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Nous avons déjà évoqué (Résonance janvier 2025) le concept des biens de retour en droit funéraire. La jurisprudence la plus récente nous invite à y revenir à l’occasion d’un conflit entre une commune et un casinotier. Si indubitablement l’objet de ce contentieux n’a rien à voir avec le droit funéraire, la solution qui en est dégagée y est parfaitement transposable.


Conseil d’État 17 juillet 2025, n° 503317 Cne Berck-sur-Mer 

En l’espèce, un bâtiment abritant le casino est la propriété d’une société A, qui l’a acquis auprès de la commune en vue de l’aménager pour pouvoir exploiter le futur casino et qui le loue à la société B, dont elle détient l’intégralité du capital, par l’effet d’un bail commercial dont les stipulations prévoient expressément que l’activité exercée dans le bâtiment est l’exploitation d’un casino et des services associés.

Le juge énonce alors que : "la circonstance que le bâtiment du casino n’était pas la propriété du concessionnaire ne faisait pas obstacle à ce qu’il fasse retour à la commune au terme de la convention". Cette affirmation n’est pas sans importance en matière de Délégation de Service Public (DSP) accordée en matière funéraire.

Le bien de retour : quelques rappels

À compter du moment où existe un service public, à l’égal du service extérieur des pompes funèbres (art. L. 2223-19 du CGCT) ou du service public de la crémation, il est souvent possible d’en confier la gestion à une personne privée. Il se pose alors la question des biens nécessaires à l’exécution de ce service public délégué et il existe alors un régime spécifique des biens immobiliers qui doivent alors être distingués en plusieurs catégories (art. L. 3132-4 Code de la commande publique) dont celle des biens de retour, qui sont : "Les biens, meubles ou immeubles, qui résultent d’investissements du concessionnaire et sont nécessaires au fonctionnement du service public sont les biens de retour. Dans le silence du contrat, ils sont et demeurent la propriété de la personne publique dès leur réalisation ou leur acquisition".

Parallèlement il peut exister également des biens de reprise qui sont "Les biens, meubles ou immeubles, qui ne sont pas remis au concessionnaire par l’autorité concédante de droit public et qui ne sont pas indispensables au fonctionnement du service public sont les biens de reprise. Ils sont la propriété du concessionnaire, sauf stipulation contraire prévue par le contrat de concession" ; et des biens propres qui sont : "les biens qui ne sont ni des biens de retour, ni des biens de reprise, sont des biens propres. Ils sont et demeurent la propriété du concessionnaire".

Il faut d’ailleurs remarquer que pour le juge, cette notion de biens de retour n’est pas soumise à la volonté des parties. Le juge pourra toujours les requalifier dès lors que ces biens sont nécessaires au fonctionnement du service public (CE, ass., 21 décembre 2012, n° 342788, Cne Douai).

L’origine de propriété des biens de retour

Or ces biens peuvent avoir été réalisés ou financés par le délégataire : Il peut tout d’abord s’agir de biens acquis par le concessionnaire antérieurement à la conclusion de la concession. Le juge accepte qu’il en soit ainsi dès lors que le contrat les affecte explicitement au fonctionnement du service public (CE, sect., 29 juin 2018, n° 402251, min. Intérieur c/ Communauté de cnes Vallée de l’Ubaye).

À la fin du contrat, ils appartiendront néanmoins à la personne publique délégante.

Les biens de retour peuvent également avoir été réalisés sur le terrain d’une personne publique. Dans cette hypothèse, le bien étant affecté au service public et aménagé pour le permettre, il appartient indubitablement au domaine public de la collectivité concédante. Ainsi, un crématorium construit par un délégataire sur un terrain public appartiendra au domaine public de la personne publique dès son entrée en fonction.

Enfin, les biens de retour peuvent avoir été réalisés sur le terrain d’une personne privée à l’occasion du contrat. Le principe est alors qu’ils appartiennent dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique (Cne Douai, précité) sans attendre la fin du contrat de concession (CE, 28 nov. 1984, min. Budget c/ Sté des autoroutes du sud de la France : Lebon T., p. 563).

Pendant la durée de la convention de délégation, le délégataire bénéficie alors d’un droit exclusif de jouissance de ces biens (CE, 25 mai 1906, min. Commerce c/ Cie des Chemins de fer d’Orléans : S. 1908, III, p. 65, M. Hauriou). Le contrat peut également prévoir que le concessionnaire disposera d’un droit de propriété sur l’ouvrage pendant la durée du contrat : "sous réserve de comporter les garanties propres à assurer la continuité du service public, notamment la faculté pour la personne publique de s’opposer à la cession, en cours de délégation, de ces ouvrages" (Cne Douai, précité).

Néanmoins, à la fin de ce contrat, ils feront "retour" gratuitement à la collectivité. Ce terme de "retour" est ambigu car le bien n’a jamais appartenu avant la fin du contrat à la personne publique. Si nous gardons notre exemple de crématorium, il s’agirait du cas où le délégataire a fait construire sur un terrain lui appartenant cette installation. Celle-ci fera retour à la personne publique dès le terme du contrat de DSP.

Le bien de retour peut ne pas appartenir au délégataire

Cet arrêt est important dans la mesure où il étend ce régime juridique. En principe, les règles relatives aux biens de retour (CE, sect., 29 juin 2018, n° 402251, ministre de l’Intérieur, Lebon avec les concl. ; AJDA 2018. 1656) ne trouvent pas à s’appliquer aux biens qui sont la propriété d’un tiers au contrat de concession, quand bien même ils seraient affectés au fonctionnement du service public et nécessaires à celui-ci.

Le juge crée donc une notable exception : "il en va différemment dans le cas où, d’une part, il existe des liens étroits entre les actionnaires ou les dirigeants du propriétaire du bien et du concessionnaire, lesquels permettent de regarder l’un comme exerçant une influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de l’autre ou de regarder l’un et l’autre comme étant placés sous le contrôle d’une même entreprise tierce et, d’autre part, le bien, exclusivement destiné à l’exécution du contrat de concession, a été mis par son propriétaire à la disposition du concessionnaire pour cette exécution".

Le recours à des montages où l’on tenterait d’éviter l’application de ce dispositif en dissociant l’exploitant du service public et la propriété des immeubles où ce service s’exécuterait est donc désormais expressément prohibé.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 218 - Août 2025

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