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Voici une réponse ministérielle peu inspirée où un parlementaire interroge de nouveau le Gouvernement sur la problématique des sacs à ossements employés lors des exhumations administratives par les communes. En conséquence, la réponse revient sur le délicat sujet des différentes définitions de contenants des restes mortels. Le ministre lui répond alors…


Réponse ministérielle n° 05296, JO, S, Q 21 août 2025

"Il est constant que la "boîte à ossements", tout comme le "cercueil de dimensions appropriées", ne font l’objet d’aucune définition juridique ou pratique précise. Ces contenants ne sont donc pas réglementés. S’agissant du rattachement à ces notions des "sacs à ossements", auxquels recourent fréquemment les opérateurs funéraires ou les collectivités locales lors d’opérations d’exhumation, le Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF) a eu l’occasion d’examiner cette question.

Ses membres ont conclu que, parmi ces différents équipements, le recours à un "sac à ossements" ne pouvait être exclu par principe, dans la mesure où le droit en vigueur n’interdit pas d’y avoir recours, et sous réserve d’une manipulation des restes exhumés dans les principes de "respect, dignité, décence" dus aux restes mortels par application de l’art. 16-1-1 du Code civil.

Tout "sac à ossements", "boîte à ossements" ou "cercueil de dimensions appropriées" qui permet le recueil des restes exhumés dans le respect de ces principes ne présente donc pas d’incompatibilité avec le droit en vigueur. Le Gouvernement n’envisage donc pas de modifier l’art. R. 2223-20 du CGCT."

Ainsi, il n’existerait aucune définition du "cercueil de dimensions appropriées", pas plus que de la "boîte à ossements" (souvent en pratique dénommée "reliquaire") et puisqu’il n’existe aucune définition de la boîte à ossements, c’est que le "sac à ossements" peut en faire office. Est-ce vraiment aussi simple ? Nous ne le pensons pas.

Une malencontreuse discordance

Il faut rappeler que l’exhumation à la demande des familles est prévue par l’art. R. 22213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), et que, dans le cadre précis de cette opération, l’art. R. 2213-42 du CGCT vient à fixer les modalités de cette exhumation en venant préciser en son quatrième alinéa que : "Lorsque le cercueil est trouvé détérioré, le corps est placé dans un autre cercueil ou dans une boîte à ossements." 

En revanche, en ce qui concerne les exhumations administratives, l’art. R. 2223-20 du CGCT, qui vient régir les conditions d’une exhumation survenant dans le cadre de la procédure des reprises de concessions en état d’abandon (mais qui est extrapolable à tous types d’exhumations administratives), nous expose en son dernier alinéa qu’une fois les restes exhumés, ils doivent être "réunis dans un cercueil de dimensions appropriées". Il existe donc une discordance (en tout cas des termes) quant à la dénomination du contenant des restes mortels en fonction de la nature de l’opération réalisée.

Pratiquement, et il nous semble important de le rappeler, on doit remarquer que normalement, lorsqu’on procède à une exhumation à la demande des familles, on n’exhumera qu’un seul corps à la fois le plus souvent, alors que, lors d’une exhumation administrative suite à reprise de la sépulture, il peut y avoir les restes de plusieurs défunts. Il nous faut donc nous atteler à essayer de définir chacun de ces contenants.

Qu’est-ce qu’un cercueil ?

Nous savons parfaitement ce qu’est juridiquement un cercueil.

L’art. R. 2213-25 du CGCT dispose en effet que : […] "le corps est placé dans un cercueil muni d’une cuvette d’étanchéité respectant des caractéristiques :
1° De résistance ;
2° D’étanchéité ;
3° De biodégradabilité lorsqu’il est destiné à l’inhumation ou de combustibilité lorsqu’il est destiné à la crémation afin de protéger l’environnement et la santé.

Ces caractéristiques sont définies par arrêté des ministres chargés de la Santé et de l’Environnement, pris après avis de l’Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’Environnement et du travail (ANSES) et du CNOF.

L’arrêté a bien été pris : il s’agit de l’arrêté du 20 décembre 2018 pris en application des articles R. 2213-25 et R. 2213-25-1 du CGCT, définissant les caractéristiques applicables aux cercueils et fixant les modalités de vérification de ces caractéristiques.

Tandis que l’art. R. 2213-20 du même Code nous rappelle que : "Le couvercle du cercueil est muni d’une plaque où est portée, par un procédé garantissant le caractère durable de ces mentions, l’indication de l’année de décès et, s’ils sont connus, de l’année de naissance, du prénom, du nom de famille et, s’il y a lieu, du nom d’usage du défunt."

Le CGCT nous explique donc parfaitement ce qu’il faut entendre par cercueil au-delà de l’usage du terme dans le langage commun.

Cercueil de dimensions appropriées et boîte à ossements : un synonyme ?

Le ministre affirme, faut-il le rappeler, qu’"il est constant que la "boîte à ossements", tout comme le "cercueil de dimensions appropriées", ne font l’objet d’aucune définition juridique ou pratique précise. Ces contenants ne sont donc pas réglementés".

