Sur le thème : "Le rôle des services funéraires affinitaires dans l’offre de prestations aux familles musulmanes : entre inhumation locale et rapatriement" la Chambre Syndicale des Services Funéraires Affinitaires (CSSFA) a organisé, à l’espace Joséphine Baker à Noisy-le-Sec, sa première Convention nationale.

Les travaux de cette première édition ont été consacrés à des préoccupations majeures : le regroupement des sépultures, les contrats obsèques et les prises en charge des rapatriements par les réseaux consulaires. Des thématiques issues de la remontée des observations des entreprises adhérentes, abordées avec des contributions des différents acteurs de l’offre de services affinitaires : élus, assureurs, fournisseurs et associations d’assurés.
En organisant ces débats, la Chambre syndicale a souhaité poursuivre le travail engagé en matière de structuration du segment de marché des services funéraires affinitaires afin de les arrimer à la filière nationale. Une mission qui ne peut aller à son terme sans une analyse en profondeur des enjeux auxquels font face les professionnels et les familles afin d’explorer les solutions à suggérer dans le cadre d’une plus grande prise en compte de la spécificité des services funéraires affinitaires et d’apporter aux instances en charge de la régulation du métier des leviers facilitant leur prise en compte.
Agir dans un cadre bien précis, avec un objectif assumé
Depuis sa création, la Chambre syndicale s’est fixé, dans son livre blanc, un cadre d’action fondé sur des principes précis, des objectifs ambitieux et une stratégie assumée. Un ensemble qui permet d’assurer de la cohérence à l’action syndicale engagée. Ce sont ces leviers qui permettent de mieux comprendre l’exceptionnel bilan obtenu en si peu de temps.
En s’appuyant sur les valeurs républicaines, la Chambre syndicale donne du sens à sa motivation, tout comme elle lui permet de conceptualiser une stratégie d’action globale s’appuyant sur la volonté d’aborder les questions relatives aux services funéraires sur un concept bien ciblé : le droit funéraire. Une stratégie qui évite d’ostraciser un segment de marché et de le réduire à la simple préoccupation du regroupement de sépultures.


C’est cette approche qui a permis à la Chambre syndicale d’ouvrir un réel dialogue avec le cabinet du ministre de l’Intérieur. En effet, lors de son passage dans l’émission "L’Événement" sur France 2, ce dernier avait évoqué avec sagesse et sérénité la question du droit funéraire concernant la communauté musulmane installée en France.
Aborder les services funéraires affinitaires sous l’angle du droit funéraire donne une assise forte à la prise en compte des véritables enjeux auxquels ils font face, allant du regroupement des sépultures à la formation professionnelle et à la simplification administrative, notamment en matière de rapatriements internationaux.
C’est dans cet état d’esprit que les travaux de la Convention nationale ont été ouverts, en présence de plus d’une cinquantaine de participants provenant des différentes régions. Le relevé des conclusions qui a suivi les intenses échanges met en valeur l’importance de cette première Convention, ainsi que l’intérêt de prévoir une seconde édition.
Regroupement des sépultures : une position globale, objective et rationnelle
C’est très certainement sur cet aspect que les travaux de la Convention étaient attendus. Avant d’engager les débats, il a été rappelé plusieurs éléments d’information :
• L’inhumation locale doit être interprétée comme le signe d’une plus grande intégration dans le pays d’accueil ;
• L’insuffisance des emplacements spécialement aménagés pour le regroupement de sépultures explique la préférence donnée aux opérations de rapatriements dans le pays d’origine ;
• L’expérience du Royaume-Uni où 90% de la communauté musulmane est inhumée localement, alors même qu’elle est plus coûteuse que le rapatriement. Cette situation est générée par la disponibilité des espaces dédiés ;
• La Chambre syndicale plaide pour une stratégie nationale des espaces de regroupements de sépultures sans distinction particulière, afin d’éviter de donner à cette question une dimension exclusivement religieuse.
À l’issue d’un débat qui a pris le temps nécessaire aux échanges, il est apparu de la part des professionnels présents et des représentants des associations représentées que la demande d’espaces de regroupement de sépultures, spécialement aménagés, est fortement ressortie des préoccupations émises.
En effet, selon ces derniers, si la question de l’orientation des sépultures cristallise les positions des élus locaux - en raison de la constitutionnalité qu’elle soulève – elle semble faire l’objet d’une évolution au profit de la création de simples espaces de regroupements dans les cimetières communaux.
Sur un autre plan, les professionnels du funéraire ont relevé un début de fléchissement des rapatriements au profit des inhumations locales encouragées par la volonté des familles de se doter d’une sépulture familiale afin de faciliter le travail de deuil à leur descendance.
Enfin, les participants, notamment les professionnels du funéraire, ont suggéré une reprise des contacts avec les élus locaux sur la base de cette nouvelle orientation, tout comme ils ont appelé à être consultés lors de chaque réflexion autour de cette préoccupation.


