La Chambre Syndicale des Services Funéraires Affinitaires (CSSFA) tiendra sa première Convention nationale le samedi 21 juin à Noisy-le-Sec. L’occasion pour les professionnels prestataires, leurs fournisseurs et les personnalités conviées de dresser l’inventaire des défis à relever et des solutions à mettre en place afin d’assurer l’arrimage de cette niche d’activité à la filière nationale.

Il n’aura pas fallu longtemps aux dirigeants de la Chambre syndicale pour décider de donner de la visibilité aux problématiques spécifiques à un service funéraire qui l’est d’autant plus. Conscients que l’avenir du service funéraire affinitaire réside dans sa capacité à s’intégrer à la filière et à apporter sa contribution à la mise en place d’un service funéraire diversifié, ces derniers ne manqueront pas de rappeler à cette occasion que leur objectif est de consolider la mission de service public et qu’elle soit déployée dans toute sa dimension.
Trois grandes thématiques seront débattues à l’occasion d’une table ronde regroupant les professionnels, les élus locaux et nationaux, les institutionnels, les professionnels prestataires, les assureurs, les associations de familles et les fournisseurs :
- D’abord, la problématique des rapatriements qui occupe une place dominante en raison de l’importance des transports internationaux de dépouilles mortelles vers les pays d’origine.
- Ensuite, la problématique des assurances obsèques dont la variété des produits et des formes de diffusion interpelle à plus d’un titre.
- Le regroupement des sépultures dans les cimetières nationaux qui revient au-devant de l’actualité du fait de la saturation des espaces dédiés, dans des cimetières communaux également saturés.
Préalablement à l’ouverture des travaux, il sera nécessaire de poser les préalables indispensables à la clarification des débats et des travaux. En effet, bien que s’agissant de services funéraires spécifiques, et en particulier rattachés à un rite particulier, il n’en demeure pas moins que la mission de service public exercée par les professionnels est mise en œuvre par des entreprises françaises dont les dirigeants sont de nationalité française ou ressortissants d’un État membre de l’Union européenne.
Cette précision est fondamentale. Elle permet d’évincer toute tentative de renationalisation des entrepreneurs par rapport à leur pays d’origine. Cela correspond parfaitement à la volonté de la Chambre syndicale de considérer en tant que tels les prestataires des services funéraires affinitaires quelles que soient les origines de leurs dirigeants.
La clarification souhaitée étant effectuée, il convient de revenir sur les différents enjeux qui seront abordés à cette occasion.
Rapatriements vers les pays d’origine : et si la tendance s’inversait ?
Les rapatriements de corps vers les pays d’origine se sont amplifiés ces dernières années au point de constituer un flux de mobilité des dépouilles inédit. Une telle situation, bien que source de nouvelles difficultés, a permis aux professionnels prestataires de s’initier à la réglementation de pays à la réglementation très disparate et parfois même s’érigeant en labyrinthe de formalités et de démarches.
Cependant, ce flux s’accompagne de réalités nouvelles : la réglementation et les procédures de compagnies aériennes sont désuètes, tout comme elles méritent d’être adaptées à l’évolution du trafic aérien particulier. C’est le cas notamment des procédures de chargement et de préparation des dépouilles, tout comme la choquante étape de la pesée des cercueils qui ont conduit à qualifier ce type de prestation de transport de marchandises et non pas de personnes.
Il convient de régler ce paradoxe flagrant qui consiste à différencier la qualification de la dépouille selon son mode de transport. Par la voie aérienne, les compagnies aériennes renvoient à la convention de Varsovie relative à l’indemnisation des bagages perdus au poids (voir le cas Aigle Azur rapporté dans le magazine). Par la route, cette prestation est considérée comme un transport de personnes, à en juger par l’application du taux réduit de TVA.
Enfin, la Convention s’interrogera sur l’évolution du flux de rapatriements vers le pays d’origine à travers une analyse détaillée. Alors que la France compte aujourd’hui plus de 5 millions de musulmans, près de 80 % de ceux qui décèdent sur le sol français sont rapatriés dans le pays d’origine pour y être inhumés.
À titre d’exemple, en 2011, plus de 2 300 défunts ont été transférés vers le Maroc et plusieurs centaines d’autres vers la Tunisie et vers l’Algérie. Les chiffres diffusés dans le rapport du CNOF (2019-2020) font état de 18 932 autorisations de transports de corps hors du territoire métropolitain, essentiellement vers les pays du Maghreb. Si on comptabilise les chiffres des laissez-passer sur les pays signataires des accords internationaux (Convention de Berlin et accord du Conseil de l’Europe), la situation est conséquente.
Pourtant, dès avant 2020, ce mouvement tend à fléchir, comme en témoigne le nombre d’autorisations délivrées par les préfectures, passant à 13 376. Certes, l’effet Covid en donne une explication. Néanmoins, des témoignages concordants de professionnels prestataires confortent ce recul. En effet, bon nombre de familles, notamment issues de la seconde génération, optent pour une inhumation locale. Le phénomène touche également la première génération, soucieuse d’être inhumée auprès de ses petits-enfants.
