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Pour donner suite à l’adoption définitive, les 8 et 9 février derniers, de la loi intitulée "Différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification" dites "3DS", nous avons rencontré le sénateur Jean-Pierre Sueur afin qu’il revienne, pour les lecteurs de Résonance, sur les divers points portant sur la réglementation funéraire et dont il est, pour tout ou partie, à l’origine par voie d’amendement. Explication.

Résonance : Monsieur le Sénateur, pourquoi avez-vous inscrit par voie d’amendements de nouvelles dispositions sur le droit funéraire dans la nouvelle loi intitulée "Différenciation, décentralisation, déconcentration, simplification" ?

Jean-Pierre Sueur : Depuis que j’ai défendu devant le Parlement la loi fondatrice de 1993, qui a mis fin au monopole des pompes funèbres et a redéfini les règles de service public qui s’imposent désormais à tous les opérateurs funéraires, quels qu’ils soient, j’ai suivi, année après année, l’évolution du droit funéraire et j’ai été à l’initiative de nombre d’évolutions législatives – dont la loi de 2008 – avec, toujours, la même volonté d’aller vers une totale transparence quant au prix des prestations, de veiller à la dignité des cérémonies d’obsèques et de prendre en compte la situation et l’intérêt des familles qui sont éprouvées, et donc vulnérables, et qu’il faut donc aider au moment où elles doivent cependant prendre de nombreuses décisions en 24 ou 48 heures.
 
C’est dans ce même état d’esprit, et avec cette même volonté, que, lors du débat sur le projet de loi "Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification" présenté par la ministre Jacqueline Gourault, j’ai déposé un amendement portant sur plusieurs aspects du droit funéraire, d’abord en commission au Sénat, puis en séance publique. Cet amendement a ensuite été précisé et enrichi à l’Assemblée nationale par la rapporteure Élodie Jacquier-Laforge. Et il a été intégré dans le texte de la loi définitivement adoptée par l’Assemblée nationale et le Sénat.

R : Pourquoi êtes-vous revenu, une nouvelle fois, sur la question des devis modèles ?

J-PS : On le sait, je tiens beaucoup aux devis modèles. Je connais les réticences qu’ils ont pu susciter chez certains professionnels. Mais ma position est claire : toute la profession a intérêt à mettre en œuvre une totale transparence quant aux prix. Il est pour cela nécessaire que les familles puissent avoir accès rapidement à des devis comparables. C’est le sens des devis modèles, établis sur la base d’un descriptif précis publié par un arrêté du ministère de l’Intérieur.

Je précise – s’il en était encore besoin ! – que ce devis n’est en rien exclusif. Les professionnels ont toute latitude pour proposer toute autre formule d’obsèques. Il y a, dans la nouvelle loi, deux nouveautés. La première a pour effet d’imposer la publication des devis modèles sur les sites Internet des communes de plus de 5 000 habitants. C’était une possibilité. Ce sera une obligation. Et c’est bien. Toutes les familles pourront donc accéder facilement, depuis chez elles, à tous les devis modèles, comparables, proposés dans leur secteur géographique, sans devoir se déplacer à la mairie.

En second lieu, ces devis doivent être actualisés, ce que, jusqu’ici, la loi ne prévoyait pas. Pour avoir déposé il y a déjà quelques années une proposition de loi en ce sens, je suis heureux de voir que cette actualisation sera désormais inscrite dans la loi. Dans l’amendement que j’avais déposé au Sénat, j’avais prévu que cette actualisation serait annuelle. L’Assemblée nationale a préféré qu’elle ait lieu, au minimum, tous les trois ans. C’est donc ce délai qui est inscrit dans le texte.

Là encore, même si le délai d’un an eût été, à mon sens, préférable, cette réactualisation triennale répond à un vide juridique. Elle est une garantie supplémentaire, et judicieuse, pour les familles. Je précise d’ailleurs, qu’en toute logique, les opérateurs se doivent de déposer de nouveaux devis chaque fois que leurs prix évoluent, y compris dans l’intervalle triennal, les familles étant dans tous les cas fondées à obtenir que le prix pratiqué soit, à tout moment, celui inscrit dans les devis modèles.

