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Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales de juillet à août 2022.
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I - Textes officiels

1 - Le décret d’application de la loi 3DS est paru

Le décret n° 2022-1127 du 5 août 2022 portant diverses mesures relatives à la réglementation funéraire était particulièrement attendu des opérateurs gestionnaires de crématoriums.

Parmi ses mesures phares en effet, figurent les dispositions réglementaires d’application de l’art. L. 2223-18-1-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (ci-après CGCT) créé par la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 dite "loi 3DS", commenté dans Résonance, n° 178 - mars 2022.

L’art. 1 de ce décret traite notamment du produit de la cession des métaux issus de la crémation, selon les deux opérations codifiées au II de l’art. L. 2223-18-1-1 du CGCT.

• 1° le financement des personnes dépourvues de ressources suffisantes : le décret prévoit que le gestionnaire du crématorium "verse le produit de la cession des métaux récupérés à l’issue de la crémation à une ou plusieurs communes, qui ne peuvent affecter la somme correspondante qu’à la prise en charge des frais d’obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes". Il n’est pas précisé que les communes en question pourraient être celles du lieu de résidence du défunt ;
• 2° un don à une association d'intérêt général ou à une fondation reconnue d'utilité publique : le décret est sur ce point encore plus strict puisqu’il est prévu que le don "ne peut être effectué qu’auprès d’une association d’intérêt général ou d’une fondation reconnue d’utilité publique, figurant sur une liste établie par l’organe délibérant de la commune ou de l’Établissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) compétent pour la création et la gestion du crématorium", après avis de l’éventuel délégataire.

En outre, de nouvelles mesures d’information des familles et de publicité, spécifiques à la destination du produit de la cession des métaux issus de la crémation, sont mises à la charge des gestionnaires de crématoriums :
• Reproduction des I et II de l’art. L. 2223-18-1-1 du CGCT dans les devis de crémation et contrats obsèques qui la prévoient ;
• Affichage d’une information concernant la destination des métaux issus de la crémation et de leur produit (reproduisant les I et II de l’art. L. 2223-18-1-1 du CGCT ainsi que la liste des communes et associations bénéficiaires) ;
• Publication, mise à disposition des familles et transmission à l’autorité délégante, annuellement, d’un document récapitulant les montants et les bénéficiaires des versements.

L’ensemble de ces mesures est codifié dans un nouvel art. R. 2223-103-1 du CGCT.

Ce texte apparait assez complexe à mettre en œuvre, mais cette complexité s’explique notamment par le fait qu’il déroge au droit de propriété du défunt, et donc de ses héritiers, dans un contexte juridique français de très grande protection du droit de propriété (cf. Cass 25 oct. 2000, n° 00-82.152).

Parmi les autres mesures attendues, des services communaux des cimetières cette fois-ci, le décret du 5 août 2022 ramène de trois à un an le délai d’attente pour qu’une mairie reprenne une concession funéraire en état d’abandon par application de l’art. R. 2223-18 du CGCT. Ce texte est désormais en conformité avec l’art. L.2223-17 du même Code.

Est inséré un nouvel art. R. 2213-34-1 du CGCT précisant la procédure d’autorisation de transfert du corps vers un cercueil adapté à la crémation instaurée par le nouvel art. L. 2223-42-1 du même Code. L’on retiendra que cette autorisation revient au maire de la commune du lieu d’ouverture et de changement de cercueil, dans un délai maximum de six jours suivant la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles.

Entre autres mesures d’adaptation, le décret du 5 août 2022 remplace les termes relatifs à l’identité du défunt devant figurer sur la plaque apposée sur un cercueil par application de l’art. R. 2223-20 du CGCT :
• Le terme "de famille" remplace le terme "patronymique";
• Le terme "d’usage" remplace le terme "marital".

Citons enfin le remplacement de l’expression "l’officier d’état civil" par "le maire" au sein de l’art. R. 2223-17 du CGCT ; mesure corrective alors que la compétence de l’officier d’état civil en matière funéraire a été abrogée par le décret n° 60-285 du 28 mars 1960.

2 - Renouvellement du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF)

Le CNOF est une instance consultative placée auprès du ministre de l’Intérieur, créée par la loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire. Il remplit un rôle de conseil des pouvoirs publics pour l’élaboration de la réglementation funéraire et est consulté pour avis sur les projets de textes.

Il est composé de représentants des ministre de l’Intérieur (2) de l’Économie (1) de la Santé (2) des communes et de leurs groupements (4), des différentes catégories d’entreprises de pompes funèbres (4), des régies municipales (2) des organisations syndicales de salariés (5) des familles (2) et des associations de consommateurs (4), de personnalités compétentes (4).

