Votre panier

Panier vide
Figure incontournable du paysage législatif funéraire français, Jean-Pierre Sueur, ancien ministre et parlementaire, reste présent afin de défendre les valeurs et les sujets qui lui tiennent à cœur : respect des défunts, accompagnement des familles, transparence tarifaire et professionnalisation du secteur. Toujours actif et impliqué, il profite de cet entretien pour saluer les récentes évolutions du secteur et, plus particulièrement, la revalorisation du plafond pour le prélèvement des frais d’obsèques sur les comptes bancaires du défunt. Il se félicite également de la réécriture de l’arrêté sur les devis modèles funéraires, qu’il juge plus lisible et protecteur pour les usagers, de même que de l’encadrement du sort des métaux issus de la crémation, même s’il en pointe les limites. Enfin, il partage avec nous ses observations au sujet des nouvelles formes d’obsèques, pour lesquelles il reste dans l’expectative. Entretien…


Résonance : Jean-Pierre Sueur, vous êtes à l’origine de deux grandes lois qui ont beaucoup marqué le domaine funéraire, celle de 1973 et celle de 2008. Quelle est votre appréciation sur les évolutions et réformes récentes ?

Jean-Pierre Sueur : En premier lieu, je tiens à saluer tout particulièrement l’instauration de la possibilité de prélever le montant des frais d’obsèques sur le compte bancaire du défunt. Cela résulte de l’arrêté du 7 mai 2015 pris en application de l’article L. 312-1-4 du Code monétaire et financier, qui fixe un plafond de 5 000 € pour ce prélèvement.

Ce plafond a été justement revalorisé pour atteindre 5 910 € depuis le 1er janvier 2025. Cette disposition est importante. Or, j’ai pu constater qu’elle est encore assez méconnue. Elle n’enlève rien au choix qui peut être fait par chacun de recourir à un contrat obsèques. Mais, en réalité, elle présente un certain nombre d’avantages par rapport aux contrats obsèques. Elle s’avère simple et moins coûteuse. Il me paraîtrait très important que les pouvoirs publics fassent mieux connaître cette possibilité, à tous les niveaux.

Il me paraîtrait, en particulier, judicieux que toute personne qui se présente auprès d’une entreprise funéraire ou d’une banque en vue de souscrire un contrat obsèques soit obligatoirement informée de cette disposition afin qu’elle puisse faire un choix éclairé entre le recours à cette possibilité et à un contrat obsèques.

R : Et précisément, que pensez-vous de l’évolution des contrats obsèques ?

JPS : Vous le savez, je me suis souvent préoccupé de cette question en ma qualité de sénateur. Il faut que tous les professionnels intervenant dans le processus menant aux obsèques soient justement rétribués. Mais j’ai toujours refusé la financiarisation ou la marchandisation des obsèques et de la mort. C’est pourquoi, suite à plusieurs textes que j’ai fait voter, les contrats pour obsèques payés à l’avance sont solidement encadrés.

Je rappelle qu’en vertu de la loi, "toute clause d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance sans que le contenu détaillé et personnalisé des prestations prévues soit défini est réputée "non écrite"". Cela veut dire que tout contrat de ce type doit être fait en lien avec une entreprise funéraire, qui établira avec le souscripteur un devis individualisé et personnalisé.

Cela veut dire aussi que les contrats packagés sont contraires à la loi – même si certains essaient de contourner plus ou moins subtilement cette disposition. Je me souviens que, quelques années après le vote de la loi de 1993, certains professionnels du funéraire m’avaient dit que "le monopole que j’avais fait sortir par la porte avec cette loi allait revenir par la fenêtre avec les contrats obsèques".

J’ai toujours lutté contre une telle évolution, dans l’intérêt d’ailleurs des professionnels du funéraire. Et je rappelle que les banques ou les assurances qui vendent des contrats obsèques ne doivent en aucun cas diriger les souscripteurs vers un organisme ou un opérateur funéraire. Ils doivent, en vertu de la loi, respecter le choix souverain des souscripteurs. Mais, je le redis, le plus important me paraît être de bien faire connaître l’arrêté du 7 mai 2015 et l’augmentation du plafond à 5 910 €.

R : Que pensez-vous de l’arrêté du 11 février 2025, qui a revu la rédaction de l’arrêté de 2010 sur les devis modèles ?

JPS : J’en pense du bien ! Je rappelle qu’un certain nombre de professionnels du funéraire – avec lesquels, vous le savez, j’ai toujours entretenu et j’entretiens encore des rapports ouverts et constructifs – étaient opposés aux "devis modèles" et plaidaient pour l’abrogation de cette disposition. Eh bien, elle est aujourd’hui confortée par cette nouvelle mouture de l’arrêté dont le projet a été adopté très largement, et je m’en réjouis, par le Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF).