Assistera-t-on à une inversion de la tendance à l’image de l’Angleterre où, malgré le coût moins élevé d’un rapatriement, les musulmans optent à 90 % pour l’inhumation locale, alors même que le rapatriement est moins onéreux ? Bien évidemment, l’inversion de cette tendance se traduira par un impact direct sur la gestion des cimetières communaux, notamment l’aménagement d’espaces de regroupement de sépultures.
Cimetières communaux : la nouvelle donne du regroupement des sépultures
Pour la Chambre syndicale, le débat devrait se situer au niveau de la gestion de l’espace dans les cimetières communaux, sous l’angle du regroupement de sépultures. Une telle façon d’aborder un sujet aussi épineux est de nature à ne pas focaliser la discussion autour d’un rite funéraire par rapport à un autre.
Certes, la circulaire du 19 février 2008, publiée dans la continuité des circulaires du 28 novembre 1975 et du 14 février 1991, n’impose en aucun cas le regroupement des sépultures au sein d’espaces affectés. Ce que les circulaires suggèrent aux élus locaux, ce sont les possibilités ouvertes par leurs pouvoirs de police en matière de gestion de l’espace du cimetière et de son aménagement.
L’évolution de la société contemporaine impose une réflexion adaptée autour de la gestion future des cimetières communaux, alliant un équilibre entre les principes républicains et la nécessité de prendre en considération l’évolution des rites funéraires. L’exemple de la ville de Marseille est à relever. En effet, la ville a décidé de consacrer 50 % des extensions des cimetières aux regroupements de sépultures.
Reste que cette évolution attendue suppose plusieurs axes de travail en collaboration avec les professionnels prestataires et les familles, afin de combler le déficit de connaissances des règles régissant la gestion du cimetière communal. À titre d’exemple, le professionnel ne doit nullement considérer que l’inhumation en terrain commun équivaut à l’attribution d’une concession à la famille.
De même que l’octroi d’une concession dans le cimetière communal dont le coût n’a pas été acquitté ne doit pas être considéré comme étant une concession, mais plutôt comme une occupation temporaire du domaine public, comme si l’emplacement affecté correspondait à une inhumation en terrain commun.
Du côté des familles, la question de l’entretien des sépultures doit être abordée, sans réserve ni limite d’une quelconque nature. Tout comme, d’ailleurs, l’entretien de l’espace de regroupement des sépultures. Consciente de la situation en la matière, la Chambre syndicale a suggéré aux professionnels présents à la réunion du mois de février à Marseille d’organiser des actions de volontariat afin d’entretenir les espaces affectés.
Assurance obsèques : remettre de l’ordre dans les produits et favoriser des garanties protégeant les familles et les professionnels
S’il est un débat qui sera attendu, c’est bien celui de la distribution des assurances obsèques sur cette niche de marché. La situation relevée par la Chambre syndicale révèle une énorme anarchie des formules et des distributeurs qui semble avoir échappé au contrôle du régulateur.
L’objection des travaux de la convention envisagée est de mettre en place des solutions afin d’arrêter cette dérive et de revenir aux fondamentaux de l’assurance obsèques, c’est-à-dire, à un contrat de prestations détaillées et personnalisées adossé à un volet de financement clair, transparent et sécurisé.
La question des tontines, des caisses particulières érigées ici et là, sera posée avec acuité, tout comme celle de la gouvernance des associations diffusant ce type de produits. Certes, certaines associations ou certains supports mis en place se caractérisent par une tarification adaptée au pouvoir d’achat des adhérents à ces formules ; néanmoins, elles se caractérisent par une considérable insécurité juridique. Non seulement les distributeurs de ces produits exercent la fonction d’assureur de fait – ce qui est formellement interdit – et de surcroît se retrouvent en situation de graves conflits d’intérêts.
Il en est ainsi du président d’une association diffusant des produits de couverture assurantielle et devenu, au gré des circonstances, opérateur funéraire. L’effet de la canalisation et de l’orientation des familles est dès lors consacré. Que dire de ces associations qui proposent une cotisation à une association comme si elle correspondait à une prime d’assurance.
L’abus de la naïveté des postulants et de leur manque de connaissance en matière de couverture assurantielle est une pratique courante dont il faudrait se débarrasser au plus vite et proposer aux familles des garanties réellement assurantielles leur apportant une couverture avérée du risque décès.
Voilà en substance les grands enjeux des travaux de la première convention de la Chambre syndicale. Ils mettent en valeur le caractère ardu de la mission engagée, fondée sur des objectifs clairs et assumés : arrimer la niche de marché affinitaire à la filière nationale et contribuer à sa mise à niveau et à sa modernisation.
Méziane Benarab
Co-président de la CSSFA
Résonance n° 213 - Mars 2025
Résonance n° 213 - Mars 2025
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :