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Au bout de trente années de promotion de la thanatopraxie, des années 70 à 1999 exactement, et d’une vingtaine d’années de contestation progressive de celle-ci, la thanatopraxie va amorcer un virage essentiel pour son avenir. Une lettre de Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, signée le 16 décembre dernier et adressée à Manuel Sauveplane, président de l’UPFP(1), prend acte de la réflexion menée par l’Anses concernant la thanatopraxie.
Outre le contenu de cette lettre qui apporte de nombreuses indications sur l’avenir des fluides de conservation, Jérôme Salomon lie de manière quasi indissociable la question soulevée par l’usage du formol et les réserves de l’Anses à l’égard de la proposition des soins de conservation aux familles. Selon lui et selon l’Anses, il faudrait limiter celle-ci aux cas indispensables…

Les thanatopracteurs peuvent être inquiets pour leur avenir, car, dans l’état actuel des autorités reconnues influentes sur le sujet, l’avis de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) apparaît prépondérant sur celui des professionnels funéraires. Or, depuis son rapport édité le 27 mars dernier (voir ses conclusions dans l’encadré), la méfiance des autorités sanitaires à l’égard de la thanatopraxie et surtout des modalités de sa proposition aux familles se précise de plus en plus.

Rappelons déjà la pirouette qui s’est opérée pour interdire de facto la thanatopraxie à domicile en imposant via la réglementation des conditions quasi impossibles de protection à mettre en œuvre (articles R. 2213-1-1 et R. 2223-132 du CGCT – Code Général des Collectivités Territoriales)). Rappelons aussi l’usage obligatoire de la fiche d’information des familles à propos des soins somatiques. L’imposition réglementaire de cette information aux familles traduit moins l’ignorance de ces dernières en la matière que la méfiance évidente des pouvoirs publics quant à la manière dont les professionnels funéraires proposaient des soins de conservation à celles-ci (alors que l’arrêté du 11 janvier 1999 établissait déjà cette obligation d’information du consommateur, mais de manière globale, pour l’ensemble du bouquet des produits et services proposés aux familles…).

On constate ainsi une volonté de plus en plus pressante et précise des pouvoirs publics pour limiter la proposition des soins de conservation aux seules circonstances justifiées par l’état du corps, ou à sa destination de transport international.

Pour prendre la température du moment, voici reproduit in extenso le courrier envoyé par Jérôme Salomon le 16 décembre dernier. Il a circulé sous le manteau parmi les professionnels funéraires depuis plusieurs semaines en suscitant une vive inquiétude quant à son contenu. Manuel Sauveplane m’a donné son accord pour que vous en preniez connaissance.

Lettre salomon02

La méthode de réforme à venir est discutable tant sur la forme que sur le fond :
- Sur la forme, soulignons qu’il est discutable de lier en un tout indissociable les risques liés à l’emploi d’un fluide de conservation et l’opportunité de recourir ou non aux soins de conservation. Il est nécessaire de modérer toute conclusion hâtive par un examen sérieux et approfondi des pratiques sur le terrain et leur éventuelle justification ;
- Sur le fond, la notion de cas indispensables citée par l’Anses et reprise ensuite dans le courrier de Jérôme Salomon est hautement discutable, voire suffisamment floue pour déboucher sur tous les excès futurs dans un sens soit restrictif des pratiques soit au contraire trop libéral.

Pour cerner le fond de la question, il faut tout d’abord aller piocher dans le document de base en la matière, à savoir le rapport de l’Anses daté du 27 mars 2020 (consultable dans son intégralité sur Internet).

Extrait du rapport de l’Anses du 27 mars 2020

… Les acteurs et les soins prodigués dans le cadre du décès de personnes
Si un patient décède dans un établissement de santé, le milieu mortuaire va gérer la prise en charge du patient décédé au sein de l’établissement de santé jusqu’à ce que le relais soit pris par une société de pompes funèbres en vue de l’inhumation ou de la crémation. Si une personne décède à l’extérieur d’un établissement de santé, c’est le milieu funéraire qui va alors organiser la totalité de la prise en charge du défunt.

Dans tous les cas, la famille du défunt devra contacter une société de pompes funèbres de son choix pour organiser les obsèques. En attendant les obsèques, le corps du défunt peut reposer dans une chambre mortuaire d’un établissement de santé, dans une chambre funéraire privée, ou au domicile du défunt si ce dernier y est décédé.

Différents types de soins peuvent être réalisés post mortem :
- Les toilettes du corps, qui consistent à améliorer l’apparence du défunt. Il s’agit de soins de maquillage, de coiffure et d’habillage qui sont réalisés afin de présenter le corps du défunt tel que les familles le souhaitent. On distingue :
1) Les toilettes mortuaires pouvant être réalisées dans les structures hospitalières et les établissements de soins par leurs personnels et qui sont les derniers gestes destinés aux patients décédés ;
2) Les toilettes funéraires pouvant être réalisées par les personnels des opérateurs funéraires ;
3) Les toilettes rituelles répondant aux exigences des religions.

- Les soins de conservation, qui consistent à injecter un fluide de conservation, généralement à base de formaldéhyde, dans le système artériel ainsi que dans les cavités thoraciques et abdominales afin de retarder le processus de décomposition du corps. Ces soins sont pratiqués uniquement par un thanatopracteur titulaire du diplôme national de thanatopraxie, sur demande des proches du défunt. Ces soins ne sont pas obligatoires, exception faite pour un rapatriement vers certains pays.

Depuis le 1er janvier 2018, les différences entre ces deux types de soins post mortem et leurs objectifs respectifs doivent être clairement expliqués et présentés aux familles. En effet, la réglementation demande aux opérateurs funéraires de mettre à disposition des familles une fiche Information aux familles sur les soins de conservation pour présenter aux familles le soin de conservation et pour le différencier des autres types de soins post mortem existants (décret n° 2017-983 du 10 mai 2017).

La nécessité de réaliser des soins de conservation

Les soins de conservation pratiqués par les thanatopracteurs n’étant pas obligatoires, exception faite pour un rapatriement vers certains pays, la question de leur nécessité doit se poser tout d’abord au cas par cas en fonction de l’état du corps et des souhaits des familles.

Ainsi, le recours aux toilettes et aux techniques existantes pour maintenir les corps à basse température (4°C) peuvent parfois éviter de recourir à des soins de conservation sans porter préjudice aux attentes des familles.

Les soins de conservation peuvent se révéler être incontournables dans certaines situations :
- lorsqu’il est nécessaire d’améliorer la présentation du défunt. Un soin de conservation permet d’améliorer considérablement l’apparence du défunt et se révèle indispensable notamment si le défunt souffrait de surcharge pondérale, était atteint de pathologies neurodégénératives ou digestives, présentait certains angiomes faciaux ;
- selon le temps pendant lequel le défunt restera en chambre mortuaire, funéraire ou au domicile : lorsque les familles sont dispersées sur le territoire national ou sont à l’étranger, elles peuvent mettre plusieurs jours avant de se retrouver pour la veillée du défunt ;
- selon le nombre de fois où le défunt va être présenté aux familles : en effet, les chocs thermiques notamment lors des transferts des corps des chambres à basse température vers les salons de présentation peuvent être préjudiciables à la conservation du corps (CPCM 2016) ;
- lorsque les familles en ont besoin et en font la demande. Les soins de conservation apportent la capacité à présenter le défunt dans des conditions d’hygiène et d’esthétique et permet à la famille d’avoir une dernière relation avec le défunt, lorsque celle-ci en a besoin pour pouvoir faire son deuil. Sauf dans le cas de contraintes réglementaires bien spécifiques, la décision de recourir ou non aux soins de conservation revient aux familles, mais doit pouvoir être prise de façon libre et éclairée.

Les environnements de travail du thanatopracteur

Les soins de conservation peuvent se dérouler en chambres mortuaires dans les hôpitaux, dans les chambres funéraires, dans les maisons de retraite munies d’un local technique, ou à domicile uniquement si le décès y est survenu.

À noter que, depuis le 1er janvier 2018, la réglementation renforce les exigences minimales relatives à la configuration de la pièce et à l’équipement utilisé pour réaliser les soins de conservation à domicile (arrêté du 10 mai 2017).

Les conditions de travail des thanatopracteurs diffèrent suivant les lieux dans lesquels ils sont amenés à exercer leurs activités et sont déterminantes pour leurs expositions au formaldéhyde.

Les chambres funéraires ou mortuaires dévolues aux soins de conservation restent, par rapport aux soins effectués à domicile, les lieux les mieux aménagés et adaptés au travail du thanatopracteur…


Les constats de terrain dressés par l’Anses sont justes quand on accepte d’examiner à haute altitude les pratiques et leur contexte. Mais le raisonnement de l’Anses traduit également les limites de la seule théorie quand elle n’est pas complétée par l’information des praticiens, en l’occurrence ici des professionnels funéraires. Allons encore un peu plus loin dans la lecture du rapport pour en extraire la substantifique moelle avant d’y apporter un complément d’analyse.

Extrait du rapport daté du 27 mars 2020
Recommandations de l’Anses

…Afin d’éviter les risques liés à une exposition à des substances chimiques, le GT (Groupe de Travail) recommande en premier lieu aux opérateurs funéraires :
- d’évaluer de manière systématique les situations et d’éviter de recourir, lorsque les familles n’en font pas la demande, aux soins de conservation au profit des toilettes et des techniques du froid (à 4°C) qui permettent dans certains cas de conserver le corps sans porter préjudice aux attentes des familles ;
- d’éclairer objectivement et en toute transparence les familles sur les situations pour lesquelles les soins de conservation doivent être réalisés afin qu’elles puissent prendre en toute connaissance de cause leur décision d’y recourir ou non, comme le prévoit la réglementation depuis le 1er janvier 2018 ;
- de ne pas inclure de manière systématique dans les contrats d’obsèques le recours aux soins de conservation.

En complément, afin de limiter les expositions aux produits chimiques des thanatopracteurs, le GT recommande aux pouvoirs publics :
- d’interdire les soins de conservation en dehors des locaux spécifiques prévus à cet effet, tel que le domicile du défunt ou une maison de retraite non équipée en système d’aération et de ventilation.

Le GT recommande ainsi le transfert des corps vers un local correctement équipé avant de le ramener si jugé nécessaire au domicile et si la famille en fait la demande.

Lorsque les soins de conservation sont réalisés, le GT recommande :
- aux thanatopracteurs, d’utiliser les alternatives au formaldéhyde existantes ;
- aux pouvoirs publics, de réglementer la gestion des déchets suite aux soins de conservation de façon à limiter les risques liés à des opérations de transport, stockage, traitement et élimination.
Dans une perspective de développement de substituts au formaldéhyde, le GT recommande :
- aux pouvoirs publics, d’interdire le formaldéhyde en thanatopraxie, considérant l’existence d’alternatives pour remplacer son utilisation ;
- aux pouvoirs publics, de faciliter les procédures d’évaluation, sur les corps, des performances techniques des alternatives.

Les 24 mélanges identifiés comme des alternatives potentielles qui n’ont pu être évaluées par les experts de l’Anses faute de données et les formulations répertoriées par les experts de l’Anses et décrites comme de bons agents de conservation dans des domaines proches de la thanatopraxie pourraient constituer une liste de départ (cf. p. 60-61) :
- de promouvoir une meilleure collaboration entre les fabricants de fluide de conservation et les institutions délivrant le diplôme de thanatopraxie afin que les thanatopracteurs puissent être formés à l’utilisation des mélanges alternatifs…

Précisions finales
… Conclusions et recommandations de l’Agence

L’Anses endosse les conclusions et les recommandations du CES (Comité d’Experts Spécialisés)

Ainsi, l’Agence tient à souligner que la diminution des expositions au formaldéhyde dans le secteur de la thanatopraxie peut résulter de la mise en œuvre de deux leviers d’action complémentaires afin de pouvoir atteindre l’objectif de substitution totale du formaldéhyde conformément aux recommandations de son comité d’experts spécialisés :
- un premier levier qui consiste à limiter le recours aux soins de conservation aux cas indispensables, en recueillant auprès des familles, conformément à la réglementation applicable depuis le 1er janvier 2018, un consentement éclairé de procéder à des soins de conservation, notamment via la transmission de la fiche Information aux familles sur les soins de conservation, mais également en excluant les dispositions contractuelles qui les proposent de manière systématique. L’Anses considère que ce levier recèle par essence un potentiel de réduction important des expositions, moyennant une évolution des attentes des familles et des pratiques, qui présentent, par ailleurs, une grande variabilité en Europe ;
- un second levier consiste à favoriser le recours à des procédés alternatifs ou à des produits de substitution pour les soins de conservation susceptibles d’apporter une réponse aux souhaits des familles…


La butée des cas indispensables
Pouvons-nous limiter la définition de l’utilité des soins de conservation à l’unique dimension de l’hygiène apportée au cadavre ? Autrement dit, l’hygiène mentale des endeuillés ne fait-elle pas partie des objectifs de santé publique alors que la discussion autour de l’utilité des soins de conservation devrait aussi prendre en compte cette dimension affective et psychologique du deuil rapportée à l’état du défunt pendant la période des funérailles ?

