoral, à rencontrer certaines questions et difficultés à l’occasion de la fonction à laquelle vous pouvez être fier d’accéder, sans doute en est-il une à laquelle vous ne vous attendiez pas avec autant d’évidence : le funéraire.

La tradition française en matière de funérailles est en effet marquée par une forte publicisation, puisque, outre le service de l’état civil dont le maire est officier, après l’instauration du monopole communal des lieux d’inhumation au début du XIXe siècle, c’est encore aux communes que fut confié, sous la forme d’un monopole, le service extérieur des pompes funèbres (loi du 28 décembre 1904). Si ce dernier monopole a laissé la place à une libre concurrence entre opérateurs habilités avec l’adoption de la loi Sueur (loi du 8 janvier 1993), ce texte n’a nullement eu pour objet d’écarter de ce secteur les communes, qui peuvent, notamment, poursuivre l’exécution de ce service à destination des familles par le maintien ou l’organisation de régies, le recours à l’intercommunalité, voire l’économie mixte.

La mention expresse du caractère de service public du service des pompes funèbres ainsi que le caractère exclusivement public des cimetières viennent, s’il en était besoin, rappeler la place essentielle que doivent tenir les collectivités locales dans ce domaine, et semble indispensable l’émergence d’un véritable pôle public du funéraire, ce qui n’exclut d’ailleurs nullement la collaboration avec les professionnels du secteur privé, souvent particulièrement sensibles aux valeurs qui accompagnent le service apporté aux familles.

Il importe à cette fin que les élus locaux, et plus particulièrement les maires, soient sensibilisés aux nouveaux enjeux du secteur funéraire. Ce secteur est en effet l’objet de profondes mutations, qui tiennent tant à l’augmentation prévue du nombre annuel de décès et au développement de la crémation (alors que les parlementaires commencent à alerter les pouvoirs publics sur des questions techniques relatives à l’impossibilité d’accéder à ce service public pour des personnes atteintes d’obésité; Rép. min. no 19617, JOAN Q 11 mars 2014, p. 2405), qu’aux questions liées à l’urbanisation (et le problème de la place disponible pour recevoir des sépultures de plus en plus nombreuses), à la communautarisation (et les demandes de plus en plus nombreuses adressées aux maires pour que soient créés des carrés, voire des cimetières confessionnels) et à la précarisation (notamment en raison de l’obligation qui incombe aux communes de prendre financièrement en charge l’inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes).

Outre l'aspect financier (le marché du funéraire représente aujourd’hui plusieurs milliards d’euros), il est essentiel d’appréhender les autres enjeux, qu’ils soient juridiques ou liés à la communication locale. Nombreuses sont les obligations juridiques qui s’imposent aux autorités locales concernant les pouvoirs de police du maire sur les funérailles et les lieux de sépulture, le service de l’état civil, la gestion des cimetières, la création et la gestion des crématoriums… Au sein de ces enjeux, le cimetière occupe une place importante. D’abord, cet espace public doit être totalement repensé afin de répondre aux attentes des familles, tant du point de vue des sépultures traditionnelles (et la nécessité de renverser la prédominance du minéral sur le végétal) que du développement de la crémation (il importe que le cimetière accueille les cendres par la création de sites cinéraires adaptés). Ensuite va s’imposer une redéfinition de ses fonctions. Le cimetière n’est pas seulement un lieu pour les morts, il est aussi un lieu pour les vivants. Les communes ont trop souvent tendance à ignorer l’importance de l’accueil du public, et la richesse de ce lieu en tant qu’espace du souvenir, de l’histoire, de la culture et de l’architecture. Cet élément du patrimoine communal est souvent insuffisamment valorisé.

Enfin, le cimetière et, de façon plus globale, le secteur funéraire doivent devenir un enjeu pour la communication locale. L'intérêt médiatique dont bénéficie ce secteur, notamment au moment de la Toussaint, ne peut être ignoré. Les initiatives locales n’auront aucune difficulté pour trouver un bon écho médiatique qui les valorisera, alors qu’à l’inverse, le caractère sacré des lieux de sépulture a pour conséquence que le désengagement et le désintéressement de la commune pour son cimetière, voire les dysfonctionnements éventuels, connaîtront souvent de graves conséquences en termes d’image.

Votre mandat vous permettra, Madame ou Monsieur le Maire, de comprendre aussi pourquoi c’est à la façon dont elle s’occupe de ses morts que l’on juge des hauts sentiments d’une société, tant l’humain et le vivant sont fondamentaux dans ses grandes missions de service public.

Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

 

La dignité est-elle à géométrie variable ?
 
À l’heure où ces quelques lignes s’écrivent, une autre "affaire", - une de plus, me direz-vous -, vient défrayer la chronique médiatique dominicale de ce 11 mai. Une défunte reposant en chambre funéraire se fait dépouiller de quelques valeurs. Acte sordide s’il en est. Transférée à titre conservatoire dans une seconde chambre funéraire, une nouvelle violation sera réalisée quelques heures après. Le degré zéro de l’indécence est atteint.
 
Hasard ou acharnement ? L’enquête le dira.
 
Le respect et la dignité pour les personnes défuntes sont des devoirs fondateurs de notre humanité. Ces valeurs ne sont pas à géométrie variable, et selon le philosophe Paul Ricœur, cette notion de dignité renvoie à l’idée que "quelque chose est dû à l'être humain du fait qu'il est humain".
 
Apparemment, ce n’est pas compris par tout le monde.
 
Un petit rappel s’impose donc : le Conseil constitutionnel a élevé la dignité au rang de "principe à valeur constitutionnelle" au sujet de la loi dite "de bioéthique". La dignité est donc considérée comme partie intégrante des droits de la personnalité, qui sont, est-il besoin de le souligner, inaliénables.
 
La dignité est un devoir moral et une nécessité impérieuse. Kant, dans sa "Critique de la raison pratique", accorde ce concept à tout homme en tant que "qu’être raisonnable". Une nouvelle fois, on est en droit de se demander ce qui anime les individus se livrant à de tels actes répréhensibles, ou ceux qui, se prétendant spécialistes du funéraire, exercent leur profession de manière dévoyée, oubliant que la dignité en est la clé de voûte.
 
Mais, sommes-nous toujours dans le domaine du raisonnable ?
 
La dignité n’est pas un quelconque argument publicitaire de façade, elle ne s’applique pas au chronomètre de façon empirique pendant les heures d’ouverture et selon l’humeur du moment. La dignité est un état d’esprit, et pour ce qui est des métiers du funéraire, une réelle vocation professionnelle, la pierre angulaire de notre édifice. 
 
Aussi, il est triste, mais de notre devoir, de rappeler à l’ordre celles et ceux qui, personnellement ou professionnellement, semblent s’en affranchir pour des motivations variées. Il en va de la représentation de notre profession, de son image globale, de notre éthique d’accompagnants de familles en deuil.
 
Si la dignité est un état d’esprit, sa flamme s’entretient notamment par la sélection, l’apprentissage et la formation continue des dirigeants et des personnels. Honnêteté et probité, respect et dignité, accompagnement et loyauté, tels sont les mots qui guident nos quotidiens. 
Quand - ils - marchent dans la vallée de l’ombre de la mort, ils ne craignent aucun mal, car nous sommes les garants de leur dignité.
 
C’est notre devoir premier.
 
Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

L’obstacle constitutionnel !

 

Chacun se souvient du stratagème de Fauchelevent, afin de faire sortir Jean Valjean du couvent pour mieux l’y faire rentrer par la suite. Sortir dans un cercueil le corps de celui qu’il appelait M. Madeleine, alors qu’à la demande de la révérende mère le droit résultant du décret du 23 prairial an XII était délibérément violé, puisque la défunte - mère Crucifixion - allait être inhumée dans la chapelle. On se rappelle le dialogue entre la religieuse et le vieux Fauchelevent (Partie 2, livre 8, chapitre 3) :

  • Vous lèverez la pierre avec la barre au moyen de l’anneau.
  • Mais...
  • Il faut obéir aux morts. Être enterrée dans le caveau sous l’autel de la chapelle, ne point aller en sol profane, rester morte là où elle a prié vivante ; ç’a été le vœu suprême de la mère Crucifixion. Elle nous l’a demandé, c’est-à-dire commandé.
  • Mais c’est défendu.
  • Défendu par les hommes, ordonné par Dieu.

Dans le roman "Les Misérables" de Victor Hugo, le “héros“ Jean Valjean doit, en quelque sorte, son "salut" - et quelques années de répit aux poursuites de Javert - au conflit entre législation funéraire et convictions religieuses.

Si l’interdit ainsi bravé existe toujours (c’est l’art. L. 2223-10 du Code général des collectivités territoriales), la question des rapports entre le droit funéraire et la religion et, plus précisément, celui entre le droit des sépultures et les convictions religieuses des défunts perdure. La volonté de "ne point aller en sol profane" n’a pas réellement disparu. Si "aucune inhumation ne peut avoir lieu dans les églises, temples, synagogues, hôpitaux, chapelles publiques, et généralement dans aucun des édifices clos et fermés où les citoyens se réunissent pour la célébration de leurs cultes, ni dans l'enceinte des villes et bourgs", les demandes de respect des rites religieux visant au regroupement, dans les cimetières, des défunts et à l’orientation des tombes ne doivent-elles pas recevoir une réponse favorable, à laquelle le ministre de l’Intérieur invite les maires des plus clairement ?

Quel est donc le problème, alors que se multiplient rapports et circulaires qui, étonnamment, tendent tous vers la même réponse positive ?

L’obstacle - semble-t-il purement juridique - résiderait dans le principe constitutionnel de laïcité. Dès lors que la laïcité est affirmée par la norme située au sommet de l’ordre juridique français, les autorités ne peuvent distinguer entre les religions d’une part, et, d’autre part, entre la religion et l’absence de religion. La laïcité n’est pas, en droit français, l’absence de religieux, mais l’acceptation de l’ensemble des religions et de ceux qui refusent la religion.

Même si comparaison n’est pas raison, c’est ce même obstacle constitutionnel qui a dû être levé, lorsqu’il s’est agi de mettre en place une parité électorale, qui va notamment s’exprimer dans toutes les communes de 1000 habitants et plus aux prochaines élections municipales, et, aux élections des conseils départementaux, où les candidats se présenteront sous forme d’un binôme "homme-femme". Si l’égalité des sexes est proclamée dans la Constitution, il est interdit d’exiger un pourcentage de représentativité pour un sexe, sauf si la Constitution, modifiée en juin 1999, permet expressément ce que les Anglo-Saxons appellent "la discrimination positive" (voir l’alinéa 2 de l’art. 1er de notre Constitution).

À l’instar de l’égalité de sexes avant 1999, la consécration constitutionnelle de la laïcité interdit donc la distinction. Légiférer sur les carrés confessionnels implique alors de réviser préalablement la Constitution, obstacle qu’avaient rencontré dans leurs travaux les sénateurs Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf à l’occasion de leur important rapport en 2005.

Ces éléments expliquent la particularité des règles entourant les relations entre religion et sépulture, auxquelles nous avons consacré un dossier spécial "Laïcité et sépultures : aspects juridiques".

 

Maud Batut

Maud Batut 

Rédactrice en chef

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations