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Après la lettre envoyée au Premier ministre, le 27 mars dernier, par les trois fédérations représentatives de la profession que sont la CPFM, l’UPFP et la FFPF, et la prise de connaissance des derniers décrets publiés, il nous est apparu intéressant de questionner les délégué(es) ou président de ces organisations pour avoir leur retour sur les derniers développements(1) en cours.


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I - Rencontre avec Florence Fresse, déléguée générale de la Fédération Française des Pompes Funèbres (FFPF).

Florence Fresse


Résonance : Nous sommes ou allons être d’ici quelques jours dans la période la plus critique de la pandémie, et les pompes funèbres – tout comme les thanatopracteurs – sont en première ligne, quasiment au même titre que les personnels de santé, mais ils ne bénéficient pas encore des mêmes protections(2) ; et rien ne semble prévu dans les jours qui suivent, bien que Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, ait annoncé vendredi dernier l’inscription des professionnels du funéraire sur la liste des bénéficiaires prioritaires des personnels protégés, mais sans parler d’un accès aux équipements protecteurs. Quelle est votre position sur cette situation qu’on peut qualifier d’extraordinaire et d’inédite ?


Florence Fresse :
Comme vous l’avez publié dans le précédent numéro de Résonance, nous avions tout fait pour anticiper. Nous avions demandé par courrier à Olivier Véran, dès le 26 février, à faire partie des professionnels prioritaires en matière d’équipement de protection. Le 10 mars, nous avions même de nouveau participé à la rédaction d’un courrier commun à la branche funéraire, avec les partenaires sociaux. Le 12 mars, réunies en cellule de crise au ministère de l’Intérieur, nos fédérations répétaient en boucle que nous étions prêts à assurer notre mission de service public, mais qu’il nous fallait la garantie de travailler dans des conditions sanitaires acceptables…

Nous avions bien évidemment conscience que nos entreprises étaient équipées, mais qu’en cas de décès importants, elles seraient très vite en tension. Et surtout, il me semble important d’ajouter que beaucoup d’entre elles n’ont pas attendu la crise et ont voulu anticiper, mais leurs commandes ont été réquisitionnées, et elles n’ont donc rien réceptionné. L’une d’elles a même reçu un mail l’informant que ses commandes seraient disponibles en septembre prochain. Au 8 avril, nous n’avions obtenu aucune réponse écrite du ministère de la Santé, et avons appris sur BFM TV, par la voix de Camille Chaize, que nous allions – enfin – être approvisionnés. 

Par la suite, nos entreprises nous ont demandé comment faire entendre cette priorité, aucune modalité n’ayant été annoncée. Pour beaucoup de nos adhérents, ce sont les préfectures qui les ont contactés et ont organisé une distribution basée sur le nombre de décès du mois de mars 2019. Pour celles qui existent depuis longtemps, cela a bien fonctionné, mais c’est plus compliqué pour des entreprises qui viennent de s’installer. Enfin, certaines préfectures continuent à répondre aux opérateurs funéraires qu’ils ne sont pas prioritaires. Une de nos adhérentes s’est même entendu répondre d’aller couper des draps… Faire prévaloir nos droits en matière d’EPI (Équipement de Protection Individuelle) est compliqué, d’autant que, depuis, aucun texte de loi n’a fait suite à cette allocution.


R :
Quel est votre sentiment sur le décret du 27 mars(3) ayant pour objet l’adaptation circonstanciée des règles funéraires, portant sur la gestion générale des corps (délais d’inhumation ou de crémation, autorisation d’inhumation ou de crémation transmise de manière dématérialisée, habilitations des opérateurs funéraires, etc.) et en aucun cas sur les risques induits pour les manipulateurs ?


FF :
Ce décret est arrivé en réponse à nos demandes conjointes entre fédérations de pouvoir appliquer certains assouplissements pour les démarches consécutives au décès dès le 12 mars, surtout en ce qui concerne les demandes d’autorisation de fermeture de cercueil en mairie. Nos adhérents étant répartis sur tout le territoire, en zone urbaine comme en zone rurale, ils composaient déjà avec les horaires d’ouverture des mairies dans de petites communes, où les maires sont un peu les couteaux suisses de la République, tantôt responsables des bancs publics, des jardins communaux ou encore du cimetière. En cas de pandémie, on ne pouvait que s’attendre à plus compliqué encore.

La DGCL a d’ailleurs fait une piqûre de rappel aux édiles dans sa note explicative du décret publiée le 30 mars : "Ces missions essentielles à la continuité de la vie de la Nation doivent être maintenues dans le contexte actuel de l’épidémie, y compris les week-ends et jours fériés sous forme d’une permanence "état civil" joignable à tout moment." Ce décret met également en avant la nécessité, aujourd’hui et demain, de la dématérialisation des documents administratifs liés aux démarches. Celui-ci a en outre rappelé que les déclarations préalables au transport soient envoyées a postériori et dans un délai plus long que celui de la réouverture de la mairie le lundi. En nous permettant de procéder aux fermetures de cercueils 


R :
Le 27 mars, vous avez envoyé au Premier ministre une lettre – en signature commune UPFP (Union du Pôle Funéraire Public), FFPF (Fédération Française des Pompes Funèbres), CPFM (Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie) – afin de l’informer de l’inapplicabilité de l’avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) en date du 24 mars 2020(4), et de la nécessité de sa modification pour assurer la continuité du service public funéraire, et ce, pendant la durée de cette crise sanitaire sans précédent. À l’heure de vos réponses, avez-vous eu un retour, des informations indiquant que cette lettre a été prise en considération, des infos nouvelles à nous communiquer ?


FF :
Dès publication du nouvel avis du HCSP le 24 mars, nous avons réalisé un sondage auprès de nos adhérents, puis des professionnels du funéraire. Nous y reprenions l’avis phrase par phrase, à l’exception du paragraphe dédié aux toilettes. Ce sondage a présenté deux intérêts : le premier, que nos professionnels transforment leur colère en une réaction argumentée, le second, que la position défendue par la FFPF soit représentative de la majorité de ses adhérents.

Pour ne citer qu’un des résultats de ce sondage, à l’assertion "la housse est fermée, en maintenant une ouverture de 5-10 cm en haut, si le corps n’a pu être présenté aux proches et devra l’être en chambre funéraire", 76 % de nos 76 adhérents ayant participé au questionnaire ont répondu "pas d’accord", au motif de la prise de risque pour le personnel. Le jour même, le 26 donc, le directeur de cabinet de M. Pietraszewski, secrétaire d’État à la Santé, me fixe un rendez-vous téléphonique pour le lendemain, à l’issue duquel nous avons compilé, étape par étape, les EPI nécessaires à la réalisation des opérations funéraires : accueil des familles endeuillées dans les agences, véhicules de transport avant, après mise en bière, prise en charge des défunts en milieu hospitalier, à domicile, dépôt en chambre funéraire, en salon, en case, au crématorium, en chambres funéraires…

Le même jour, un adhérent me transmet un courrier rédigé par l’UPFP, avec lequel je prends immédiatement contact, et qui m’informe de la tenue d’une visioconférence en soirée, réunissant les trois fédérations, dans le but de dégager une position commune pour peser auprès des autorités. Suite à cet échange, Didier Kahlouche (coprésident de la CPFM) a bien voulu se charger de retranscrire nos apports respectifs dans un courrier commun, et de l’envoi le 27 à midi au Premier ministre. Chacun de nous a également fait suivre le courrier à ses appuis, et c’est dans ce contexte que j’ai naturellement envoyé le courrier à M. Pietraszewski pour information. 

Très réactif, il nous conviait à un entretien en présence de membres du HCSP le mardi suivant, soit le 1er avril. Il s’est montré encore un fois très attentif aux problématiques soulevées par nos fédérations, il nous a promis un retour rapide. Nous avons surtout fait état de l’anxiété des entreprises, et nous avons expliqué que les toilettes sont bien souvent réalisées par des porteurs, qui ne reçoivent qu’une formation de 16 heures, contrairement aux soins, effectués par des thanatopracteurs diplômés qui maîtrisent les conditions d’hygiène requises, les utilisations des EPI et des DASRI. Nous avons aussi exposé notre manque de masques, et réitéré notre demande d’en recevoir ou de pouvoir en commander.

