Après avoir élargi en 2019 la possibilité de signer un certificat de décès aux médecins retraités et étrangers, ainsi qu’aux étudiants en médecine, le législateur était intervenu fin 2022 pour permettre, à titre expérimental, aux infirmiers de remplacer les médecins pour certains décès dans quelques régions tests. Cette expérimentation, élargie à l’ensemble du territoire en 2024, a été pérennisée en faisant son entrée dans le CGCT par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025. Cette pérennisation attendait cependant d’être complétée par ses règles de mise en œuvre, et c’est par 2 décrets en Conseil d’État datés du 22 avril 2025 que l’épilogue de cet élargissement a enfin été acté.
Un long monopole des médecins
Dans sa version antérieure au 3 juin 2019, l’alinéa 1er de l’art. L. 2223-42 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) disposait que "l’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat, établi par un médecin, attestant le décès". Il découlait de ces dispositions que seul un médecin en activité était compétent.
Cependant, le manque de médecins, en particulier dans les déserts médicaux, rendait l’attente insupportable pour les familles lorsqu’un décès survenait à domicile ou en EHPAD, en particulier la nuit et le week-end. Ces décès représentant environ 40 % des décès à l’échelle nationale.
Si quelques timides mesures, telles que l’augmentation en 2016 de la rémunération des médecins constatant un décès, ont été prises, celles-ci n’ont pas permis de réduire significativement les délais d’attente. C’est ainsi que le législateur est intervenu en 2019, débutant un lent élargissement à d’autres professionnels de santé.
Un premier élargissement insuffisant en 2019
Pour pallier le manque de médecins en activité, la loi du 24 juillet 2019 est venue modifier le premier alinéa de l’art. L. 2223-42 du CGCT, élargissant ainsi aux médecins retraités, aux étudiants en médecine et aux médecins étrangers la possibilité de signer un certificat de décès : "L’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat attestant le décès, établi par un médecin, en activité ou retraité, par un étudiant en cours de troisième cycle des études de médecine en France ou un praticien à diplôme étranger hors Union européenne (UE) autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine, dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins".
Mais ce n’est qu’un an plus tard, à la faveur de la crise sanitaire de la Covid-19, que les dispositions réglementaires seront adoptées par un décret du 18 avril 2020.
Et en tout état de cause, cet élargissement n’était pas de nature à donner la bouffée d’oxygène attendue. En effet, "il ne (pouvait) être fait appel, pour délivrer un certificat de décès, à un médecin retraité sans activité qu’en cas d’impossibilité pour un médecin en activité d’établir un tel certificat dans un délai raisonnable" (art. R. 2213-1-1-1 du CGCT). Quant aux étudiants en médecine et aux médecins étrangers hors UE, ceux-ci ne peuvent intervenir que "par délégation et sous la responsabilité du praticien maître de stage ou responsable de stage dont ils relèvent" (art. R. 2213-1-1-2 et R.2213-1-1-3).
C’est ainsi que l’élargissement aux infirmiers, solution qui suscitait l’opposition la plus farouche des médecins, a constitué une issue incontournable à cette situation d’engorgement qui n’avait que trop duré.
Le certificat de décès infirmier : une première phase expérimentale
Lancée par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 du 23 décembre 2022, l’expérimentation n’a en réalité pu commencer qu’avec le décret n° 2023-1146 du 6 décembre 2023 "déterminant les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation". D’abord circonscrite à 6 régions tests et rendue possible uniquement "en cas d’indisponibilité d’un médecin pour établir le certificat de décès dans un délai raisonnable", elle sera généralisée à l’ensemble du territoire par le décret n° 2024-375 du 23 avril 2024.
Cette possibilité ouverte aux infirmiers était cependant limitée et répondait à diverses conditions : infirmiers volontaires, diplômés depuis plus de 3 ans, inscrits à l’Ordre infirmier, disposant d’un tampon d’identification et ayant subi une formation spécifique. Quant aux décès, l’intervention de l’infirmier se limitait aux décès des personnes majeures survenus à domicile ou en EHPAD.
Un nouveau modèle de certificat de décès qui pressentait la pérennisation de l’expérimentation
Le 29 mai 2024 était pris un arrêté instaurant, à compter du 1er janvier 2025, un nouveau modèle de certificat de décès. Dans ce nouveau modèle, le mot "médecin" était remplacé par le mot "professionnel de santé". Si cette mise à jour constituait une mise en conformité avec l’expérimentation en cours, les enjeux d’une modification des modèles de certificat de décès, peu fréquentes en pratique (ndlr : les 2 précédentes modifications avaient eu lieu en 1996 et en 2017), sont relativement importantes : mise à jour des systèmes informatiques, impression des certificats papier vierges et distribution aux médecins.
