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1re Partie : les règles de droit commun et de droit de la consommation.


Les règles applicables aux contrats conclus par l’opérateur avec ses clients (autres que confrères et collectivités) doivent être appréhendées comme des "poupées russes". Un premier "noyau" est constitué par les règles du Code civil constituant le droit commun des contrats (A).

Une deuxième "couche" est constituée par les dispositions spéciales du droit de la consommation. Il s’agit de règles renforçant la protection du consommateur face au professionnel, mettant à la charge de ce dernier des obligations renforcées et des sanctions plus lourdes en cas de manquement (B).

Enfin, la dernière strate est constituée par des règles spéciales applicables au domaine funéraire, renforçant spécifiquement les droits des familles. Elles sont pour la plupart posées dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) et seront traitées dans la deuxième partie de cet article.

A/ Les règles de droit commun

Les règles de droit commun constituent le socle juridique des contrats conclus entre les opérateurs funéraires et leurs clients. En premier lieu, il convient de rappeler que toute vente de bien et/ou de prestations de services donne lieu à un échange de consentement, donc à la conclusion d’un contrat au sens de l’art. 1101 du Code civil.

B/ Les règles relevant du droit de la consommation

À l’exception des contrats conclus par l’opérateur funéraire avec ses confrères ou avec une administration publique, les contrats conclus avec ses clients relèvent du droit de la consommation. À ce titre, les règles qui en découlent devront être strictement appliquées au risque d’engager la responsabilité de l’opérateur. En matière funéraire, elles auront vocation à être appliquées dans tous les contrats, mais il sera nécessaire également de veiller à respecter certaines règles spécifiques au domaine funéraire, encore plus strictes ou plus précises, en particulier s’agissant de prestations d’obsèques.

Ainsi, lorsqu’il s’agira de vendre une simple plaque ou une petite composition de fleurs artificielles, l’opérateur funéraire ne se différenciera en rien d’un commerce de détail classique. Les règles relevant du droit de la consommation sont principalement de deux types : l’obligation d’information du consommateur et l’obligation de loyauté envers ce dernier.

1/ L’information des consommateurs

Elle se décompose essentiellement en une "obligation générale d’information précontractuelle" et une "information sur les prix et les conditions de vente". Ces obligations constituent des "obligations de faire" :

L’obligation générale d’information précontractuelle.
Elle découle de l’art. L.111-1 du Code de la consommation (CC), aux termes duquel "Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1°- les caractéristiques essentielles du bien ou du service […],
2°- le prix du bien ou du service […],
3°- en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
4°- les informations relatives à son identité […],
5°- s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales […],
6°- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation […]".

En outre, ces dispositions ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des activités, qu’elles soient réglementées ou non. Ainsi, même si un texte spécifique aux activités funéraires prévoit d’autres dispositions en matière d’information précontractuelle des familles, ces dernières viendront s’ajouter à celles de l’art. L.111-1 du CC précité et ne sauraient les remplacer. C’est ce qu’indique l’art. L.111-3 al. 1 : "Les dispositions des articles L. 111-1 […] s’appliquent sans préjudice des dispositions particulières en matière d’information des consommateurs propres à certaines activités".

Par ailleurs, afin de protéger sa sécurité juridique, le professionnel est vivement incité à recourir autant que possible à l’écrit et à en conserver un exemplaire signé par son client (contrat, devis, bons de commande, etc.), en effet, l’art. L.111-5 dispose qu’en "cas de litige relatif à l’application des dispositions des articles L. 111-1 […], il appartient au professionnel de prouver qu’il a exécuté ses obligations". Enfin, serait illégale toute clause contractuelle ayant pour objet de déroger aux dispositions de l’art. L.111-1 du CC car ses dispositions sont d’ordre public (art. L.111-8).

L’obligation d’information sur les prix et les conditions de vente.
L’argent est le "nerf de la guerre", c’est la raison pour laquelle, le CC consacre un plein chapitre à l’obligation d’information sur les prix et les conditions de vente. Ainsi, "Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l’exécution des services […]" (art. L.112-1 du CC).

Il est donc indispensable pour l’opérateur funéraire de s’assurer du bon étiquetage des articles qu’il propose à la vente accessible à la vue du public (vitrine, zone de "libre-service" du magasin). S’agissant des cercueils exposés, leur étiquetage est non seulement obligatoire, mais des dispositions spéciales leur sont également applicables. Cependant, "lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l’avance du fait de la nature du bien ou du service, le professionnel fournit le mode de calcul du prix et, s’il y a lieu, tous les frais supplémentaires de transport, de livraison ou d’affranchissement et tous les autres frais éventuels" (art. L.112-3 al.1). En matière funéraire, cela concerne les articles vendus sur commande tels que les articles personnalisés (plaques ou monuments par exemple).

2/ L’obligation de loyauté envers le consommateur (les pratiques commerciales illicites)

Cette obligation de loyauté se matérialise par une série de pratiques commerciales interdites (et lourdement sanctionnées) constituant des obligations de "ne pas faire" :

Les pratiques commerciales déloyales
Elles sont définies à l’art. L.121-1 du CC, aux termes duquel : "Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service". Les pratiques commerciales déloyales sont de deux ordres : les pratiques commerciales trompeuses et les pratiques commerciales agressives.

Les pratiques commerciales trompeuses
Ces pratiques se rapprochent de l’escroquerie prévue à l’art. 313-1 du Code pénal. Elles sont définies aux articles L.121-2 et suivants du CC. Elles sont nombreuses. Parmi celles susceptibles d’être rencontrées dans le domaine funéraire, on peut citer notamment les pratiques suivantes : "Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
1°- lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent,
2°- lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) l’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service,
b) les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication,
c) le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service" (art. L.121-2).
En outre, une pratique est également trompeuse "si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle. Sont considérées comme substantielles les informations suivantes :
1°- les caractéristiques du bien ou du service,
2°- l’adresse et l’identité du professionnel,
3°- le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur,
4°- les modalités de paiement et de livraison,
5°- l’existence d’un droit de rétractation si ce dernier est prévu par la loi" (art. L.121-3).

Enfin, l’art. L.121-4 du CC dresse la liste de 22 pratiques également considérées comme trompeuses. Parmi ces pratiques, on peut citer, par exemple, celles "qui ont pour objet :
1°- pour un professionnel, de se prétendre signataire d’un Code de conduite alors qu’il ne l’est pas,
2°- d’afficher un certificat, un label de qualité ou un équivalent sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire,
3°- d’affirmer qu’un Code de conduite a reçu l’approbation d’un organisme public ou privé alors que ce n’est pas le cas, […]
6°- de proposer l’achat de produits ou la fourniture de services à un prix indiqué, et ensuite :
a) de refuser de présenter aux consommateurs l'article ayant fait l'objet de la publicité,
b) ou de refuser de prendre des commandes concernant ces produits ou ces services ou de les livrer ou de les fournir dans un délai raisonnable,
c) ou d'en présenter un échantillon défectueux, dans le but de faire la promotion d'un produit ou d'un service différent,
7°) de déclarer faussement qu’un produit ou un service ne sera disponible que pendant une période très limitée ou qu’il ne sera disponible que sous des conditions particulières pendant une période très limitée afin d’obtenir une décision immédiate et priver les consommateurs d’une possibilité ou d’un délai suffisant pour opérer un choix en connaissance de cause, […]
9°) de déclarer ou de donner l’impression que la vente d’un produit ou la fourniture d’un service est licite alors qu’elle ne l’est pas,
10°) de présenter les droits conférés au consommateur par la loi comme constituant une caractéristique propre à la proposition faite par le professionnel,
11°) de communiquer des informations matériellement inexactes sur les conditions de marché ou sur les possibilités de trouver un produit ou un service, dans le but d’inciter le consommateur à acquérir celui-ci à des conditions moins favorables que les conditions normales de marché,
12°) de décrire un produit ou un service comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d’autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l’article".

