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Si nous avons déjà évoqué le problème relatif à la dévolution des concessions funéraires, il nous a paru utile d‘y revenir en insistant particulièrement sur l’intervention du notaire dans cette procédure.


Les possibilités limitées de donation

On rappellera que le concessionnaire ne dispose pas d’un droit de propriété sur la parcelle concédée mais d’un droit de jouissance, alors qu’il dispose d’un droit de propriété sur les objets et monuments situés sur cette parcelle. On parle d’un droit réel immobilier d’une nature particulière, (TC 6 juillet 1981 Jacquot : Rec. CE, p. 507). En toute hypothèse, toute cession à titre onéreux d’une concession funéraire est prohibée.

En effet, la concession funéraire est hors-commerce, au sens de l’art. 1162 du Code civil (Cass. req., 7 avr. 1857 : DP 1857, I, p. 311. - Cass. Civ. 11 avr. 1938 : DH 1938. 321. - CA Amiens 28 octobre 1992 : JCP éd. N 1993, II, p. 383 note J. Hérail. - Cass. 1re civ. 25 mars 1958 Py/Roger, Bull. 1958, n° 178). A priori, seul le fondateur de la concession peut opérer une donation (D. Dutrieux, "La transmission des sépultures" : JCP N 2000, p. 1655 ; voir également D. Dutrieux, "Opérations funéraires" : JurisClasseur Collectivités territoriales, Fascicule 717, § 173). Dans ce cas, le formalisme de l’art. 931 du Code civil s’impose alors, un don manuel ou une donation indirecte étant en la matière inconcevable.

En outre, une réponse ministérielle semble conditionner la faculté de donation par le concessionnaire au fait que l’acte administratif accordant la concession et le règlement municipal ne l’interdisent pas (Rép. Min. n° 588, JO : Sénat du 25 avril 2013 – "Renonciation aux droits sur une concession funéraire", M. Jean-Pierre Sueur). Néanmoins, on trouve également dans cette même doctrine administrative, que le maire ne pourrait refuser l’opération que pour des moyens tirés de l’ordre public (Rép. min. n° 47007 : JOAN Q 26 octobre 1992, p. 4920).

Traditionnellement, on pourrait citer comme contraire à l’intérêt public que l’épouse et la maîtresse soient inhumées dans un même terrain (CA Paris, 2 janvier 1934, DH, 1934, p. 169). Néanmoins, cette position du Gouvernement n’est pas unanimement partagée. En effet, le Conseil d’État dans un arrêt Hérail (CE Sect., 11 octobre 1957, Hérail, AJDA 1957, p. 429, conclusions Kahn), a précisé qu’il était impossible au concessionnaire de céder les droits qu’il tient de ce contrat, tandis qu’au contraire le juge judiciaire lui, le permet (Cass. 1re civ., 23 octobre 1968 préc. cit.).

Or, ainsi que le rappelle dans son ouvrage Georges Chaillot ("Le droit des sépultures en France", édition Pro roc, avril 2004, n° 597 et s.), l’arrêt de 1968 rendu par la Cour de cassation le fut dans un contexte procédural particulier. En effet, tout en reconnaissant que seul le juge administratif est compétent en ce qui concerne les conditions d’exécution d’un contrat administratif, la Cour de cassation invoque que le moyen fondé sur ce qu’elle serait incompétente n’a pas été soulevé devant le juge du fond et donc par là même est irrecevable à ce stade de la procédure. La position du juge judiciaire sur ce point n’aurait pour G. Chaillot que l’effet relatif de la chose jugée.

Ainsi, le maire pourrait peut-être, trouver là des arguments pour refuser cette substitution et il faudrait alors que le juge administratif dénoue le conflit. Par ailleurs, si des inhumations ont déjà été pratiquées dans la concession, seul un membre de la famille - même s’il n’est pas l’héritier du concessionnaire - peut recevoir la donation. En principe une concession déjà utilisée, même si les corps ont été exhumés et qu’elle ne contient dès lors aucun corps, ne peut être donné à un étranger à la famille (ce principe s’explique par le fait qu’un tombeau ne devient sépulture de famille que par la première inhumation qui y est faite ; R. Savatier, note ss Cass. 1re civ., 23 octobre 1968 : Defrénois 1969, art. 29275, p. 325).

Le formalisme de la donation

La Cour de cassation considère que la renonciation à la concession par le bénéficiaire au profit d’autres membres de la famille est possible (Cass. 1re civ., 17 mai 1993, n° 91-15.780 : Bull. civ. I, n° 183 p. 125). La difficulté est que ni la loi, ni la jurisprudence ne détaillent le régime de cette renonciation.

Outre un acte de donation établi devant notaire, un acte de substitution devra être conclu entre l’ancien concessionnaire le maire et le nouveau concessionnaire (Cass. civ., 16 juill. 1928 : DP 1929, I, p. 157, obs. G. Monsarrat). La doctrine s’interroge sur la portée de cette renonciation. Les héritiers du renonçant conservent-ils leurs droits en qualités d’ayants droit du fondateur ? (S. Richard, J.-Cl. Notarial 360°, Fiches pratiques, n° 3487 – "Transmission d’une concession funéraire").

À cet égard, la jurisprudence considère que la concession est un bien anomal qui ne vient pas au partage en raison de son affectation familiale (CA Bordeaux, 14 mars 1927, Journal des notaires, 35.682. ; CA Lyon, 7 nov. 1949, Drevard/Ode, S, 1950, I, 63). "Dans l’hypothèse où le concessionnaire décède sans testament (ou sans aucune mention expresse de la dévolution de la concession dans celui-ci) s’instaure, contrairement aux règles générales de la dévolution successorale, une indivision perpétuelle (l’art. 815 du Code civil – selon lequel "nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision" – n’est pas applicable aux concessions funéraires) entre ses héritiers" (D. Dutrieux, J-Cl. Adm., Fasc. 150-30 : "Opérations funéraires", n° 175).

Nonobstant son absence de valeur normative, une réponse ministérielle est venue éclairer le régime de la renonciation. Elle précise que, "la renonciation doit être reçue par acte notarié non pour sa validité mais pour son efficacité, l’authenticité étant requise dans un but de publicité s’agissant des actes portant mutation de droits réels immobiliers‘ (art. 28-1°-a du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière), (Rép. Min. n° 588, JO : Sénat du 25 avril 2013 – "Renonciation aux droits sur une concession funéraire", M. Jean-Pierre Sueur).

En effet, si la concession funéraire procède d’un contrat d’occupation du domaine public, qui interdit de considérer que le concessionnaire jouit d’un véritable droit de propriété sur le terrain concédé, celui-ci dispose d’un droit réel immobilier de jouissance et d’usage avec affectation spéciale.

Concrètement, l’acte devrait contenir un exposé avec un historique de la concession, son contenu exact, sa nature et sa durée. Il mentionnera l’acte acquisitif (dont une copie sera annexée) puis sera dressée la liste des personnes qui y ont été inhumées depuis l’origine. Cette liste devra être fournie par la mairie et sera également annexée. Puis constater la renonciation en faveur du membre de la famille du fondateur inhumé. Enfin, le maire devrait agréer également cette mutation, par l’intermédiaire d’un acte de substitution.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 180 - Mai 2022

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