R : Depuis les recommandations du CNOF, puis l’analyse du Conseil d’État, on a beaucoup évoqué la question du statut des métaux issus de la crémation. Vous revenez là-dessus. Cette nouvelle loi apporte-t-elle une réponse définitive ?

J-PS : Cette question restait, en effet, sans réponse claire, malgré les travaux positifs effectués par le Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF). Le Conseil d’État ayant considéré qu’un décret ne suffirait pas, le sujet devait relever de la loi. C’est pourquoi j’ai intégré une rédaction à ce sujet dans l’amendement que j’ai présenté, qui reprend, pour l’essentiel, l’esprit du projet de décret que le CNOF avait validé.

Cette rédaction a été, là encore, précisée par l’Assemblée nationale. Les métaux en question ne seront donc pas "assimilés aux cendres du défunt". Ils feront l’objet d’une récupération par le gestionnaire du crématorium pour cession en vue du traitement approprié pour chacun d’entre eux (sauf volonté explicite exprimée avant la crémation).

Les recettes financières résultant du traitement ne pourront être affectées par le gestionnaire du crématorium qu’à la prise en charge des obsèques des indigents (ce qui supposera un accord entre les gestionnaires du crématorium et la ou les communes concernées) ou à des dons à des associations d’intérêt général ou à des fondations d’utilité publique, à l’exclusion de tout autre usage. Les familles pourront disposer à cet égard d’une information complète.

Au total, nous disposerons d’une loi claire et précise à ce sujet auquel aucun texte ne s’appliquait jusqu’ici, et c’est, incontestablement, un progrès.

R : Vous avez aussi cherché à avancer sur la question de l’information des familles lors du renouvellement des concessions et sur la reprise de concessions à l’abandon. Pourquoi ?

J-PS : Le texte définitivement adopté crée une obligation d’information des ayants droit sur leur droit à renouvellement à l’échéance d’une concession temporaire. Cette obligation d’informer sera précieuse pour les familles qui, dans bien des cas, comme l’ont souvent constaté des maires, restent dans l’ignorance de la date d’échéance d’une concession, quand bien même celle-ci a été affichée.

Le texte définitif réduit, en outre, de trois à un an le délai après lequel une concession en état d’abandon pourra être reprise afin de permettre aux collectivités compétentes de reprendre plus efficacement des concessions abandonnées tout en respectant les droits des usagers du service public funéraire.

R : Vous avez également abordé d’autres sujets, plus techniques. Pouvez-vous les évoquer succinctement ?

J-PS : Le même texte adopté revient sur les interdictions pesant sur les opérateurs funéraires, afin de régler certaines situations difficiles, en cas de décès à domicile, tout en les encadrant. C’est ainsi que, dans ce seul cas, seront autorisées les dimanches, jours fériés et aux heures de nuit, les démarches à domicile des personnels des opérateurs funéraires habilités, sollicités par la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, pour ce qui est, exclusivement, de la commande de prestations de transport ou de dépôt de corps avant mise en bière ou de soins de conservation à domicile.

Cette nouvelle rédaction, qui simplifiera les choses en cas de décès à domicile, répond à des demandes récurrentes des professionnels du funéraire. Enfin, le même texte simplifie le droit funéraire en cas de cessation définitive d’activité d’un opérateur funéraire en créant la possibilité d’abroger immédiatement l’habilitation dont celui-ci est titulaire.

R : Quelles conclusions tirez-vous, finalement, après l’adoption de cet ensemble de nouvelles dispositions relatives au droit funéraire ?

J-PS : Chacun voit que cet ensemble de mesures, qui peuvent paraître techniques, permettent d’améliorer le droit existant, tant pour les familles que pour les professionnels. S’agissant de ce sujet très sensible des obsèques auquel chaque famille est inéluctablement confrontée, je suis persuadé que nous devons, en effet, toujours faire preuve de vigilance afin que les procédures afférentes soient très transparentes et que "le respect, la dignité et la décence", pour reprendre les trois termes inscrits dans la loi de 2008, soient, pour tous, des impératifs absolus.
 
Propos recueillis par Maud Batut

Résonance n°177 - Février 2022

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