Les pratiques commerciales agressives
Elles sont définies aux articles L.121-6 (et suivants) du CC aux termes duquel, "une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent :
1°) elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur,
2°) elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur,
3°) entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur".

Cependant, une pratique commerciale agressive tient aux circonstances dans lesquelles elle a lieu. Ainsi, l’art. L.121-6 poursuit : "afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération :
1°) le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance,
2°) le recours à la menace physique ou verbale,
3°) l’exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d’une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision du consommateur à l’égard du produit,
4°) Toute menace d’action alors que cette action n’est pas légalement possible".

L’abus de faiblesse

Déjà prévu par le Code pénal à l’art. 223-15-2, le domaine funéraire est assez sensible à cette notion compte tenu notamment de la situation de deuil des familles et de l’âge parfois très avancé de la clientèle. Les articles L.121-8 et suivants du CC font référence à diverses situations dans lesquelles l’abus de faiblesse serait en particulier caractérisé. S’agissant de celles susceptibles d’être rencontrées dans le domaine funéraire, l’une d’elle en particulier doit retenir l’attention.

En effet, l’art. L.121-9 du CC dispose qu’est "interdit le fait d’abuser de la faiblesse ou de l’ignorance d’une personne pour obtenir des engagements […] lorsque la transaction a été conclue dans une situation d’urgence ayant mis la victime de l’infraction dans l’impossibilité de consulter un ou plusieurs professionnels qualifiés, tiers au contrat". En l’espèce, l’empressement de l’opérateur funéraire à conclure avec une famille pourrait mettre cette dernière en situation de ne pouvoir, à son désavantage, solliciter de devis comparatif auprès d’opérateurs concurrents.

Le refus et la subordination de vente et de prestations de service

Ces pratiques sont prévues à l’art. L.121-11 du CC : "est interdit le fait de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime". De plus, "est également interdit le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’art. L.121-1".

Vente et prestations de services sans commande préalable

Obligation renforcée en matière funéraire par des textes spécifiques propres à l’activité, cette obligation s’étend également aux ventes de biens ou de prestations de services sans lien avec l’organisation d’obsèques, sur le fondement de l’art. L.121-12 du CC. Ce texte dispose en effet qu’est "interdit le fait d’exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel ou, s’agissant de biens, d’exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l’objet d’une commande préalable du consommateur".

Paiement supplémentaire sans consentement exprès

L’hypothèse de la nécessité de prestations supplémentaires découverte au cours de l’exécution d’une prestation est courante en matière funéraire, en particulier en matière de travaux de cimetière. En effet, il va de soi que l’établissement du devis de ces prestations s’effectue avant l’exécution de tous travaux, donc avec une incertitude quant à ce qui pourra être découvert en sous-sol (caveau effondré, corps non réductible à l’occasion d’une exhumation, etc.). Outre qu’il est indispensable dans le cadre de l’obligation générale d’information d’indiquer à la famille le risque de prestations (donc de frais) supplémentaires impossibles à prévoir avec certitude, il est tout aussi indispensable de recueillir son assentiment exprès par la validation d’une commande (signature d’un bon de commande).

C’est ce que prescrit l’art. L.121-17 du CC : "Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de prestation de services, le professionnel s’assure du consentement exprès du consommateur pour tout paiement supplémentaire venant s’ajouter au prix de l’objet principal du contrat". Par ailleurs, l’art. L.121-18 indique que les dispositions de l’art. L.121-17 sont d’ordre public. Cela signifie qu’il ne pourra y être dérogé par un contrat conclu entre le professionnel et le consommateur. Dès lors, une telle clause serait réputée "non écrite" et le professionnel ne pourra exiger de la famille le paiement des prestations supplémentaires qu’il aurait effectuées (même pour un motif légitime) si la famille n’avait pas donné son consentement exprès.

Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris

Résonance n° 201 - Mars 2024

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