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En janvier 2021, nous évoquions les effets du recours croissant aux autoentrepreneurs dans le secteur funéraire, dans un contexte de risque "d’uberisation". Dans la continuité de cette première problématique figure également le prêt de main-d’œuvre, très couramment pratiqué par les opérateurs funéraires, qui, dans un souci légitime de solidarité et d’entretien de bonnes relations commerciales entre confrères, n’hésitent pas à "prêter" leur personnel, qu’il s’agisse par exemple de chauffeurs, de porteurs ou d’ouvriers en marbrerie. Voyons comment  le droit appréhende cette pratique.


Le prêt de main-d’œuvre se définit, pour un employeur (entreprise prêteuse), par la mise à disposition d’une entreprise tierce (utilisatrice) d’un ou plusieurs de ses salariés pour pallier un besoin de main-d’œuvre. De façon assez classique en matière funéraire, il peut s’agir, par exemple, de la mise à disposition d’un porteur inoccupé pour remplacer un homologue absent dans une autre entreprise, ou encore de "prêter" un ouvrier en marbrerie à une entreprise tierce pour renforcer une équipe en sous-effectif dans la réalisation de travaux urgents.

Le prêt de main-d’œuvre se différencie de la sous-traitance

Il n’est pas rare, dans la pratique, que ces deux notions soient confondues, à tort. En effet, la sous-traitance se caractérise par le fait que l’entreprise (donneuse d’ordre) confie à une autre entreprise (sous-traitante), la réalisation d’une tâche, d’une prestation, d’un chantier... Il en va par exemple ainsi d’un opérateur funéraire qui a vendu la construction d’un caveau à une famille et qui en confie la construction à une autre entreprise (marbrier sous-traitant). Dans ce cas de figure, l’entreprise sous-traitante exécutera la prestation en toute autonomie : elle fournira les matières premières, utilisera son propre matériel et fera exécuter le travail par son propre personnel.

En revanche, il n’y aura non plus sous-traitance, mais prêt de main-d’œuvre, lorsque l’entreprise fournira uniquement du personnel qui sera placé sous le contrôle et la direction de l’entreprise utilisatrice et qui emploiera le personnel prêté avec ses propres moyens (matériaux, matériels) et selon ses propres règles de management. Ainsi, dans l’exécution du travail, rien ne différenciera le personnel de l’entreprise du personnel prêté. C’est le cas, par exemple, du porteur salarié mis à disposition d’une autre entreprise pour compléter une équipe.

L’interdiction de la mise à disposition de main-d’œuvre à but lucratif

La mise à disposition de main-d’œuvre à but lucratif, prévue aux articles L. 1251-1 du Code du travail (C. trav.), relève du monopole des entreprises de travail temporaire, plus couramment appelées "entreprises d’intérim" (art. L. 1251-3, C. trav.). Cette activité consiste à fournir de la main-d’œuvre à une entreprise utilisatrice en lui facturant un prix supérieur au coût du salarié (salaire, cotisations sociales, éventuels frais). C’est cette marge générée qui donne son caractère lucratif à cette modalité de mise à disposition de main-d’œuvre.

S’agissant des entreprises qui ne constituent pas des entreprises de travail temporaire, à l’instar des opérateurs funéraires, ce type de mise à disposition de main-d’œuvre à but lucratif est interdite et constitutive d’un délit, au sens de l’art. L. 8243-1 du Code du travail, réprimée par une peine d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.

Cependant, et par exception, l’art. L. 8141-2 al.1 du Code du travail dispose que : "Les opérations de prêt de main-d’œuvre à but non lucratif sont autorisées."

Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif licite par exception

Autorisé, par exception prévue à l’art. L. 8141-2 al. 1 du Code du travail, le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif est le seul susceptible de trouver à s’appliquer dans les relations entre deux entreprises du secteur funéraire. Ainsi, pour ne pas constituer un délit de prêt de main-d’œuvre illicite, le montant facturé par l’entreprise fournissant le salarié ne devra pas excéder son coût réel, constitué de son salaire, des cotisations sociales correspondantes ainsi que, le cas échéant, des frais (déplacement, repas, etc.).

S’agissant des modalités de sa mise en œuvre, l’art. L. 8141-2 du Code du travail poursuit :

"Le prêt de main-d’œuvre à but non lucratif conclu entre entreprises requiert :
1° L’accord du salarié concerné ;
2° Une convention de mise à disposition entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l’identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse ;
3° Un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l’entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d’exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail."

Et le même article ajoute :

"À l’issue de sa mise à disposition, le salarié retrouve son poste de travail ou un poste équivalent dans l’entreprise prêteuse sans que l’évolution de sa carrière ou de sa rémunération ne soit affectée par la période de prêt.

Les salariés mis à disposition ont accès aux installations et moyens de transport collectifs dont bénéficient les salariés de l’entreprise utilisatrice.

Un salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir refusé une proposition de mise à disposition.

La mise à disposition ne peut affecter la protection dont jouit un salarié en vertu d’un mandat représentatif.

Pendant la période de prêt de main-d’œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l’entreprise prêteuse n’est ni rompu ni suspendu. Le salarié continue d’appartenir au personnel de l’entreprise prêteuse ; il conserve le bénéfice de l’ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s’il avait exécuté son travail dans l’entreprise prêteuse."
 
Xavier Anonin
Docteur en droit

Résonance n° 174 - Octobre 2021

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