Dans un secteur empreint de délicatesse, de bienveillance et de respect vis-à-vis des familles, les entreprises de pompes funèbres font désormais face à une réalité souvent insoupçonnée : la problématique des impayés.
Dans cet entretien, Hugues Wostyn, responsable relations clients pour Obsèques Impayées, filiale de DF Recouvrement, nous éclaire sur les défis auxquels sont confrontés les professionnels funéraires, les solutions qui se proposent à eux, et l’importance d’une action rapide face aux créances non réglées. Un point essentiel sur un sujet aussi complexe que méconnu… mais incontournable.
Résonance : Monsieur Wostyn, pouvez-vous nous présenter "DF Recouvrement" en général et "Obsèques Impayées" en particulier ?
Hugues Wostyn : Obsèques-impayées est une filiale du Groupe DF Recouvrement, l’un des poids lourds du recouvrement en France. Nous avons créé la filiale Obsèques-impayées, pôle spécialisé dans le funéraire et aujourd’hui leader en France sur ce sujet. Outre le recouvrement de créances, ce pôle œuvre dans l’ombre auprès des organismes bancaires et des administrations afin d’obtenir des avancées légales pour les professionnels du secteur funéraire.
R : D’aucuns disent, souvent avec amusement, que le secteur funéraire ne connaît pas, et ne connaîtra pas la "crise "… en revanche, il n’est pas exempt de problèmes liés aux règlements de factures, n’est-ce pas ?
HW : Vous avez raison, bien que 83 % des entreprises de pompes funèbres soient confrontées à des problématiques de recouvrement, la plupart compensent ces impayés en les absorbant dans leurs bénéfices. Si elles peuvent se le permettre, rien ne les empêche cependant d’engager des actions en recouvrement : outre l’aspect financier, c’est leur image qui en dépend.
R : À titre d’exemple, quelles sont les difficultés auxquelles les professionnels funéraires ont à faire face vis-à-vis des familles... non-solvabilité, conflit entre les ayants droit… quel est le cas le plus fréquent ?
HW : Les problèmes sont multiples, mais en effet, les principaux éléments déclencheurs des impayés sont des conflits familiaux alimentés notamment par une méconnaissance du droit de la part des familles et un accès facile sur Internet à un tas d’inepties ou de vérités sorties de leur contexte et interprétées par les ayants droit.
Ainsi, certains pensent ne pas être redevables de la facture, car ils ont lu sur un forum ou dans une jurisprudence des informations les confortant dans leur comportement. Il faut donc raisonner les familles en contextualisant la situation et en leur vulgarisant le droit.
En seconde position arrive également l’insolvabilité, certaines personnes pensent que l’indigence d’aujourd’hui est semblable à la fosse commune du Moyen Âge. Ils expriment donc une certaine pudeur à communiquer avec les conseillers funéraires sur leurs difficultés financières, leur laissant croire que les funérailles seront payées, alors qu’ils n’en ont pas la capacité.
R : Compte tenu du contexte et au vu des contrats de prévoyance, des assurances vie ou encore de la possibilité de prélever directement sur le compte du défunt, on pourrait penser que ce type de mésaventure serait plutôt rare, mais pas du tout… d’où la création d’Obsèques impayées ?
HW : C’est vrai, et les personnes prévoyantes font rarement partie des dossiers qui nous sont confiés. Néanmoins, selon une étude réalisée par Charles Simpson et publiée dans Résonance il y a quelques mois, seuls 32 % des défunts avaient souscrit une offre de prévoyance. Ce qui signifie que près de 70 % des défunts n’ont rien prévu.
Pire, dans certains cas, les familles ont été informées de l’existence d’un contrat obsèques ou d’assurance décès, mais alors qu’elles se pensaient à l’abri, découvrent que le défunt a racheté le contrat, a changé le bénéficiaire ou encore n’a pas payé ses cotisations. Les générations actuelles vivent au jour le jour, avec peu d’épargne et malheureusement parfois, peu de valeurs morales et familiales, c’est malheureusement conjoncturel.
15 ans en arrière, il n’y avait pas ou peu d’impayés dans le secteur funéraire, aujourd’hui, cela s’est banalisé à tel point que nous intervenons en partenariat avec certains centres de formations, pour former les futurs conseillers funéraires et les futurs directeurs d’agences aux risques liés aux impayés.
R : Nous venons d’évoquer la possibilité, pour les professionnels funéraires, de prélever directement sur le compte du défunt. Que pensez-vous des modifications apportées par l’arrêté du 3 décembre 2024 sur le sujet ?
HW : C’est une très bonne chose pour les opérateurs funéraires, 5 910 € c’est à peu près le montant de 2024, après indexation sur le barème INSEE et revalorisation, à un détail près, c’est qu’aujourd’hui, certaines banques avaient du mal à intégrer ce calcul et les montants versés étaient aléatoires selon les banques, et les régions. Aujourd’hui, ce montant est inscrit en dur et elles n’auront pas d’excuse pour ne pas s’y conformer.
Il convient toutefois de noter que le montant de 5 000 € fixé par l’arrêté de 2015 était à revaloriser selon le barème INSEE des prix à la consommation. Or, ce n’est plus le cas avec le nouvel arrêté. Ainsi, le montant de 5 910 € sera fixe et forfaitaire, quelle que soit la conjoncture économique, et n’augmentera pas même en cas d’inflation.
R : il va de soi que votre activité ne se limite pas au B to C, vous faites également du recouvrement en B to B… quel éventail de services proposez-vous exactement ?
HW : Outre le recouvrement de créances, nous proposons aux entreprises, l’audit, la mise en conformité et la rédaction de Conditions Générales de Vente (CGV), elles sont obligatoires, mais souvent incomplètes, obsolètes voire inexistantes.
Nous réalisons également de la formation sur l’anticipation des impayés et la stratégie de recouvrement interne à adopter. Enfin, nous sommes dotés d’un service enquêtes qui permet de retrouver des héritiers disparus, des notaires en charge d’une succession, les nouvelles coordonnées d’une personne qui aurait déménagé et également des enquêtes de solvabilité d’entreprises.
R : Une dernière précision avant de conclure ?
HW : Oui, j’aimerais passer un message aux entreprises de pompes funèbres concernant la gestion de leurs impayés, la règle d’or est d’aller vite, faites-vous confiance, si le comportement de vos clients est étrange voire déplacé (ne répondent plus, deviennent insultants, créent des litiges commerciaux futiles, prétextent des problèmes bancaires, la succession qui s’embourbe), il faut impérativement nous solliciter, vous n’avez pas à tolérer des délais de paiement non conformes à vos CGV. Un impayé qui dépasse 6 mois, c’est 65 % de chances de ne jamais récupérer l’argent. Nous ne le rappellerons jamais assez, nos services sont gratuits en cas d’échec, il ne faut pas attendre.
R : Merci Hugues de nous avoir éclairé sur ces sujets trop souvent éludés.
HW : Merci à vous pour l’interview, c’est toujours un plaisir.
Steve La Richarderie
Résonance n° 210 - Décembre 2024
Résonance n° 210 - Décembre 2024
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