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Dans la continuité de nos différentes analyses sur les décès en France, nous vous proposons cette fois-ci d'aller plus loin. Nous allons utiliser les données de l'importante étude réalisée en 2013 – et mise à jour en 2016 – par l'INSEE sur l'évolution de la population française dans son ensemble. Pour cette étude, l'Institut a mis au point, analysé et testé vingt-sept scénarios.

Certes, ce rapport a aujourd’hui 5 ans ; mais, comme vous le verrez par la suite, nous analysons des données avec de relativement faibles variations. Les plus passionnés d'entre vous qui désirent lire l’étude en question pourront retrouver un lien dans les sources, à la fin de cet article.

Pour réaliser une étude sur la population, il faut s'intéresser à trois facteurs qui ont un impact sur la variation de la population :
- les naissances,
- les décès,
- le solde migratoire.

I - Voici l'équation utilisée dans l'étude :
 
Pop1.1.n+1 = Pop1.1.n + naissancesn - décèsn + SoldeMigratoiren
 
Nous n’allons analyser que la partie qui concerne les décès. Voici un bref descriptif de la méthodologie pour ceux qui aiment les maths :
Le nombre de décès de femmes (ou d’hommes) atteint dans l’année est calculé en appliquant à la population moyenne de l’année les quotients de décès projetés par sexe et âge (atteints dans l’année). Cette population moyenne est estimée par le nombre de femmes (ou d’hommes) présent(e)s au 1er janvier (d’âge A-1 donc), auquel est ajouté la moitié des entrées nettes de femmes (ou d’hommes) d’âge A, pour tenir compte des variations d’effectifs en cours d’année suite aux échanges avec l’extérieur et être cohérent avec les définitions des quotients établis dans la situation démographique (Beaumel, Pla, Vatan, 2010). Au cours de l’année N, le nombre de décès des personnes de sexe S et d’âge A (atteint dans l’année) est donc calculé ainsi :
 
Décèsa = (Popa-1 1.1.n,s + SoldeMigratoirea n,s / 2) * QuotientMortalitéa n,s si a > 0
 
Bon à savoir :
Le quotient de mortalité (ou risque de décès) à l’âge A est obtenu en rapportant le nombre des décès intervenus au cours de l’année N de personnes de la génération née en N-A à l’effectif de cette génération au 1er janvier de l’année N, auquel est ajoutée la moitié du solde migratoire. Les quotients de mortalité sont calculés par âge atteint dans l’année.

II - Historique de fiabilité de l’étude

L'INSEE, en excluant l'épidémie de la Covid-19 en 2020, après un léger retard sur les décès dans les années 2010-2015 (plus proche de la projection basse notamment en 2011 et 2014), a correctement prédit les décès sur la période 2015-2020.

Evolution du nombre de décès 1

III - Mortalité en France : quelles prévisions ?

Notre problématique est la suivante : prévoir les décès après l'impact de la Covid-19 en 2020 (qui a donné lieu à une surmortalité de 50 000 décès environ) sur les 10 prochaines années s'avère une mission ardue. Selon nous, il y a deux hypothèses possibles :

1 - L’impact immédiat

Evolution des décès 2000 2010

Sur ce graphique, on remarque tout de suite une chose : après la canicule de 2003, le nombre de décès s'est fortement contracté, avec environ 40 000 décès en moins en 2004 (par rapport à 2003) alors que la surmortalité de la canicule est estimée à 15 000 décès, principalement chez les femmes et les personnes très âgées (Rapport INSERM sur la surmortalité liée à la canicule d'août 2003, 26 octobre 2004).

Le choc de la canicule a fait gagner soudainement 6 mois d'espérance de vie (en plus de la tendance régulière à la hausse) grâce à une meilleure attention portée aux personnes âgées.

En ce qui concerne la mortalité liée au coronavirus, nous sommes déjà 1 an après, et pourtant, nous n'avons pas constaté une forte baisse du nombre de décès (pour mémoire, l’épidémie a touché des zones géographiques à différents moments de l'année, à l'inverse de la canicule).

2 - L’impact sur la durée

Pour cela, il faut rentrer dans la technique mathématique et faire des hypothèses. La question centrale étant : Quels segments de la population les 50 000 décès liés à la Covid-19 concernent-ils ? Quelles tranches d’âge ? Si on regarde la croissance des décès par âge, on observe que l'impact n'est pas concentré uniquement sur la dernière tranche des 90 ans et plus. La tranche 70-79 ans a été très impactée.

Évolution entre 2019 et 2020 des décès par sexe et âge

À la lecture de ces éléments, un lissage de l'impact de la Covid-19 sur les prévisions de décès semble cohérent.

Quel a donc été l’impact du coronavirus sur les prévisions de la mortalité ?

Nous avons fait tourner notre modèle qui reprend le modèle de l'INSEE. Nous avons créé un "scaling_factor_death", soit un facteur qui permet de lisser sur toute la population existante le taux de surmortalité par âge.

Par exemple, je prends la population en 2029 qui a 78 ans (hommes et femmes traités séparément) et j'applique le taux de surmortalité pour augmenter sur cet âge précis la surmortalité. Ainsi, si j'avais prévu 1 000 décès en 2022 sur les hommes, j'aurais en réalité 1 003 décès. J'applique ce taux à tous les âges de manière homogène. Cette méthode a ses limites, mais elle a le mérite d'être simple à comprendre et à appliquer.

Evolution du nombre de décès

Ce résultat impliquerait une baisse du nombre de décès essentiellement sur 2028-2030. Comme il y a une forte augmentation des décès sur des personnes âgées de 60 à 80 ans, ces décès devaient dû avoir lieu dans 5 à 10 ans.

IV. Quelles prévisions pour l’espérance de vie ?

L'INSEE a mis à jour ses données sur l'espérance de vie, dont voici les principaux éléments.

Evolution de lespérance de vie en années selon lâge Insee

Ce n'est pas la première fois que l'espérance de vie baisse. C’était par exemple déjà le cas après la grippe hivernale en 2015 (baisse de l’espérance de vie de 0,3 an pour les femmes et de 0,2 an pour les hommes).

En 2020, l'espérance de vie a baissé en France de 0,5 an pour les femmes, à 85,1 ans, et de 0,6 an pour les hommes, à 79,1 ans. Plus précisément, l'espérance de vie a moins augmenté que prévu : 87 ans pour les femmes et 81 ans pour les hommes (cf. Rapport de 2016).

Ainsi, les hypothèses proposées par l'INSEE pourraient s’avérer trop optimistes dans le scénario central (82 ans pour les hommes et 87 ans pour les femmes en 2030) ; l’impact de la Covid-19 pourrait être compensé par la faible hausse de l'espérance de vie, et donc par l'augmentation du nombre de décès, plus forte que prévu.

Pour conclure, l’impact de la Covid-19 sur la mortalité est très difficile à appréhender, car cette épidémie a touché différentes tranches d'âge, sans compter que l’espérance de vie connaît elle aussi des bouleversements depuis quelques années. Nous attendons avec impatience le prochain rapport de l'INSEE à ce sujet.
 
Charles Simpson

Résonance n° 174 - Octobre 2021

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