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Couramment appelé "dépotage" dans le jargon de la profession, le changement de cercueil en vue de sa crémation est une opération rendue nécessaire lorsque la mise en bière a été faite dans un cercueil ne permettant pas la crémation, tel qu’un cercueil hermétique lors d’un rapatriement de corps depuis l’étranger, ou à l’occasion d’un transport aérien. Occasionnellement autorisée depuis de nombreuses années par le procureur de la République sans fondement textuel, le législateur a enfin consacré cette opération en adoptant la loi "3DS" du 23 février 2022 créant un art. L. 2223-42-1 au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).


Aux termes de l’art. L. 2223-42-1 du CGCT : "À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles et lorsque le corps du défunt a été placé, pour assurer son transport, dans un cercueil composé d’un matériau présentant un obstacle à la crémation, une autorisation de transfert du corps vers un cercueil adapté peut être délivrée par le maire.

Cette autorisation ne peut être délivrée qu’en vue de la crémation du corps, qui s’opère sans délai après le changement de cercueil, et à condition que le défunt n’ait pas été atteint par l’une des infections transmissibles prescrivant ou interdisant certaines opérations funéraires, dont la liste est fixée par voie réglementaire. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article."

Le décret du 5 août 2022

Inapplicable en l’état, ce nouveau texte législatif était conditionné, pour son application, par la publication d’un décret. Six mois après l’entrée en vigueur de la loi "3DS", c’est le décret du 5 août 2022 qui apporte les précisions tant attendues en créant un art. R. 2213-34-1 au CGCT. Construit en trois parties, cet article définit les conditions relatives à la demande (I), celles relatives à la l’autorisation et à ses effets (II) et enfin les conditions réalisation de l’opération (III).

I - Les conditions relatives  à la demande

"Lorsque le corps du défunt a été placé, pour assurer son transport, dans un cercueil composé d’un matériau présentant un obstacle à la crémation, l’autorisation de transfert du corps vers un cercueil adapté à la crémation, prévue à l’art. L. 2223-42-1, est délivrée par le maire de la commune du lieu d’ouverture et de changement de cercueil, sur demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles."

Il n’apparaît pas dans ce premier paragraphe de précisions quant aux modalités du premier transport. Ainsi, peu importe, a priori, les raisons pour lesquelles le corps, pourtant voué à être crématisé, se trouve dans un cercueil inadapté. C’est donc de façon très large que cette opération devrait pouvoir être envisagée. Ainsi, outre les situations classiques et bien connues, telles que le rapatriement de corps depuis l’étranger ou par avion, pourront, semble-t-il, également être envisagées des situations plus anecdotiques, telles que, par exemple, la crémation après un dépôt temporaire supérieur à 6 jours dans un caveau provisoire(1), ou encore un changement sur la destination du corps après la fermeture (définitive) du cercueil(2).

S’agissant de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation, plusieurs possibilités pouvaient être envisagées par le pouvoir législatif (préfet, procureur de la République, …). D’autres avaient même déjà été envisagées, telles que le tribunal judiciaire dans une ancienne proposition de loi, mais c’est finalement le maire qui a été retenu. Ce choix, sans doute le mieux adapté, rappelle que l’autorité de police naturelle en matière funéraire demeure le maire dans le cadre de ses pouvoirs de police spéciale.

De façon logique, sur le plan territorial, c’est le maire de la commune où sera réalisée l’opération qui est compétent pour délivrer l’autorisation.

"La demande est présentée par écrit et transmise par tout moyen. Elle est accompagnée des justifications prévues à l’art. R. 2213-34 et d’un certificat médical attestant que le défunt n’était pas atteint d’une infection transmissible figurant sur les listes mentionnées au a) et au b) de l’art. R. 2213-2-1. Ce certificat est établi par un professionnel de santé exerçant sur le lieu du décès."

Deux séries de conditions doivent donc être réunies. Les premières tiennent au fait que l’autorisation qui sera délivrée par le maire fera également office d’autorisation de crémation, et les secondes, parce qu’il conviendra de se prémunir contre tout risque sanitaire à l’occasion de la réouverture du cercueil.

Ainsi, l’art. R. 2213-34-1 I. renvoie aux dispositions de l’art. R. 2213-34 relatives à l’autorisation de crémation, qui dispose que l’autorisation de crémation "est accordée sur les justifications suivantes :
1 - L’expression écrite des dernières volontés du défunt ou, à défaut, la demande de toute personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles et justifie de son état civil et de son domicile ;
2 - Un certificat de décès établi par le médecin ayant constaté le décès, affirmant que celui-ci ne pose pas de problème médico-légal ;
3 - Le cas échéant, l’attestation du médecin ou du thanatopracteur prévue au troisième alinéa de l’art. R. 2213-15 [NDLR : Attestation de retrait de pacemaker]".

Sur le plan de la prévention des risques sanitaires graves, l’opération sera interdite si le corps était atteint d’une des infections transmissibles figurant au a) et au b) de l’art. R. 2213-2-1 dont la liste est fixée aux articles 1 et 2 de l’arrêté du 12 juillet 2017 (orthopoxviroses, choléra, peste, charbon, fièvres hémorragiques virales et contagieuses, rage, tuberculose active sensible aux antituberculeux, toute maladie émergente infectieuse transmissible). Seront donc autorisés, en principe, les changements de cercueils sur les corps atteints de la maladie de Creutzfeld-Jacob, de tout état septique grave ou de SARS-CoV-2.

II - L’autorisation et ses effets

"Au vu des justifications requises et sous réserve des dispositions du 3°de l’art. R. 2213-26, le maire délivre l’autorisation de transfert du corps vers un cercueil adapté à la crémation. Cette autorisation est établie sans frais et peut être adressée par voie dématérialisée. Elle vaut autorisation de fermeture du nouveau cercueil. Par dérogation à l’art. R. 2213-34, et sous réserve du sixième alinéa de cet article, elle vaut également autorisation de crémation.

Le maire statue sur la demande d’autorisation dans un délai de six jours à compter de la réception de cette demande."

L’autorisation de transfert de cercueil implique la réouverture d’un cercueil nécessairement définitivement fermé, et donc la fermeture du nouveau cercueil après transfert. C’est la raison pour laquelle le texte prévoit qu’elle "vaut autorisation de fermeture du nouveau cercueil".

De plus, le texte précise que, "par dérogation à l’art. R. 2213-34, et sous réserve du sixième alinéa de cet article, elle vaut également autorisation de crémation". Le 6e alinéa de l’art. R. 2213-34 dispose que "lorsque le décès a eu lieu à l’étranger, la crémation est autorisée par le maire de la commune où elle est pratiquée […]". La question se pose donc de savoir quelle autorisation primera sur l’autre s’agissant de la crémation. Afin d’éviter toute ambiguïté, le texte prévoit cette situation en faisant explicitement primer l’autorisation de crémation délivrée par le maire où elle doit être pratiquée sur la valeur d’autorisation de crémation qu’il confère à l’autorisation de transfert de cercueil délivré par le maire où l’opération aura lieu.

Cependant, la pratique révèle souvent une certaine souplesse dans l’application de la réglementation funéraire. Il conviendra donc de rester attentif sur l’orientation que prendra la pratique, c’est-à-dire si les crématoriums feront une application stricte de ces dispositions en exigeant que l’autorisation de crémation émane du maire de la commune du lieu de crémation, considérant que le maire ayant délivré l’autorisation de changement de cercueil est incompétent, ou si, au contraire ils accepteront de procéder à la crémation considérant que ces deux maires ont des pouvoirs équivalents…

III - Les conditions de réalisation de l’opération

"L’ouverture, le changement et la fermeture de cercueil sont effectués par un opérateur funéraire habilité au titre de l’art. L. 2223-23, dans un local mentionné au 1° ou 2° de l’art. R. 2223-132, en dehors de la présence de tout public. Les dispositions de l’art. R. 2213-45 sont applicables. La fermeture du nouveau cercueil suit immédiatement le changement de cercueil."

"Le caractère adapté du nouveau cercueil s’apprécie au regard de l’art. R. 2213-25."

Il était impératif pour le pouvoir réglementaire de définir précisément dans quel cadre cette opération, "sensible" à de nombreux points de vue, avait vocation à être réalisée. En premier lieu, et c’est heureux, le texte prévoit que l’opération se déroule "en dehors de la présence de tout public". Ainsi, le texte insiste sur le caractère absolu de l’absence de public, et semble ici sous-entendre "en dehors de toute présence des proches du défunt".
En renvoyant au 1° et au 2° de l’art. R. 2223-132 du CGCT, le texte vise très explicitement comme uniques lieux où l’opération peut se dérouler :
1 - "la salle de préparation de la partie technique d’une chambre funéraire",
2 - "le local de préparation des corps de la zone technique d’une chambre mortuaire".

Ainsi, l’opération ne pourra avoir lieu ni au domicile du défunt, ni au crématorium, ni dans un quelconque local, appartenant à l’opérateur funéraire ou non.

Le III. de l’art. R. 2213-34-1 poursuit : "Les dispositions de l’art. R. 2213-45 sont applicables." Cet article fait référence aux contrôles des opérations funéraires par l’autorité de police (vacations de police). Il n’a étonnamment pas été modifié pour ajouter aux opérations faisant l’objet d’une surveillance cette nouvelle opération de transfert de corps. Cependant, il n’apparaît pas étonnant que ce texte soit applicable. On voit en effet s’exprimer ici la volonté du pouvoir réglementaire de s’assurer plus spécialement de la bonne réalisation de cette opération "délicate et sensible". Précisons en outre que ce texte tendait déjà à être appliqué lorsque les changements de cercueils étaient autorisés par le procureur de la République.

Enfin, et d’une façon générale, le texte prescrit que l’opération (du changement de cercueil jusqu’à la crémation) soit réalisée de façon séquencée et rapide par l’emploi des formulations suivantes : "la fermeture du nouveau cercueil suit immédiatement le changement de cercueil" et "la crémation s’opère sans délai après le changement de cercueil". De façon claire, un dépôt provisoire ne saurait être envisagé après le changement de cercueil. Ainsi, si un dépôt provisoire doit être envisagé en attendant la crémation, celui-ci doit être prévu avant. Le changement de cercueil devra donc être réalisé "à la dernière minute" avant son transport vers le crématorium.

Les précisions "sociales" du texte

L’avant-dernier alinéa de l’art. R. 2213-34-1 du CGCT dispose que :
"L’ouverture et le changement de cercueil se déroulent dans le respect des dispositions de la quatrième partie du Code du travail, en particulier de celles relatives à l’utilisation des équipements de travail et des moyens de protection ainsi que de celles visant à la prévention des risques biologiques, prévues respectivement au titre II du livre III et au titre II du livre IV de cette partie. Les personnels chargés de la réalisation des opérations sont équipés d’un masque chirurgical, de gants et d’un tablier de protection."

Ce paragraphe n’est pas sans rappeler les dispositions de l’art. 1er du décret de l’arrêté du 10 mai 2017 fixant les conditions de réalisation des soins de conservation à domicile. En effet, à l’instar de ce dernier, qui a vocation à prescrire l’Équipement de Protection Individuelle (EPI) du personnel funéraire intervenant dans la réalisation de l’opération, il ne s’applique qu’aux salariés.

L’employeur a en effet une obligation générale de sécurité envers ses salariés définie aux art. L. 4221-1 du Code du travail. En outre, des dispositions spécifiques s’appliquent en matière d’activités à risque. C’est à ces dispositions que renvoie l’avant-dernier alinéa de l’art. R. 2213-34-1 et plus précisément aux articles L. 4321-1 à L. 4321-5 du Code du travail : "Utilisation des équipements de travail et des moyens de protection" et L. 4421-1 : "Prévention des risques biologiques".

Précisons, par ailleurs, que l’ouverture de l’enveloppe hermétique en zinc implique l’utilisation d’un outillage potentiellement dangereux et que les feuilles de zinc qui seront coupées pour ouvrir l’enveloppe sont particulièrement tranchantes. Des dispositifs de sécurité adaptés devront être prévus par l’employeur afin de prévenir tout risque de blessures en plus des dispositifs de prévention des risques biologiques.

Rappelons enfin qu’en tout état de cause, salarié ou pas, tout intervenant sur ce type d’opération ne pourra le faire que muni des protections élémentaires de nature à garantir sa sécurité, mais également son confort, dans le cadre de l’intervention. De même, au regard de l’état de putréfaction potentiel des corps, des mesures devront nécessairement être prises afin de limiter toutes nuisances, principalement olfactives, dans les locaux utilisés pour réaliser les changements de cercueils.
 
Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris
 
Nota :
(1) L’art. R. 2213-26 du CGCT dispose que "le corps est placé dans un cercueil hermétique […] en cas de dépôt du corps soit à résidence, soit dans un édifice cultuel ou dans un caveau provisoire, pour une durée excédant six jours".
(2) À l’occasion, par exemple de la découverte d’un document indiquant que les dernières volontés du défunt étaient une crémation, alors que ses obsèques ont été organisées en vue de son inhumation ou d’un transport à l’étranger.

Résonance hors-série n° 14 - Août 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

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