De toute évidence, cette modification laissait entendre qu’une pérennisation de l’expérimentation était à venir.
La pérennisation de l’établissement du certificat de décès par les infirmiers
Ainsi que l’indique le ministère de la Santé dans un communiqué de presse du 29 avril 2025, l’expérimentation a rempli ses objectifs, qui étaient d’évaluer l’amélioration des délais de certification et la qualité des données renseignées. L’expérimentation a permis à 10 503 infirmiers d’établir 14 449 certificats de décès.
L’ensemble des textes relatifs à l’expérimentation et à sa mise en œuvre étaient cependant isolés et n’avaient pas été codifiés, marquant ainsi le caractère provisoire de ces mesures. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, du 28 février 2025 constitue le premier texte du processus conduisant à une modification d’un texte codifié : l’art. L. 2223-42 du CGCT.
Aux termes de son alinéa premier, issu de la loi du 28 février 2025 : "l’autorisation de fermeture du cercueil ne peut être délivrée qu’au vu d’un certificat attestant le décès, établi par un médecin, en activité ou retraité, par un étudiant en cours de troisième cycle des études de médecine en France ou un praticien à diplôme étranger hors UE autorisé à poursuivre un parcours de consolidation des compétences en médecine, dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil national de l’Ordre des médecins. Le certificat attestant le décès peut également être établi par un infirmier diplômé d’État volontaire, dans des conditions fixées par un décret pris après avis du Conseil national de l’Ordre des infirmiers".
Était ainsi couché dans le Code le caractère pérenne de l’expérimentation. Ne manquaient plus alors que l’adaptation des textes de la partie réglementaire et l’adoption de nouveaux articles permettant de définir les règles de mise en œuvre de l’intervention des infirmiers.
Ainsi, c’est par 2 décrets pris le même jour (décret n° 2025-370 du 22 avril 2025 relatif à l’établissement des certificats de décès et décret n° 2025-371 du 22 avril 2025 relatif aux conditions de l’établissement des certificats de décès par les infirmiers diplômés d’État) que ces nouvelles règles ont été posées. Le premier constat est que ces nouvelles règles ne diffèrent que peu de celles qui avaient été établies dans le cadre de l’expérimentation.
La nouvelle réglementation codifiée
À l’art. R. 2213-1-1-1, le terme "professionnel de santé" remplace l’ancienne énumération des personnes qualifiées pour établir un certificat de décès et a été supprimée l’expression "qu’en cas d’impossibilité pour un médecin en activité d’établir un tel certificat dans un délai raisonnable" faisant ainsi du médecin retraité non plus un simple supplétif des médecins en activité, mais un médecin certificateur à part entière.
En outre, trois articles ont été créés :
Art. D. 2213-1-1-4
I - Un infirmier volontaire peut établir un certificat de décès s’il remplit les conditions suivantes :
1° Être titulaire d’un diplôme d’État depuis au moins trois ans ;
2° Avoir validé la formation spécifique mentionnée à l’art. D. 2213-1-1-5 ;
3° Être inscrit sur la liste mentionnée à l’art. D. 2213-1-1-6.
Il peut établir les certificats de décès de personnes majeures, sauf :
1° Lorsque le décès est survenu dans un des lieux mentionnés à l’art. R. 2223-77 ;
2° Lorsque le caractère violent de la mort est manifeste ;
3° Dans les cas mentionnés à l’art. 81 du Code civil.
Dans ces cas, l’infirmier contacte un médecin ou les services d’aide médicale urgente pour établir le certificat de décès. Dès lors que l’infirmier a établi le certificat de décès, il est habilité à établir les certificats, attestations et documents qui sont consécutifs au décès et s’y rattachent directement, que les médecins peuvent établir en application de l’art. R. 4127-76 du Code de la santé publique.
II. - Lorsque l’infirmier ne parvient pas à établir seul les causes du décès, il fait appel, par tout moyen, à l’expertise d’un médecin, quels que soient le mode et le lieu d’exercice de ce dernier. Lorsqu’il dispose de ses coordonnées, l’infirmier ayant établi le certificat de décès à domicile informe le médecin traitant de la personne décédée du décès.
Lorsque le décès est survenu dans un établissement de santé ou un établissement ou service médico-social, l’infirmier en informe, selon les cas, le médecin coordinateur ou le médecin responsable ainsi que le directeur de l’établissement ou du service. L’infirmier transmet les données relatives aux causes du décès au médecin traitant.
Art. D. 2213-1-1-5
Pour établir les certificats de décès, l’infirmier volontaire suit une formation dont le contenu, la durée minimale et les modalités d’attestation sont fixés par arrêté du ministre chargé de la Santé.
L’attestation de formation est délivrée par un organisme de formation mentionné à l’art. L. 6351-1 du Code du travail, disposant de la certification mentionnée à l’art. L. 6316-1 du même Code. Elle est transmise, par l’infirmier, au conseil départemental ou interdépartemental de l’Ordre des infirmiers de son lieu d’exercice.
Art. D. 2213-1-1-6
À la réception de l’attestation mentionnée à l’art. D. 2213-1-1-5, le conseil départemental ou interdépartemental de l’Ordre des infirmiers vérifie que les conditions fixées au I de l’art. D. 2213-1-1-4 sont remplies. Il établit et met à jour la liste des infirmiers volontaires autorisés à établir des certificats de décès.
Le conseil national de l’Ordre des infirmiers diffuse, par tout moyen, la liste consolidée des infirmiers volontaires autorisés à établir des certificats de décès, laquelle est rendue publique.
Communiqué de presse du ministère de la Santé publié le 29 avril 2025 Après plus d’un an d’expérimentation, les autorités sanitaires pérennisent l’établissement des certificats de décès par les Infirmiers Diplômés d’État (IDE) Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, et Yannick Neuder, ministre chargé de la Santé et de l’Accès aux soins, consacrent de manière pérenne la possibilité pour les IDE salariés et libéraux d’établir le certificat de décès lorsqu’il survient au domicile ou en établissement de santé ou médicosocial. Jusqu’à présent, seuls les médecins étaient autorisés à rédiger les certificats de décès, une étape essentielle pour engager toutes les démarches funéraires, en particulier celles liées au transport du corps du défunt vers une chambre funéraire. Certaines familles peuvent ainsi faire face à des délais d’attente parfois importants avant d’obtenir le certificat de décès. Une revalorisation de la profession des infirmiers et un meilleur accompagnement des familles endeuillées L’expérimentation mise en place sur l’ensemble du territoire, dans le cadre de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale (LFSS) pour 2023, visait à évaluer la faisabilité et l’acceptabilité par les IDE d’établir des certificats de décès ainsi que les conséquences sur l’amélioration des délais de certification et sur la qualité des données renseignées. Elle a permis à 10 503 IDE volontaires et formés d’établir 14 449 certificats de décès de personnes majeures décédées à leur domicile, en établissement de santé ou médicosocial. En élargissant cette compétence aux IDE, les autorités sanitaires permettent ainsi de réduire les délais d’attente imposés aux familles, afin de pouvoir engager les démarches funéraires dans les meilleurs délais, et d’accompagner pleinement les proches des personnes décédées dans le deuil. L’établissement des certificats de décès par les IDE sera rémunéré de la même manière que lors de la phase d’expérimentation. Des conditions d’exercice pour encadrer cette nouvelle compétence Seuls les IDE volontaires, inscrits à l’Ordre, diplômés depuis plus de 3 ans et ayant suivi une formation comportant une partie obligatoire de 12 heures et une partie optionnelle de 3 heures délivrées 3 mois après la formation pourront établir et signer les certificats de décès de personnes majeures. Les décès survenus sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public, les situations de mort violente ainsi que les décès de personnes mineures sont exclus du dispositif. La certification par voie électronique également ouverte aux IDE Comme les médecins, quel que soit leur mode d’exercice (ville, hôpital, établissement médicosocial), les IDE pourront établir les certificats de décès via l’application CertDc. L’utilisation de cet outil permet de faire remonter plus rapidement les données de santé relatives aux causes et circonstances de décès aux agences sanitaires pour qu’elles assurent leurs missions de veille et de surveillance sanitaire. Elle facilite également l’établissement des statistiques sur les causes de décès par l’INSERM. "En permettant aux IDE d’établir les certificats de décès, nous répondons à une attente forte des familles et des professionnels. Cette mesure contribue à fluidifier les démarches en période de deuil, tout en valorisant les compétences et l’engagement des infirmiers au sein de notre système de santé. Elle s’inscrit pleinement dans notre volonté de moderniser l’organisation des soins, de mieux répartir les responsabilités entre les acteurs de santé, et d’assurer une continuité de service". déclarent Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, et Yannick Neuder, ministre de la Santé et de l’Accès aux soins. https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/art./apres-plus-d-un-an-d-experimentation-les-autorites-sanitaires-perennisent-l |
Me Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 215 - Mai 2025
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