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Pragmatique, curieux par nature et grand adepte de l'analyse des chiffres, des bases de données et autres algorithmes, Charles Simpson est le fondateur et dirigeant de Senior Media, ainsi que le créateur du site meilleures-pompes-funebres.com. Fort de ses succès, il n'en finit pas de nous abreuver de précieuses informations relatives à l'évolution du comportement des familles ou, côté pro, de conseils pratiques sur la bonne conduite à tenir au regard de la digitalisation du secteur funéraire. Car le secteur funéraire a en effet connu de profondes mutations au cours des dix dernières années, et l'apogée des nouvelles technologies et autres réseaux sociaux n'aura fait qu'accélérer ce processus inéluctable. Les règles ont changé.… Explications…


Résonance : Charles, les professionnels funéraires entendent beaucoup parler de vous, certainement grâce à votre site meilleures-pompes-funebres.com, mais aussi du fait de vos contributions régulières dans Résonance ou des nombreuses conférences que vous avez tenues. Pour autant, ils ne savent que peu de chose sur votre parcours ou vos activités… Pourriez-vous nous en dire un peu plus à votre sujet ?

Charles Simpson : Je suis "tombé" dans le funéraire par hasard. J'ai travaillé pendant une dizaine d'années dans le conseil en fusion et acquisition, et j’ai eu la chance de rencontrer de nombreux entrepreneurs. Je trouvais leur vie passionnante et, passé la trentaine, je me suis dit "pourquoi pas moi ?".

J'avais beaucoup travaillé sur l'entreprise meilleurtaux.com (courtier en immobilier) et, à la suite d'une rencontre avec Pascal Mercier – qui s'était intéressé au funéraire et avait fait réaliser une étude via le programme d'HEC Entrepreneur –, j'ai lancé le site obseques-infos.com. Par la suite, nous avons créé plusieurs sites Internet, comme meilleurs-marbriers.com et meilleures-pompes-funebres.com. Et puis nous avons inauguré plusieurs services, notamment un outil tarificateur, et AIDE, un outil qui sert à gérer les démarches administratives de manière autonome, ainsi qu’un service pour capter des avis en ligne.

R : Pourquoi les seniors et pourquoi la fin de vie ?

CS : En me lançant dans le funéraire, je n'avais pas identifié la cible des seniors à proprement parler. J'ai mis du temps à comprendre que le comportement d'une personne avec un certain âge n'était pas le même qu'une personne de moins de 60/70 ans (pour simplifier).

Les internautes "seniors" couvrent de nombreux usages, avec un niveau d'aisance très varié qui ne s'explique pas uniquement par l'âge. Il existe d'autres facteurs, comme le fait d'avoir utilisé l'informatique dans un cadre professionnel, l'âge du premier contact avec l'informatique, le degré de curiosité, etc. Je trouve ce sujet passionnant, car il faut être à l'écoute, oublier ses certitudes, faire de nombreux tests, et surtout simplifier au maximum les processus. Quand je vois des sites funéraires avec des formulaires sur trois pages et un captcha loin d'être optimal, je me dis qu'il y a encore beaucoup de travail à faire !

Il faut savoir que l'aisance d'un internaute senior évolue : l'âge rend la navigation de plus en plus complexe et la perte de réflexe nous oblige à toujours être disponibles par téléphone. Concernant les démarches liées à la fin de vie (par exemple solliciter un devis avant le décès de la personne), c'est un sujet qui était mal renseigné sur Internet ; on se pose beaucoup de questions, et les réponses étaient difficiles à trouver. La fin de vie est un sujet très difficile, et Internet permet d'informer les personnes et les aidants pour obtenir des informations clés en réponse à des questions qu'ils n'oseraient pas poser ou qu'ils ne sauraient pas à qui poser. Il faut déculpabiliser les familles sur ce sujet qui peut rester un tabou pour un grand nombre d’entre elles.

R : Internet est devenu le vecteur principal de la consommation moderne… Et le funéraire n'y fait pas exception. Avez-vous une explication à cela ? Pourquoi un secteur où l'humain est censé être prépondérant se voit impacté de la même manière que les autres secteurs d'activité ?

CS : Selon moi, Internet permet deux usages qui sont très différents. Le premier usage permet à une famille de trouver une entreprise de pompes funèbres. Historiquement, on utilisait les Pages jaunes pour trouver le numéro de téléphone d'une entreprise qu'on connaissait (presse locale, magasin proche de chez soi, etc.). Aujourd'hui, les comportements ont complètement changé et sont devenus de plus en plus variés. Évidemment, certaines familles continuent de s'adresser à l'agence de pompes funèbres près de chez elles en utilisant Google pour trouver le numéro ; mais d'autres recherchent en s'appuyant sur les commentaires, le lieu de la chambre funéraire, via une publicité sur AdWords, etc. Internet est omniprésent sur la phase amont, mais l'usage du digital reste simple et s'appuie énormément sur le marketing et la capacité de l'entreprise de pompes funèbres à véhiculer le bon message (qualité de la page, des informations, éventuellement des vidéos, etc.).

Le second usage est l'utilisation des outils digitaux pour les services funéraires. Ce type d'utilisation reste encore faible, même si cela évolue positivement. Il existe de nombreuses solutions, mais qui restent globalement sous-utilisées. Cela s'explique selon moi par le fait que les internautes restent réticents à l'idée d'utiliser ces outils et que ceux-ci sont encore peu adaptés à leur usage. C'est à nous, les acteurs du digital, de nous adapter à notre cible, car, si les outils ne sont pas assez utilisés, c'est qu'ils sont trop compliqués ou que leur valeur n’est pas perçue par les internautes.

Enfin, il y a deux évolutions majeures qui concernent le quotidien des Français : le QR code pour le pass sanitaire, et les impôts. Pour les impôts, il devient de plus en plus compliqué de passer par le papier, et il faut se mettre au digital. Pour le QR code, chacun sait s'en servir aujourd'hui. Le funéraire va bénéficier de ces évolutions majeures, mais l’humain reste et restera central pour la majorité des familles, car rien ne pourra remplacer l'humanité qu'apporte le conseiller funéraire. Les outils digitaux vont lui permettre de mieux effectuer son travail, et de permettre à la famille d'accéder à plus de services.

R : Cela étant, c'est grâce à cette digitalisation du funéraire que vous parvenez à compiler toutes les données nécessaires à vos enquêtes…

CS : J'ai démarré la création d'une base de données structurée en 2020 lors du confinement en créant un logiciel dédié avec mon équipe technique. C'est à ce moment-là que j'ai pris conscience de la complexité du sujet. Ce fut long, mais aujourd’hui, je dispose de cet outil que je maintiens à jour grâce à de nombreuses sources comme le listing des préfectures, les réseaux sociaux, la presse, les sites des entreprises, etc.

Je couvre tous les sujets qui concernent le secteur funéraire : listing des pompes funèbres, des chambres funéraires, des prix des concessions de cimetière, des prix des crématoriums, etc. Je n’ai pas terminé, et je crois que je n’aurai jamais terminé. Je voudrais notamment lister tous les lieux de cérémonie, les thanatopracteurs, les maîtres de cérémonie… La rigueur est de mise. Le funéraire est très pauvre sur ce sujet, mais j'apporte ma modeste contribution aujourd'hui et j'obtiens d'excellents retours. Par ailleurs, j'ai une approche très ouverte sur le sujet, je publie un maximum et je suis favorable aux échanges.

R : Exit le déclaratif… Place à l'analytique ! Pensez-vous que les professionnels funéraires, pour ceux qui ne l'auraient pas encore fait, vont devoir revoir leurs copies pour rester performants ?

CS : Avoir des analyses, des données, c'est super ; mais une fois qu'on est confronté au terrain, que peut-on faire ? La question peut sembler simpliste, mais c'est la réalité à laquelle nous sommes tous confrontés. Par ailleurs, on se rend vite compte que chaque région a ses spécificités et que les besoins sont de plus en plus hétérogènes.

Le funéraire a trois caractéristiques majeures : une évolution des comportements très lente, et une forte dépendance aux évolutions sociologiques et géographiques.

Personne ne peut contester le premier point : à titre d'exemple, les Pages jaunes ont survécu à la fin grâce au funéraire. L'âge de la cible pousse au conservatisme. Concernant les tendances sociologiques, la sécularisation en est l'exemple : la religion est encore très présente dans les enterrements aujourd'hui, mais d’ici 20 ans, cela devrait fortement évoluer avec son effondrement. J'invite à la lecture de "L’Archipel français" de Jérôme Fourquet pour prendre conscience de ces tendances et de la multiplication des croyances. Enfin, sur la géographie, il faut connaître son bassin, c’est-à-dire l'évolution du nombre de décès. J'ai fait un gros travail sur ce sujet, mais là, on touche à la concurrence, et mes interlocuteurs sont moins loquaces.

Pour rester performant, je crois fermement à la stratégie des petits cailloux. On avance pas à pas et on apprend. Par exemple, on observe que les conseillers ont du mal à proposer des services complémentaires, et je le comprends (déjà, bien régler les obsèques n'est pas toujours évident). Il faut toujours continuer de tester malgré la réticence usuelle des conseillers funéraires au changement. Heureusement, cela ne concerne pas tout le monde. La formation me semble l'unique moyen de faire évoluer la profession.

Sur ce point, je recommande aux conseillers de s'adapter à leurs clients et d'avoir une approche par "personae", c'est-à-dire qu’en fonction de la famille, il faut s’adapter. Si, par exemple, j'ai quelqu'un devant moi qui est très pressé et technophile, je m'adapte et je propose de gérer de nombreux services à distance (comme la signature électronique, la confirmation des horaires par SMS, etc.). En revanche, si j'ai affaire à une personne qui est très attachée à l'institution et au formalisme, je prends le temps de rentrer dans chaque détail avec une explication. Mon observation est qu'on a du mal à s’adapter au type de famille et qu'on ne devrait proposer les services complémentaires que si c'est pertinent. Selon moi, il y a une grande carence dans le funéraire sur ce sujet. Encore une fois, la formation doit accompagner ces évolutions.

R : Un vieil adage dit que l’on peut faire dire ce que l’on veut aux chiffres. Est-ce encore possible aujourd’hui, et, si oui, est-ce facilement décelable dans la multitude de données que nous proposent les nouvelles technologies ?

CS : Oui tout à fait, avec les chiffres j'ai une grande latitude de présentation et d'interprétation. J'essaie de faire mon analyse en n'ayant aucun prérequis, de ne porter aucun jugement et de ne pas avoir de croyance. Je travaille via du code en Python, ce qui me permet de travailler sur des grosses bases de données, et je ne modifie pas les résultats. Dans toutes les études que j'ai publiées, j'ai fait très attention à cela. Si on me demande les détails, je suis capable de les fournir. Par exemple, pour les avis, tous les tableaux sont bruts. Bien évidemment, j’ai une approche bienveillante, je ne veux ostraciser personne, et donc, lorsque les données sont négatives, je les publie sans en rajouter, notamment au niveau des commentaires. Je travaille avec de nombreux acteurs du funéraire, mais pas tous, et je suis obnubilé par ma neutralité. Par ailleurs, je suis toujours disponible pour échanger, et je suis toujours un peu déçu par le manque de retours ; j'espère en avoir plus à l'avenir !

R : Vous vous présentez comme un Web addict, pour autant, vous semblez garder une certaine distance avec certains aspects de l’outil Internet… Pourquoi ?

CS : Aujourd'hui, nous sommes tous totalement accros au téléphone, et c'est une catastrophe. J'ai beaucoup lu à ce sujet et, lorsque je vois un enfant de deux ans sur un écran pendant 3 heures dans le train, je me dis qu'on va devoir faire face à de gros problèmes sur nos capacités de concentration. Pour moi, la solution, c’est qu’il faut savoir se couper, se donner des limites. Dans mon cas, je me fais des week-ends sans aller sur Internet. Internet est fantastique, on peut se former sur tout (je recommande Coursera), s'informer sur des sujets très pointus (notamment avec Twitter) ou être au courant de tout (par exemple via LinkedIn). Je suis "bluffé" par LinkedIn, qui est, en deux ans seulement, devenu une grande source d'information pour le funéraire.

Je suis un optimiste-sceptique. De nature optimiste, je souhaite le rester, mais, avec l'expérience et l'analyse, je suis prudent, car, si on prend un peu de recul, on note vite que le funéraire n'a pas connu d'évolution technologique majeure depuis 15 ans – mis à part le remplacement des Pages jaunes par Google. Il y a eu de très nombreuses initiatives ou innovations, mais qui n'ont pas rencontré de succès commercial. Il y a un "cimetière d'entreprises" (pour ceux qui sont allés au Salon de la Mort en 2011, la plupart des entreprises proposant des nouveaux services ont déposé le bilan), et pour moi, c'est un vrai sujet. Peu d'entreprises funéraires sont prêtes à financer des initiatives, et c'est dommage. Mais je reste très optimiste, car ces prochaines années vont être passionnantes, avec l'arrivée de toute une génération de technophiles qui ne vont pas comprendre le retard du funéraire soit que des services usuels, par exemple la signature électronique ne soit pas systématiquement proposée.

R : Au regard de la montée en puissance des outils digitaux, les mesures mises en place telles que la RGPD vous semblent-elles être des protections suffisantes ? Ont-elles leurs limites et, si oui, qu'est-ce qui selon vous pourrait-être amélioré, notamment dans le giron funéraire ?

CS : En réalité, le RGPD vient seulement de démarrer, malgré le fait que la réglementation ait plus de 4 ans. Si je suis très concret, l'une des premières obligations a été le bandeau sur le site Internet pour accepter les cookies. D'ailleurs, de très nombreux sites funéraires en sont dépourvus. L'une des prochaines évolutions concerne Google Analytics. Cet outil gratuit proposé par Google permet de suivre le trafic d'un site. C'est un outil très précieux pour de nombreuses pompes funèbres pour analyser leur trafic. Si je simplifie, cet outil n'est plus juridiquement compatible avec les réglementations européennes et, de fait, il va falloir trouver une alternative qui assure que les données sont bien hébergées en Europe.

Le RGPD est une tendance de fond avec laquelle il faut travailler. On se rend compte que l’objectif – même s'il peut sembler contraignant au niveau professionnel – est bien pratique au niveau personnel. Par ailleurs, il y a une telle domination des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) en France que le fait que des règles soient instaurées me semble une bonne chose. Google s'est accaparé maintenant plus de 90 % des budgets marketing digitaux dans le funéraire, et en plus, cela ne bouge pas depuis 10 ans maintenant. Facebook, Bing, Instragram, TikTok restent anecdotiques.

R : Revenons à votre domaine de prédilection… Vous avez proposé une enquête très instructive sur les "Avis et commentaires Internet". Quel sera le sujet de votre prochaine étude, et en quoi sera-t-elle utile aux professionnels funéraires ?

CS : Nous avons une dizaine de sujets en cours de traitement : prix des concessions funéraires, comment les mairies communiquent sur les cimetières, concurrence dans les pompes funèbres, etc. L'idée est de traiter ces sujets de manière plus visuelle via des infographies. Nous publions notre première infographie en septembre.

Il y a un sujet qui m'intéresse tout particulièrement : le futur de la cérémonie. Tout le monde sait que la cérémonie religieuse est de moins en moins pratiquée et qu'il devient urgent de se poser les bonnes questions sur son futur. Qu'elle soit laïque ou religieuse, le rôle du conseiller funéraire est essentiel, et il va devoir prendre en main ce sujet. Il va falloir gérer le contenu. Les nouvelles technologies permettent de nouveaux services, et c'est pour cela que nous allons lancer une nouvelle étude en septembre/octobre sur ce sujet.

Par ailleurs, la marbrerie est un sujet qui m'intéresse beaucoup, sachant qu'il existe très peu de données sur ce sujet. Enfin, il y a l’environnement ; là, c'est le sujet le plus compliqué, car il remet en cause beaucoup de fondamentaux du funéraire. Pourtant, on ne peut pas continuer à l'ignorer.

R : À ce titre, vous avez sollicité les professionnels, de façon anonyme, au travers d'un sondage pour vous aider dans la réalisation de cette enquête. Ont-ils répondu présents ou pensez-vous qu'il existe encore certaines réticences à être proactif dans ce genre de démarche ?

CS : Lancer un sondage est toujours un exercice difficile. Le taux de réponse reste perfectible, mais on progresse sur ce sujet. L'idée est d'obtenir une centaine de réponses ; cela peut sembler faible, mais j’observe qu’au-dessus de 50 retours les chiffres se stabilisent. Nous allons lancer une infographie justement sur le futur de la cérémonie en octobre. C'est un outil que je souhaite utiliser car le funéraire est un secteur où les études sont rares mais apportent systématiquement une lecture sur les tendances du marché. J'en profite pour remercier toutes les personnes qui prennent le temps de répondre à nos sondages.

R : Charles, un grand merci pour votre franchise et votre bonne humeur. Avant de conclure, y a-t-il une dernière précision que vous souhaitez nous apporter ?

CS : Je souhaite lancer un nouveau livre blanc pour le prochain salon FUNEXPO en novembre 2022. Cela sera notre troisième livre blanc, et nous allons pouvoir bénéficier de vos retours et pouvoir pousser plus loin l'analyse, notamment en ce qui concerne l'étude des variations. Évidemment, l'analyse de la concurrence dans le funéraire aura une place prépondérante. Il y a eu pas mal d'ouvertures de magasins en 2021/2022, et nous allons vous proposer une analyse par région, comme pour les avis.

Pour conclure, je réalise tout ce travail avec l'objectif de parler de meilleures-pompes-funebres, avec aussi un réel intérêt pour le funéraire et son futur. Dans ce cadre, je suis toujours ouvert aux échanges, aux questions et aux remarques. Ce travail est passionnant, mais il l’est d'autant plus avec les échanges. N'hésitez pas à me contacter ou lors des publications à m'envoyer un e-mail.
 
Steve La Richarderie

Résonance hors-série n° 14 - Août 2022

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