Le tarif du renouvellement anticipé d’une concession funéraire : comment le Gouvernement ne répond pas à une question.
Question écrite n° 02682, JO, S, Q 20 février 2025
Une parlementaire évoque la problématique, bien réelle, du renouvellement anticipé afin de, reprenons ses mots : "lever l’obstacle de l’interdiction d’ouvrir une sépulture dans un délai inférieur à 5 ans à compter de la dernière inhumation (art. R. 2223-5 du Code Général des Collectivités Territoriales – CGCT). Le maire conditionne alors la délivrance d’une autorisation d’inhumation au renouvellement préalable de la concession lorsque son échéance doit intervenir dans les 3 ou 5 ans (circulaire du ministre de l’Intérieur, 1er mai 1928) (QE AN n° 99572)".
Elle rappelle ensuite les principes de l’arrêt "Pujol" que nous expliciterons plus avant, en expliquant que cette solution applicable au renouvellement anticipé : "pose d’importantes difficultés dans la mesure où le tarif de renouvellement à l’échéance de la concession concernée n’est pas forcément connu, et que l’émission d’un titre de perception à l’expiration de la concession initiale et non à la date du renouvellement anticipé expose la commune à un risque de défaut de paiement".
On rappellera d’ailleurs que l’instruction n° 59-112 M01 du 23 juin 1959 (p. 4) prévoyait expressément que : "Le tarif applicable est celui en vigueur à la date où est passé l’acte de renouvellement."
Le Gouvernement lui répond alors que : "Dans cette situation, en l’absence de jurisprudence spécifique, les dispositions de l’art. L. 2223-15 du CGCT doivent être lues strictement. Le tarif applicable à un renouvellement anticipé de concession funéraire est donc celui qui est en vigueur à la date du renouvellement. Il appartient par ailleurs au maire, s’il l’estime opportun, d’inclure les dispositions relatives au renouvellement, y compris anticipé, des concessions funéraires au sein du règlement du cimetière."
Si nous avons déjà un peu de mal à comprendre la nature des difficultés évoquées par la parlementaire, nous avons encore plus de mal à comprendre la réponse du Gouvernement, où le tarif du renouvellement (anticipé) serait le tarif en vigueur à la date du renouvellement (oui, mais lequel ?) …
De quelle date peut-on bien parler : essayons d’y voir plus clair dans cette réponse nébuleuse…
Le renouvellement des concessions funéraires
Il faudra entendre sous ce terme de "renouvellement" la conclusion d’un nouveau contrat dans les 2 ans suivant l’échéance d’un contrat expiré. Le renouvellement est ainsi en fait un nouveau contrat. En revanche, les renouvellements anticipés sont des conversions, c’est-à-dire la modification d’une clause (la durée) d’un contrat existant, puisque, au moment du renouvellement anticipé, le contrat initial est toujours en vigueur. Dans la pratique, les deux termes sont souvent malencontreusement employés l’un pour l’autre.
Le renouvellement est d’ailleurs un droit, un droit contre lequel le maire ne peut s’opposer que pour des raisons tirées de l’ordre public, ainsi que l’atteste l’emploi de "sont" et de "peuvent user" par la loi.
Art. L. 2223-15 du CGCT
"Les concessions […] sont renouvelables au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement. À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé. Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires et leurs ayants cause peuvent user de leur droit au renouvellement."
Si le principe est clair, les modalités l’étaient moins, jusqu’à l’intervention de l’arrêt "Pujol" du 21 mai 2007 (req. n° 281615). Les faits de l’arrêt étaient les suivants : une famille a acquis, le 16 août 1960, dans le cimetière parisien de B…, une concession funéraire d’une durée de 30 ans. Cette concession expirait le 16 août 1990. La famille n’en sollicite le renouvellement que le 9 août 1992, soit au bout du délai de 2 années permis par l’article précité du CGCT.
Elle demande alors l’application du tarif en vigueur à la date d’échéance de la concession, et non celui en vigueur à la date du renouvellement effectif. La ville de P… refuse d’appliquer ce premier tarif, qui désormais n’a plus cours, et estime devoir appliquer celui en vigueur depuis le 1er juillet 1992 (au passage, ceci signifie que les 2 années accordées pour renouveler ne sont pas offertes et qu’en fait le nouveau titre délivré pour 30 ans s’est déjà vu consommer 2 années de sa durée). Le Conseil d’État désavoue l’Administration.
D’un strict point de vue pratique, par l’arrêt "Pujol", on est désormais fixé sur le sens de l’expression "au moment du renouvellement" au sens de l’art. L. 2223-15 du CGCT. Il faut bien entendre le moment où la concession arrive à son terme, et non le moment où le renouvellement a effectivement lieu. Comment l’emploi de cette expression, dans un tel contexte, par le Gouvernement pourrait-elle apporter un quelconque début de solution à la question posée par la parlementaire ?
D’un point de vue théorique, on soulignera néanmoins que la position du juge administratif est étonnante, puisque l’émission d’un titre de recette pour une période déjà écoulée et pour un tarif qui n’est plus en vigueur semble à tout le moins difficile. Il faut alors préciser que, d’un point de vue pratique, les communes devront dorénavant archiver les tarifs des concessions funéraires, puisque ceux-ci leur seront indispensables pour l’application du tarif de renouvellement. Il ne serait pas surprenant que certains comptables publics renâclent devant une telle pratique.
La solution : le renouvellement anticipé est une conversion
La conversion se définit comme l’allongement de la durée de la concession, soit au moment d’un renouvellement, soit en cours d’exécution d’un contrat de concession funéraire. Or, allonger le terme de la concession dont la durée est inférieure à 5 années constitue bien une telle opération.
Néanmoins, elle est littéralement subordonnée à l’existence de la catégorie demandée par la délibération ayant institué les différentes durées de concessions dans le cimetière. Le maire ne peut s’y opposer, la conversion est également un droit, à l’instar du renouvellement. En quelque sorte, nous sommes devant une nouvelle concession en fait sinon en droit (CE 12 janvier 1917, Deconvoux, Rec. CE, p. 38).
L’art. L. 2223-16 du CGCT dispose en effet que : "Les concessions sont convertibles en concessions de plus longue durée. Dans ce cas, il est défalqué du prix de conversion une somme égale à la valeur que représente la concession convertie, compte tenu du temps restant encore à courir jusqu’à son expiration."
Cette disposition entraîne 2 remarques
1 - Tout d’abord, peut-on convertir pour une durée plus courte ?
La lettre du texte nous invite à refuser une conversion pour une durée plus courte que celle initialement concédée. Néanmoins, nous avons déjà relevé que le Gouvernement semble autoriser des renouvellements de plus courte durée (QE n° 99572, publiée au JOAN Q le 4 octobre 2016 p. 7884). La lettre des dispositions du CGCT permet donc la conversion en cours d’exécution du contrat de concession. Seulement, cette conversion n’est possible qu’à la condition qu’il existe une durée de concession plus longue, puisque le texte ne vise la possibilité de la conversion que si une catégorie plus durable de concession existe.
Ainsi, à proprement parler, dans un cimetière où n’existerait, par exemple, qu’une seule durée de concession, la conversion serait impossible. C’est d’ailleurs ce que rappelle la question du parlementaire : "Ainsi, il est impossible pour une personne titulaire d’une concession limitative de la renouveler pour une même durée pendant la période de concession : elle doit soit la convertir en une concession plus longue, soit attendre la fin de la concession.
Cette situation est perçue injustement par les administrés qui ne disposent pas des moyens financiers suffisants pour convertir une concession limitative en une concession perpétuelle alors qu’ils ne souhaitent pas ou ne peuvent pas attendre la fin d’une concession, au regard des durées par nature très longues, pour la renouveler."
Le Gouvernement lui répond alors : "Rien ne semble s’opposer, dans le cadre du renouvellement anticipé exposé ci-dessus, à la possibilité de convertir une concession pour une durée plus courte que celle accordée par le contrat initial, même si, en l’état actuel de la réglementation, aucune disposition ne le prévoit expressément. Le Gouvernement souhaite engager une réflexion visant à clarifier le renouvellement des concessions funéraires pour une durée plus courte ou équivalente sans attendre la fin de celle-ci."
Ce passage est des plus intéressants, puisqu’il acte que, fondamentalement, renouveler de façon anticipée est en fait une conversion, mais surtout annonce que ce manque de clarté dans la rédaction des modalités de ces opérations de renouvellement et de conversion mérite une réécriture de ces dispositions.
L’opération serait aisée, puisqu’il suffirait de retoucher l’art. L. 2223-16 du CGCT pour venir préciser que les concessions sont convertibles en cours d’exécution pour toutes les durées prévues par l’art. L. 2223-14 du CGCT et instaurées par le conseil municipal. Quant à l’art. L. 2223-15, il suffirait cette fois de préciser que les concessions temporaires, les concessions trentenaires et les concessions cinquantenaires sont renouvelables pour n’importe laquelle des durées prévues à l’article L. 2223-14 du CGCT et adoptées par le conseil municipal au prix du tarif en vigueur au moment du renouvellement.
Nécessairement, ceci viendrait clarifier le statut du renouvellement anticipé lorsque la durée restant du titre de concession est inférieure au délai minimum d’inhumation de 5 ans.
2 - Le calcul de la conversion
Ici encore, il aurait dû être aisé pour le Gouvernement de répondre aux interrogations de la question parlementaire : Lorsque l’on convertit une concession, il reste au titre initial une certaine durée. Comme le CGCT prévoit expressément les durées des concessions funéraires, il est impossible d’ajouter le reliquat des années restant à courir au terme de la conversion. Nécessairement, on ampute donc la durée demandée des années qui restent à courir. Dans ce cas, il faut les rembourser au concessionnaire.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille
Résonance n° 215 - Mai 2025
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