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Délais de livraison allongés, châssis et fournitures difficiles à obtenir, la pandémie toujours présente et la guerre Russie-Ukraine sévissant depuis quelques semaines touchent de plein fouet les entreprises telles qu’Atlantic Autos Concept. Jérôme Cao, dirigeant d’AAC, évoque pour nous ce que représente la double crise que nous traversons pour un concepteur et constructeur de véhicules funéraires.
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Ces deux dernières années, l’économie a été mise à mal et de nombreux secteurs industriels ont fonctionné au ralenti. Si la crise sanitaire n’est pas complètement terminée, nous étions malgré tout en droit d’attendre une accalmie, une embellie, permettant aux entreprises de se refaire une santé et de satisfaire leurs clients avec une reprise normale de la production.

Malheureusement, la guerre est passée par là et ce sont maintenant deux crises qui se télescopent, le coronavirus qui ne disparaît pas et le conflit russo-ukrainien générant de sérieux obstacles sur les marchés européens pour importer certains éléments et matériaux indispensables à élaboration de corbillards, par exemple. D’où l’idée d’interroger un entrepreneur connu pour son dynamisme sur le marché funéraire et la qualité de ses produits.

Résonance : Ces problèmes d’ordre mondial pourraient laisser imaginer que leurs impacts seraient tant sur les ventes, les opérateurs funéraires pouvant devenir frileux quant à leurs investissements concernant leurs équipements, que sur la construction des véhicules funéraires en série ou sur mesure.
Qu’en est-il exactement ?

Jérôme Cao : En réalité, le problème ne se pose pas en matière de vente. Après le salon FUNÉRAIRE PARIS 2021 exceptionnel que nous avons vécu où nous avons eu beaucoup de contacts et de demandes de devis. Celles-ci arrivent d’ailleurs encore aujourd’hui. On peut donc dire que la demande reste soutenue et qu’elle est supérieure à celle de l’année dernière.

Les difficultés que nous rencontrons sont principalement dues à l’approvisionnement avec des délais qui se rallongent considérablement. Cela se présente sous deux aspects. Tout d’abord, cela concerne les châssis (fourgons nus) fournis par les constructeurs automobiles – durée plus ou moins importante selon les marques, pouvant aller jusqu’à un an et demi – et, d’autre part, tous les éléments que nous utilisons pour la conception et la réalisation de nos aménagements.

Ici, deux phénomènes s’additionnent. Premièrement, la crise de la Covid-19, avec des ralentissements consécutifs aux différents confinements suivis d’une très forte reprise de l’activité économique avec beaucoup de besoins en matériels à satisfaire. Deuxièmement, la guerre en Ukraine qui génère, dans un premier temps, des rallongements de délais de livraison sur beaucoup de composants, voire parfois des ruptures sur des articles courants. S’ajoutent à cela des augmentations de prix assez notables sur les matériaux que nous utilisons beaucoup, comme l’aluminium, l’inox, le bois… ou les produits dérivés du pétrole. Actuellement, la tendance se maintient de toute façon à la hausse des tarifs.

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R :
Pour en revenir aux châssis, quelles sont les raisons de ce manque d’exemplaires disponibles alors que l’industrie concernée avait jusqu’alors de bonnes capacités de production, du moins pour ce qui est des marques de référence du secteur ?

JC : Il faut noter que, pour les châssis, l’un des problèmes est lié au manque de semi-conducteurs. C’est aujourd’hui une crise majeure dans le monde automobile, qui utilise de plus en plus de composants électroniques (asservissements gérant l’injection, les caméras de recul, les détections de luminosité et passages d’une position d’éclairage à une autre, les ordinateurs de bord administrant les nombreuses fonctionnalités d’un modèle, etc.). Le résultat est que les grands constructeurs ne nous attribuent qu’un volume limité de véhicules en 2022, voire début 2023. Leur stratégie est de se concentrer sur les automobiles sur lesquelles ils font le plus de marges, c’est-à-dire celles à destination des particuliers. Donc, la production des utilitaires est réduite au profit des voitures de tourisme.

R : Concernant les fournitures dédiées aux décorations intérieures des véhicules funéraires et des corbillards que vous fabriquez et commercialisez, l’origine du manque (ou de la pénurie qui se profile pour certaines matières) tient principalement à la guerre…

JC : Pour les matériaux de base dont nous nous servons pour la réalisation de nos aménagements, de nos décorations intérieures, que ce soient le bois (panneaux, stratifiés, contreplaqués marines, etc.), les différentes matières plastiques, l’inox ou l’alu, les retards s’allongent, la pénurie guette et les prix flambent. En particulier pour l’aluminium dont le deuxième pays producteur en fonderie est la Russie(1), le premier étant la Chine.

Actuellement, 80 % de l’alumine, matière première pour la fabrication des 450 000 tonnes annuelles d’aluminium en France(2), provient d’usines russes. Pour l’alu, on constate une augmentation tarifaire de 58 %. Rappelons également que l’on trouve en Ukraine et dans le Donbass beaucoup d’importants complexes sidérurgiques. On apprenait fin mars que l’une des plus grandes usines métallurgiques d’Europe était bombardée à Marioupol.

Les commandes que nous effectuons en ce moment sont en petites quantités, quitte à les faire en plusieurs fois, en sachant qu’il va falloir attendre pour en avoir la livraison. Difficile de faire des stocks dans ces conditions, d’autant plus que ceux que nous avions réussi à faire ont été en partie absorbés par la reprise qui a suivi "l’après" crise sanitaire. Et n’oublions pas que, de toute façon, faire des stocks demande de la place, les locaux nécessaires, et que nous avons forcément des limites en matière de bâtiments, qui ne sont pas extensibles à l’infini.

Commercialement, ce sont nos clients en définitive qui subissent l’impact de tout ce que nous venons d’évoquer. Cela même si nous avions anticipé en passant des commandes de véhicules en avance – et grand bien nous en a pris ! –, qui nous ont permis d’assurer la production et de réagir rapidement pour certains de nos clients qui se retrouvaient avec des véhicules accidentés ou qui ne passaient plus à l’agrément. Mais, maintenant, nous n’en avons quasiment plus, peut-être encore un ou deux à placer.

R : Malheureusement, entre le conflit qui s’enlise et la non-résolution de l’épidémie au niveau planétaire, aucune éclaircie n’est à envisager pour l’instant ?

JC : Non. Dans les prochains mois, cela va devenir de plus en plus compliqué pour livrer dans des délais corrects. Même si nos clients pompes funèbres comprennent la situation car ils sont évidemment bien informés, nous ne pourrons pas toujours satisfaire ceux qui sont dans des situations d’urgence, avec un besoin immédiat de véhicule. Nous sommes dans une profession où nous n’avons pas toujours le choix d’attendre et les opérateurs funéraires se doivent de répondre au mieux aux attentes des familles et de leur proposer le meilleur pour la réalisation des obsèques, donc des fourgons funéraires parfaits pour le transport de corps ou pour la cérémonie.

Enfin, un autre point délicat lié au contexte est la diminution de validité des devis. Pour ceux-ci, auparavant, nos clients savaient qu’ils étaient valides trois mois, et cela pouvait aller jusqu’à six mois. Avec la fluctuation des prix telle que nous la connaissons actuellement, nous l’avons réduite à un mois. Même sur les châssis, nous avons des variations de tarifs. Chez quelques constructeurs automobiles, nous en sommes déjà à la version quatre depuis le début de l’année.
 
Gil Chauveau
 
Nota :
(1) Rusal est la société russe qui produit l’aluminium auprès de laquelle la France se fournit majoritairement, en plus de la Chine, qui produit 60 % de la production mondiale.
(2) L’Hexagone dépend de la Russie pour d’autres matières premières tels le palladium, le platine, le nickel, le minerai de fer, l’acier, des produits agricoles ou encore de l’énergie.
 
Résonance n° 179 - Avril 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

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