La lecture du rapport de l’Anses me paraît un peu courte sous l’angle d’approche psychologique ou, tout du moins, certes en lisant entre les mots et entre les lignes, il me semble qu’aux yeux des autorités nationales en la matière, la proposition des soins soit analysée plutôt comme une technique commerciale intéressée pour les professionnels funéraires mais posant des problèmes variés et à divers titres à la société (santé au travail, protection des consommateurs, pollution environnementale, charges pour les communes quand les corps deviennent imputrescibles, etc.).

Ces différentes questions, qui méritent un examen approfondi et responsable, demandent une autre approche qu’une position essentiellement doctrinale pour ou contre les soins (voir encadré le balancier). Il est nécessaire que les professionnels puissent s’exprimer quant aux orientations qui se préparent, et que l’on peut imaginer à la lecture tant du rapport de l’Anses que du courrier de Jérôme Salomon.

La qualification de cas indispensables, outre les réserves d’ordre purement psychologique (et relatives à la liberté d’appréciation des endeuillés), est difficilement applicable dans les faits concrets :
- Pour juger sur un plan technique et sanitaire du caractère indispensable des soins de conservation, il faut soit que celui qui les propose ait accès au dossier médical du défunt (ce qui est interdit), soit qu’il ait vu le défunt et qu’il ait suffisamment d’expérience ou/et de formation pour reconnaître les signes sur le cadavre pouvant légitimer la pratique de soins de conservation (techniques invasives sur le corps). Pour rappel, cette appréciation technique n’est pas encadrée par un protocole établi, la notion de garantie de résultats étant inexistante en la matière (alors qu’en revanche, l’obligation de moyens peut ouvrir des droits de recours pour les familles). En clair, un professionnel funéraire peut être condamné à verser des indemnités à une famille s’il n’a pas répondu à son devoir de conseil pour éviter des désagréments traumatisants (autrement dit, s’il n’a pas recommandé de pratiquer des soins de conservation quand l’état du corps ou les circonstances de son environnement direct nécessitent ce type d’intervention) ;
- Si l’Anses admet que des soins de conservation peuvent se justifier par un délai allongé pour procéder aux funérailles, il est probable que cet organisme sous-estime à quelle échelle cet argument est à prendre en considération (exemple, la période épidémique actuelle, tous les cas de surmortalité, les délais d’attente pour être crématisé, l’incidence caniculaire dans les établissements funéraires, etc.) ;
- L’Anses cite le cas des chocs thermiques liés à des présentations successives du défunt. Cet argument n’est pas valable techniquement car l’incidence de la température ambiante sur l’évolution d’un cadavre joue beaucoup moins que l’inertie de sa température intérieure. La variable la plus sensible lors de multiples présentations du défunt en chambre funéraire ou mortuaire tient à une oxydation accélérée du milieu interne du cadavre ainsi qu’au brassage mécanique des humeurs internes lors des manipulations successives. Ces inconvénients sont certes modérés par la pratique des soins de conservation mais pas forcément éliminés du fait de la qualité variable d’exécution des soins et de l’état initial de chaque cadavre. L’erreur d’appréciation de l’Anses sur ce point démontre que les autorités publiques ont encore besoin de l’expertise technique des thanatopracteurs pour atteindre les objectifs de santé publique recherchés dans le funéraire ;
- L’Anses a-t-elle également mesuré la modification de l’état des défunts après les traitements médicaux modernes ? A-t-elle pris en compte le rallongement des délais dans lesquels sont organisées de plus en plus les funérailles ? Le convoi au troisième jour est devenu une exception dans beaucoup d’endroits. Par ailleurs, le recours aux techniques de toilettes comme jadis dans les années 70 est devenu problématique commercialement car ce type de prestations, à résultats limités sur le défunt, est tout aussi coûteux à pratiquer alors que le prix logiquement facturable est loin d’être admis par les familles. Les moyens alternatifs étudiés par l’Anses se limitent à l’examen de nouveaux fluides ou au rappel quasi nostalgique des toilettes d’antan. Primo, outre les souhaits en matière de formation nouvelle des thanatopracteurs, rien ne nous assure que ces nouveaux fluides de conservation assureront l’efficacité reconnue très large des solutions à base de formol.

