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Alèxe Duvaut, docteure en science politique à Sciences Po Bordeaux et consultante indépendante, a soutenu sa thèse sous la direction des chercheurs Pascale Trompette (CNRS, laboratoire PACTE) et Andy Smith (Centre Émile Durkheim), le 05 mai 2025. Ses travaux ont porté sur les politiques publiques liées au funéraire. Résonance lui ouvre à nouveau ses pages pour qu’elle partage aujourd’hui les principaux résultats de cette recherche.


Résonance : Vous avez soutenu votre thèse en mai dernier à Sciences Po Bordeaux. Pouvez-vous rappeler en quelques mots son objet ?

Alèxe Duvaut : Mon travail s’intitule "Les morts, un problème public ?". J’y analyse comment la société française construit et encadre la prise en charge des défunts à travers des politiques publiques, du décès jusqu’à l’inhumation ou la crémation. J’ai particulièrement étudié la place de la notion de service public dans les débats, car elle reste une valeur de référence incontournable, y compris dans un secteur largement libéralisé depuis les années 1990.

R : Quels sont les principaux résultats qui ressortent de vos recherches ?

AD : Trois apports me semblent importants. Le premier est la mise en lumière du rôle central du service public dans la fabrique de l’action publique. Bien qu’il soit flou et disputé, ce concept sert à légitimer des positions très différentes, que l’on soit élu local, entreprise privée ou association. Très récemment, la résiliation du contrat de délégation du crématorium du Père Lachaise, au motif d’"intérêt général", témoigne de l’importance des valeurs du service public au cœur des récits qui légitiment les acteurs en tant que garants de l’intérêt général.

Le second point concerne des inégalités de gouvernance : les politiques funéraires ne se fabriquent pas uniquement à Paris ou à l’échelle nationale. Les municipalités et métropoles jouent un rôle croissant, notamment sur la question des prix, la prise en charge des minorités, et sont plus globalement des lieux d’innovation funéraire.

Enfin, la thèse donne à voir des problèmes très contrastés en termes de prise en charge politique. Certains sujets, comme le coût des obsèques, sont fortement médiatisés et débattus, tandis que d’autres, comme les carrés confessionnels, restent traités comme des "non-problèmes" au niveau national et sont renvoyés à la discrétion locale et au bon vouloir des maires.

R : Justement, que nous disent vos travaux sur la question du prix des obsèques ?

AD : C’est un enjeu majeur de conflictualité. Tout le monde reconnaît que les funérailles sont devenues chères, mais le problème a été "requalifié" au niveau national en un simple sujet de transparence tarifaire, sans véritable régulation contraignante. En revanche, certaines collectivités locales tentent de promouvoir une logique de justice sociale en mettant en place des tarifs plafonnés ou des services publics funéraires plus accessibles, c’est le cas à Paris, ou à Lyon.

R : Et sur les carrés confessionnels, pourquoi parler d’un "non-problème" ?

AD : Parce que l’État a choisi la discrétion. Plutôt que de légiférer, il a laissé aux maires la responsabilité de gérer la demande de carrés religieux. Cela conduit à des pratiques très diverses selon les territoires, et donc à des différences de traitement dans la mort en fonction de la religion. Le statut des carrés demeure fragile, illégal dans le droit, mais permis dans la pratique, ce qui place les maires et les familles dans des situations d’incertitude.

R : Au fond, que révèle votre recherche sur la place de la mort dans nos politiques publiques ?

AD : Elle montre que les valeurs du service public gouvernent la fabrique de l’action publique, et plus globalement le travail des professionnels, qu’ils évoluent dans des structures publiques comme dans des structures privées. Contrairement aux résultats de certaines enquêtes, je montre que le secteur n’est pas binaire en termes de valeurs, tous les professionnels qui m’ont ouvert leurs portes avaient un objectif à cœur, accompagner au mieux les familles.

Elle montre par rapport à la régulation que le déni politique de la mort n’existe pas, et que la mort n’est jamais totalement privatisée : même dans un contexte concurrentiel, l’État et les collectivités demeurent incontournables. Mais elle révèle aussi que les problèmes publics liés aux défunts ne sont pas tous traités de la même façon : certains sont visibilisés, d’autres sont volontairement maintenus dans l’ombre.

R : Quelle suite allez-vous donner à votre travail ?

AD : J’ai souhaité valoriser mes recherches et mon expertise en lançant AP Conseil(1) avec Pierre Mirambet, sociologue, une structure de conseil spécialisée dans l’accompagnement des collectivités et des professionnels. AP Conseil est né de la volonté de mettre la recherche au service de l’action. Nous accompagnons les collectivités et les professionnels pour rendre les politiques publiques et les projets, plus justes, plus accessibles et plus adaptés aux réalités de terrain.

Nous développons par exemple un projet alliant problématique environnementale et enjeux funéraires. Cela passe par des études, du conseil et de la coconstruction de projets innovants. Notre ambition est simple : aider à penser et à mettre en œuvre des solutions qui fassent vraiment sens pour les familles comme pour les institutions.
 
Nota :

Résonance n° 220 - Octobre 2025

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations