C’est à Lorient que l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP) a organisé ses Rencontres Nationales cette année, à l’occasion des 100 ans de la régie municipale des pompes funèbres de la Ville. Sur les terres de Karine Noël, comme en 2019, les participants ont passé 3 jours d’échanges, de rencontres, de convivialité, avec un programme chargé en conférences animées par des invités de qualité sur la situation, mais également sur les perspectives du secteur funéraire public.


Une Fédération d’utilité publique
L’UPFP regroupe la grande majorité des acteurs publics du secteur funéraire. Ainsi, elle englobe les opérateurs (régies, sociétés publiques locales et sociétés d’économie mixte) et les collectivités gestionnaires de cimetières (communes et Établissements Publics de Coopération Intercommunale – EPCI).
L’UPFP est très engagée dans la défense du service public territorial, garant d’une démarche citoyenne, solidaire et humaniste, mais également régulateur de marché dans les endroits où elle est implantée. Créée en 2010, l’UPFP représente 10 % de l’activité des pompes funèbres en France et regroupe les acteurs du funéraire de 500 villes, qui représentent 13 millions d’habitants.

- La psychologie du deuil après suicide
Pour cette première conférence, la psychoclinicienne Mélanie Coquelin est intervenue pour parler d’un domaine assez méconnu, mais heureusement de plus en plus étudié, celui de la psychologie du deuil après suicide. Elle a commencé par rappeler les faits : en 2021, la mortalité par suicide standardisée par l’âge s’établit en moyenne à 10,2 décès pour 100 000 habitants dans les pays de l’UE-27, un taux en baisse par rapport à 2011 (12,4). En France, ce taux standardisé était, la même année, de 13,9.
Elle a ensuite effectué un focus sur la Bretagne, région qui a le taux de suicide le plus élevé en France. Les raisons en sont multiples et très régionales : les suicides étaient peu nombreux avant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, de nombreux bouleversements ont fait évoluer la situation : mise à mal du sentiment d’appartenance, délaissement de la religion, effondrement de la langue (comment parler de soi, exprimer son mal-être, demander de l’aide ?), métamorphose des modes de vie, consommation d’alcool… Bien sûr, la guerre elle-même a fait beaucoup de morts dans la population masculine, et tous ces événements, ramassés dans un laps de temps relativement court, ont mené à des fragilités qui ont mis à mal l’identité bretonne, mais aussi la famille et les individus eux-mêmes.
- Le modèle Alinéa : un dispositif de "postvention" d’accompagnement des proches
Afin de permettre une prise en charge efficace des proches endeuillés par suicide, le dispositif Alinéa de la fondation "Bon Sauveur" a été mis en place : conçu en collaboration avec les premiers intervenants à l’issue d’un suicide (forces de l’ordre, pompiers, collaborateurs du funéraire et élus municipaux), il vise à accompagner les personnes exposées à un suicide dans les Côtes-d’Armor, département au taux de suicide le plus élevé en France, d’où son nom de "postvention".
Il consiste à contacter les proches de personnes mortes par suicide après le décès afin de les conseiller, de les écouter et de les diriger vers des structures compétentes pouvant les accompagner le cas échéant. La première étape se fait dès l’annonce du décès : les premiers intervenants (forces de l’ordre, pompiers…), formés et outillés, expliquent à la famille l’existence du dispositif et son fonctionnement, et distribuent des plaquettes d’information. En parallèle, l’officier de police judiciaire informe Alinéa et transmet les coordonnées des proches. Pendant les 2 semaines suivantes, une veille psychosociale est alors mise en place jusqu’à J+15, avec des appels téléphoniques systématiques après 2 puis 6 mois. Ces appels peuvent être du soutien téléphonique, du conseil, des consultations…
Alinéa a fait ses preuves : une étude menée par le laboratoire LP3C (Laboratoire de Psychologie, Cognition, Comportement, Communication) mandaté par l’ARS Bretagne a montré des indicateurs d’impact positifs sur les usagers comme sur les collaborateurs, et a également loué la pertinence de l’offre proposée, avec une réduction significative des symptômes au cours de la prise en charge. Enfin, les partenaires, élus de mairie et les forces de l’ordre sont également satisfaits. Ce modèle prouve que tous les intervenants après un suicide, dont les collaborateurs du funéraire, ont leur rôle à jouer dans la prise en charge de ce deuil pas comme les autres. Des outils innovants comme Alinéa existent et sont efficaces en Bretagne, et ont vocation à être généralisés à l’ensemble du territoire.

Pour terminer cette journée, Éric Dréneau est revenu sur la certification de technicien de convoi funéraire, nouvellement créée par les Services Funéraires de la Ville de Paris (SFVP), en collaboration avec le GIP FCIP du Rectorat de Paris (Groupement d’Intérêt Public Formation Continue et Insertion Professionnelle). Remplaçant au pied levé Catherine Grosvalet, il a présenté cette nouvelle disposition qui vient sanctionner les compétences de ceux que l’on appelle communément "porteurs funéraires".
Jouant un rôle crucial dans l’organisation des obsèques, les techniciens prennent en charge le défunt, mais accompagnent également la famille lors de la cérémonie. Développer une certification pour ce métier, c’est lui apporter la reconnaissance qu’il mérite, mais également s’assurer des compétences des collaborateurs, tout en leur offrant des possibilités d’évolution ou de passerelle vers d’autres domaines. Les premiers inscrits se sont vu remettre leurs certificats le 2 avril dernier, à Paris.
Le célébrant funéraire, super-maître de cérémonie, ou nouvel intervenant voué à se généraliser ?
La journée suivante s’est ouverte sur deux ateliers en simultané, dont celui sur ce nouveau profil qu’on voit de plus en plus, le "célébrant funéraire laïc". Animé par Valère Castamagne (groupe Pech Bleu), Charles Simpson (senior média), Olivier Gallet et Hélène Chaudeau (coopérative Syprès), cet atelier est revenu sur l’apparition de ce nouvel acteur des obsèques pour en dresser le portrait professionnel : Qui est-il ? Quelle est sa différence par rapport à un maître de cérémonie ? Avec quelle formation ? Dans quel cadre juridique ? Enfin, Charles Simpson est intervenu sur le rôle de l’Intelligence Artificielle (IA) comme outil au service du célébrant.
L’apparition du célébrant funéraire s’inscrit dans la vague de personnalisation des obsèques de plus en plus demandée par les familles. Il intervient en amont, en proposant des types de cérémonie, en donnant une estimation de chiffrage, et aide les familles à trouver ce qu’elles veulent faire et ce qu’elles peuvent faire. Après un décès, le célébrant est très présent, et accompagne la famille pour qu’elle crée sa cérémonie "sur mesure", avec une haute valeur ajoutée en termes de créativité et d’originalité.
Il co-construit la cérémonie, s’assure de son bon déroulement, de la mise en bière jusqu’au dernier geste, en harmonie avec les acteurs impliqués dans les obsèques. Ainsi, il envisage le déroulé des obsèques, aide à la construction de la biographie du défunt, explore les liens avec les proches pour les mettre en lumière, il rédige l’hommage, coordonne les interventions, et anime la cérémonie. Il propose un service comprenant surtout du pratique (récit de vie, édition et impression d’un livret de cérémonie, mise à disposition d’éléments de scénographie, coordination de salle de cérémonie, restaurant, traiteur, hôtel), mais propose également aux familles de sortir des conventions et des "habitudes" en termes de cérémonie funéraire.
Les principales différences avec le métier de maître de cérémonie sont que le célébrant passe beaucoup plus de temps par obsèques (3 à 5 heures, contre 30 minutes environ), et fait très peu de cérémonies par semaine (1 ou 2). Pour les pompes funèbres aujourd’hui, la question se pose d’intégrer ce type de profil, de faire appel à des indépendants, de l’ignorer… Dans tous les cas, le nouveau métier de célébrant vient bousculer les traditions dans les rites, chez les professionnels comme dans les familles. Il demande à ce que l’on se penche sur la cérémonie, la façon que l’on a de célébrer la vie des défunts, et d’accompagner au mieux les familles dans leur deuil.
Enfin, cet atelier a été clôturé par l’intervention de Charles Simpson, qui est revenu sur l’utilisation de l’IA générative dans les métiers du funéraire. Ces outils peuvent faire gagner beaucoup de temps aux collaborateurs : résumer une conversation, créer une présentation concise et claire, créer des images, traduire un discours en simultané, créer une biographie en quelques secondes… L’IA peut s’avérer un outil très puissant qui va faire gagner beaucoup de temps à tous les collaborateurs, à condition de s’y former.
Les reprises de concessions au programme de l’atelier cimetière
Chaque année, un atelier réunit les collectivités gestionnaires de cimetière adhérentes de l’UPFP. Après avoir traité l’an dernier la gestion environnementale et patrimoniale du cimetière, l’atelier de cette année était consacré aux reprises de concessions et de sépultures en terrain commun. Sujet d’actualité à plus d’un titre, en particulier depuis la décision du Conseil constitutionnel intervenue en octobre dernier, mais également en prévision de l’augmentation des décès avenir, qui placera inévitablement de nombreuses collectivités face à des enjeux fonciers difficiles dans la gestion de leurs cimetières.
Préparé depuis de nombreuses semaines par le groupe de travail cimetière de l’UPFP, l’atelier animé par Éric Couture, adjoint au maire de la ville du Perreux-sur-Marne et vice-président du SIFUREP, a proposé aux adhérents un tour d’horizon de la question dans une perspective juridique mais également stratégique. Partages d’expériences et échanges de bonnes pratiques ont conclu cet atelier, dont le sujet inépuisable continuera de constituer pendant encore de longues années une préoccupation centrale dans la gestion des cimetières.

La matinée s’est terminée avec Manon Moncoq, anthropologue du funéraire. Elle a proposé une lecture anthropologique du secteur funéraire, en interrogeant les pratiques qui paraissent évidentes, mais sont pourtant profondément culturelles : les rites, les lieux, les gestes, les paroles. Dans un contexte de profondes mutations (diversité croissante des croyances, personnalisation des attentes, besoin de sens et d’accessibilité), elle met en lumière le potentiel du funéraire public pour incarner une réponse à la fois humaine, solidaire et ancrée localement. Son intervention visait à offrir des clés de compréhension pour accompagner ces évolutions, autour de 4 axes :
• L’importance du rite, qui structure le sens des funérailles et le rôle des pompes funèbres. Ces rites remplissent des fonctions essentielles pour le défunt, les proches et la société. Toutefois, face à la perte de repères communs, les opérateurs funéraires, notamment publics, deviennent des garants de sens, dépassant la simple logistique pour jouer un rôle symbolique et émotionnel.
• L’importance de l’accueil, qui ne se résume pas à un service administratif, mais repose sur un équilibre entre écoute, efficacité rituelle, qualité du service et environnement physique.
• La complexité du travail émotionnel des professionnels du funéraire, constamment confrontés à des situations chargées d’émotions. Leur rôle nécessite un ajustement entre implication et retenue, écoute active et présence maîtrisée.
• Dans un marché concurrentiel, le funéraire public peut incarner une alternative forte en proposant une vision profondément humaine, inclusive et connectée aux réalités locales, dépassant la simple logique de réponse à la demande.
L’après-midi a été l’occasion d’écouter Pascal Chaigneau, professeur des universités, professeur affilié au département d’économie d’HEC Paris, directeur du centre HEC Géopolitique, directeur scientifique du master Géopolitique et Géo-Économie. Il a dressé un portrait des relations internationales depuis plusieurs siècles et la position de la France dans la guerre commerciale que se mènent les États-Unis et la Chine, mais également dans les différents conflits armés dans le monde.
Le futur des pratiques : développement de la crémation animalière, aquamation, terramation
Ensuite, plusieurs interventions de prospective ont suivi, à commencer par celle de Nicolas Goossens (Seleste), venu faire le point sur le domaine de la crémation animalière. Autrefois ignorée voire moquée, la crémation animalière concerne les chats, les chiens, les nouveaux animaux de compagnie (NAC : lapins, rats, furets…) et les équidés. Aujourd’hui, on estime à un million le nombre de décès chaque année d’animaux de compagnie.
Le nombre de centres funéraires animaliers a fortement augmenté ces dernières années, et les familles sont en demande d’alternatives éthiques à l’équarrissage pour les obsèques de leur animal de compagnie. Cette évolution sociétale pose un défi au secteur du funéraire public : il y a 850 000 crémations chaque année en France, qu’elles soient collectives ou individuelles, et 297 500 urnes sont restituées aux familles, ce qui appelle au développement d’une offre de crématoriums animaliers, à l’image de celui qui ouvrira prochainement à Béziers.
La piste de l’aquamation (ou résomation) a également été évoquée, avec la présentation de cette méthode alternative à la crémation. Elle consiste à plonger le corps dans une solution d’eau et de 5 % d’alcali, à la chauffer à une température entre 95 °C et 150 °C, ce qui va permettre la réalisation d’une réaction appelée hydrolyse alcaline, qui peut se comparer à la dissolution du corps. À la fin de l’opération, il reste les os, mais également les amalgames dentaires et les stimulateurs cardiaques en parfait état.
Cette méthode a plusieurs avantages : elle a une empreinte carbone 7 à 9 fois moins importante qu’une crémation traditionnelle, elle permet également aux familles de garder une urne contenant les calcius séchés puis broyés dans une urne, comme en cas de crémation. La présentation a porté sur la méthode, ses avantages, et les pays dans lesquels elle est mise en pratique (Irlande, États-Unis). Alternative à la crémation, elle séduit de plus en plus de familles dans les zones où elle est disponible.

En France, les recherches se font sur une méthode intermédiaire, et les questions sont nombreuses avant de faire évoluer la loi. En effet, il reste un flou sur le cadre légal, les endroits où la pratiquer, quels termes utiliser, quelles techniques, quels risques sanitaires ou environnementaux… Et la question principale est d’intégrer la pratique dans les obsèques. Une consultation du public a montré que le désir serait plutôt celui d’un "enterrement amélioré" en sous-sol, avec une récupération des ossements après un temps donné. Les ossements seraient placés dans un ossuaire nominatif, alors que l’espace d’humusation serait aménagé, en surface, en lieu de souvenir. Les premières réponses sont attendues pour septembre.
Le chercheur a ensuite exposé l’état de la recherche en France sur le domaine funéraire. Les recherches en cours portent notamment sur la construction d’un capteur qu’on puisse placer dans les fosses avant de placer le cercueil et de refermer, pour déterminer sur plusieurs années comment va évoluer la qualité du sol. D’autres équipes travaillent sur l’impact des intrants (produits de thanatopraxie, mais également produits introduits ante-mortem, comme les chimiothérapies) sur la décomposition des corps, ou encore sur l’aménagement des cimetières et leur intégration dans le tissu urbain...
Une fondation, baptisée "Éternis", est d’ailleurs en cours de création avec l’appui du CNRS pour mener des études sur la gestion des corps morts, aux rites et techniques funéraires, et aux enjeux de la transition vers de nouvelles pratiques. Avec cette fondation, la recherche sur le domaine du funéraire va pouvoir accueillir des financements, des suggestions du grand public, mettre en place des contrats de thèse de doctorat, et globalement faire évoluer les pratiques et techniques du funéraire pour qu’elles s’intègrent aux enjeux d’aujourd’hui.
Ces 3 jours se sont conclus avec l’Assemblée générale de l’UPFP, lors de laquelle l’accent a été mis sur la formation avec le partenariat entre la Fédération et Parcours F, mais également une veille juridique, l’accord obtenu avec la Sacem et la participation aux différents salons à venir.
En conclusion, ces Rencontres Nationales ont été denses, avec de nombreuses sessions de travail animées par des professionnels experts dans leur domaine, et les participants sont tous repartis avec des pistes de réflexion pour l’année à venir.
Des fournisseurs partenaires engagés
Comme chaque année, les fournisseurs étaient présents sur un espace dédié au sein du palais des congrès pour exposer leurs nouveautés. Ils ont pu en faire une présentation rapide, en plus de leur stand. Étaient présents les Guides Piron et les Flories, le Groupe SEIVEN, JO & CO, le Groupe Canopée, Enaos, Néorite, Facultatieve Technologies, ATI Industries, Capitonnages de l’Ouest, Carles, Carbone 14 et Ducarme.
Mathieu Bougaud
Résonance n° 217 - Juillet 2025
Résonance n° 217 - Juillet 2025
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