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Comment inhumer une urne dans une propriété privée et surtout comment l’en exhumer, c’est à ce double questionnement que nous allons nous intéresser.


L’inhumation d’urne : une alternative à l’interdiction du dépôt à domicile, autorisée par le préfet

Il n’est plus possible de conserver l’urne à domicile, puisque cette destination n’est désormais plus répertoriée dans celles retenues par l’art. L. 2223-18-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) visant la destination des cendres après la crémation (pour une position analogue de la doctrine administrative : Rép. min. n° 44538, JOAN Q 10 novembre 2009).

Si une manifestation de volonté était antérieure à la publication de la loi du 19 décembre 2008, on pourra citer la position de l’Administration selon laquelle : "La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 interdit désormais la conservation de l’urne funéraire dans une propriété privée : cette restriction s’applique donc à tous les décès survenus depuis la promulgation de la loi – soit le 20 décembre 2008 –, même si les défunts avaient exprimé le souhait de faire déposer leurs cendres à domicile antérieurement à cette date". (Rép. min. n° 47087, JOAN Q 10 novembre 2009).

Il demeure néanmoins possible de les inhumer dans une propriété privée dans des conditions peu ou prou similaires à celles des cercueils. C’est d’ailleurs la position prônée par la doctrine administrative : "Inhumation de l’urne dans une propriété privée, après autorisation préfectorale : dès lors que les cendres sont désormais assimilées au corps humain, les dispositions de I’art. R. 2213-32 ont vocation à s’appliquer. Toutefois, dans cette hypothèse, l’avis d’un hydrogéologue n’est pas nécessaire. Lorsque vous instruirez une demande d’autorisation d’inhumation d’une urne en propriété privée, vous rappellerez au demandeur que cette opération crée une servitude perpétuelle à l’endroit où l’urne est inhumée, de manière à garantir la liberté de chacun de venir se recueillir devant les cendres du défunt". (Circulaire du 14 décembre 2009 (NOR : IOCB0915243C).

Ce n’est d’ailleurs que la reprise des positions du CGCT. En effet, l’art. R. 2213-32 énonce : "L’inhumation dans une propriété particulière du corps d’une personne décédée est autorisée par le préfet du département où est située cette propriété sur attestation que les formalités prescrites par l’art. R. 2213-17 et par les articles 78 et suivants du Code civil ont été accomplies et après avis d’un hydrogéologue agréé. Cet avis n’est pas requis pour l’inhumation d’une urne cinéraire".

On constate donc qu’à la différence d‘une inhumation en cercueil, l’avis de l’hydrogéologue est rendu inutile pour l’urne cinéraire. Cette mesure est évidemment justifiée par la totale innocuité pour la santé publique de l’urne. On remarque également qu’il s’agit d’une compétence qui échappe au maire au bénéfice du préfet du département où est située cette propriété privée.

Le préfet reçoit donc la demande d’autorisation d’inhumation accompagnée de l’acte de décès. Enfin, à l’égal des inhumations en cercueil et, alors même que les justifications pour des raisons d’hygiène publique sont moins patentes, il sera fait application nécessairement des dispositions de l’art. L. 2223-9 du CGCT qui énonce, que "toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière, pourvu que cette propriété soit hors de l’enceinte des villes et des bourgs à la distance prescrite". Le sens de cette disposition est malaisé à appréhender, en effet que signifient tant l’expression "hors de l’enceinte des villes et des bourgs" que celle de ‘distance prescrite".

Il semblerait que cette notion soit proche de celle de "commune urbaine" (sur ces notions, Patrick Pellas, "le nouveau régime de localisation des cimetières : de la "relégation" à la "réinsertion", JCP, n° 39, 23 septembre 1987, I 3927). Il s’agirait de la notion de "périmètre d’agglomération" (CE 23 décembre 1887, Torret : Rec. CE p. 854) c’est-à-dire "les périmètres extérieurs des constructions groupées ou des enclos qu’ils joignent immédiatement".

Quant à la notion de distance prescrite, le juge combine l’art. L. 2223-9 avec l’art" L 2223-1 du CGCT qui dispose que : "La création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière sont décidés par le conseil municipal. Toutefois, dans les communes urbaines et à l’intérieur des périmètres d’agglomération, la création, l’agrandissement et la translation d’un cimetière à moins de 35 mètres des habitations sont autorisés par arrêté du représentant de l’État dans le département". Il en tire alors la conclusion suivant laquelle cette distance prescrite est de 35 mètres. Il contrôlera, en se fondant sur cette distance, la décision du préfet d’autoriser une inhumation en terrain privé (CE 21 janvier 1987, M. Risterucci, req. n° 56133).

L’autorisation d’inhumer en terrain privé sera exclusivement individuelle. Elle ne confère donc aucun droit d’inhumation dans le même terrain privé aux autres membres de la famille. Elle ne peut d’ailleurs pas être délivrée du vivant des intéressés d’après une circulaire du ministre de l’Intérieur du 5 avril 1976 qui précise que "les autorisations sollicitées ne peuvent être délivrées du vivant des intervenants. Il convient d’informer ceux-ci qu’il appartiendra, le moment venu, à leur exécuteur testamentaire ou à toute autre personne habilitée, de faire les démarches nécessaires auprès des services préfectoraux".

Ces sépultures en terrain privé sont, d’après la jurisprudence, perpétuelles, inaliénables et incessibles. Lorsqu’elles sont fondées, les propriétaires du bien immobilier ne pourront en exhumer les corps, pas plus qu’ils ne pourront agir sur le monument funéraire. Les héritiers de la personne inhumée dans un lieu privé bénéficieront alors d’une servitude de passage, même si le contrat de vente n’a rien prévu à ce sujet, servitude qui, étant un droit hors commerce, ne peut faire l’objet d’une prescription acquisitive par un acquéreur (CA Amiens, 28 octobre 1992, D. 1993, p. 370).

De plus, le Code civil, en son art. 1128, disposant qu’"il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions", un renoncement par contrat à cette servitude par les héritiers sera nul. Il est à noter de plus que toute atteinte, même involontaire, à cette sépulture par l’acquéreur du bien immobilier peut être constitutive du délit de violation de sépulture prévu aux articles 225-17 et 225-18 du Code pénal.

L’exhumation de l’urne d’une propriété privée : une autorisation délivrée par le maire 

L’art. L. 2213-10 du CGCT énonce néanmoins "les lieux de sépulture autres que les cimetières sont également soumis à l’autorité, à la police et à la surveillance des maires". Le maire peut ainsi exiger, en vertu de ses pouvoirs de police, que certaines prescriptions soient respectées par la sépulture en terrain privé quant aux modalités de l’inhumation, du respect de la décence. De surcroît, l’art. R. 2213-39-1 du CGCT énonce que : "Lorsqu’il est mis fin à l’inhumation de l’urne dans une propriété particulière, la personne qui en est dépositaire doit se conformer aux dispositions de l’art. L. 2223-18-2". On peut alors se poser la question de savoir si l’exhumation de l’urne obéit aux prescriptions de cet article ou si au contraire, elle obéit aux prescriptions usuelles, c’est-à-dire celles de l’art. R. 22213-40 du CGCT ? Rappelons la teneur de cet article : Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande.

L’autorisation d’exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où doit avoir lieu l’exhumation. L’exhumation est faite en présence d’un parent ou d’un mandataire de la famille. Si le parent ou le mandataire dûment avisé n’est pas présent à l’heure indiquée, l’opération n’a pas lieu.

Nous savons que l’actuelle formulation de cet art. R. 2213-39-1 du CGCT est issue du décret 20211-121(D. n° 2011-121, 28 janv. 2011 : JO 30 janv. 2011, p. 1926) et substitua malencontreusement (selon nous) le mot "dépôt" par le terme "inhumation". Il nous semble, que dans sa volonté de purger les hypothèses de garde de l’urne au domicile, le Gouvernement fut imprécis.

En effet, nous conjecturons que sous couvert de l’emploi de ce terme, c’est bien de dépôt qu'il s’agit. L’utilisation du terme "inhumation" ne semble qu’imparfaitement recouvrir les endroits où sont, en fait, déposées et non inhumées ces urnes (sur un meuble, dans une bibliothèque etc.). Il pourrait même être soutenu qu’elles ne sont en pratique presque jamais inhumées. Dès lors nous pensons que l’exhumation (en dehors du sol), relève bien de l’application de l’art. R. 2213-40 du CGCT et donc que c’est bien le maire qui l’autorise, à la demande du plus proche parent du défunt et que les destinations futures de cette urne sont libres et non strictement limitées à celles prévues à l’art. L. 2223-18-2 du CGCT. En fait, plus simplement, qu’une autre propriété particulière pourrait accueillir l’urne inhumée derechef ….
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 180 - Mai 2022

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