Désormais, il nous reste à diffuser et expliquer le texte du décret paru le 2 avril, notamment dans les établissements de soins, qui se réfèrent encore à l’avis du HCSP permettant de mettre le corps dans une housse entrouverte. 

"Art. 12-5. – Jusqu’au 30 avril 2020 : 

  • les soins de conservation définis à l’art. L. 2223-19-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) sont interdits sur le corps des personnes décédées ; 
  • les défunts atteints ou probablement atteints du Covid-19 au moment de leur décès font l’objet d’une mise en bière immédiate. La pratique de la toilette mortuaire est interdite pour ces défunts."

D’ailleurs, allez sur le site du HCSP, le dernier avis mis en ligne est encore celui du 24 mars.


R :
Compte tenu de la méconnaissance actuelle sur la propagation réelle du coronavirus, n’y a-t-il pas lieu de privilégier la crémation à l’inhumation, dans le plus profond respect du défunt et de la famille bien sûr, sachant qu’il ne s’agirait que d’une préconisation ?


FF :
Tant que le droit le permet, nous sommes attachés à faire respecter la loi de 1887 relative à la liberté des funérailles et au choix entre crémation et inhumation.


R :
Selon vous, quelle décision doit être prise concernant le retrait des micro-pacemakers dans ce contexte de dangerosité de toutes les manipulations nécessitant un contact opératoire physique ?


FF :
Il n’est pas nécessaire de les explanter.

 

R : Quelles leçons devons-nous tirer de cette catastrophe et de sa gestion (gouvernementale, in situ, prévisionnelle, etc.) pour l’avenir ?


FF :
Je voudrais retarder l’heure de la polémique, mais je sais que nous aurons beaucoup appris de cette situation tragique que nous avons vécue en première ligne. Aujourd’hui, je ne peux que me réjouir de la démonstration que nos fédérations ont fait de l’adage "l’union fait la force." À la FFPF, notre slogan a toujours été "Unis nous sommes plus forts", voyez à quel point c’est vrai. 

En outre, l’épreuve terrible que nous traversons a également renforcé nos liens avec nos adhérents, pour lesquels nous avons répondu présent à chaque instant. Beaucoup de nos entreprises nous ont envoyé de très gentils messages de remerciement, d’autres dirigeants ont rejoint la Fédération, parce que leurs confrères leur parlaient de nous et de notre accompagnement. C’est aussi lors de moments comme celui-ci que de belles rencontres peuvent avoir lieu. En partenariat avec l’AFTCC (Association Française des Thérapies Cognitives et Comportementales), nous avons réfléchi à des alternatives aux cérémonies "d’avant", et un numéro d’écoute vient  d’être mis en place pour nos professionnels qui ont pris les vagues de plein front, sans avoir le temps ou l’opportunité de relâcher les soupapes : il s’agit de covidecoute.org 


Nota :

(1) À la date des entretiens qui se sont déroulés entre début et mi-avril.

(2) "La manipulation d’un corps peut exposer le personnel le manipulant à des germes à transmission aérienne, comme cela a été rapporté pour Mycobacterium tuberculosis" dans l'avis du HCSP relatif à la prise en charge du corps d’un patient cas probable ou confirmé Covid-19 – 24 mars 2020.

(3) Décret n° 2020-352 du 27 mars 2020 portant adaptation des règles funéraires en raison des circonstances exceptionnelles liées à l’épidémie de Covid-19.

(4) Relatif à "la prise en charge du corps d’un patient cas probable ou confirmé Covid-19".




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II - Rencontre avec Richard Feret, directeur général délégué de la CPFM, avec qui nous échangeons (1)
sur les évolutions de la situation.


Richard Feret

Résonance :
Camille Chaize, porte-parole du ministère de l’Intérieur, a annoncé vendredi 1er avril l’inscription des professionnels du funéraire sur la liste des bénéficiaires prioritaires des personnels protégés, mais sans parler d’un accès aux équipements protecteurs. Quelle est votre position sur cette déclaration, et est-elle suivie d’effets ?


