Votre panier

Panier vide
Le terme "thanatopracteur" est apparu pour la première fois dans la presse dans "L’Express" du 17 novembre 1979, même s’il date historiquement de 1963. Un vocable encore peu connu aujourd’hui, contrairement à "embaumeur", qui, lui, est bien défini par le grand public. Alors, quand, il y a plus de 80 ans, un embaumeur était cité dans un fait divers, cela faisait les choux gras de la presse…


En août 1936, Maria Fauveau passe quelques jours de vacances chez son frère, dans le petit village de Château-Chervix en Haute-Vienne, elle se promène le jour le long de la Breuilh, le cours d’eau qui traverse le village. Roger, son époux, n’est pas avec elle, pompier à Paris, il lui a assuré ne pas avoir de permission pour une villégiature prolongée. Il est juste venu, par deux fois, passer une simple journée avec son épouse.

Le 13 août, Roger est là avec Maria, elle lui a expliqué être souffrante, ne pas être au sommet de sa forme. Quelques jours plus tard, elle reçoit un paquet de Roger ainsi qu’une lettre. Le colis contient cinq cachets de Gardénal, un flacon de Laudanum et un autre récipient rempli d’une poudre bleue. Dans sa missive, Roger écrit à son épouse, entre autres : "Tu prendras ces médicaments, comme le prescrit Michel. Prends de préférence la poudre."

Excelsior du 26 août 1936

Se sentant mieux, Maria ne suit pas la prescription. Le 18 août, vers vingt-deux heures, elle doit avoir une rechute, puisqu’elle se relève pour prendre la poudre bleue avec un verre d’eau. Elle n’a pas le temps de finir d’ingurgiter le remède que le verre se fracasse au sol et que la pauvre femme se tord de douleurs et expire en seulement quelques minutes !

Face au cadavre "tout violet", le médecin qui est mandé déclare qu’elle a été empoisonnée ; au vu de la poudre, il pense à de la strychnine ou du sulfate de cuivre. Une autopsie a lieu afin d’effectuer des recherches toxicologiques. Et il va de soi que la justice porte immédiatement ses soupçons sur le mari, qui dès le départ clame son innocence. Il reste aux enquêteurs à découvrir qui est ce mystérieux Michel…

Lorsqu’ils posent la question à Roger Fauveau, il déclare qu’il s’agit de Michel Courtot, embaumeur à la faculté de médecine de Paris. Interrogé, l’embaumeur nie avoir fourni des médicaments à Fauveau, il ne connaît même pas cet homme. Il reconnaît cependant avoir procédé à des dissections devant des pompiers, afin de leur montrer où se trouvent les différents organes, mais en aucun cas il ne connaît ce Fauveau, le seul ami pompier qu’il ait, c’est le lieutenant.

Le Petit Parisien du 10 juillet 1937

Alors, oui, bien sûr, quand les hommes passent, ils le saluent, l’interpellent, et l’appelle tous "Monsieur Michel", lui demandent comment il va, il leur répond par courtoisie, mais cela n’en fait pas des relations proches pour autant… Ce Fauveau est un affabulateur. Puis de toute façon, monsieur Michel ne travaille pas avec de la strychnine ou du sulfate de cuivre, il n’y a pas de ça dans son laboratoire.

Lorsque le juge lit le témoignage de Michel Courtot à Roger Fauveau, ce dernier entre dans une colère noire ; lui, un affabulateur ? Non, c’est Courtot le menteur, et ça, il peut le prouver ! Il suffit que ces messieurs les enquêteurs se rendent dans un établissement spécial au 6e étage d’un immeuble, au 7 rue Grégoire-de-Tours, là, qu’ils demandent Michèle et Jeannette, ils verront bien s’il ne connaît pas ce bon "docteur Michel".

L’établissement spécial est bien sûr une maison de tolérance que fréquentent assidûment les deux hommes, et nous sommes à une époque où le préservatif n’est guère présent, et les maladies vénériennes sont courantes. Et donc, Michel l’embaumeur le jour, devient le bon docteur Michel la nuit, soignant ses camarades de leurs infections honteuses. Infection que Fauveau avait gentiment refilée à son épouse, voilà pourquoi c’est monsieur Michel qui a fait la prescription…

Courtot se retrouve acculé, et avoue connaître Fauveau ; s’il a menti, c’est pour préserver sa notoriété, il a tout de même reçu une citation et une médaille civique pour avoir embaumé des dépouilles illustres. Où il n’a pas menti, c’est qu’il n’a pas donné de remède à Fauveau pour soigner son épouse… Et si les deux hommes ont l’habitude de fréquenter des lieux de plaisir, ce n’est pas pour tromper leurs épouses respectives, mais pour oublier les contraintes de deux professions "pas faciles"…

Monsieur Michel lExcelsior du 21 août 1936

Les résultats des analyses toxicologiques arrivent, le poison ingéré est du taupicine, le médecin ne s’était pas trompé, ce taupicide contient bien de la strychnine. Il y a des soupçons, mais aucune preuve à charge, que cela soit contre Roger Fauveau ou Michel l’embaumeur. Lors du procès, qui a lieu en juillet 1937 devant les Assises de la Seine, Roger Fauveau risque sa tête s’il est reconnu coupable.

Mais la chance lui sourit, lors de son réquisitoire, l’avocat général reconnaît que la défense n’a pas pu faire reconnaître l’innocence de Fauveau, mais que l’accusation n’a pas pu, elle, prouver la culpabilité, c’est donc lui qui demande l’acquittement de Roger Fauveau, et par la même occasion celle de Michel Courtot, afin de ne pas condamner à mort une personne qui pourrait être innocente.

L’affaire ne s’arrête pas là, Fauveau lui-même veut faire rouvrir l’enquête, on a découvert du taupicine à la ferme ou séjournait son épouse, la presse n’est pas en reste, elle titre régulièrement sur l’embaumeur, "Le mystère de l’embaumeur au poison bleu", "La Liberté" du 28 août 1937 ; "Michel l’embaumeur interrogé à Limoges", "La Bourgogne républicaine", 27 août 1937 ; "L’embaumeur Michel Courtot a-t-il commis une erreur" ? "L’Excelsior" du 12 août 1937.

On ne sut jamais qui fut le coupable de ce meurtre, si ce fut même un homicide, des soupçons de suicide ont aussi pesé sur cette affaire, qui a fini par un non-lieu en 1938.
 
Sébastien Mousse
Éditeur – Formateur AFITT

Résonance n° 185 - Novembre 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations