Les employeurs y sont parfois confrontés. La saisie des rémunérations est une procédure d’exécution forcée permettant à un créancier d’obtenir le paiement de sa créance en procédant directement à une saisie de sommes d’argent entre les mains de l’employeur du débiteur. Requérant l’autorisation du juge de l’exécution, cette procédure bénéficiera à compter du 1er juillet 2025 d’une profonde simplification.
Désormais, en effet, la procédure de saisie des rémunérations ne sera plus soumise à l’autorisation du juge, et pourra être mise en œuvre directement par un commissaire de justice (nouvelle appellation des huissiers de justice).
Une procédure à ne pas confondre avec la saisie à tiers détenteur
Bien connue des employeurs, la saisie à tiers détenteur (ou Saisie Administrative à Tiers Détenteur (SATD) dans sa dénomination complète) est réservée au recouvrement d’impayés à l’égard de l’Administration (impôts, amendes, etc.).
Notifié par lettre recommandée avec accusé de réception à l’employeur, l’avis à tiers détenteur notifie à l’employeur la somme due par le salarié. Celui-ci dispose alors d’un délai de 30 jours pour régler à l’Administration tout ou partie de la dette en procédant à une retenue sur le salaire. Une procédure comparable peut également être mise en œuvre en cas de dette de pension alimentaire.
La saisie sur salaire : une procédure réservée aux créanciers privés
La saisie des rémunérations est une procédure ouverte à tout créancier personne privée détentrice d’un titre exécutoire (ndlr : acte juridique permettant de mettre en œuvre une exécution forcée) contre son débiteur, permettant d’obtenir le paiement de la dette entre les mains de l’employeur du débiteur.
Ainsi qu’en dispose l’art. R. 3252-1 du Code du travail : "le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur".
En pratique, le créancier saisit le juge de l’exécution aux fins de tenter une conciliation avec le débiteur. En cas d’échec de la conciliation, ou si le débiteur ne satisfait pas à ses engagements pris dans le cadre de la conciliation, "le greffier procède à la saisie dans les 8 jours" (art. R. 3252-21 du Code du travail).
"L’acte de saisie est (alors) notifié à l’employeur" (art. R. 3252-23) et "l’employeur adresse tous les mois au greffe une somme égale à la fraction saisissable du salaire" (art. R. 3252-27). Le montant maximal susceptible d’être saisi est fixé par décret et codifié à l’art. R. 3252-2 du Code du travail.
Il se définit comme suit pour une personne seule :
Total des ressources mensuelles saisissables | Part saisissable | Montant maximum de la saisie |
Tranche 1 : jusqu’à 370 € | 1/20e | 18,50 € |
Tranche 2 : entre 370 € et 721,67 € | 1/10e | 53,67 € |
Tranche 3 : entre 721,67 € et 1 074,17 € | 1/5e | 124,17 € |
Tranche 4 : entre 1.074,17 € et 1 424,17 € | 1/4 | 211,67 € |
Tranche 5 : entre 1 424,17 € et 1 775 € | 1/3 | 328,61 € |
Tranche 6 : entre 1 775 € et 2 133,33 € | 2/3 | 567,50 € |
Tranche 7 : au-delà de 2 133,33 € | 100 % | 567,50 € (et la totalité des sommes au-delà de 2 133,33 €) |
Le montant de chaque tranche est augmenté de 143,33 € par personne à charge.
L’intégralité du salaire saisissable peut ainsi être saisie, mais dans la limite du Solde Bancaire Insaisissable (SBI), correspondant à la somme minimale qui doit être laissée au débiteur, soit 635,71 €, correspondant à la valeur du RSA en vigueur depuis le 1er avril 2024.
Et si le tiers employeur "s’abstient sans motif légitime de faire cette déclaration ou fait une déclaration mensongère, (il) peut être condamné par le juge au paiement d’une amende civile sans préjudice d’une condamnation à des dommages et intérêts" (art. L. 3252-9). Le montant maximal de l’amende civile susceptible d’être prononcée contre l’employeur s’élève à la somme de 10 000 € (art. R. 3252-25).
Une nouvelle procédure "déjudiciarisée" à partir du 1er juillet 2025
Dans un souci de simplification et d’efficacité, la loi du 20 novembre 2023, complétée par un décret du 12 février 2025, a réformé la procédure de saisie des rémunérations. À compter du 1er juillet 2025, en effet, il ne sera plus nécessaire de saisir le juge de l’exécution pour mettre en œuvre la procédure. La simple détention d’un titre exécutoire suffira.
S’agissant ensuite de la mise en œuvre de la procédure, ce sont dorénavant les commissaires de justice (huissiers de justice) qui seront compétents, et non plus le greffe. Cependant, le juge de l’exécution demeurera compétent pour connaître de toute contestation dans la mise en œuvre de la procédure.
En outre, la procédure actuellement codifiée dans le Code du travail, y sera totalement abrogée et trouvera dorénavant sa place dans le Code des procédures civiles d’exécution (art. L. 212-2 et suivants, et R. 212-1-1 et suivants).
En pratique, la mise en œuvre de la procédure débutera par la remise d’un commandement de payer dans un délai d’un mois par le commissaire de justice, invitant le débiteur à trouver un accord avec le créancier. À défaut de paiement ou d’accord conclu entre les parties et respecté par le débiteur, le commissaire de justice pourra signifier à l’employeur le procès-verbal de saisie.
L’employeur sera alors tenu, dans les mêmes conditions que l’ancienne procédure, d’adresser tous les mois les sommes saisissables au commissaire de justice qui se chargera de reverser ces sommes au créancier. En cas de pluralité de créanciers, une répartition sera faite par ce même commissaire de justice ou par un autre commissaire de justice "répartiteur".
Et en cas d’abstention de l’employeur ou de fausses déclarations, celui-ci encourra les mêmes sanctions que celles prévues par l’ancienne procédure (amende civile pouvant s’élever à 10 000 € et dommages et intérêts).
Vie des affaires
L’obligation de vigilance du donneur d’ordre dans le recours à la sous-traitance
Le recours à la sous-traitance est très fréquent dans le secteur funéraire. De nombreuses prestations commercialisées par les opérateurs funéraires sont en effet couramment sous-traitées, en particulier dans les plus grandes agglomérations, lorsque l’entreprise ne dispose pas de son propre personnel pour réaliser ses convois, ses prestations avant obsèques (démarches, soins de conservation, transports avant mise en bière, etc.) ou ses travaux de marbrerie.
En la matière, il serait erroné pour une entreprise, donneur d’ordre, passant commande de prestations à un sous-traitant, de considérer que le simple paiement des factures de sous-traitance l’exonère de toute mise en cause en cas de manquement de son sous-traitant à la législation du travail et à ses obligations de paiement des cotisations de ses salariés.
En effet, afin de renforcer la lutte contre le travail dissimulé et le travail illégal, le législateur a instauré à la charge des donneurs d’ordre une obligation de vigilance portant sur ses sous-traitants.
Ainsi, dans le cadre d’un contrat de sous-traitance (qu’il soit formalisé ou non par un écrit) dont les prestations confiées excèdent 5 000 €, il est porté à la charge du donneur d’ordre l’obligation de solliciter de son sous-traitant une attestation de vigilance délivrée par l’URSSAF (art. L. 243-15 et D. 243-15 du Code de la sécurité sociale, et R. 8222-1 du Code du travail) à la conclusion du contrat, puis tous les 6 mois lorsque la relation commerciale se poursuit dans le temps. En outre, afin de s’assurer de l’existence de l’entreprise du sous-traitant, l’attestation de vigilance doit être accompagnée d’un KBIS de moins de 3 mois.
Le donneur d’ordre qui confierait des prestations à un sous-traitant sans avoir préalablement reçu de ce dernier une attestation de vigilance pourrait être tenu solidairement au paiement des cotisations sociales non payées par le sous-traitant faisant l’objet d’un procès-verbal de travail dissimulé.
En pareille hypothèse, le donneur d’ordre subirait en quelque sorte une "double peine", en ce que, malgré le fait qu’il ait payé les factures du sous-traitant, il se verrait ensuite redevable, en qualité de débiteur solidaire, des cotisations sociales de son sous-traitant.
En pratique, les montants particulièrement élevés des rappels de cotisations sociales assorties de majorations sont extrêmement élevés et conduisent le plus souvent à la liquidation judiciaire du sous-traitant, excluant ainsi toute possibilité pour le donneur d’ordre, s’étant acquitté des cotisations sociales de son sous-traitant, d’en obtenir le remboursement par ce dernier.
En outre, dans le cadre de la sous-traitance de prestations du service extérieur des pompes funèbres (art. L. 2223-19 du CGCT), il conviendra également pour le donneur d’ordre de vérifier que son sous-traitant est habilité pour exercer ces activités.
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Social
Quand un management brutal et agressif constitue une faute grave et justifie le licenciement d’un manager
Cass. soc., 26 février 2025, n°22-23.703
Dans cette affaire, un responsable d’agence avait été licencié pour faute grave par son employeur, qui lui reprochait, sur le témoignage de plusieurs salariés de son équipe, un management brutal et colérique, se manifestant par un comportement lunatique et malsain et des menaces injustifiées.
En appel, la cour avait jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que "ces faits ne caractérisaient pas un manquement du salarié à son obligation en matière de sécurité et de santé, aux prétextes inopérants que l’employeur ne justifiait d’aucun courrier de reproches envers le salarié avant son licenciement sur son comportement ou son management et qu’il ne faisait état d’aucun arrêt de travail des salariés ou d’alerte de la médecine du travail ou de l’Inspection du travail en raison du comportement du salarié".
Cependant, la Cour de cassation devait casser l’arrêt de la cour d’appel, considérant que ses motifs étaient "impropres à écarter tout manquement du salarié à ses obligations contractuelles, alors qu’elle constatait que ce dernier, responsable d’agence, avait adopté à l’égard des collaboratrices placées sous son autorité un comportement lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif ayant provoqué le départ de l’une d’elles, avait eu un mode de management maladroit et empreint d’attitude colérique, ce qui était de nature à constituer un manquement à son obligation en matière de sécurité et de santé à l’égard de ses subordonnés et à rendre impossible la poursuite du contrat de travail".
Ainsi que le rappelle la Cour de cassation, l’art. L. 4122-1 al.1 du Code du travail dispose qu’"il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail", justifiant ainsi, pour l’employeur, la validité des motifs ayant conduit au licenciement du manager ayant adopté un comportement inadapté à l’égard des salariés qu’il encadrait.
Mais précisons enfin que l’alinéa 3 de ce même article, dispose que "les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur", de sorte que si l’employeur a pu valablement licencier son manager, celui-ci demeure responsable des préjudices causés par ce dernier envers les salariés malmenés, en particulier sur le fondement de l’art. L. 4121-1 du Code du travail qui consacre l’obligation générale de sécurité qui pèse sur l’employeur, aux termes duquel : "l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs".
Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Lino Luca

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