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Voici deux jugements rendus cet été et illustrant à l’envi la problématique de l’octroi ou du refus d’une concession funéraire.


TA de Grenoble 12 juillet 2022, ré. n° 2200686

Dans cette première affaire, il s’agissait de M. C décédé au cours d’une mission d’enseignement à l’étranger le 14 décembre 2021. Son épouse a demandé officiellement le 21 janvier 2022 une concession funéraire dans le cimetière communal de Notre-Dame-de-Bellecombe en vue de procéder à l’inhumation de son défunt mari. Par une décision du 25 janvier 2022, le maire refusa la délivrance d’une concession.

Il prononça son refus au motif que M. C était décédé en Tunisie et domicilié dans une autre localité. Ainsi, au regard des articles L. 2223-3 et L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), il lui apparaissait qu’il n’avait pas droit à une sépulture dans une concession familiale du cimetière ; de surcroît il n’était pas inscrit au registre des Français établis hors de France.

Le juge prend alors le soin d’énoncer : "La commune de Notre-Dame-de-Bellecombe soutient que Mme C ne réside pas sur le territoire communal ce qui fait obstacle à l’attribution d’une concession funéraire dans le cimetière de la commune. Toutefois, Mme C relève des seules dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT et il convient que le maire vérifie les autres liens de la demanderesse avec la commune. Le maire ne pouvait ainsi légalement se fonder sur la seule circonstance que M. C ne résidait pas sur le territoire communal ce qui faisait obstacle à toute attribution d’une concession funéraire dans le cimetière communal".

Nous y reviendrons mais le juge explicite ici la différence entre le droit à inhumation, ce qu’indubitablement M. C ne possédait pas du droit à la concession qui repose, comme on le sait, sur des critères différents (idem cf. infra).

Le juge prend alors la peine de relever et ce passage est d’importance que : "Mme C est propriétaire d’un appartement dans cette commune depuis 1985, il n’est pas contesté qu’elle y a marié deux de ses enfants, qu’elle ne produit pas moins de quatorze attestations indiquant qu’elle réside plusieurs mois par an dans son appartement, elle verse également sa carte d’électeur, son relevé de consommation électrique, son changement d’adresse auprès de la Direction générale des finances publiques. La circonstance que son appartement soit détenu par une SCI composée de son défunt mari et de ses enfants et que cette société soit domiciliée dans un autre département est sans incidence. Ainsi, et alors même que l’intéressée est également locataire d’un appartement à Lyon, Mme C a incontestablement des liens étroits avec cette commune justifiant l’octroi d’une concession funéraire".

In fine, la commune devra délivrer cette concession sous huit jours sous peine de s’acquitter d’une astreinte de 100 € par jour de retard.

Examinons maintenant le second jugement 

Tribunal administratif (TA) de Poitiers 25 août 2022, req. n° 2001255

M. D A est décédé le 19 novembre 2019 à Combrand, où il était domicilié. Mme C A, sa fille, a sollicité son inhumation au cimetière communal de Voulmentin, où elle réside. Le maire de Voulmentin a refusé de faire droit à sa demande de délivrance d‘une concession funéraire.

Le juge affirma alors : "Aucune disposition n’obligeait la maire de Voulmentin à autoriser l’inhumation de M. A au sein du cimetière communal dès lors que celui-ci n’y possédait pas de sépulture de famille, qu’il n’était pas décédé sur le territoire de la commune et n’y était pas domicilié au moment de son décès. Dans ces conditions, en refusant l’inhumation de M. A au sein du cimetière de Voulmentin, la maire n’a pas entaché sa décision d’illégalité. Par suite, en l’absence de toute faute susceptible d’engager la responsabilité de la commune, Mme A n’est pas fondée à demander réparation des conséquences dommageables de cette décision".

On ne peut préjuger d’un éventuel appel, ni même que Mme C A obtiendra une concession pour son père (on lui recommandera néanmoins de persévérer en appel) mais on s’aperçoit d’une nette baisse de qualité d’analyse entre le juge de Grenoble et le juge de Poitiers.

En effet, il est patent que ni le premier défunt ni le second ne disposait d’un droit à inhumation dans la commune considérée mais ce n’est pas ce que les requérantes demandaient puisqu’elles ne désiraient pas un terrain commun mais une concession funéraire et que les motifs de refus de l’un ne valent pas pour l’autre.

On peut ainsi reprocher au TA de Poitiers de ne pas avoir suivi le raisonnement de celui de Grenoble : il fallait examiner l’éventuel lien du défunt avec la commune puisque seul cet examen permet de refuser ou d’être obligé d’accepter de délivrer une concession funéraire…

Distinction droit à inhumation et droit à concession

In fine à titre d’utile rappel, il est possible d’expliquer que l’art. L. 2223-3 du CGCT dispose que : "La sépulture dans un cimetière d’une commune est due aux personnes décédées sur (le) territoire [de la commune], quel que soit leur domicile […] [ à celles] domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune […], (et enfin à celles) non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille".

Ce texte identifie ainsi les personnes qui, dans un cimetière communal, ont droit à l’inhumation. Ce droit s’entend comme celui d’obtenir une sépulture en service ordinaire, gratuite puisque l’inhumation en terrain commun est le seul service public obligatoire. Tandis que l’art. L. 2223-13 du CGCT dispose que "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs".

Ainsi, force est de constater que l’art. L. 2213-13 du CGCT relatif à la délivrance des concessions ne mentionne pas quelles sont les personnes qui ont le droit d’obtenir une concession dans le cimetière. Il est donc possible d’obtenir une concession funéraire dans le cimetière d’une commune alors même que l’on n’a aucun droit à y être inhumé puisque ces deux droits sont bien distincts dans le Code.

De surcroît, ainsi que le rappelle opportunément le juge grenoblois, il est impossible de refuser de délivrer une concession funéraire régie donc par les dispositions de l’art. L. 2223-13 du CGCT, par des motifs tirés de l’art. L 2223-3 qui sont étrangères à ce mode de sépulture puisque régissant les inhumations en terrain commun. Le refus du maire pourra faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir devant le juge administratif qui évaluera la réalité des arguments soulevés par le maire pour justifier ce refus.

Le juge administratif acceptera d’ailleurs d’indemniser le préjudice tant matériel que moral naissant du refus d’octroi d’une concession funéraire (CAA Marseille 20 mai 1998, Commune de Saint-Étienne-du-Grès, req. n° 96MA00906).

Il apparaît donc que le motif le plus classique pour refuser valablement à une personne qui en fait la demande une concession funéraire quand bien même elle ne serait pas domiciliée sur le territoire de la commune et sous réserve bien sûr que le conseil municipal ait permis l’octroi de ces concessions, soit le manque de place dans le cimetière (CE 5 décembre 1987, Commune de Bachy c/Mme Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258, conclusions Piveteau).

La possibilité restante serait bien entendu que le maire analyse les liens du demandeur avec la commune ainsi que l’a déjà énoncé le juge par exemple dans son arrêt "Schiocchet" (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. n° 297914). Le juge n’évoque-t-il pas que : "Considérant qu’un maire, qui est chargé de la bonne gestion d’un cimetière, peut, lorsqu’il se prononce sur une demande de concession, prendre en considération un ensemble de critères, parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession sollicitée au regard de celle du cimetière, les liens du demandeur avec la commune, ou encore son absence actuelle de descendance". On insistera donc tout particulièrement sur l’importance de la prise en compte de ces exigences lorsqu’on refusera l’octroi d’une concession.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 184 - Octobre 2022

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