Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales de septembre et octobre 2024.
Crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture. Le Conseil constitutionnel juge insuffisant le dispositif d’information des tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt.
Conseil constitutionnel - Décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024
Le Conseil constitutionnel juge contraires au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine certaines dispositions législatives relatives à la crémation des restes des défunts inhumés en terrain commun en cas de reprise de la sépulture par la commune.
En jeu, l’art. L. 2223-4 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), dans sa rédaction résultant de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit.
On sait que l’art. L. 2223-4 du CGCT impose, en cas de reprise d’une sépulture par la commune, de procéder à la réinhumation des restes exhumés dans un ossuaire aménagé ou à leur crémation. Les dispositions contestées de ce même article prévoient que la crémation peut être décidée par le maire "en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt".
Ces dispositions étaient critiquées pour ne pas prévoir d’obligation d’informer les proches du défunt inhumé en terrain commun en cas de reprise de la sépulture et dans le cas où le maire entend faire procéder à la crémation des restes exhumés, ce qui était de nature à les empêcher de faire connaître l’éventuelle opposition du défunt à la crémation.
Par sa décision, le Conseil constitutionnel invoque le Préambule de la Constitution de 1946 qui a réaffirmé et proclamé des droits, libertés et principes constitutionnels notamment que : "Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés".
Pour le Conseil constitutionnel, il en ressort que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle et que le respect dû à la dignité de la personne humaine ne cesse pas avec la mort. Le Conseil constitutionnel relève que la loi, afin d’assurer le respect dû à la dignité de la personne humaine, veille à ce que soit prise en compte la volonté exprimée de son vivant par le défunt pour régler le mode de sa sépulture.
Mais, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative ne prévoient, dans le cas où le défunt est inhumé en terrain commun, d’obligation pour le maire d’informer les tiers susceptibles de faire connaître son opposition à la crémation.
Le Conseil constitutionnel juge en conséquence que, "en l’absence d’une telle obligation d’information, les dispositions contestées ne permettent pas de garantir que la volonté attestée ou connue du défunt est effectivement prise en compte avant qu’il soit procédé à la crémation de ses restes. Elles méconnaissent ainsi le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine".
Le Conseil constitutionnel déclare ces dispositions contraires à la Constitution, mais précise que leur abrogation immédiate, et donc la suppression du texte aurait paradoxalement pour effet de permettre la crémation des restes exhumés lors de la reprise d’une sépulture malgré l’opposition connue ou attestée du défunt et entraînerait ainsi des conséquences manifestement excessives. Il juge en conséquence qu’il y a lieu de reporter au 31 décembre 2025 la date de cette abrogation.
En revanche, pour faire cesser l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la décision rendue, le Conseil constitutionnel juge que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le maire doit informer par tout moyen utile les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun.
Précision utile pour les praticiens, les mesures prises avant la publication de la décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
À retenir
Le Conseil juge inconstitutionnel le dispositif actuel d’information des tiers, il laisse jusqu’au 31 décembre 2025 au législateur pour adopter un texte suffisant : au-delà de cette date, le dispositif actuel sera abrogé.
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Me Philippe Nugue
Source : Conseil constitutionnel - Décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024
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