Opérations de rapatriements : entre simplification et mesures de bon sens
Le débat sur le regroupement des sépultures achevé, les travaux s’enclenchent sur l’épineuse question des rapatriements avec 3 préoccupations majeures : donner un statut plus humain à la dépouille transportée par avion, simplifier les démarches administratives et accorder aux familles des remises tarifaires lorsqu’elles accompagnent le défunt dans son dernier voyage.
Sur le plan du statut de la dépouille transportée par voie aérienne, il a été rappelé, avec vigueur, la nécessité de mettre fin à l’aberration qui consiste à peser les dépouilles avant leur embarquement, afin de donner plus de décence à cette opération. Plus précisément, il a été demandé aux autorités régissant l’aviation civile de modifier ses règlements afin que le transport d’une dépouille soit considéré comme un transport de personne et non plus de marchandise.
Cette évolution serait de nature à éviter l’indemnisation de la famille en fonction du poids en cas de perte du cercueil, comme cela s’est déjà produit. Une telle initiative permettrait également d’éviter aux familles une sorte de double peine induite par la nature juridique affectée à la dépouille mortelle en cas de transport aérien. Donner plus d’humanité à cette situation relève du bon sens avéré.
À cette occasion, les participants ont également enchaîné sur les difficultés rencontrées par les familles lors des opérations de rapatriements : difficultés à réserver des places accompagnateurs lors des saisons estivales et tarifs élevés des compagnies aériennes sur les destinations. Afin de résoudre ces difficultés, il a été proposé de s’inspirer des principes introduits par la "Charte du respect de la personne endeuillée", signée le 29 octobre 2019 par la secrétaire d’État en charge de la Famille : une priorité de réservation, une tarification comportant une réduction tarifaire doublée d’une possibilité de modification du billet sans pénalités.
À l’image des compagnies aériennes desservant les DOM, les familles bénéficient d’une remise tarifaire de 50 % et d’une priorité de réservation sur simple présentation d’un acte de décès. Les participants invitent les compagnies des pays de destination des rapatriements à signer la Charte et à accorder aux familles des facilités.
Sur le plan de la simplification des formalités liées aux opérations de rapatriements, il est suggéré d’officialiser, par un texte, la possibilité de délivrance des autorisations, dérogatoires au délai de 24 heures, en matière de fermeture de cercueils, afin de faire face à la demande des familles souhaitant opérer le rapatriement en procédure accélérée.


Assurances obsèques : mettre fin à l’anarchie ambiante et réguler le marché par des mesures de clarification
Sur cet aspect, les interventions ont été les plus vives et argumentées par une situation qui relève d’une véritable anarchie dans les formules diffusées, variant entre des produits bénéficiant d’une couverture assurantielle et des produits proposés comme tels, mais ne constituant que de simples adhésions à une association prenant en charge le rapatriement sous la forme d’une tontine.
La situation des associations, majoritaires en la matière, est relevée sur le plan de l’instabilité de leur gouvernance, créant une insécurité juridique pour leurs adhérents.
Globalement, il a été rapporté un environnement fragilisant les intérêts des souscripteurs des différentes formules oscillant entre le peu d’informations autour de l’assureur, l’exercice illégal de la fonction d’assureur et la prise illégale d’intérêts, sans compter le conflit d’intérêt entre président d’association devenu opérateur funéraire.
Les explications, fournies par l’assureur partenaire de la Chambre syndicale ont apporté aux participants un éclairage nouveau en matière de contrats obsèques s’appuyant sur leur caractère stratégique dans la gestion des professionnels du funéraire et la mission protectrice des volontés des souscripteurs.
En effet, si le contrat obsèques permet au souscripteur de constituer un capital pour financer ses obsèques sur la base de volontés exprimées, il doit également assurer son évolution dans le temps afin d’éviter aux familles un tiers à charge inattendu.
Devant les nombreuses questions et l’intérêt accordé à une véritable solution assurantielle, les participants ont appelé à une plus grande régulation de nature à structurer cette niche de marché et à donner tout son sens au concept de protection obsèques.


Un véritable enjeu : l’investissement sur la formation
La formation est un investissement sur lequel les participants à la Convention ont largement insisté. Elle constitue le levier indispensable pour arrimer le segment de services funéraires affinitaires à la filière funéraire.
Le volet structurant de la formation a été abordé concernant les toiletteurs habilités à intervenir dans le cadre de la mission de service public des pompes funèbres. Par cette formation, les participants à la Convention ont souhaité donner un statut à ces intervenants et la reconnaissance du degré de professionnalisation qu’elle exige.
Cette formation d’une durée de 16 heures donnerait également l’occasion à ceux qui souhaiteraient assurer cette prestation de l’exercer pleinement en tant qu’activité professionnelle. Une telle démarche permettrait également d’inscrire la toilette rituelle dans les prestations du service extérieur des pompes funèbres.
Prise en charge des rapatriements par les autorités consulaires : avantage ou inconvénient ?
Les travaux de la première Convention se sont achevés par un débat autour de la prise en charge des opérations de rapatriement de ressortissants nationaux par les autorités consulaires. Sans contester le principe de ce mécanisme mis en place par certains pays - à l’origine destiné aux personnes dépourvues de ressources – il est apparu des difficultés de nature à perturber la gestion des entreprises funéraires sur le plan financier. En effet, il a été fait état de retards de règlements des factures des prestataires anormalement longs, selon les pays, avec parfois le recours à des procédures contentieuses, fragilisant l’équilibre financier des entreprises.
Plus globalement, sur ces aspects des rapatriements, les professionnels ont relevé un manque d’harmonisation des montants des prises en charge et de leur périmètre. Tout comme il a été évoqué la fragilité que fait peser la tendance à la baisse de ces dernières. Unanimement, la situation des entreprises prestataires rapportée suscite de grosses inquiétudes quant à la pérennité des prestataires dont les marges sont laminées d’une année sur l’autre, suscitant des interrogations sur la capacité des groupes financiers d’opérateurs funéraires à assurer une prestation affinitaire au cas où ils disparaîtraient.
Des participants ont mis au débat la tentation de renationalisation des prestataires funéraires se traduisant par un fléchage des financements des rapatriements. Un rappel est effectué afin d’insister sur le fait que l’ensemble des prestataires est exclusivement constitué d’entreprises françaises exerçant une mission de service public.
Les conclusions formalisées à l’issue des travaux de cette première Convention nationale ont contribué à conceptualiser le principe que les services funéraires affinitaires ne peuvent être abordés que sous un angle plus global : celui du droit funéraire et nulle autre approche. C’est ainsi que la spécificité de ces services peut s’exprimer et être prise en considération. Seule une approche résolument technique peut aider à comprendre les enjeux d’un segment de marché dont l’arrimage à la filière nationale devient urgent et nécessaire.
Méziane Benarab
Co-président de la CSSFA
Résonance n° 217 - Juillet 2025
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