Il rend notamment public un rapport tous les deux ans sur ses activités, sur le niveau et l’évolution des tarifs des professionnels et sur les conditions de fonctionnement du secteur funéraire.

Le décret du 8 juillet 2022 procède, pour une durée de cinq ans à compter du 24 juillet 2022, au renouvellement des membres du CNOF. Petite modification, le membre représentant le ministre chargé du Commerce et de l’Artisanat est supprimé réduisant ainsi le nombre de membres de trente et un à trente, et le nombre de représentants "ministériels" de 6 à 5.
 
Source : Décret n° 2022-995 du 8 juillet 2022, JO du 9 juillet.
 
II - Jurisprudence

1 - Tribunal administratif Grenoble, 5e chambre, 12 juillet 2022, n° 2200686.

Octroi de concession – ne pas confondre droit à inhumation et droit à concession, quoique…

Son mari étant décédé au cours d’un déplacement professionnel à l’étranger, la veuve demande au maire l’octroi d’une concession, notamment pour pouvoir y inhumer le défunt. Le maire refuse en considérant que le défunt n’était pas domicilié sur la commune. Il commet une double erreur.

Tout d’abord, la seule circonstance que le défunt n’était pas domicilié sur la commune ne suffit pas à refuser l’inhumation. On y reviendra plus loin. Mais ensuite et surtout, il se trompe en appréciant uniquement la situation du défunt, au lieu d’apprécier la demande de concession en la personne de la demanderesse. Il s’agissait bien au cas particulier d’une demande de concession et non d’inhumation.

L’art. L. 2223-3 du CGCT prévoit que : "La sépulture dans un cimetière d’une commune est due :
/ 1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
/ 2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
/ 3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
/ 4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits sur la liste électorale de celle-ci […] ".

Cet article vise bien le droit à inhumation.

C’est l’art. L. 2223-13 du CGCT qui précise que : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux".

Or, on sait que c’est en combinant ces deux textes que le juge administratif reconnaît un droit à une concession… aux titulaires du droit à être inhumé. La commune a tenté de soutenir que la demanderesse elle-même ne résidait pas sur le territoire communal ce qui faisait, selon elle, obstacle à l’attribution d’une concession funéraire. Or, le maire devait apprécier les autres liens de la demanderesse avec la commune.

Celle-ci étant propriétaire d’un appartement dans cette commune depuis 1985, y ayant marié deux de ses enfants, produisant 14 attestations indiquant qu’elle réside plusieurs mois par an dans son appartement, titulaire d‘une carte d’électeur, justifiant de son relevé de consommation électrique, de son changement d’adresse auprès de la Direction générale des finances publiques, elle prouvait incontestablement des liens étroits avec cette commune justifiant l’octroi d’une concession funéraire au titre, faut-il comprendre, du 3° de l’art. L. 2223-3 visant les "personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille".

Comme il a déjà été plusieurs fois jugé, le maire ne pouvait refuser la concession au titulaire d’un droit à inhumation que s’il établissait une pénurie de place dans le cimetière, ce qui n’était pas prouvé en l’espèce.

La comune a donc été condamnée à accorder sous 8 jours et sous astreinte (menace de devoir payer en cas de retard) une concession à la demanderesse.

2 - Tribunal administratif, Grenoble, 28 juillet 2022 – n° 2204773

Il faut prouver l’accord de tous les ayants droit pour inhumer dans une concession une personne qui n’est pas (plus) de la famille.

À la suite du décès de sa mère, M. H demande au maire l’autorisation de l’inhumer dans le caveau de la famille I, en se prévalant de l’accord donné par M. D I, ex-époux de la défunte.

Le maire ayant, à l’oral, refusé, M. H demande au juge des référés d’annuler ce refus verbal et d’enjoindre au maire de lui délivrer l’autorisation sollicitée, estimant que ce refus constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale (l’art. L. 521-2 du Code de justice administrative).

Le tribunal rappelle que le droit d’être inhumé appartient (art. L. 2223-3 du CGCT) : 
"1° Aux personnes décédées sur son territoire, quel que soit leur domicile ;
2° Aux personnes domiciliées sur son territoire, alors même qu’elles seraient décédées dans une autre commune ;
3° Aux personnes non domiciliées dans la commune mais qui y ont droit à une sépulture de famille ;
4° Aux Français établis hors de France n’ayant pas une sépulture de famille dans la commune et qui sont inscrits ou remplissent les conditions pour être inscrits sur la liste électorale de celle-ci […]".

Il rappelle également que (art. L. 2213-8 du même Code) : " Le maire assure la police des funérailles et des cimetières". et (art. L. 2213-9) que : "Sont soumis au pouvoir de police du maire () les inhumations (), sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort".

Le maire ne peut en principe s’opposer à l’inhumation si le défunt entre dans l’un des cas prévus à l’art. L. 2222-3, notamment s’il y a droit à une sépulture de famille. Mais, faisant référence à son homologue judiciaire, le juge administratif énonce qu’il "résulte d’une jurisprudence constante du juge judiciaire que l’inhumation dans une sépulture familiale d’une personne étrangère à la famille est soumise à l’autorisation du fondateur de la sépulture ou de ses ayants droit".

La défunte ayant divorcé de M. D I, le caveau en litige ne constituait pas pour elle une sépulture de famille au sens du 4° de l’art. L. 2223-3. Il s’ensuit que son inhumation dans le caveau de la famille I est bien subordonnée à l’accord de l’ensemble des ayants droit du fondateur de la concession.

Or, en l’espèce, la concession d’origine a été acquise par le grand père de M DI, l’ex-époux de la défunte, lequel a bien donné son accord. Le maire a alors donné l’autorisation sollicitée sous réserve de l’accord des éventuels autres ayants droit du fondateur de la concession. Cette décision expresse a remplacé la décision verbale de refus initialement opposée. M. H fait valoir que l’accord conditionnel n’est pas satisfaisant car il ne permet toujours pas l’inhumation. Il maintient donc son recours.

Or, au cours de l’instance, il a été établi que le fondateur de la concession a eu deux enfants. Un fils, qui n’a eu lui-même qu’un fils, M. D I, lequel a donné son accord. Mais également une fille, née en 1914, dont personne n’a pu établir qu’elle était décédée, et que même si cela était probable, compte tenu de sa date de naissance, il n’était pas prouvé qu’elle n’a pas eu elle-même d’ayants droit susceptibles de s’opposer à l’inhumation dans le caveau familial de quelqu’un qui n’était plus de la famille.

L’autorisation conditionnelle du maire, qui en pratique, faute de preuve de l’accord, aboutit à un refus d’inhumation, est donc bien valable.

3 - Tribunal administratif, Lyon, 7 juillet 2022 – n° 2103287

Dommages sur une tombe à l’occasion de travaux de reprise d’une concession voisine : détermination du régime de responsabilité de la commune.

Une personne est titulaire d’une concession funéraire située au sein du cimetière d’une commune du département du Rhône. Invoquant avoir constaté que la sépulture avait été endommagée, cette personne a saisi le tribunal administratif de Lyon d’un recours indemnitaire en réparation des préjudices matériels et financiers qu’il estime avoir subis.

Deux fondement juridiques distincts étaient invoqués :
- Le premier est relatif au régime de la responsabilité sans faute des personnes publiques du fait des dommages aux tiers commis à l’occasion de la réalisation de travaux publics ;
- Le second est relatif au régime de la responsabilité pour faute du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police des cimetières.

En défense, la commune invoquait le fait que le requérant ne pouvait fonder son action que sur le terrain de la responsabilité contractuelle, du fait de l’existence du contrat de concession funéraire liant les parties. Le tribunal a rejeté un tel argumentaire, expliquant que le dommage invoqué par le requérant ne trouvait pas sa source dans l’exécution du contrat de concession en lui-même, et que ce dernier ne comportait aucune stipulation relative à l’indemnisation des dommages sur le monument qui pourraient avoir lieu du fait de la commune.

Le tribunal a donc statué, l’un après l’autre, sur les fondements de responsabilité sans faute et pour faute soulevés par le requérant.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute, le tribunal a considéré que le requérant ne rapportait pas la preuve du lien de cause à effet entre le travail et les préjudices dont il se plaignait, dans la mesure où des dommages sur le monument préexistaient aux travaux de reprise de la concession voisine réalisés par la commune, et que le constat d’huissier qu’il produisait était postérieur d’un an et demi à ces derniers. Il est intéressant de noter qu’au détour de sa motivation, le tribunal émet un doute sur la qualification de "travail public" d’une reprise de concession, alors même que la notion est très largement appliquée, y compris lorsqu’une personne publique intervient sur une propriété privée (CE, 20 avril 1956, consorts Grimouard req. n° 33961, publié au recueil Lebon).

Sur la responsabilité pour faute, le tribunal a également considéré, pour les mêmes raisons, que le requérant ne rapportait pas la preuve d’un manquement dans la mise en œuvre du règlement du cimetière, et donc un manquement du maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police des cimetières qu’il tient des art. L. 2213-8 et suivants du CGCT.
 
ADALTYS Avocats

Résonance n° 183 - Septembre 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations