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Ce jugement permet de rappeler la nature juridique des frais d’obsèques auxquels les créanciers alimentaires sont tenus.


Tribunal judiciaire de Poitiers, 4 avril 2025, RG n° 24/01641

Le litige se présentait ainsi : Mme G décède en laissant 2 héritiers, 1 garçon et 1 fille. Cette fille organise alors les obsèques de sa mère et réclame par la suite à son frère 1 455,64 €, ce qui correspond à la moitié des frais engagés par elle. Or, celui-ci fait la sourde oreille. Elle saisit donc le tribunal judiciaire de Poitiers pour obtenir ce remboursement.

Il est à ce stade important de mentionner qu’elle était renonçante à la succession de sa mère, et que ses revenus étaient moins élevés que ceux de son frère. Celui-ci soutient alors qu’il n’est pas contre le fait de payer, mais il reproche à sa sœur de ne pas avoir fait "jouer la concurrence", trouvant le montant "exorbitant". Ce reproche est facilement écarté par le juge, mais ce jugement nous intéressera surtout pour le rappel de la nature juridique des frais funéraires.

La nature juridique des frais d’obsèques

Naturellement, l’acceptation d’une succession entraîne normalement le paiement des frais funéraires, puisque l’on accepte tant l’actif que le passif. On relèvera d’ailleurs que, si l’on sait que madame était renonçante à cette succession, le jugement est muet quant à la situation du frère. Néanmoins, ceci importe peu dès lors qu’en droit ce renoncement à la succession ne vous permet pas d’éviter ce paiement.

En effet, l’art. 806 du Code civil, issu de la loi n° 728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités, dispose en effet que : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession ; toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce."

Il faut aussi préciser que, corollairement, le nouvel art. 784 du Code civil prévoit alors que le paiement de ces frais ne vaut pas acceptation tacite de la succession : "Les actes purement conservatoires ou de surveillance et les actes d’administration provisoire peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession, si le successible n’y a pas pris le titre ou la qualité d’héritier. Tout autre acte que requiert l’intérêt de la succession et que le successible veut accomplir sans prendre le titre ou la qualité d’héritier doit être autorisé par le juge.

Sont réputés purement conservatoires : 1° Le paiement des frais funéraires et de dernière maladie, des impôts dus par le défunt, des loyers et autres dettes successorales dont le règlement est urgent." Ceci signifie plus simplement que le paiement de ces frais ne veut pas dire que l’on accepte la succession. De surcroît, l’art. 205 du Code civil énonce que : "Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin."

Ces principes sont en substance rappelés par le juge dans cette affaire : "Concernant le paiement des frais d’obsèques, l’art. 205 du Code civil en fait une obligation alimentaire et précise que les frais funéraires doivent être payés par tous les héritiers de la personne décédée et qu’ils sont répartis en proportion de la valeur de ce que chacun recueille dans la succession.

L’art. 806 du même Code précise que le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession, toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce."

Ainsi, après avoir relevé que ces 2 enfants sont bien les seuls héritiers, le juge en conclut que : "Au titre de leur obligation alimentaire, Monsieur (U) (R) et Madame (J) (R) sont donc tenus au paiement des frais d’obsèques de leur mère." Le frère devra donc s’acquitter de la somme demandée.

L’existence d’une exception : le comportement du défunt vis-à-vis du créancier alimentaire

La seule exception aux principes que nous avons rappelés ci-avant est celle du comportement du défunt vis-à-vis de ses créanciers alimentaires. En effet, il a déjà été jugé (Cass. 1re civ., 31 mars 2021, n° 20-14.107, FS-P) que, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire.

Ainsi, si le débiteur de la dette alimentaire est tenu à son paiement (dès lors qu’il n’est pas dépourvu de ressources suffisantes), cette obligation est de surcroît subordonnée au comportement du créancier. La cour recherche alors si le comportement du défunt permet de libérer le fils de son obligation : "Qu’il résulte des attestations produites par M. I que R. X. n’a jamais cherché à entrer en contact avec son fils ou à lui donner de ses nouvelles, qu’il s’est désintéressé de celui-ci et s’est abstenu de participer à son entretien et à son éducation, ce qui constitue un comportement gravement fautif envers lui."

La cour décharge donc l’enfant de son obligation alimentaire de paiement des frais d’obsèques. Il ne restera plus alors à la société de pompes funèbres qu’à en demander le paiement à la commune, car la reconnaissance de l’impossibilité de réclamer le paiement au fils doit nécessairement qualifier le défunt de "personne dépourvue de ressources suffisantes" et justifier le paiement de ces frais par la commune…
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 216 - Juin 2025

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