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Nous avons souvent commenté dans ces lignes avec peu d’aménités, parfois des réponses ministérielles qui nous semblaient étonnantes. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas tant la réponse qui nous étonne que la question posée par l’honorable parlementaire. Nous ne la trouvons pas absolument nécessaire et c’est un peu dommage d’utiliser ainsi le maigre stock de questions au Gouvernement dont dispose chaque parlementaire (52 par session depuis 2015). Afin de tuer tout suspense, le Gouvernement fit à cette question une réponse qui ne faisait dès l’origine aucun doute : "perpétuelle" et "à perpétuité" sont synonymes pour le droit des concessions funéraires…


Question n° 8069, JO An 19 août 2025

Voici l’extrait le plus significatif de cette interrogation :
"[…] La rédaction des concessions de longue durée avant l’ordonnance n° 59-33 du 5 janvier 1959 qui a supprimé les concessions centenaires soulève une interrogation. En effet, cette ordonnance a supprimé les concessions centenaires et maintenu les concessions perpétuelles. Les communes qui proposaient ces deux types de concessions centenaires et perpétuelles, avant l’ordonnance, rédigeaient régulièrement des concessions dites "à perpétuité" sans plus de précision.

Ce terme, qui n’est associé explicitement à aucune des concessions existantes de l’époque, semble indiquer une distinction à faire entre une concession perpétuelle qui, comme son nom l’indique, n’a pas de limite, sauf en cas d’abandon, et une concession qui, au bout de 100 ans, arrivera à sa limite de vie, sauf en cas de renouvellement.

Même si dans le langage courant les deux expressions "perpétuité" et "perpétuelle" semblent synonymes, dans la pratique administrative et juridique, la concession à perpétuité peut ne pas garantir une durée éternelle, en assimilant cette durée à un bail emphytéotique de 99 ans, correspondant à la durée des concessions centenaires. Après l’ordonnance n° 59-33 du 5 janvier 1959, il n’y a plus de concessions à perpétuité alors qu’il y a encore des concessions perpétuelles. Il lui demande donc si les concessions acquises sous l’intitulé "à perpétuité" doivent être considérées comme centenaires ou perpétuelles."

On comprend donc que pour le député les concessions perpétuelles ne seraient pas les mêmes que celles délivrées "à perpétuité" et il lui apparaît que dans la pratique juridique les deux expressions pourraient être considérées comme différentes…

Nous éprouvons énormément de difficultés à ne pas envisager ces deux termes comme relevant de la même situation. Nous avouons ne jamais avoir pensé à aucun moment que la concession à perpétuité durait 99 ans tandis que seule la concession perpétuelle garantissait… la perpétuité. Enfin, il est farfelu de penser qu’une concession centenaire (dont, courageusement, nous pensons qu’elle est d’une durée de 100 ans) puisse s’analyser comme un bail emphytéotique dont la durée maximale est de 99 ans (cf. infra).

La perplexité touche alors son comble quand, pour le parlementaire, cette expression "à perpétuité" pourrait se confondre avec le bail emphytéotique dans l’esprit de certains juristes.

Il faut alors rappeler que c’est l’art. L. 451-1 du Code rural dispose que : "Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque ; ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Ce bail doit être consenti pour plus de 18 années et ne peut dépasser 99 ans ; il ne peut se prolonger par tacite reconduction".

Il faut alors préciser que si vraiment le bail emphytéotique pouvait s’analyser comme une concession délivrée à perpétuité, devrait-on alors pouvoir considérer que la concession à perpétuité peut durer 18 ans ?

De surcroît, un tel bail emphytéotique est impossible sur le domaine public (CE, 6 mai 1985, nos 41589 et 41699, Assoc. Eurolat et Crédit foncier de France), or le cimetière relève du domaine public depuis l’arrêt "Marécar". Il faudrait alors envisager que ce bail emphytéotique soit un Bail Emphytéotique Administratif (BEA), seul possible sur le domaine public, mais c’est oublier qu’un tel bail n’est possible pour une commune que depuis 1988 (loi n° 88-13) tandis que le terme de concession est issu du décret du 23 prairial an XII.

Enfin, on rappellera que le concessionnaire ne dispose pas d’un droit de propriété sur la parcelle concédée mais d’un droit de jouissance, alors qu’il dispose d’un droit de propriété sur les objets et monuments situés sur cette parcelle. On parle alors d’un droit réel immobilier d’une nature particulière (TC 6 juillet 1981 Jacquot : Rec. CE, p. 507). Il n’existe donc aucune confusion dans l’esprit du juriste quant à la nature de ce contrat singulier…
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon
Chargé de cours à l’université de Lille

Résonance n° 220 - Octobre 2025

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