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Réponse à une question posée par un lecteur de Résonance.

La question

Nous souhaitons transférer le corps de notre fils décédé le 25 janvier et inhumé au cimetière communal dans un dépositoire dans l’attente de terminer sa tombe définitive fin mars. Le maire de notre commune nous interdit de faire ce transfert un samedi en présence de la famille et de ses amis.

C’est après plusieurs jours d’attente et après que nous avons insisté qu’il nous a enfin accordé notre cérémonie à dix heures en semaine (initialement autorisée avant huit heures en semaine). Ma question : en a-t-il le droit selon un arrêté municipal pris d’ailleurs sur plusieurs communes alentour ?

La réponse 

Ce sont les dispositions des articles R. 2213-40 à R 2213-42 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui régissent le régime juridique des exhumations.

Aux termes de l’art. R. 2213-40 du CGCT : "Toute demande d’exhumation est faite par le plus proche parent de la personne défunte. Celui-ci justifie de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle il formule sa demande. L’autorisation d’exhumer un corps est délivrée par le maire de la commune où elle doit avoir lieu. L’exhumation est faite en présence d’un parent ou d’un mandataire de la famille. Si le parent ou le mandataire dûment avisé n’est pas présent à l’heure indiquée, l’opération n’a pas lieu."

Le maire dispose donc d’un pouvoir réglementaire pour délivrer une autorisation d’exhumation, qui constitue une obligation, à la fois pour lui-même, car il est tenu de motiver sa décision en cas de refus, ainsi que de respecter la réglementation nationale, puisque tel est le cas du régime instauré par ces trois articles, ce qui lui confère une compétence liée ; par ailleurs, ces dispositions s’étendent aux personnes qui, possédant la qualité de plus proche parent du défunt, se doivent de s’adresser au maire pour solliciter et obtenir une autorisation d’exhumation.

En matière de réglementation administrative, en vertu du principe de la légalité en France qui crée une hiérarchie entre les textes, les actes dits réglementaires fondés sur l’art. 37 de la Constitution ont une valeur supérieure aux actes administratifs locaux, qu’ils résultent au niveau communal de pouvoirs attribués au maire en sa qualité d’autorité exécutive des délibérations adoptées par le conseil municipal, soit de pouvoirs propres qui lui sont dévolus par les textes, dont ceux afférents à la matière funéraire.

Avant l’intervention du décret du 28 janvier 2011, ces pouvoirs étaient, dans le domaine funéraire, globalement assez nombreux, car il ne se limitaient pas à la délivrance d’autorisations d’exhumations, puisque les opérations funéraires placées sous son autorité, qui donnaient lieu à autorisation du maire étaient conséquentes, alors qu’après la publication du décret précité, le régime des autorisations administratives préalables a été considérablement allégé et remplacé par celui des déclarations préalables nettement moins contraignant pour les administrés, dont, au premier chef, les opérateurs funéraires habilités par le préfet.

Au surplus, selon le Livre II, intitulé "Administration et services communaux" du CGCT partie législative, dans le Titre 1er, "Police", le maire s’est vu attribuer de nombreux pouvoirs dans le domaine de la police générale, tels qu’énoncés à l’art. L. 2212-2 du CGCT. La police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment :

1° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine, l’interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute ou celle de rien jeter qui puisse endommager les passants ou causer des exhalaisons nuisibles, ainsi que le soin de réprimer les dépôts, déversements, déjections, projections de toute matière ou objet de nature à nuire, en quelque manière que ce soit, à la sûreté ou à la commodité du passage ou à la propreté des voies susmentionnées.

2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d’ameutements dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d’assemblée publique, les attroupements, les bruits, les troubles de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique.

3° Le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait de grands rassemblements d’hommes, tels que les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics.
4° L’inspection sur la fidélité du débit des denrées qui se vendent au poids ou à la mesure et sur la salubrité des comestibles exposés en vue de la vente.

5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administration supérieure.

6° Le soin de prendre provisoirement les mesures nécessaires contre les personnes atteintes de troubles mentaux dont l’état pourrait compromettre la morale publique, la sécurité des personnes ou la conservation des propriétés.

7° Le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroces. 

Cet article ne fournit une énumération des pouvoirs de police générale du maire qu’à titre informatif, puisqu’il est écrit : ""Elle" (la police) comprend, notamment : le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques". De ce fait, tout ce qui aurait trait au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et la salubrité publiques, entrerait dans le champ des compétences réglementaires du maire, et pourrait donner lieu à arrêté municipal.

Et puis, aux côtés de la police municipale générale, existent d’autres pouvoirs de police, figurant dans le Chapitre III du CGCT, dans une rubrique "Pouvoirs portant sur des objets particuliers", dont en section 2 "La police des funérailles et des lieux de sépulture", dont, au sein des six articles d’essence législative, nous distinguerons :

- Art. L. 2213-8 : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières."
- Art. L. 2213-9 : "Sont soumis au pouvoir de police du maire le mode de transport des personnes décédées, le maintien de l’ordre et de la décence dans les cimetières, les inhumations et les exhumations, sans qu’il soit permis d’établir des distinctions ou des prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte du défunt ou des circonstances qui ont accompagné sa mort."

En fait, en combinant ces articles afférents soit à la police générale soit à celle dite particulière, existent de nombreux pouvoirs qui sont attribués au maire, dont il faut également souligner qu’ils constituent pour lui et sa fonction une obligation de faire, tout manquement ou désorganisation pouvant être source de la mise en jeu de sa responsabilité.

Au surplus, en revenant vers l’objet premier de cette analyse, il convient de mettre en exergue les dispositions énoncées à l’art. R. 2213- 42, modifié par le décret n° 2016-1253 du 26 septembre 2016 - art. 3, ainsi énoncées : "Les exhumations sont réalisées, soit en dehors des heures d’ouverture du cimetière au public, soit durant ces heures d’ouverture, dans une partie du cimetière fermée au public. Lorsque le corps est destiné à être réinhumé dans le même cimetière, la réinhumation s’opère sans délai. Lorsque le corps est destiné à être réinhumé dans un autre cimetière de la même commune ou dans une autre commune, la translation et la réinhumation s’opèrent sans délai. Lorsque le cercueil est déposé dans un caveau provisoire, il est fait application des dispositions de l’art. R. 2213-29…"

À noter que l’art. R. 2213-29 du CGCT, tel que visé in fine de l’art. R. 2213-42 précité, a trait au cercueil hermétique qui, en règle générale, doit être utilisé en cas de dépôt d’un corps dans un caveau provisoire (le terme "dépositoire", qui avait disparu du vocabulaire juridique depuis la loi du 19 décembre 2008, est réapparu dans les décrets successifs pris dans le domaine des pompes funèbres en vertu des ordonnances instaurant un état d’urgence sanitaire en France), lequel énonce (extraits) :

"Après la fermeture du cercueil, effectuée conformément aux dispositions de l’art. R. 2213-20, celui-ci peut être déposé temporairement dans un édifice cultuel, une chambre funéraire, au crématorium, dans un dépositoire, à la résidence du défunt ou celle d’un membre de sa famille, dans les conditions prévues aux articles R. 2213-33 et R. 2213-35. Le cercueil peut également être déposé dans un caveau provisoire, le cas échéant après accord du propriétaire du caveau, dans l’attente de l’inhumation définitive.

L’autorisation du dépôt est donnée par le maire de la commune du lieu du dépôt, après vérification que les formalités prescrites par l’art. R. 2213-17 et par les articles 78 et suivants du Code civil ont été accomplies. Le dépôt prévu au deuxième alinéa ne peut excéder six mois. À l’expiration de ce délai, le corps est inhumé ou fait l’objet d’une crémation(1) dans les conditions prévues aux articles R. 2213-31, R. 2213-34, R. 2213-36, R. 2213-38 et R. 2213-39. Le dépôt d’un cercueil hermétique dans un dépositoire ne peut excéder six mois. À l’expiration de ce délai, le corps est inhumé."(1)
 
Au bénéfice de tout ce qui précède, il convient de conclure à la légalité des positions exprimées par le maire, tant en matière d’horaires fixés pour la réalisation de l’exhumation, nonobstant l’existence probable d’un cercueil hermétique qui, dans un tel cas, n’entraîne pas d’allègement de la réglementation et, également le choix du jour, puisque l’exhumation ne présentait, dans votre cas, aucun critère d’urgence, et que la réglementation des exhumations entrait bien dans les compétences du maire.

Nota :
(1) En fait, en vertu des nouvelles dispositions réglementaires, régissant les modalités d’attestation de conformité d’un cercueil aux normes nationales avant qu’il ne soit commercialisé (décret n° 2018-966 du 8 novembre 2018), il apparaît aujourd’hui clairement qu’un corps mis en bière dans un cercueil hermétique ne peut être destiné à la crémation, dès lors que le matériau utilisé, de nature ferreuse est manifestement incombustible, ne peut être que réinhumé.

Jean-Pierre Tricon
Chevalier dans l’Ordre national du Mérite
Maître en Droit
DESS en gestion des collectivités locales
Co-auteur du "Traité de Législation et Réglementation Funéraire"
Consultant/Formateur

Résonance n° 168 - Mars 2021

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