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Un contentieux courant en matière de gestion des sépultures est celui qui survient au sujet de l’entretien d’un monument par les héritiers du fondateur. Il nous apparaît opportun de présenter le problème sous forme d’un petit cas pratique.

Cas pratique

Énoncé 

A et B sont les descendants d’un aïeul ayant acquis une concession funéraire à perpétuité sur laquelle celui-ci fit édifier un monument familial. Il y a été inhumé avec son épouse. Depuis, certains de ses enfants ou petits-enfants y ont été inhumés. Cet aïeul a eu cinq enfants. A et B sont au nombre des descendants de deux de ces enfants. Le monument funéraire est actuellement en mauvais état et nécessite des réparations coûteuses.

Question 

Sur les cinq souches initiales, trois ne sont plus intéressées par une inhumation dans ce monument. Leurs représentants vivants peuvent-ils renoncer définitivement à tout droit à une inhumation dans ce monument familial (tant pour eux que pour leurs descendants nés ou pour leurs descendants à naître) ? Si oui, peut-on se contenter des renonciations des seuls chefs de branche (et de leurs conjoints ?) ?

Solution

La jurisprudence considère que la concession, à l’instar d’autres rares catégories, est un bien anomal qui ne vient pas au partage en raison de son affectation familiale (CA Bordeaux, 14 mars 1927, Journal des notaires, 35.682 ; CA Lyon, 7 nov. 1949, Drevard/Ode, S, 1950, I, 63). Ainsi, la doctrine considère que, "dans l’hypothèse où le concessionnaire décède sans testament (ou sans aucune mention expresse de la dévolution de la concession dans celui-ci), s’instaure, contrairement aux règles générales de la dévolution successorale, une indivision perpétuelle (l’art. 815 du Code civil – selon lequel "nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision” – n’est pas applicable aux concessions funéraires) entre ses héritiers" (D. Dutrieux, J-Cl. Adm., Fasc. 150-30 : "Opérations Funéraires", n° 175). En revanche, la pratique accepte usuellement que certains indivisaires renoncent à leurs droits sur la concession au profit d’autres (dès lors qu’il en reste au moins un).

La pratique et la doctrine, au fil du temps, élaborèrent la typologie suivante :
- concessions individuelles : l’acte de concession déterminera l’identité de la personne qui a vocation à y être inhumée. L’inhumation d’une personne non mentionnée à l’acte de concession est impossible, sauf à prévoir un avenant à cet acte entre le maire et le concessionnaire.
- concessions collectives : l’acte de concession déterminera l’identité des personnes qui ont vocation à y être inhumées. L’inhumation de personnes non mentionnées à l’acte de concession est impossible, sauf à prévoir un avenant à cet acte entre le maire et le concessionnaire.
- concession de famille : elle a vocation à recevoir le corps du concessionnaire, ceux de son conjoint, de ses successeurs, de ses ascendants, de ses alliés et enfants adoptifs, voire les corps de personnes unies au concessionnaire par des liens particuliers d’affection (Rép. min. n° 21280, JOAN Q 22 janvier 1990, p. 368). Il s’agit de la catégorie la plus courante en pratique. Dans ces concessions de famille, le juge part du principe que l’intention présumée du fondateur est l’inhumation des membres de sa famille (CE 7 février 1913, Mure, S. 1913, III, 81, note Hauriou). Le concessionnaire peut d’ailleurs expressément exclure de ce droit certaines personnes de sa famille (CAA Bordeaux, 3 novembre 1997, M. Gilbert Lavé, req. n° 96BX01838) en les mentionnant, eux, dans l’acte de concession.

Questions

Si une demande d’inhumation concernant un descendant venait à être formulée, alors que ce descendant n’aurait jamais accepté de participer aux frais d’entretien courant et aux réparations, le paiement d’une participation pourrait-il être demandé en préalable à l’inhumation et sur quelles bases (au prorata des places libres ou occupées ou en fonction des droits de propriété résultant des dévolutions successorales successives) ?

Pour la prise en charge des frais importants (et la prise des décisions de frais importants), faut-il à défaut d’accord recommander de recourir au juge de l’indivision pour se faire autoriser à faire les travaux et à établir un compte d’indivision opposable à tous les indivisaires ?

Solution

La doctrine admet que le droit de propriété de la sépulture est distinct du droit à y être inhumé (notamment lorsqu’il n’y a plus de place disponible).

Le juge judiciaire (Cass. civ. 1re, 22 décembre 1969 : Bull. n° 403. p. 322 : D. 1970. somm. 40 ; RTD civ. 1970, 380) est venu refuser à ceux des héritiers qui procèdent à un entretien régulier d’une sépulture de demander le paiement de leur quote-part "à ceux qui n’en ont pas le souci", comme le relève Monique Perrier-Cussac ("Les droits du titulaire d’une concession funéraire", La Semaine juridique notariale et immobilière n° 39, 28 septembre 1990).

Le juge semble opérer une distinction suivant le type de réparation et estime en l’espèce que, certes, la sépulture est en mauvais état, mais qu’elle n’est pas encore délabrée : "Les travaux entrepris étaient seulement nécessaires pour sauver le tombeau du délabrement et lui garder un caractère décent, ce qui signifie que, pour si mauvais que fut son aspect, il n’était pas encore délabré."

Cet arrêt vient aussi poser le principe selon lequel, si chaque indivisaire ne peut demander la contribution financière des autres, il n’a pas besoin de leur autorisation pour accomplir ces travaux. Néanmoins, il est certain que la situation est paradoxale, puisque celui qui entretient une sépulture ne peut se voir reconnaître aucun droit sur celle-ci de ce simple chef (CA Angers, 23 février 1937 : Gaz. Pal. 1937, 1. 773 ; RTD civ. 1937. 646).

Il serait peut-être possible que le délabrement soit l’état permettant alors à la commune d’initier une procédure de reprise de la concession. On ne mentionne aucunement la constatation d’un état de ruine quelconque, mais simplement des signes extérieurs, qui seraient nuisibles au bon ordre et à la décence du cimetière. Quand le concessionnaire ne fait plus face à cette obligation d’entretien, le contrat peut être alors rompu par la commune. En effet, la concession n’a été constituée que sous réserve de cet entretien qui est un engagement du concessionnaire.

Dès lors que les règles de l’indivision classique sont écartées, notamment la possibilité de demander le remboursement des frais avancés sur le fondement de l’art. 815-13 du Code civil, recourir à un juge pour demander l’autorisation d’effectuer les travaux paraît inefficace.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 179 - Avril 2022

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