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Les faits sont inusuels : il s’agit d’un administré qui fait la demande d’une concession funéraire déjà munie d’un caveau auprès de la commune ; or celle-ci n’en a plus de disponible et ne peut que leur proposer une concession non munie de ce caveau.


Tribunal administratif de Toulon 3 mars 2023, n° 2000488.

L’administré essaie alors d’engager la responsabilité pour faute de la commune à ce titre. Il estime son préjudice moral à 50 000 €. En effet, les requérants soutiennent que la commune a manqué à son obligation d’anticipation en ne faisant pas le nécessaire pour être en mesure de proposer des emplacements de concession au moins 5 ans à l’avance.

Sépulture et taille du cimetière

Le juge commence alors, classiquement, à rappeler la distinction entre le régime juridique du terrain commun et celui de la concession funéraire. Nous savons en effet que, contrairement aux idées reçues, l’institution de concessions funéraires n’est pas une obligation. En effet, l’alinéa premier de l’art. L. 2223-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs."

C’est bien le terrain commun qui est obligatoire, la concession n’est qu’une faculté. Néanmoins, elle est le mode d’inhumation majoritaire. Le juge semble cependant estimer que la seule raison valable pour en refuser l’institution soit le manque de place dans le cimetière (CE, Sect., 5 décembre 1997, Cne de Bachy c/ Mme Saluden-Laniel : Rec. CE p. 463). L’art. L. 2213-3 du CGCT n’évoque donc que les sépultures en terrain commun, seul service public obligatoire. Il y aurait une faute communale dans l’aménagement des cimetières si et seulement si la commune n’avait pas satisfait à ses obligations légales en matière de nombre d’emplacements en terrains communs.

En effet, l’art. L. 2223-2 du CGCT énonce que : "Les terrains prévus au premier alinéa de l’art. L. 2223-1 sont cinq fois plus étendus que l’espace nécessaire pour y déposer le nombre présumé des morts qui peuvent y être enterrés chaque année." Or, l’art. R. 2223-3 du CGCT nous donne leur largeur (80 cm) et indirectement leur longueur : "Chaque fosse à 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur", tandis que l’art. R. 2223-4 nous explique que ces emplacements (fosses) sont distants "les uns des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds". Enfin, c’est l’art. R. 2223-5 qui précise que : "L’ouverture des fosses pour de nouvelles sépultures n’a lieu que de cinq années en cinq années".

Ainsi, mathématiquement, la taille minimale légale d’un cimetière pourrait donc être obtenue par l’estimation du nombre présumé de décès annuels multiplié par cinq. On connaît ce nombre par les statistiques fournies par l’INSEE et l’on connaît également la taille "standard" des sépultures et des espaces les séparant. Comme de surcroît, dans leur rédaction, les corps sont exhumés tous les cinq ans, on dispose d’un délai de rotation, à compter duquel on exhumera les dépouilles les plus anciennes pour réutiliser les fosses.

Bien entendu, il est patent que ces textes ne sont pas appliqués, mais il faut comprendre que ces dispositions sont la reprise de législations anciennes (le décret de prairial an XII, par exemple) qui n’ont pas été modifiées ou bien marginalement et dans lesquelles le terrain commun était la règle, et la concession funéraire, l’exception. On pourrait, en forçant le trait, soutenir que les règles sociologiques l’ont emporté sur les règles juridiques en ce qui concerne la gestion de cet équipement.

Comme nous venons de le rappeler, ces dispositions ne concernent aucunement les concessions. In fine, il appartiendra au juge de statuer sur le bien-fondé d’une demande de terrain concédé. Il peut néanmoins être validé des refus dans certains cas, par exemple, le refus d’un emplacement représentant une trop grande superficie (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. n° 297914).

Ce jugement reprend d’ailleurs le considérant de cet arrêt : "Considérant qu’un maire, qui est chargé de la bonne gestion d’un cimetière, peut, lorsqu’il se prononce sur une demande de concession, prendre en considération un ensemble de critères, parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession sollicitée au regard de celle du cimetière, les liens du demandeur avec la commune, ou encore son absence actuelle de descendance".

Dès lors, si rien ne réglemente le nombre de concessions funéraires, peut-on envisager qu’une commune qui ne peut plus en délivrer pour le motif de manque de place soit responsable. La jurisprudence n’y invite pas, même le juge estime qu’il faut proposer de telles concessions dès lors, justement, qu’il n’existe pas de problème de place. Peut-on alors extrapoler à une concession déjà équipée cette même solution ?

Une variété de concession : la concession aménagée

On parle de concession aménagée lorsque la commune cède un terrain où il y a un caveau. Le juge admet cette pratique en dépit du principe suivant lequel il ne peut être réalisé d’opérations lucratives hors attribution ou renouvellement de la concession (TA Paris, 15 décembre 1977, Commune de Vitry-sur-Seine : Rec. CE, p. 652). Certes, on trouvera une réponse ministérielle qui nous explique qu’il importe alors qu’il y ait autant d’emplacements avec caveaux que sans (Rép. Min., n° 19527, JO Débats, Sénat, 16/06/1976), mais cette réponse se comprend comme ne permettant pas aux communes d’imposer une concession funéraire systématiquement aménagée et comme devant donc préserver le choix de l’acquéreur, puisqu’on ne peut imposer aux familles la construction d’un caveau que si l’expert hydrogéologue le recommande.

Il convient alors de remarquer que, lors de ces opérations, la commune doit respecter les règles de la commande publique, lorsqu’elle achète pour revendre des caveaux aux marbriers par exemple, et qu’elle doit appliquer la TVA lors de la vente de ces caveaux aux particuliers. Il convient aussi de ne pas laisser les marbriers installer de tels caveaux afin de les vendre directement aux particuliers, car il y aurait également tant des problèmes d’accès à la commande publique (infraction pénale à la clef) que d’occupation sans titre du domaine public par des occupants à titre économique, ce qui pose également des problèmes. In fine, on ne sera pas surpris que la commune ne puisse voir sa responsabilité engagée dans de telles circonstances.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Valenciennes

Résonance n° 190 - Avril 2023

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