Secundo, plutôt que de tout miser sur un aménagement technique des soins de conservation, pourquoi et comment une réforme en la matière pourrait se passer d’une réflexion générale sur le déroulé actuel des funérailles ? N’est-ce pas évident que les soins de conservation et les séjours en chambre funéraire ont progressé en même temps et au même rythme ? Comment remettre en cause les premiers et ne pas pousser la réflexion sur l’ensemble du schéma d’organisation des funérailles ? Est-ce qu’en se focalisant uniquement sur la pratique des soins de conservation, les autorités publiques passent à côté d’une réflexion plus générale et indispensable ? Et, si c’est le cas, comment peuvent-elles espérer y arriver sans le concours indispensable des professionnels funéraires envers qui, au contraire, elles manifestent de plus en plus de signes de méfiance ?...
 
Bloquer le balancier

Je suis un peu amer en assistant à l’évolution actuelle de la thanatopraxie.

J’ai en effet enseigné pendant plus de dix ans la discipline de la thanatopraxie critique dans les années 1990-2000 auprès de Paul Clerc puis Françoise Jean au sein de leurs écoles respectives. Tout ce que j’ai enseigné à l’époque s’est petit à petit réalisé, alors que mes cours et les dossiers que j’ai écrits à l’époque sur Funéraire Magazine m’ont valu de vives réprobations émanant de nombreux thanatopracteurs de la première pluie.

Globalement, la spécialité thanatopraxique n’admettait pas la contradiction, la remise en question. Il y avait de nombreux points à éclaircir autour des soins de conservation :
- les modalités d’information objective des familles ;
- la disposition de moyens alternatifs plus légers ;
- la prise en compte environnementale ;
- la question posée par le formol en tant que fixateur protéique et solvant glucidique et lipidique sur l’évolution du cadavre ;
- les risques pour la santé des praticiens ;
- les limites techniques des interventions sur cadavre, avec l’inconnue de l’état initial et la plus ou moins dextérité du praticien (problème des surconcentrations dans le fluide viscéral).

J’ai beaucoup lutté à l’époque pour convaincre les praticiens d’être une force loyale de proposition en prenant le temps de mettre au point des solutions à chaque problème.

Dans une optique de simplification, beaucoup ne voulaient pas entendre un principe simple qui doit guider toute pratique désinfectante (les soins thanatopraxiques en font partie) : une action désinfectante dépend du spectre d’action du produit utilisé, de son dosage, de la température et de la durée d’action pour détruire les microbes. Tout comme en outre il faut comprendre un cadavre pour intervenir avec efficacité dessus et notamment comprendre les oxydoréductions pour limiter leur rapidité, comprendre l’acidification des chairs, connaître le train des causes à conséquences dans les différentes parties du corps (formations liquides, relâchements et rigidités, taches, lividités, gonflements, colorations, suppurations, etc.). De même, le praticien doit pouvoir maîtriser les effets de ses fluides, les doser en conséquence, jouer avec les additifs.

La thanatopraxie n’est pas un art, c’est une technique artisanale qui demande beaucoup de connaissances et de dextérité. Il faudra qu’elle évolue pour se maintenir, voire pour progresser.

Les impératifs de recherche de santé publique devraient logiquement aller plus loin dans la dotation des laboratoires post-mortem adaptés à la pratique des soins (et simplifier les autres pour la pratique d’interventions non invasives, ne serait-ce que pour répondre aux besoins des petits établissements de soins). Il faudrait également une codification des comportements pour que la famille n’approche pas le défunt avant le délai permettant au fluide de conservation de sécuriser le cadavre, notamment au niveau des voies de passage.

Il y a de nombreuses voies d’amélioration à explorer, voire à inventer. Il est nécessaire que les anciens de la spécialité ne bloquent plus l’évolution thanatopraxique comme auparavant et qu’un dialogue positif vienne recréer les conditions de la confiance avec les autorités de notre pays (largement entamée depuis qu’elles ont mis petit à petit le nez dans le dossier).

Le passé est derrière nous. Il faut aller de l’avant, positivement !
 
Olivier Gehin
 
Nota :
(1) UPPF (Union du Pôle Funéraire Pubic)

Résonance n° 167 - Février 2021

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations