L’article R. 2213-39 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que "Les cendres peuvent être dispersées en pleine nature, mais ne peuvent l’être sur les voies publiques". Ma question préliminaire est donc très simple : quels sont les lieux permis et les lieux interdits à la dispersion des cendres ?
L’article R. 2213-39 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) précise que "Les cendres peuvent être dispersées en pleine nature, mais ne peuvent l’être sur les voies publiques". Ma question préliminaire est donc très simple : quels sont les lieux permis et les lieux interdits à la dispersion des cendres ?
Pour vous aider, je vais vous résumer les deux questions écrites posées par Mme la députée Cécile Helle et les précisions apportées par le ministre de l’Intérieur. Dans sa 1ère question écrite n° 26290 posée au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 21 juin 1999, Mme la députée demande comment disperser les cendres par voie aérienne sans qu’elles tombent sur une voie publique. Le ministre répond qu’il n’est pas interdit de disperser les cendres par voie aérienne, mais que l’article R. 2213-39 du CGCT doit être respecté, ce qui signifie que les cendres ne doivent pas tomber sur les voies publiques. Pour parler clairement, il suffit de bien viser.
Mme la députée revient à la charge au Journal officiel de l’Assemblée nationale du 20 décembre 1999 en posant la question n° 35743 : la dispersion des cendres par voie aérienne sans toucher les voies publiques semble interdire la dispersion par voie aérienne. Cette dispersion par voie aérienne est-elle donc juridiquement possible ? le ministre de l’Intérieur répond que cette dispersion par voie aérienne n’est légale que si elle intervient au surplomb d’espaces naturels dépourvus de voie publique. Il vous faut donc choisir pour la dispersion aérienne un grand espace sans route nationale, ni sentier de grande randonnée, qui est un chemin public.
Première question : Maintenant que vous connaissez les grands principes, pouvez-vous me dire si on peut disperser les cendres sur une route goudronnée ?
Vous venez d’avoir la réponse du ministre pour les routes nationales, mais qu’en est-il des routes goudronnées dans un château privé, ou un hôtel privé, ou un lotissement privé avec une grille et un gardien à l’entrée ? La réponse est donnée par l’article L. 16-1-1 du Code civil qui stipule que les cendres sont des restes mortels, comme un cadavre ou des ossements, et par l’article R. 2223-9 du CGCT qui précise que toute personne peut être enterrée sur une propriété particulière : les cendres peuvent être inhumées, mais non dispersées - puisque le CGCT est du droit positif -, afin qu’elles puissent être récupérées et libérer ainsi le terrain qui, sans cela, reste éternellement un cimetière, avec droit de passage obligatoire pour la famille. Conclusion : interdiction de dispersion sur les voies publiques et les voies privées, qu’elles soient goudronnées ou non.
Deuxième question : Peut-on disperser les cendres sur un fleuve ou une rivière ? oui ou non ?
Un fleuve appartient à l’État et c’est une voie publique puisque les péniches et les voiliers de plaisance y circulent : donc défense de disperser. Une rivière qui passe à travers un terrain privé devient privée et cette portion de rivière appartient au propriétaire du terrain traversé par la rivière. Moyennant l’accord du propriétaire, on pourrait donc disperser si les précédents articles L. 16-1-1 du Code civil et R. 2223-9 du CGCT ne venaient nous en empêcher. Conclusion : Interdiction de disperser sur un fleuve ou un ruisseau privé puisque seule l’inhumation est autorisée en terrain privé (ce terrain peut être un étang).
Troisième question : Peut-on disperser en mer ? Là encore, la question est simple…
Conformément à l’article 1er de la loi n° 71-1060 du 24 décembre 1971 relative à la définition des eaux territoriales françaises (loi conforme à la Convention des Nations unies sur le Droit de la mer, entrée en vigueur le 16 novembre 1994), les eaux territoriales françaises s’étendent sur 12 milles marins à partir de la laisse de basse mer. L’État français a donc compétence sur les eaux territoriales précédemment définies, ainsi que sur la zone contiguë, qui s’étend de 12 à 24 milles marins.
Au-delà, s’étend la zone économique exclusive sur 200 milles, puis le domaine sans maître de la mer, qui pourrait être assimilée par les tribunaux à une voie de circulation publique des navires.
Sachant que la longueur du mille nautique est égale à 1 852 mètres, la dispersion en mer ne s’applique donc pas au-delà de 24 milles marins, soit 44,448 kilomètres à partir de la laisse de basse mer.
Par ailleurs, l’article L. 2111-4 du Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) définit le domaine public maritime naturel de l’État, qui s’étend depuis le rivage de la mer (ce qu’elle couvre et découvre en l’absence de perturbations météorologiques exceptionnelles) jusqu’à la limite supérieure de la zone dite des cinquante pas géométriques. C’est sur cette terre en bordure de mer qu’est situé "le sentier des douaniers".
Ce domaine public maritime de l’État est originaire des Antilles et a été généralisé en France par Louis XIV sur les conseils de Colbert. Ces cinquante pas géométriques sont la longueur des 50 pas de Louis XIV et correspondent, comme chacun sait, à 81,20 mètres, distance confirmée à l’article L. 5111-1 du CGPPP pour la Guyane.
Ce domaine étant public, il est ouvert à tous, pour la pêche à pied, la baignade, le canotage ou la planche à voile. C’est une voie publique qui interdit la dispersion en mer depuis le rivage jusqu’aux cinquante pas géométriques ou 81,20 mètres.
La dispersion en mer est donc permise dans la zone comprise entre 81,20 mètres et 44,448 kilomètres. Bien entendu, comme pour la dispersion aérienne, il convient de tenir compte des courants maritimes pour éviter que les cendres soient entrainées vers les voies publiques que sont les estuaires de fleuves et les entrées de ports. Toutefois, certaines zones sont interdites d’accès au chemin des douaniers et vous empêcheront de mettre votre bateau à l’eau pour aller disperser des cendres. On peut en citer au moins trois :
1 - le fort de Bregançon, dans le Var, qui est la résidence d’été du président de la République. Pour des raisons de sécurité du chef de l’État, la plage est interdite au public ;
2 - la Madrague, à Saint-Tropez dans le Var, qui est la maison de Brigitte Bardot. Elle a obtenu, du temps de sa gloire, la dérogation exceptionnelle et payante, de construire des murs entourant sa propriété jusque dans la mer, afin de protéger son intimité des paparazzi ;
3 - certaines plages de Cannes, dans les Alpes-Maritimes ; elles sont louées à des hôtels qui les réservent à leurs clients.
Quatrième question : Simple elle aussi, peut-on disperser des cendres entre trois bouleaux ?
Si ces trois bouleaux sont dans la forêt de Fontainebleau ou quelque autre forêt domaniale appartenant à l’État, la réponse est oui.
Si ces trois bouleaux sont dans un square d’une ville, la réponse est non puisque le square ne semble pas répondre à la définition de "pleine nature", sous réserve bien évidemment de l’avis des tribunaux compétents.
Si ces trois bouleaux sont en Sologne, dans une propriété de 360 hectares appartenant à M. Dassault, la réponse est non puisque l’urne ne peut être qu’inhumée, avec l’accord du propriétaire du terrain.
Conclusion : À partir du moment où il n’existe pas de définition juridique de la pleine nature ni de la voie publique, la dispersion des cendres, qui semble de prime abord facile, se révèle source de complications imprévues dans la mesure où d’autres codes viennent interférer.
Claude Bouriot,
coauteur du Code pratique des opérations funéraires
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :