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Évolutions législatives, jurisprudentielles et doctrinales de mai 2025.
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La défense des columbariums et des espaces cinéraires par la propriété intellectuelle : un arsenal juridique essentiel mais à la recevabilité stricte 
 
Il est constant que les aménagements paysagers et cinéraires des cimetières et autres sites funéraires peuvent faire l’objet des mécanismes de protection en lien avec la propriété intellectuelle, notamment par le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles.  

Ces droits permettent notamment d’empêcher que lesdits aménagements des sites funéraires ne soient reproduits ou copiés sans autorisation par d’autres sites funéraires dès lors qu’ils sont couverts pas des droits de propriété intellectuelle.  

Cependant, la mise en œuvre judiciaire de ces mécanismes est délicate et technique, ce qu’a appris la société SBT Columbarium à ses dépens.  

En effet, la société SBT Columbarium, spécialisée dans l’aménagement d’espaces cinéraires, avait assigné un artisan paysager funéraire pour d’une part, contrefaçon de son modèle de columbarium dénommé "Katrys" déposé à l’INPI en 2018 (par application des articles L. 521-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle) et d’autre part, pour contrefaçon de ses droits d’auteurs (sur le fondement de l’art. L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle) en raison de la copie de ses plans d’aménagement paysager cinéraire dont l’artisan se serait inspiré pour l’emplacement des allées et des stèles sur le cimetière qu’il a paysagé. 

La société SBT Columbarium sollicitait notamment des dommages et intérêts pour atteinte à ses droits de propriété intellectuelle et la cessation de l’exploitation des copies de ses plans d’aménagements paysagers. 

Par une décision en date du 15 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Lille a rendu une décision pédagogique qui illustre parfaitement les embûches juridiques dans la mise en œuvre de l’arsenal juridique de la propriété intellectuelle dans le domaine funéraire. 

En effet, s’agissant du premier fondement juridique invoqué en lien avec la contrefaçon du modèle Katrys, le défendeur a sans surprise répliqué aux demandes de la société SBT Columbarium en soulevant la nullité dudit modèle Katrys sur lequel se fondait cette action.  

Au soutien de sa demande en nullité, le défendeur soutenait que le modèle déposé en 2018 par la société SBT Columbarium n’était pas valable dès lors qu’il n’était pas nouveau et ne possédait pas de caractère propre au jour de son dépôt (conformément aux exigences des articles L. 511-3 et suivants du Code de la propriété intellectuelle). 

Le défendeur arguait notamment que le modèle déposé en 2018 n’était que la reprise d’un modèle déposé dès 2013 par le dirigeant de la société SBT Columbarium en son nom propre et qu’une telle antériorité détruisait la nouveauté du modèle déposée en 2018. 

Le tribunal judiciaire de Lille a fait droit à cette demande de nullité reconnaissant l’absence de nouveauté du modèle Katrys de 2018 et l’absence de renouvellement du modèle déposé par son dirigeant en 2013 et par conséquent l’absence de contrefaçon de modèles. En effet, plus de modèle, plus de contrefaçon. 

La juridiction a pris le soin de préciser que, même si le dépôt de modèle de 2013 était encore en vigueur au moment des faits, il eût été nécessaire d’apporter la preuve d’un contrat de cession des droits du dirigeant sur le modèle de 2013 au profit de la société afin de permettre l’action de cette dernière, ce qui n’était aucunement le cas en l’espèce.  

La décision du tribunal judiciaire de Lille est particulièrement didactique sur le second fondement juridique invoqué par la société SBT Columbarium en lien avec la contrefaçon de droit d’auteur. 

Face aux prétentions de la société requérante au titre de la contrefaçon de droit d’auteur, le défendeur a argué que la société SBT Columbarium n’établissait pas la preuve de l’originalité des dessins et plans d’aménagements du site cinéraire qui auraient été copiés par l’artisan paysager dans la création du second site funéraire.  

La société SBT Columbarium a répliqué que les photographies versées à titre de preuve suffisaient à établir l’originalité et à démontrer la copie servile des plans et aménagements initiaux et, par voie de conséquence, la contrefaçon des droits d’auteurs de la société sur lesdits plans et aménagements.  

Sur ce point, le tribunal de Lille a rappelé qu’il appartient à celui qui se prévaut d’une violation de ses droits d’auteur sur une œuvre originale de justifier de cette originalité, c’est-à-dire de faire la démonstration que l’œuvre revendiquée porte l’empreinte personnelle de son auteur résultant d’un travail créatif et de choix arbitraires. Cette condition est une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon de droit d’auteur qui nécessite une véritable démonstration et ne se déduit pas de la simple production de photographies de l’œuvre prétendument copiée.  

Faute pour le demandeur d’avoir suffisamment argumenté l’originalité des plans et aménagements paysagers cinéraires, la juridiction lilloise a débouté la société SBT Columbarium de sa demande en contrefaçon de droit d’auteur, sans même avoir besoin de trancher la question de la copie servile ou non des aménagements du second site. 

La juridiction a en l’espèce fait une application stricte des conditions de recevabilité d’une action en contrefaçon de droit d’auteur, sans avoir besoin d’étudier le bien-fondé de l’action initiée par la société SBT Columbarium (alors que celle-ci était peut-être bien victime de contrefaçon de ses droits d’auteur). La demanderesse ayant été déboutée de ses deux demandes en contrefaçon – de modèle puis de droit d’auteur – celle-ci a été condamnée aux dépens et au remboursement des frais de justice du défendeur.  

À retenir
Le droit d’auteur et le droit des dessins et modèles s'appliquent parfaitement à la protection des aménagements cinéraires et funéraires des cimetières. Cependant, la recevabilité des actions en contrefaçon sur la base de ces droits d'auteur et dessins et modèles requiert systématiquement que le demandeur apporte la preuve argumentée de la titularité de ses droits, ce qui fait l'objet d'une appréciation stricte de la part des tribunaux. 

 
Me Paul Brender
 
Source : TJ Lille, ch. 01, 15 nov. 2024, n° 22/06233. 

Résonance n° 215 - Mai 2025

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