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Paris 2053. Dans un futur pacifié, abîmé par le réchauffement climatique et maladivement dépendant d’Internet, Gabriel dirige Memoriam, cimetière universel online qui conserve les souvenirs visuels et sonores des trépassés. Un hacker légendaire vient annoncer à ce croque-mort numérique que la civilisation est à deux doigts de verser dans l’obscurantisme…

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Henri Duboc.

Rôdent autour de ces deux héros de drôles de paroissiens : monseigneur Verinas, charismatique évêque de la capitale ; Oranne, la papesse, Yosa, le surdoué, Hattam, le savant fou… La guerre contre l’extrémisme religieux s’annonce compliquée…
L’éditeur, Jean-Charles Lajouanie, a sous-titré "Roman d’anticipation mais pas que…"

En effet, pas que, car, même si cet ouvrage reprend les règles de l’anticipation – le futur plus ou moins proche – l’évolution de l’homme et de ses us et coutumes, il a aussi un aspect presque philosophique, l’avenir des religions, de la croyance. Est-ce que la science et son éternelle sœur ennemie la religion finiront par faire bon ménage ? À s’allier, se supporter ?

L’aventure commence en 1895, Louis Pasteur va mourir, Henri Duboc va nous romancer cette fin de vie, surtout le face-à-face entre l’homme de science et un prêtre venu lui donner les derniers sacrements. Puis nous serons projetés jusqu’en 2053… L’évolution de l’homme a suivi son cours, nos descendants sont complètement dépendants de la technologie, ne savent plus vivre sans cela. Preuve en est, ces millions de morts lors de la grande panne GPS… Plusieurs défauts déjà apparents de notre société sont poussés à l’extrême, les procès à outrance, le webphone qui devient presque terminaison nerveuse et cérébrale de notre corps, une vie dirigée par l’intelligence artificielle…

C’est avec beaucoup d’humour et de cynisme que l’auteur imagine notre futur, d’ailleurs, il est bien pourri, cet avenir. La preuve, plus de livres papier… plus de sépultures non plus, du moins dans le sens où on l’entend aujourd’hui, par manque de place, on n’inhume plus, et l’on crématise encore moins à cause de la pollution, alors on lyophilise nos chers disparus et surtout on conserve leur mémoire via le site Memoriam. Et ce site va devenir la convoitise d’un fanatique religieux, Verinas. Un voyage dans le futur qui prête parfois à sourire, mais plus souvent à réfléchir. Jusqu’où certaines dérives de notre société pourraient-elles nous mener ?

Le premier volet d’une trilogie qui s’annonce mémorable…

Sébastien Mousse : Henri Duboc, bonjour, tout d’abord merci d’accepter de répondre à mes questions. Comme je le mentionne dans la chronique, ton livre pourrait prêter à sourire, mais quand on se rend compte que tu es docteur et chercheur, d’un coup, on pourrait avoir peur… Tu penses que certaines choses que tu décris pourraient arriver, et si tu étais un peu comme un Jules Verne des temps modernes…

Henri Duboc : Bien sûr, même si chaque trait d’imagination est un petit pari ! Pour ce qui concerne les évolutions techniques, tout est possible et tout arrivera. Quand l’homme s’attaque à un problème, il le résout systématiquement… Là où il n’y arrive pas, c’est avec les problèmes qu’il "se pose à lui-même". Écologie, politique, spiritualité, là, les paris sont plus risqués… sauf pour la papesse, le mariage des prêtres et compagnie inventés dans "Vatican 3"... Là, je mets ma main à couper que l’Église va sortir la tête de l’eau et prendre dans les 10 ans un sacré virage de modernité.

SM : Dans toutes les évolutions futuristes que tu énumères dans ton roman, il n’y a plus d’inhumation, plus de crémation. Il y a quelque temps, une étude a prouvé que les corps se décomposaient de moins en moins rapidement – soins de conservation retardant la thanatomorphose, thérapie, etc. –, donc ce que l’on nomme "la rotation des cimetières" ne peut plus s’effectuer correctement, on est donc en droit de se poser la question, d’ici quelques générations, quid de nos dépouilles ?

HD : C’est amusant que tu parles de ça, parce que je connais ces travaux, et ça m’a posé problème… C’est là que c’est génial de mélanger l’univers scientifique et l’imaginaire. Dans le labo où je fais de la recherche, on utilise un lyophilisateur. Ça vous déshydrate un échantillon en gardant la forme, mais si vous appuyez… Plus rien que de la poudre ! Vu qu’on ne pourra pas inhumer tout le monde, et vu que, dans le monde créé en 2053, "la combustion" est interdite, eh bien la "lyophilisation cadavérique" m’a semblé une solution pas trop mal.

SM : On trouve aussi, au fil des pages, comme un retour à la foi, aux croyances, au recueillement, au cimetière, à l’heure actuelle, peu de monde au pied des tombes, si Memoriam n’existe pas encore, il y a déjà pas mal de sites de cimetières virtuels (cimetière.net, tunousmanques.fr, alloleciel.fr et bien d’autres), où l’on peut avoir des sépultures virtuelles, des "pages hommages", peut-on en conclure que Memoriam n’est pas une utopie mais un produit d’avenir ?

HD : Oui et non. Memoriam, dans le roman, a une particularité géniale : c’est un cimetière connecté universel. Tout les morts de la planète y sont, et pas sûr qu’on en prenne le chemin. C’est un Google ou un Facebook, et qui a gagné la guerre des sites de mémoire en jouant sur l’éthique électronique. Pour ce qui existe déjà, pour moi, le plus abouti est AlterRiva de Valery Guyot-Sionnest, qui propose un packaging complet impliquant mausolée numérique + inhumation + célébration, le tout préparé en amont avec le "futur défunt". Tout produit répond soit à un besoin existant, soit à un besoin artificiellement créé, et pour moi, nous sommes à l’entre-deux. Parce que, sur terre, il y a diverses "populations numériques" : des ultras, de simples utilisateurs, des invalides et des exclus. Besoin, gadget ou utopie, tout dépend à qui on s’adresse, je souhaite juste qu’on ne fasse pas des morts – ou de leur famille – de nouveaux consommateurs.

SM : "DIEU 2.0" est une trilogie, les deux autres opus sont déjà tous deux écrits, prêts à être publiés ?

HD : Tout a été écrit d’une traite, en 2012. Je suis dans les relectures des tomes 2 et 3, c’est amusant parce que j’ai fait à l’époque quelque paris technologiques, certains sont déjà dépassés ou inenvisageables, et d’autres, on est pile dedans…

SM : Il y a beaucoup de spiritualité dans ton livre, que cela soit au niveau de la religion, mais aussi dans les conversations entre Gabriel et ce cher hacker, la question est posée sur la quatrième de couverture : les croyances et les religions survivront-elles au XXIe siècle ? Ton avis ?

HD : Croire est un besoin naturel, inaliénable, et j’ajouterais important chez l’homme. Encore faut-il des supports. La société occidentale apporte sécurité, confort, démocratie, droit, mais, côté spiritualité, c’est un néant quasi total. Qui lit de nos jours ? Parmi ceux qui ont les moyens, combien se forcent à faire leur "devoir d’humain développé", en se cultivant, en se poussant à étudier, tout les jours ? Les chatons Facebook, les commentaires en ligne et les selfies ne combleront jamais ce vide existentiel. Et c’est là que, pour moi, la religion est encore un support spirituel intéressant et important : il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau bénite !

SM : Pour conclure, mes deux questions récurrentes, la première, si l’on devait écouter une musique en lisant ton roman, laquelle serait-ce ?

HD : Plusieurs ! The Sound of Silence de Simon and Garfunkel. Des sonates de Beethoven, Fred Astaire et Cheek to Cheek. Batman Begins, la bande originale de Hans Zimmer et le terrifiant morceau Molossus, puis La Leçon de piano, "Ask to the heart".

SM : Et la seconde, si tu devais faire lire ton livre à une personne, réelle ou fictive, ce serait qui et pourquoi ?

HD : Le père dominicain Henri Didon. C’était un ami de Louis Pasteur, un prêtre initié à la science par Claude Bernard lui-même, un orateur de talent, et un athlète, qui aida Pierre de Coubertin à refonder les Jeux olympiques. C’était aussi un prêtre rebelle, capable d’envoyer bouler sa hiérarchie, et un enseignant génial. Il eut un élève insupportable dans lequel il ne perdit jamais espoir : c’était le jeune Sacha Guitry.

SM : Henri, je te remercie du temps accordé pour répondre à mes questions…

Sébastien Mousse
Thanatopracteur
Éditeur l’Atelier Mosésu

Résonance n°122 - Juillet 2016

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