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Après avoir constitué des usagers du service public des pompes funèbres, les particuliers, clients des opérateurs funéraires, sont devenus, avec l’entrée en vigueur de la loi du 8 janvier 1993, des consommateurs. L’article liminaire du Code de la consommation définit le consommateur comme "toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole".


Dès lors, l’ensemble des dispositions du Code de la consommation trouveront à s’appliquer aux relations commerciales qui se tisseront entre l’opérateur funéraire et ses clients consommateurs. Toutes, sauf celles auxquelles dérogent les règles spécifiques aux activités funéraires figurant dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT).

Le droit commun du démarchage à domicile

Le droit commun du démarchage à domicile est régi par une section entière du Code de la consommation (articles L. 121-21 à L. 121-33). Aux termes des dispositions de l’art. L. 121-21 :
"Est soumis aux dispositions de la présente section quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage, au domicile d’une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail, même à sa demande, afin de lui proposer l’achat, la vente, la location, la location-vente ou la location avec option d’achat de biens ou la fourniture de services."

En outre : "Est également soumis aux dispositions de la présente section le démarchage dans les lieux non destinés à la commercialisation du bien ou du service proposé et notamment l’organisation par un commerçant ou à son profit de réunions ou d’excursions afin de réaliser les opérations définies à l’alinéa précédent."

Mais l’art. L. 121-22 poursuit : "Ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 121-23 à L. 121-29 les activités pour lesquelles le démarchage fait l’objet d’une réglementation par un texte législatif particulier". Or tel est le cas en matière funéraire.

Des règles dérogatoires en matière funéraire

En matière funéraire, le démarchage à domicile fait l’objet d’une réglementation particulière définie à l’art. L. 2223-33 du CGCT, dans sa rédaction issue de la loi du 19 décembre 2008, qui dispose dans son premier alinéa que :
"À l’exception des formules de financement d’obsèques, sont interdites les offres de services faites en prévision d’obsèques ou pendant un délai de deux mois à compter du décès en vue d’obtenir ou de faire obtenir, soit directement, soit à titre d’intermédiaire, la commande de fournitures ou de prestations liées à un décès. Sont interdites les démarches à domicile ainsi que toutes les démarches effectuées dans le même but sur la voie publique ou dans un lieu ou édifice public ou ouvert au public."

Des manquements constitutifs d’un délit pénal

Les dispositions de l’art. L. 2223-33 du CGCT sont complétées par celles de l’alinéa 2 de l’art. L. 2223-35, qui dispose que "la violation des dispositions [de l’article L. 2223-33] est punie d’une amende de 75 000 E".

Des dispositions appréciées très strictement par la jurisprudence

Il découle de la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation que constituent un démarchage prohibé au sens de l’art. L. 2223-33 alinéa 1 :
- le démarchage relatif à des prestations n’entrant pas dans le champ du service extérieur des pompes funèbres telles que définies à l’art. L. 2223-19 CGCT. Tel sera par exemple le cas de démarchages relatifs à la vente de prestations de marbrerie (Cass., crim., 29 juin 2004, n° 03-85.190). ;
- les visites à domicile, même "pratiquées à la demande de la personne intéressée" dès lors qu’elles ne se limitent pas à fournir de simples renseignements (Cass., crim., 13 février 2007, n° 06-85.076) ;
- l’envoi d’une simple lettre même sans déplacement du vendeur dès lors qu’elle a pour objet la vente de prestations (Cass., crim., 4 février 2015, n° 14-11.002, sur le fondement de l’art. L. 121-1 du Code de la consommation).

Les dérogations apportées par la loi "3DS"

Les interdictions de l’art. L. 2223-33 du CGCT al.1 sont très anciennes, puisque leur première codification est apparue avec l’entrée en vigueur du décret du 7 mars 1977 créant un art. L. 362-10 dans le Code des communes (ancêtre du CGCT). Elles faisaient suite à divers textes du même ordre pris tout au long des XIXe et XXe siècles pour tenter d’enrayer les pratiques commerciales peu orthodoxes dont étaient victimes les familles en deuil.

Cependant, cette surprotection des familles ne pouvait que constituer un frein à leurs besoins réels et à la réalité opérationnelle, en particulier lors de la survenance d’un décès à domicile. Mais ce n’est qu’en février 2022 que le législateur est intervenu pour ajouter une dérogation au principe d’interdiction du démarchage.

Ainsi, l’alinéa 2 de l’art. L. 2223-33 du CGCT, qui dispose que :
"Par dérogation au premier alinéa, et dans le seul cas d’un décès à domicile, sont autorisées, les dimanches, jours fériés et aux heures de nuit, les démarches à domicile des personnels des régies, entreprises ou associations habilitées quand elles sont sollicitées par la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles. Cette dérogation ne concerne que la commande de prestations de transport ou de dépôt de corps avant mise en bière et de soins de conservation à domicile".

Une dérogation qui réaffirme implicitement le principe

Si la jurisprudence, dans les arrêts précités, avait clairement et strictement indiqué l’étendue du principe d’interdiction du démarchage en matière funéraire, l’édiction d’une exception par le législateur en réaffirme implicitement le principe. Il apparaît donc assez clair que la jurisprudence future n’ira pas dans le sens d’une atténuation du principe, et les opérateurs funéraires devront être particulièrement vigilants s’agissant de la création de nouveaux services, en particulier sur le terrain de la digitalisation.

Conclusion

Il découle de la législation dérogatoire applicable au domaine funéraire, et de l’interprétation qu’en a fait la jurisprudence, que le seul lieu adapté à la réception des familles et à l’organisation d’obsèques est constitué par le local commercial d’un opérateur funéraire. Dès lors, les services de pompes funèbres intervenant exclusivement à domicile nous semblent tomber sous le coup de la loi pénale.

S’il demeure un vide juridique quant à la vente de ces mêmes prestations en ligne (sans déplacement physique à domicile), qu’il ne nous appartient pas de trancher, ce type de modèle commercial interroge au premier chef sur le plan éthique quant à l’avenir de la profession et à la place qu’elle entend donner à la digitalisation du secteur.
 
Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

Résonance n° 185 - Novembre 2022

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