Le ministre assimile donc les deux notions de "boite à ossements" et de "cercueil de dimensions appropriées". Ceci nous semble raisonnable : certes, il eût été préférable qu’existe une harmonisation entre ces deux expressions, mais il nous semble que l’emploi de ce terme "approprié" signifie sans nul doute approprié aux restes présents dans la concession. C’est-à-dire que la taille du cercueil est autorisée à varier en fonction de ce que l’on retrouve dans la sépulture (n’oublions pas qu’il peut, dans ce contexte, se trouver des restes de plusieurs défunts).

Il est alors tentant de voir dans la "boîte à ossements" évoquée par l’art. R. 2213-42 ce cercueil de dimensions appropriées de l’art. R. 2223-20 au cas particulier de reprise de restes trouvés dans ces sépultures et dont rien ne semble interdire la réunion dans un seul contenant. Néanmoins, nous ne partageons pas l’avis du ministre, car, certes nous ne disposons pas d’une définition du "cercueil de dimensions appropriées", mais nous disposons d’une définition (cf. supra) du cercueil. Le cercueil de dimensions appropriées est donc celui approprié à la quantité de restes trouvés dans la sépulture, mais fondamentalement, il doit obéir aux prescriptions réglementaires des cercueils…

Le ministre franchit alors un dernier obstacle en affirmant que le sac à ossements est également un synonyme de la boîte à ossements et du cercueil de dimensions appropriées. Il nous faut donc, désormais, nous pencher sur cette bien péremptoire assimilation.

Qu’est-ce qu’un sac ?

Si l’on consulte un dictionnaire, par exemple, celui de l’Académie française, on n’est guère surpris par la définition du terme sac qu’il donne.

Sac : "Sorte de poche faite de cuir, de toile ou d’étoffe, ouverte seulement par le haut et qui sert à mettre toutes sortes de choses."

Si l’on pousse la curiosité à son paroxysme en consultant dans ce même dictionnaire l’article "boîte", on y découvre la définition suivante : "Réceptacle rigide et le plus souvent muni d’un couvercle, de matière et de forme très variables, d’une taille petite ou moyenne qui le rend aisément transportable."

Il nous semble donc difficile de considérer du strict point de vue lexicologique qu’il existe des sacs rigides, sauf à les dénommer "boîtes"…

Un sac à ossements n’est pas un cercueil

Admettons un instant que la dénomination juridique d’une chose puisse différer de l’acception du terme dans le langage courant : il ne peut pas non plus être soutenu que ces deux contenants sont identiques. En effet, si, comme on le pense, on peut assimiler la boîte à ossements au cercueil de dimensions appropriées, comment le sac à ossements peut-il répondre à la définition du terme cercueil ?

Il faut par exemple rappeler, enfonçons le(s) clou(s) (de la boîte !), que l’art. R. 2213-20 du même Code édicte : "Le couvercle du cercueil est muni d’une plaque où est portée, par un procédé garantissant le caractère durable de ces mentions, l’indication de l’année de décès et, s’ils sont connus, de l’année de naissance, du prénom, du nom de famille et, s’il y a lieu, du nom d’usage du défunt."

Comment pourrais-je fermer un sac par un couvercle ? Comment pourrais-je le munir d’une plaque ou d’un procédé durable permettant l’identification (quoique ce second problème soit sans doute plus aisé à résoudre).

Ainsi, il nous semble que tant la "boîte à ossements" que le "cercueil de dimensions appropriées" doivent obéir aux règles techniques qui sont celles du cercueil, réserve faite de sa dimension, et qu’indubitablement un sac ne saurait constituer un cercueil ou une "boîte à ossements" utilisés lors des exhumations administratives.

Une reprise irrespectueuse ?

À la différence de la position du ministre qui évoque ce qui serait sur ce sujet la position du CNOF, nous pensons qu’il pourrait exister une problématique de reprise irrespectueuse et donc sanctionnable en cas d’emploi de sacs en l’état de la législation funéraire.

L’art. L. 16-1-1 du Code civil nous enseigne que : "Le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort. Les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence." Tandis que l’art. 225-17 du Code pénal dispose que : "Toute atteinte à l’intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d’urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie de 1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

La peine est portée à 2 ans d’emprisonnement et à 30 000 € d’amende lorsque les infractions définies à l’alinéa précédent ont été accompagnées d’atteinte à l’intégrité du cadavre".

Ainsi, il nous apparaît qu’une telle responsabilité pénale, mais a fortiori plus encore civile, pourrait être encourue en cas de recours lors des exhumations administratives à des dispositifs qui, juridiquement, ne pourraient être qualifiés de "cercueil de dimensions appropriées", puisque, faut-il le rappeler, le juge qualifie de cadavre des restes mortels pourtant vieux de plusieurs dizaines d’années (Crim., 25 oct. 2000, n° 00-82.152, D. 2001. 1052, note T. Garé ; Coll. terr. 2001, comm. n° 139, note D. Dutrieux).
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 219 - Septembre 2025

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