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Ce truisme paléoanthropologique semble battu en brèche depuis que des scientifiques ont mis en évidence la pratique de ces sortes de rituels chez certains groupes d’animaux (Selective "mourning” behaviour in chimpanzees : Max Planck Institute, 2016, par exemple).

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Patrick Lançon,
secrétaire général de la FFC.

Plus prosaïquement, l’empathie animale, celle que des dauphins, oiseaux et autres éléphants manifestent devant le décès d’un congénère, s’étale sur les blogs de globe-trotters d’occasion et dans les médias en mal de sensationnel, laissant supposer que des volées de geais buissonniers ou de corbeaux vont se précipiter chez leur assureur respectif pour signer un contrat obsèques. Neandertal, lui aussi, semble avoir, le premier, honoré ses morts (Atapuerca, Espagne –350 000 ans). Le presqu’homme et la bête nous révèlent des manifestations funéraires qui étaient, jusqu’ici, l’apanage de l’homme. Elles le renvoient à ses certitudes anthropocentriques, celles qu’il appartiendrait à une espèce à part, définitivement dénaturée et fière de l’être.

La douleur ressentie à la disparition d’un "être cher" semble donc naturelle et universelle, dans l’espace et le temps. Et, sauf pour les psychopathes, elle est spontanée. L’homme va la mettre en scène au travers de rituels reconnus et acceptés par le clan d’abord (famille), et la tribu ensuite (société), rituels qu’il transmettra comme identité et ciment du groupe lors de l’hommage à un défunt. Ce que ne font pas les autres animaux. Tout se complique quand le rituel prend un caractère formel obligatoire, comme celui mis en place par certaines religions, avec une emprise systématique sur les corps, de la naissance des hommes à leur mort.

Le libre choix des obsèques, garanti en France par la loi de 1887, voulait mettre un terme à cette situation. Il était le résultat à la fois d’un constat de risque sanitaire, celui du courant hygiéniste qui affirmait que la terre dans les cimetières ne disposait plus d’assez de temps pour résoudre les cadavres (prise de conscience de la pollution des cimetières et accroissement de la population), et d’une revendication politique, celle de francs-maçons et de libres-penseurs qui souhaitaient rendre à l’individu la place que lui réservait la République, par sa trilogie liberté, égalité, fraternité, dans une société en pleine mutation. Presque cent ans ont séparé cette loi du véritable essor de la crémation dans notre pays (années 1980). Par sa tolérance à cette pratique funéraire en 1963, l’Église catholique a, sans doute, favorisé son développement.

Avant cette date, certains "paléos" crématistes manifestaient un évident rejet du culte catholique par le refus de la moindre cérémonie et la dispersion de leurs cendres dans la nature. Le droit de choisir la crémation, au lieu de l’inhumation traditionnelle et unique depuis plus de mille ans, pouvait, à l’époque, passer pour une provocation contre un ordre établi, mais aussi, pour certains autres, comme une forme de discrétion, voire d’humilité... Mais, dans tous les cas, ce droit était toujours (et reste) l’exercice d’une véritable et toute nouvelle liberté individuelle. Ces dispositions législatives plus que séculaires désormais, qui assurent la liberté et le respect des volontés en matière d’obsèques, ont sans doute aidé à parler de la mort au sein des familles. Elle devient de moins en moins taboue.

Selon la dernière enquête quantitative du CRÉDOC (pour la CSNAF) sur les obsèques, 76 % des sondés (inhumation et crémation confondues) disent qu’il est important de faire connaître ses volontés, et 95 % souhaitent le respect de leur choix pour la cérémonie. Ce choix est fait à 62 % quand elle est civile et à 52 % quand elle est religieuse, les différences respectives du choix revenant à la famille ou à des proches. Et, quel que soit le type de cérémonie, il a toujours permis de laisser s’exprimer les émotions des personnes interrogées (88 %). De plus, cette cérémonie a semblé correspondre à la personnalité du défunt (très bien à 56 %, assez bien à 39 %).
 
Il semble donc que la pauvreté cérémonielle reprochée aux crématistes soit maintenant en voie de disparition. Au moins pendant le temps de son déroulement. Le pourcentage des cérémonies civiles est à peu près le même pour les cérémonies religieuses (49 % pour 51 %) lors de crémations. Il n’est plus que de 13 % lors d’inhumations (87 % pour les cérémonies religieuses). Et la compassion passe mal le temps de la cérémonie civile. En effet, cette dernière n’est jamais suivie d’un événement festif à 27 % (contre 17 % pour la cérémonie religieuse).

Depuis 1887, la cérémonie funéraire, qu’elle accompagne une crémation ou une inhumation, ne peut plus avoir de caractère obligatoire. La volonté du défunt détermine la forme qu’elle doit prendre. Une façon de ne pas laisser cette charge aux familles soumises à un stress important pendant la période qui suit le décès. Ce début du deuil est le temps de tous les dangers pour ceux qui vont parfois subir une pression éhontée de la part de certains… Nous avons tous, malheureusement, dans nos associations crématistes, des exemples de factures qu’on peut qualifier d’astronomiques (jusqu’à 8 500 € pour une crémation, dont toutes les prestations n’étaient pas souhaitées). Oui, les volontés du défunt protègent les familles... d’autant plus qu’elles peuvent être assistées, notamment par nos associations pour leurs adhérents.

Patrick Lançon
Secrétaire général de la FFC

Résonance n°122 - Juillet 2016

Instances fédérales nationales et internationales :

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