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Voici ici commentées 3 jurisprudences relatives à la gestion du cimetière et à des sujets assez peu abordés. Il y sera tout d’abord question du manque de place permettant de refuser une concession dans le cimetière, puis du respect impératif de l’espace entre les tombes et enfin de l’impossibilité pour un maire d’interdire le scellement d’une urne sur un monument funéraire…


I - Droit à concession et manque de place dans le cimetière : il faut le justifier 

Tribunal administratif (TA) de Paris, 24 juin 2025, n° 2224521

Les faits sont usuels : il s’agit d’un refus d’octroyer une concession funéraire dans le cimetière du Montparnasse émanant de la Ville de Paris afin d’y inhumer des cendres. On rappellera rapidement que l’art. L. 2213-13 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) relatif à la délivrance des concessions ne mentionne pas quelles sont les personnes qui ont le droit d’en obtenir une dans le cimetière.

Il est donc possible d’obtenir une concession funéraire dans le cimetière d’une commune alors même que l’on n’a aucun droit à y être inhumé. Le juge interdit d’ailleurs de réserver les concessions aux seuls habitant de la commune (TA Orléans, 31 mai 1998 Cortier : Juris-data n° 1988-051006).

Le juge administratif acceptera d’ailleurs d’indemniser le préjudice tant matériel que moral naissant du refus d’octroi d’une concession funéraire (CAA Marseille 20 mai 1998, Commune de Saint-Étienne du Grès, req. n° 96MA00906).

Il apparaît alors que les 2 motifs valables pour refuser à une personne qui en fait la demande une concession funéraire quand bien même elle ne serait pas domiciliée sur le territoire de la commune et sous réserve bien sûr que le conseil municipal ait permis l’octroi de ces concessions, soient tout d’abord le manque de place dans le cimetière (CE 5 décembre 1987, Commune de Bachy c/Mme Saluden-Laniel, AJDA 1998, p. 258, conclusions Piveteau, précité) et ensuite que le second soit l’absence de tout lien du défunt avec la commune.

Les deux motifs peuvent d’ailleurs s’entremêler, ainsi que le rappelle la reprise du considérant suivant repris de la jurisprudence du Conseil d’État (CE 25 juin 2008, Consorts Schiocchet, req. n° 297914) par le tribunal administratif : "3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l’autorité municipale, chargée de la gestion du cimetière, se prononce sur une demande de concession funéraire, elle peut prendre en considération un ensemble de critères parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession sollicitée au regard de celle du cimetière ou encore les liens du demandeur avec la commune".

Le TA nous rappelle alors la réglementation locale parisienne : "Aux termes de l’art. 29 de l’arrêté municipal du 1er juin 2005 portant règlement général des cimetières de la Ville de Paris […] : les concessions sont attribuées en fonction des disponibilités de chaque cimetière et du plan de gestion des sites défini par la Ville de Paris. Une liste d’attente peut également être établie dans chaque cimetière où, du fait de circonstances momentanées et du plan de gestion des cimetières, le nombre de terrains disponibles le justifie. Le maire, ou son représentant qualifié, en informe les demandeurs".

C’est justement cette question du manque de place qui fonda le refus de la concession. Or, en la matière, il faudra, en cas de recours contre cette décision de refus, justifier que la place vient réellement à manquer : "4. Pour refuser d’accorder une concession funéraire à M. B au cimetière du Montparnasse, la Ville de Paris s’est fondée sur la circonstance tirée de ce que la commune ne disposait pas d’emplacement disponible à la date du décès de Mme C, le 23 mai 2021, ni à la date de la demande de M. B le 28 mai 2022, et de ce que la crémation de Mme C ne la contraignait pas à une inhumation immédiate.

Si la Ville de Paris n’octroie des concessions funéraires que sur décès, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’elle ne disposait effectivement pas de places disponibles à la date de la décision litigieuse, ne permettant pas ainsi de remettre en cause les éléments présentés par le requérant faisant état de plusieurs inhumations durant la période au cours de laquelle il a présenté sa demande. Par suite, M. B est fondé à soutenir que la décision du 26 septembre 2022, par laquelle la Ville de Paris a rejeté sa demande d’acquisition d’une concession funéraire au cimetière du Montparnasse, est entachée d’illégalité".

On constate que le juge contrôle étroitement le bien-fondé des motifs de refus. Il est d’ailleurs impossible de discriminer entre les sépultures des cendres et celles devant accueillir des corps. En vertu de la position ancienne de la jurisprudence administrative, les maires ne disposent pas de pouvoirs discrétionnaires dans l’attribution des concessions funéraires. C’est-à-dire qu’il ne saurait y avoir de fait du prince ni de critères subjectifs résultant d’une volonté politique.

Nous sommes dans le cadre de missions d’intérêt général et plus précisément de service public, de sorte que la règle est celle de l’égalité de traitement dans le cadre de situations juridiques équivalentes. 2 arrêts fondamentaux limitent les motifs légaux de refus de concession aux seuls motifs de police municipale ou de trouble à l’ordre public et de manque de place dans le cimetière (CE, 25 novembre 1921, Dame Niveleau, Guibert et autres, Rec. CE 274, Sirey 1923, concl. Corneille p. 17, note M. Hauriou- CE, 27 avril 1923, Sieur Trottereau-Bertholot, Rec. CE p. 366).

En revanche, le maire a le libre choix de l’emplacement exact de la concession funéraire (CE, 28 janvier 1925, Valès, Rec. CE p. 93). Or, en l’espèce, il ne ressort pas de l’analyse de la situation que la place manque réellement…

II - L’espace entre les sépultures est un impératif !

Cour administrative d’appel, Nantes 13 juin 2025, n° 24NT00876

En 2008, les époux C... ont fait inhumer leur fils dans le cimetière communal d’Essé. Le 17 septembre 2021, un caveau a été creusé au pied de la tombe de leur fils. Estimant que la distance séparant les 2 tombes était insuffisante, ils ont pris l’attache de la commune, qui les a informés, par un courrier du 20 janvier 2022, que des travaux seraient réalisés au cours de l’année 2022 pour ménager un espace plus important entre les 2 monuments funéraires. Ils ont demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler les décisions du maire d’Essé accordant une concession funéraire à une distance trop proche de la leur.

Cet arrêt est l’occasion de nous rappeler que l’aménagement du cimetière obéit à des prescriptions fixées par le CGCT auxquelles on ne peut déroger. Il faut en effet relever que l’art. R. 2223-4 du CGCT précise que les fosses doivent être distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds.

Le juge prend d’ailleurs soin de rappeler que cette réglementation, qui se situe dans la partie "dispositions générales" du CGCT, s’applique aussi bien aux sépultures en terrain commun qu’à celles en terrain concédé. Certes, la notion de "fosse" semble plutôt renvoyer au terrain commun, mais le juge amalgame très souvent les 2 notions et, par le passé, il en fut déjà ainsi pour le passage intertombal (CE 17 janvier 2001, commune de Massels, n° 334156, ; JCP A 2011, n° 2142, note Dupuis).

On rappellera également les dispositions de l’art. L. 2223-13 CGCT selon lequel : "Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnés ci-dessus est fourni par la commune".

Cette expression : "fourni par la commune" indique bien que ces espaces appartiennent à la commune et non aux particuliers. Ils appartiennent donc également au domaine public communal, depuis que le Conseil d’État, dans son célèbre arrêt "Marécar" de 1935 (Rec. CE, p. 734), a qualifié comme tels les cimetières en raison de leur affectation à l’usage direct du public.

Il est de surcroît un ouvrage public (CE 12 décembre 1986 : Rec. CE, p. 429 ; AJDA 1987, p. 283). Ainsi, par le passé, il fut jugé que ces espaces ne devaient pas être encombrés : "qu’il résulte de ces dispositions qu’un passage d’une largeur minimum réglementaire doit être ménagé entre les tombes ou les concessions ; que ces espaces intertombes ou interconcessions font partie du domaine public communal et sont insusceptibles de droits privatifs ; qu’il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police des cimetières, d’empêcher tout empiètement sur ces espaces".

(CAA de Marseille Commune de Cabestany n° 07MA01011, cahier juridique des collectivités territoriales, juin-juillet 2009, p. 26, note Dupuis). Dans l’arrêt "commune de Cabestany", un usager obtint une injonction assortie d’une astreinte, obligeant le maire à prendre un arrêté demandant la destruction d’une margelle irrégulièrement édifiée dans cet espace.

Il est de plus courant que le règlement de cimetière impose que ces espaces soient traités par les concessionnaires. Il est assez commun que les communes instituent à leur profit de telles servitudes sur ces terrains, en y obligeant au gré des circonstances locales soit les concessionnaires à y poser une semelle, soit en les obligeant à recouvrir cet espace d’un quelconque matériau, en en excluant toutefois en général tout ce qui pourrait favoriser les chutes.

Ainsi, la décision du maire d’implantation à moins de 30 cm d’une autre concession est annulée.

III - On ne peut pas interdire le scellement d’une urne !

Tribunal administratif de Dijon, 24 juin 2025, n° 2301891

Le 20 mai 2019, Mme A a demandé au maire de Dirol l’autorisation de sceller, le moment venu, l’urne funéraire contenant ses propres cendres sur le caveau pour lequel sa famille dispose d’une concession dans le cimetière de Dirol. Le maire de Dirol a rejeté cette demande par une décision du 1er mars 2021. Le 4 novembre 2022, l’intéressée a présenté une demande similaire que le maire de Dirol a une nouvelle fois rejetée le 19 décembre 2022. Mme A demande au tribunal d’annuler ces décisions du 1er mars 2021 et du 4 novembre 2022.

On sait que la destination des cendres dans le site cinéraire ou le cimetière est réglée par l’art. L. 2223-18-2 du CGCT : "À la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, les cendres sont en leur totalité :
- soit conservées dans l’urne cinéraire, qui peut être inhumée dans une sépulture ou déposée dans une case de columbarium ou scellée sur un monument funéraire à l’intérieur d’un cimetière ou d’un site cinéraire visé à l’art. L. 2223-40 ".

Tandis que l’art. R. 2213-39 du CGCT énonce que : "Le placement dans une sépulture, le scellement sur un monument funéraire, le dépôt dans une case de columbarium d’une urne et la dispersion des cendres, dans un cimetière ou un site cinéraire faisant l’objet de concessions, sont subordonnés à l’autorisation du maire de la commune où se déroule l’opération".

Prohibé jusqu’au décret du 20 juillet 1998, le scellement d’une urne sur un monument funéraire est, depuis, autorisé et est analysé comme une inhumation, même si aucune décision de jurisprudence ne vient corroborer la position de l’Administration (Rép. min. n° 30827, JOAN Q 30 août 1999, p. 5178). Dès lors il est assez logique que le Gouvernement précise qu’il ne peut être fait que par un opérateur habilité (Rép. min. n° 64641, JOAN Q du 30 mars 2015).

Ainsi, cette réponse prend position sur le fait que le scellement d’une urne équivaudrait donc, dans le silence du juge, à une inhumation et emporterait les mêmes autorisations. Néanmoins, ce n’est qu’une réponse ministérielle qui ne possède en tant que telle aucune force juridique. Ainsi, il est tout à fait possible pour un maire de ne pas assimiler le scellement à une inhumation et d’opter pour un régime juridique sui generis.

Néanmoins, nous recommandons vivement d’appliquer à ce scellement l’intégralité de la réglementation relative aux concessions funéraires. Il sera par exemple impossible de sceller l’urne d’un défunt ne disposant pas du droit à inhumation dans cette concession. Dès lors, le règlement du cimetière devrait expliquer en quoi consiste cette opération non décrite par le CGCT.

Il importera donc d’en préciser les modalités, afin de s’assurer de la pérennité de la solidarité entre l’urne et le monument funéraire ; en effet, ceci constitue sans doute la sépulture la plus aisément sujette à la profanation, car desceller sera nécessairement constitutif d’une violation de sépulture. Le règlement devrait, à notre sens, être très "prescriptif" quant aux modalités techniques de cette opération afin d’empêcher des procédés trop fragiles de fixation.

Il pourra imposer que l’opération se fasse avec décence et soit surveillée par du personnel communal. Cette surveillance obligatoire devrait dissuader les scellements "sauvages" sans autorisation, elle permettra de surveiller que l’opération est menée avec des matériaux et des dispositifs de fixation appropriés. On pourra aussi vérifier que ce scellement se fait à un endroit qui ne gêne pas le passage ou n’est pas dangereux pour les usagers du cimetière.

Néanmoins, si ce scellement doit être organisé, il ne peut être interdit de façon générale et absolue, comme en l’espèce par le règlement du cimetière. Le juge rappelle qu’il est donc impossible d’interdire une opération autorisée par le Code. Le maire doit justifier un refus de scellement pour des motifs tirés du respect de l’ordre public.

En effet, ce règlement qui n’est rien d’autre qu’un arrêté de police administrative, doit en respecter les modalités, parmi lesquelles le principe est que la mesure de police doit être nécessaire. La restriction posée par la mesure de police doit être proportionnée aux faits qui l’ont motivée. Une mesure de police disproportionnée aux faits qu’elle entend circonvenir ne pourra être qu’illégale.

Le corollaire en est que les mesures de police ne doivent être ni générales ni absolues. Enfonçons le clou : il est possible d’interdire ponctuellement quelque chose qui est autorisé, comme le scellement, s’il existe des circonstances locales perturbant l’ordre public, mais il est impossible pour un maire d’interdire une opération funéraire par principe dès lors que celle-ci est autorisée par la réglementation nationale ou la législation, même en invoquant, nous dit le juge, "un hypothétique risque de vandalisme. Risque dont il lui appartient au demeurant, dans l’exercice des pouvoirs de police et de surveillance du cimetière, de se prémunir.

Il ne peut pas davantage refuser l’autorisation de sceller des urnes funéraires sur des monuments funéraires au motif qu’il aurait précédemment rejeté de telles demandes ou en se fondant sur la circonstance que des personnes, en application du règlement du cimetière – pris en méconnaissance des articles L. 2223-18-2 et R. 2213-39 du CGCT - auraient pour leur part investi dans des monuments funéraires spécifiques".

Enfin, pour en revenir à notre jugement, la requérante n’obtient pas satisfaction et ne peut sceller son urne, car le juge estime qu’une telle demande ne peut être faite du vivant du fondateur en reprenant une lecture littérale et maximaliste, voire sujette à la critique, de la qualité du demandeur comme ne pouvant être que la personne qui a qualité aux funérailles…
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 217 - Juillet 2025

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