Richard Féret :
Nous sommes clairement dans un effet d’annonce puisque ces équipements de protection ne sont, selon toute évidence, pas disponibles en nombre suffisant. Nos multiples relances sont entendues, mais seule la solidarité entre opérateurs funéraires mais également avec des professions à l’arrêt comme le bâtiment ou la restauration collective ont donné des résultats. À l’heure où j’écris, des régions et des préfectures commencent à donner des masques. Toutefois, ne perdons pas de vue le fait que des régions sont sous forte tension alors que, dans le Sud-Ouest, le Centre…, la mortalité est plutôt basse.


R :
Quel est votre sentiment sur les dernières mesures prises, notamment dans le cadre du décret du 1er avril ?


RF :
Je me félicite des bonnes relations que nous entretenons avec nos autorités de tutelle, qui nous ont entendus. Nous avons alerté très tôt sur les risques de créer des "points de congestion" et d’allonger les délais dans la délivrance des différentes autorisations et donc l’organisation des obsèques. L’organisation des services s’en est trouvée moins difficile, au bénéfice des familles.


R :
Le 27 mars, vous avez envoyé au Premier ministre une lettre(2) en signature commune UPFP (Union du Pôle Funéraire Public), FFPF (Fédération Française des Pompes Funèbres), CPFM (Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie)…


RF :
C’est juste, et je sais que notre courrier a été pris en compte, et les dispositions que nous recommandions ont été partiellement reprises.


R :
Compte tenu de la méconnaissance actuelle sur la propagation réelle du coronavirus, n’y a-t-il pas lieu de privilégier la crémation à l’inhumation, dans le plus profond respect du défunt et de la famille, bien sûr, sachant qu’il ne s’agirait que d’une préconisation ?


RF :
Notre devoir premier est de respecter les volontés du défunt et/ou des proches sur le choix du mode de sépulture. Les autorités sanitaires nous assurent que l’inhumation comme la crémation ne présentent pas de risque contagieux si le protocole de mise en housse et de désinfection est respecté.


R :
Pensez-vous que les soins de thanatopraxie doivent être totalement interdits tant le risque est important, sachant que c’est, en plus du praticien, la totalité de la salle technique qui peut être contaminée ?


RF :
En fait, il est assez probable que le risque soit moins important lors de soins de conservation, car le thanatopracteur est par définition bien protégé et, de plus, les fluides, étant par nature biocides, "désinfectent" le défunt. La salle a plus de probabilités d’être contaminée lors de toilettes rituelles, d’où la sage recommandation des autorités cultuelles de suspendre la pratique durant cette difficile période. Cette disposition a été reprise dans le décret du 1er avril 2020 interdisant toute forme de toilette sur les défunts Covid-19 ou présumée.


R :
Selon vous, quelle décision doit être prise concernant le retrait des micro-pacemakers dans ce contexte de dangerosité de toutes les manipulations nécessitant un contact opératoire physique ?


RF :
De fait, les nano-stimulateurs du type Micra ne sont pas retirés, comme le prévoient le décret 2017-1534 du 3 novembre 2017 et l’arrêté du 19 décembre 2017, qui fixe la liste des stimulateurs exonérés d’explantation.


R :
Quelles leçons devons-nous tirer de cette catastrophe et de sa gestion (gouvernementale, in situ, prévisionnelle, etc.) pour l’avenir ?


RF :
Je crois que les opérateurs funéraires ont assuré leurs missions malgré les contraintes et le stress généré par le faible nombre d’EPI disponibles. Les principaux enseignements seront à tirer par nos administrations qui devront très largement améliorer la coordination des initiatives et des actions. Gageons également que la dématérialisation des différentes opérations sera progressivement entérinée compte tenu des facilités apportées par le digital.

 

Nota :

(1) À la date de l’entretien, qui s’est déroulé mi-avril 2020.

(2) Notamment relatif à "la prise en charge du corps d’un patient cas probable ou confirmé Covid-19".



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III - Rencontre avec Manuel Sauveplane, président de l'UPFP, avec qui nous échangeons(1) sur
la crise sanitaire, sans précédent.


manuel sauveplane presse

Résonance :
Vous avez adressé à Édouard Philippe, Premier ministre, un courrier – en signature commune (Union du Pôle Funéraire Public (UPFP), Fédération Française des Pompes Funèbres (FFPF), Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM)) – afin de l'informer de l'inapplicabilité de l'avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP) en date du 24 mars 2020(2) et de la nécessité de sa modification pour assurer la continuité du service public funéraire, et ce, pendant la durée de cette crise sanitaire sans précédent. Pouvez-vous nous rappeler les faits ?