Il y a eu 19 voix pour, 2 contre et une abstention. Les opposants me disaient : "Mais nous faisons des devis." Je répondais : "Oui, bien sûr, mais qui va aller lire, après avoir perdu l’être le plus cher de sa vie, des devis de 40 pages, compliqués et incomparables !" C’est pourquoi des devis modèles comparables sont nécessaires.

Le nouveau modèle est plus précis que le précédent. Il prend en compte les évolutions qui sont intervenues. Il distingue bien les dispositions obligatoires et celles qui sont facultatives, et précise que, dans un certain nombre de circonstances, ces dernières mesures peuvent devenir obligatoires.

Pour ce qui est des soins de conservation, il me paraît très judicieux de bien distinguer les toilettes et soins de présentation, d’une part, d’une thanatopraxie invasive, d’autre part, afin que chacun sache à quelle prestation exacte correspond le prix affiché.

J’ajoute que le dépôt dans les mairies concernées de ces devis modèles est une obligation légale. Et que le non-respect de celle-ci peut remettre en cause l’habilitation délivrée à un opérateur funéraire. J’ajoute que, comme je l’ai très souvent rappelé aux différents ministres chargés de l’Intérieur et des Collectivités locales, ils doivent veiller, via les préfets, à ce que les maires des communes concernées diffusent, conformément à la loi, ces devis modèles sur le site Internet de la commune, ce qui est le plus simple et le plus pratique. Ils peuvent aussi être mis en consultation à la mairie.

R : Sur un sujet plus technique, que pensez-vous des évolutions relatives au sort des métaux retrouvés lors des crémations ?

JPS : La loi ne disait rien à ce sujet. J’ai pu coopérer positivement avec Jacqueline Gourault, alors ministre, pour que des dispositions à ce sujet soient inscrites dans la loi dite "3DS". Jusque-là, il n’y avait rien dans la loi à ce sujet. Désormais, il est prévu que ces métaux soient cédés à des entreprises qui les traiteront, et que le produit de cette cession reviendra au crématorium, qui pourra utiliser ces fonds pour financer les obsèques des personnes dépourvues de ressources ou pour faire l’objet d’un don à une association d’intérêt général ou à une fondation reconnue d’utilité publique.

On m’a fait remarquer à juste titre que, pour précieuse que soit cette législation, elle reste incomplète. En effet, rien ne dit comment est définie et calculée la somme reversée par l’entreprise, le crématorium restant tributaire des décisions des entreprises à cet égard. Il me paraîtrait judicieux que les parlementaires et le Gouvernement puissent apporter des réponses à cette question.

R : Quelle est votre position sur les nouveaux types d’obsèques, mis en œuvre dans plusieurs pays étrangers ?

JPS : Je m’en tiens, pour ma part, aux deux modalités, inhumation et crémation, sur lesquelles j’ai beaucoup travaillé avec mes collègues parlementaires. Pour ce qui est de la crémation, la loi de 2008 a apporté nombre de réponses précises et qui se sont mises en œuvre. C’était nécessaire, même s’il a fallu un temps d’information et d’adaptation.

Je n’ai donc pas d’avis, à ce stade, sur les nouvelles formes d’obsèques. Je tiens toutefois très fort à ce que, dans tous les cas, et en particulier si la législation devait évoluer – nous n’en sommes pas là –, les dispositions de la loi de 2008 affirmant que les restes humains, y compris les cendres après la crémation, doivent donner lieu à "respect, dignité, décence" soient respectées. J’y tiens profondément.

Mes priorités sont toujours les mêmes : la protection et le soutien des familles endeuillées, donc vulnérables, la transparence absolue quant au coût des prestations, la qualité des obsèques et le respect du professionnalisme de tous les acteurs du funéraire, ce qui suppose une formation initiale et continue de qualité. Le conseiller funéraire qui va recevoir une famille endeuillée doit avoir de solides connaissances pour ce qui est du droit, mais aussi de la psychologie et des questions financières.

R : Un dernier mot ?

JPS : J’ai rédigé le seul rapport parlementaire qui ait jamais été fait sur la thanatopraxie, après avoir procédé à des dizaines d’auditions et de consultations. Ce rapport est paru le 1er juillet 2019 et est facilement consultable sur le site du Sénat ou sur le mien (www.jpsueur.com). Il comporte 58 propositions. La plupart d’entre elles restent pleinement d’actualité. Il serait bien – eu égard aux conditions d’exercice de cette profession difficile – qu’elles ne restent pas "lettre morte".
 
Propos recueillis par Maud Batut

Résonance n° 216 - Juin 2025

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations