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On constate que la loi consacre la possibilité d’un dépôt temporaire de l’urne dans un lieu de culte.


L’art. L. 2223-18-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) oblige désormais les crématoriums à proposer aux familles de conserver l’urne pendant un délai maximum d’un an à compter de la crémation. Cette option permettra ainsi aux familles d’être sûres de leur choix et de régler sereinement la destination des cendres.

Au terme du délai d’un an, en l’absence de choix effectué par la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres seront dispersées soit dans l’espace de dispersion du cimetière communal du lieu de décès (ce qui obligera les exploitants du crématorium à solliciter l’autorisation de cette commune), soit dans l’espace aménagé le plus proche.

Le dépositaire des urnes non réclamées doit prévenir la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles ou, à défaut, le plus proche parent du défunt, par lettre recommandée (R. 2213-38 du CGCT). Après un délai de trente jours ouvrables suivant le retour de l’accusé de réception de la lettre recommandée ou de la lettre non remise, la dispersion sera alors possible. On notera au passage la référence à la notion de "plus proche parent du défunt" qui ne concernait jusque-là que les demandes d’exhumations.

On remarquera aussi la possibilité offerte par le même article de déposer cette urne dans un édifice cultuel avec l’accord de l’association cultuelle affectataire ou propriétaire. Comment alors interpréter l’expression selon laquelle : "L’urne peut être conservée, dans les mêmes conditions, dans un lieu de culte, avec l’accord de l’association chargée de l’exercice du culte" ?

Qu’est-ce qu’une association chargée de l’exercice d’un culte ?

Dans une église catholique affectée au culte, nous sommes en présence le plus souvent d’un propriétaire public : la commune, et d’un affectataire privé : le culte catholique. Les règles de répartition des pouvoirs entre l’affectataire et le propriétaire sont alors bien connues. Par exemple, le conseil municipal pourrait vouloir organiser la visite d’églises et du patrimoine communal qui s’y trouve. Néanmoins, il faudra que le conseil municipal recueille l’assentiment du prêtre affectataire qui, lui, a la police de l’édifice. Cette solution est classique et affirmée régulièrement par la jurisprudence, par exemple dans l’arrêt du Conseil d’État abbé Chalumey du 4 novembre 1994, (req. n° 135842). Ainsi, il faudrait l’accord de ces deux autorités pour y permettre le dépôt d’urnes.

D’autre part, la rédaction de l’art. L. 2223-18-1du CGCT est à tout le moins médiocre en ne visant que l’accord de l’association chargée de l’exercice du culte, omettant que la quasi-totalité des églises catholiques ne sont pas gérées par des associations cultuelles puisqu’en droit, si elles peuvent l’être par le truchement d’association diocésaines régies par une loi de 1924, elles le sont le plus souvent sous le régime de la réunion publique, prévue par une loi du 2 janvier 1907 qui autorise l’exercice d’un culte "par voie de réunions tenues par initiatives individuelles". Il s’agira alors de nouveau de recueillir plutôt l’assentiment de l’affectataire que d’une association inexistante… Pour les autres cultes, la plupart des lieux de culte appartenant à des associations cultuelles, leur accord sera demandé.

Qu’est-ce qu’un culte ?

Enfin, il conviendrait peut-être de s’interroger sur la signification même du mot "culte". Le droit français n’utilise que rarement le terme "religion", lui préférant celui de "culte", c’est-à-dire l’envisageant sous l’angle des pratiques cultuelles publiques. Dans un avis (n° 187122, 24 octobre 1997), le Conseil d’État considère que l’exercice d’un culte consiste dans "la célébration de cérémonies organisées en vue de l’accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou pratiques". Il n’existe pas plus d’ailleurs de définition du terme "secte", ce qui d’ailleurs semble normal dans un pays laïque où la croyance n’est pas l’affaire de l’État.

La jurisprudence d’ailleurs ne distingue pas la religion de la secte et elle ne traite des dérives sectaires que lorsqu’une infraction est commise. D’ailleurs, le juge n’affirme-t-il pas "qu’il est vain de s’interroger sur le point de savoir si l’Église de scientologie constitue une secte ou une religion, la liberté de croyance étant absolue. Dans la mesure où une religion peut se définir par la coïncidence de deux éléments, un élément objectif, l’existence d’une communauté même réduite, et un élément subjectif, une foi commune, l’Église de scientologie peut revendiquer le titre de religion et développer en toute liberté, dans le cadre des lois existantes, ses activités y compris missionnaires voire de prosélytisme (CA Lyon, 28 juillet 1997)".

Ces quelques remarques d’ordre juridique n’obèrent en rien des développements plus pratiques quant aux modalités de l’organisation de tels dépôts dans des endroits qui sont notoirement peu ou pas surveillés, et pour lesquels il peut exister certes des indemnités de gardiennage (c’est le cas des églises communales), mais dont le montant relève plutôt de l’aumône…
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance hors-série n° 14 - Août 2022

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