Manuel Sauveplane :
Nous avons évidemment réagi, car l'avis de l'HCSP du 24 mars était contradictoire avec celui du 18 février, et nous nous retrouvions dans une totale incohérence face à une situation où, tant que la personne est en vie, on prend un maximum de protection, mais, dès qu'elle décède, on n'en prend plus, ni pour notre personnel, ni pour les familles. Jusqu’à preuve du contraire, le virus ne décède pas en même temps que celle-ci.

C'est une nouvelle fois le constat d'une méconnaissance totale de notre profession, des risques de transmissions diverses de certains défunts, des différentes étapes composant la gestion du corps et l'organisation des funérailles, des soins à la mise en bière et de la cérémonie à l'inhumation ou la crémation. Tout au long de ce chemin funéraire, les canaux de transmission du coronavirus vers nos employés sont nombreux et identifiés, et persistent durant un certain temps. C'est ce qui a principalement justifié notre lettre, qui a, fort heureusement, eu pour résultat le décret n° 2020-384 du 1er avril instituant l'obligation de mise en bière immédiate pour "les défunts atteints ou probablement atteints du Covid-19 au moment de leur décès…", limitant ainsi les soins, la présentation et les toilettes rituelles sur ces derniers.


R :
Effectivement, les risques de contamination sont énormes, et une peur inconnue jusqu'à aujourd'hui est apparue, notamment chez les agents funéraires…


MS :
Oui, il ne faut pas hésiter à dire que cela a engendré une peur légitime chez nos agents et leurs familles. Nos personnels se sont retrouvés face à un environnement angoissant, pouvant aller jusqu'à devoir évoquer un droit de retrait. Ce dernier appliqué aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour nos métiers, au moment où la Nation a autant besoin de nous. En effet, aujourd'hui, lorsque des pompes funèbres vont chercher des défunts à l'hôpital, beaucoup sont morts du Covid-19, mais ceux décédés d'une autre maladie ont pu aussi être contaminés par le coronavirus, sans que nous le voyons. D'où la nécessité, l'obligation d'une mise en bière immédiate, mais qui ne veut pas dire instantanée. C'est pourquoi il était primordial de protéger nos agents qui sont en première ligne dès que le décès est survenu, mais également, je le répète, les familles des défunts atteints.


R :
La déclaration du 28 mars concernant la légitimité de la fourniture de masques et autres équipements de protection aux agents de pompes funèbres et le décret du 1er avril vous paraissent-ils de bonnes avancées ?


MS :
Oui, franchement, nous avons eu l'impression pour la première fois, tous ensemble avec les présidents de la FFPF et CPFM, que nous étions entendus. Très rapidement après notre courrier, nous avons eu une conférence téléphonique avec Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, chargé des retraites. Celui-ci a pris note de la situation que nous vivions, et nous a demandé clairement tout ce que nous voulions. Dès le lendemain, le ministère concerné prenait acte et promulguait le décret du 1er avril. Bien sûr, il reste des questions en suspens, notamment en ce qui concerne les EPI (Équipements de Protections Individuelles), leur dotation, en quelle quantité et de manière complète ou pas. Le problème des pacemakers n'est pas encore résolu, sans parler de celui des tests, indispensables là aussi à notre profession. Mais globalement, nous avons l'impression d'avoir été écoutés, et nous remercions vivement le ministre pour cela.

Pour l'instant, du point de vue pratique et concret, nous passons commande auprès de nos fournisseurs habituels pour avoir accès aux EPI. Chacun se débrouille comme il peut en attendant des dotations officielles à venir. Cela va se faire petit à petit, en privilégiant, je pense, les régions les plus touchées.


R :
Pouvez-vous nous donner vos impressions de terrain, je m'adresse ici autant au gestionnaire du crématorium Le Pech Bleu à Béziers qu'au président de l'UPFP ?


MS :
Il est évident pour moi que nous avons des équipes véritablement engagées. C'est très louable dans ces moments difficiles, et je suis fier des personnels qui s'investissent tous les jours d'une manière aussi remarquable. Ils sont présents, se sentent concernés, "vont au combat". Ils font le maximum pour les familles, pour les quelques membres qui peuvent être là, une dizaine, une quinzaine, dans le respect des directives gouvernementales (moins de vingt, mais en intégrant les agents funéraires). Je sais que mes confrères, tant privés que publics, peuvent dire la même chose.

Bien sûr, on fera mieux plus tard… on cherche des palliatifs, et on met en place les meilleures solutions comme la retransmission des cérémonies, via Internet. On les enregistre également et on les envoie. Il y a des cellules d'écoute qui se créent, avec des psychologues, des représentants des différents cultes, des maîtres de cérémonies…. Celles-ci doivent accompagner les familles dans ces moments-là. Et là-dessus, le personnel est très solidaire, au sein même d'une structure, mais aussi avec les confrères PF, avec le public comme le privé, même si j’ai du mal à entendre que certains crématoriums se soient dits "fermés".


R :
J'imagine que vous avez besoin, dans ce type de contexte, de faire preuve de pédagogie, d'expliquer. Cela ne doit pas toujours être facile ?


MS :
Oui, bien sûr, il faut bien expliquer. Les gens sont malheureusement "envahis" par les informations, qui ont généré une certaine psychose ambiante, ils savent les risques énormes qui sont encourus et la nécessité de rompre la propagation de la pandémie. Donc, en disant les choses franchement, en donnant les justes raisons de la mise en bière immédiate (qui ne signifie pas que la famille ne pourra pas voir le corps une dernière fois dans certaines conditions), en informant sur la manière dont les choses vont se dérouler, ils comprennent très bien, en général. On communique un maximum d'éléments et, je sais, que, pour le crématorium du Pech Bleu, il n'y a pas eu de problème. cela se passe bien.


R :
Dans cet état de crise sanitaire, pensez-vous que la crémation puisse connaître une hausse exceptionnelle ?


MS :
Oui, je ne serais pas surpris que l'on constate une hausse de la crémation pour la simple raison qu'il s'agit d'un "parcours" plus rapide. Je m'explique, l'obligation d'une organisation plus légère des obsèques "de crise", avec des cérémonies accueillant très peu de présents, peu de temps consacré à celles-ci ; et, parfois même, les familles en viennent à s'abstenir de la réalisation de cérémonie, ainsi que de la procession vers le cimetière (dont les horaires d’ouverture sont très restreints dans certaines régions) Alors, dans le plus pur respect des dernières volontés du défunt, si celui-ci ne l'avait pas défini, il est possible que le choix de la crémation soit fait… car celle-ci révèle un geste plus immédiat, plus propice à l'ambiance actuelle. Mais, honnêtement, nous le saurons vraiment que dans quelques mois.


R :
Quelles leçons devons-nous tirer de cette catastrophe et de sa gestion (gouvernementale, in situ, prévisionnelle, etc.) pour l'avenir ?


MS :
La leçon à tirer serait pour moi que les autorités réalisent – avant que le drame arrive – que nous sommes là, que les professions funéraires existent et que nous exécutons notre part du travail, à savoir un rite de passage, structurant pour l’homme malgré la peine, c’est un dernier témoignage d’humanité. Il faudrait prendre cela en considération. Il faut que tous les secteurs économiques impliqués soient traités de façon identique – exception faite des métiers de la santé qui sauvent sans compter leur temps (et pas que pendant cette crise) et leur énergie la population. Ce déficit est évidemment dû au fait que, lorsque l'on parle de nous, la mort est là. Mais cette dernière doit être bien gérée, et notre fonction permet d'accompagner, de soutenir, d'aider les familles dans la douleur. En réalité, nous sommes une profession du vivant, on fait un métier dédié à la vie. On rend plus service aux vivants qu’aux défunts, mais ce n‘est que mon point de vue…

Nota :

(1) À la date de l'entretien, qui s'est déroulé le 7 avril 2020.

(2) Relatif à "la prise en charge du corps d’un patient cas probable ou confirmé Covid-19".


Gil Chauveau

Instances fédérales nationales et internationales :

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