Votre panier

Panier vide
Pluridisciplinaire par excellence, le Cabinet ADALTYS présente la particularité de s’être spécialisé dans la législation et la réglementation funéraires, tant sur le plan du droit administratif que civil. Récemment intervenu lors de la journée d’études, le 12 septembre dernier, "Bilan et perspectives de la loi 93-23 dite "loi Sueur", maître Philippe Nugue, avocat associé, saluait le travail du législateur tout en laissant entendre qu’il y avait encore fort à faire… Explication !


Résonance : Maître, vos contributions sont régulièrement dans nos colonnes, pour autant, à titre de rappel, pourriez-vous nous refaire une présentation synthétique du Cabinet ADALTYS et de ses domaines de compétences ?

Maître Philippe Nugue : Le Cabinet ADALTYS, il y a plus de 50 ans, s’est fondé en grande partie autour de la pratique du droit administratif, notamment du conseil aux collectivités territoriales. Il compte aujourd’hui une centaine de personnes sur cinq sites en France et deux implantations en Chine. Sa relation avec le droit public s’est développée et une quarantaine d’avocats en pratiquent quotidiennement tous les aspects aussi bien pour des acteurs publics que privés.

Le cabinet a agrégé des pratiques en droit des sociétés, droit pénal des affaires, compliance, risques industriels, baux commerciaux. Concernant le droit funéraire, c’est d’abord autour de l’exercice des pouvoirs de police spéciale du maire, puis de l’organisation du service des pompes funèbres, de la régie à la DSP (Délégation de Service Public), que le cabinet a développé le conseil. Immanquablement, le droit funéraire et son intimité avec la vie privée ont nécessité de développer de fortes compétences de droit civil autour du décès et de l’organisation des obsèques pour assister les opérateurs et les municipalités.

R : Ainsi, le Cabinet ADALTYS intervient très régulièrement dans des contentieux en rapport avec le domaine funéraire. À ce titre, avez-vous constaté un avant et un après "Loi Sueur" - 93-23, mais aussi 2008-1350 ?

Me PN : La loi Sueur a eu un incontestable apport bénéfique sur la régulation du marché, sa transparence, l’assainissement des pratiques et de la concurrence. La loi de 2008 a continué d’accompagner le développement de l’activité par la prise en compte des questions nombreuses qu’appelait notamment le développement de la crémation en France.

Tous les acteurs du secteur, publics comme privés, ont bien intégré depuis plus de trente ans que le législateur marque désormais un fort intérêt pour le droit funéraire. Intérêt nécessaire et légitime compte tenu de la sensibilité de la matière, l’assistance à des familles en deuil, la prise en compte des intérêts privés, de l’intérêt général, de la forte influence des pratiques religieuses et des croyances, le tout sur un secteur économique très important et très disputé.

Estrade Sénat

R : Votre bilan semble plutôt positif… cela étant, certains textes manquent de précisions et sont à l'origine de nombreux contentieux. Quels sont-ils exactement ?

Me PN : L’activité funéraire, celle des professionnels, est désormais relativement bien encadrée. On le voit avec l’adoption des textes récents, même si le processus est parfois long, sur la question par exemple du régime juridique des cendres ou de la récupération des métaux et prothèses à l’occasion de la crémation. Il reste du travail sur l’information aux familles, notamment la pratique des devis difficile à mettre en place.

Là où la réglementation, me semble-t-il, est encore en retrait, c’est plutôt sur la dimension du droit civil, celui des familles, avec peu de choses notamment sur la détermination précise de la personne qui peut être considérée comme "le parent le plus proche du défunt", à l’époque des familles plusieurs fois recomposées. Ce qui pose de grandes difficultés aux opérateurs de pompes funèbres et aux maires à l’occasion des obsèques en cas de désaccord au sein des "proches", notion qui recouvre à mon avis mieux la réalité moderne que celle plus étroite de "parent". On voit se multiplier les contentieux en urgence devant le juge civil pour déterminer qui est la personne la mieux placée pour décider du sort de la dépouille, du mode de funérailles, du lieu d’inhumation, etc.

Un autre aspect du droit funéraire qui mériterait une intervention législative est celui du régime des concessions dans les cimetières, et notamment de la libération de ses concessions la situation aujourd’hui est assez ridicule qui rend pratiquement impossible la restitution des concessions historiques, les "perpétuelles", puisqu’il faut rapporter la preuve de l’accord du fondateur de la sépulture souvent disparu et à défaut de l’intégralité des ayants droits, dont certains ont été aussi perdus de vue depuis longtemps.

Les familles en sont réduites à abandonner volontairement l’entretien de la sépulture pour permettre à la commune d’organisation la récupération de la concession… Le sort des concessions à terme n’est guère plus enviable qui ne permet de gérer facilement leur récupération qu’à l’occasion de la procédure de renouvellement, donc tous les 15, 30 ou 50 ans… Il faut organiser et simplifier le régime de restitution conventionnel des sépultures en permettant des accords "famille-mairie" plus simples.

R : "Le plus proche parent" est une désignation qui, à l'heure des familles recomposées, peut s'avérer complexe… Aux vues des nombreux dossiers que vous avez eu à instruire jusque-là, vous paraît-il nécessaire, voire urgent, que le législateur vienne préciser la notion de personne ayant pouvoir pour pourvoir aux funérailles ?

Me PN : C’est une nécessité pour les familles, les opérateurs, et les maires, puisque aucun de ces trois acteurs ne peut arbitrer seul la solution. Il faut recourir au juge, qui n’est guère aidé par les textes qui ne définissent pas ce "plus proche parent du défunt". (ce sont les textes sur l’exhumation des corps qui évoquent cette notion…). La jurisprudence civile est aujourd’hui bien étayée mais doit constamment évoluer, puisque les "familles" évoluent, que souvent le "proche" n’est même pas un parent, alors que l’usage veut que l’on privilégie encore aujourd’hui le "conjoint non séparé", notion elle-même très évolutive. La désignation par la loi de la personne la mieux placée pour pourvoir aux funérailles, au moins une sorte de hiérarchie compte tenu des typologies les plus courantes, mériterait une intervention législative.

R : Lors de la journée d'études, vous avez également évoqué la nécessité d'être encore plus rapide dans la régularisation des litiges et autres contentieux. Comment faire ?

Me PN : Il ne faut pas oublier que toutes ces décisions à l’occasion du décès et des funérailles doivent être tranchées dans des délais très brefs, ce qui ajoute encore à la complexité de la procédure dans des situations déjà très sensibles. Les contentieux sont traités dans des délais brefs, grâce aux juridictions et aux avocats. Ce qu’il faut améliorer, c’est faire en sorte qu’il soit de moins en moins nécessaire de recourir au juge. Et l’apport des textes peut y aider qui définirait plus précisément le régime civil des funérailles quand le défunt n’avait pas exprimé précisément ses souhaits, voire quand les "proches" remettent en cause l’expression de ces souhaits qui peut dater de plusieurs années et avoir évolué.

Organiser, par l’instruction civique, la sensibilisation de tous à la nécessité de prévoir et d’organiser ses obsèques reste une priorité. La création d’un fichier national, unique, numérique, gratuit, modifiable jusqu’au dernier jour par l’intéressé, et dans lequel celui-ci pourrait inscrire ses souhaits pour ses obsèques (désignation du proche, choix du mode de funérailles) me semble une piste à explorer.

R : Dans un autre registre, la médiation se présente également comme une voix salutaire dans de nombreux cas… Est-ce la solution à tous les maux car il s'agit bien là d'une négociation où chacune des parties devra faire des concessions au regard de ses droits ?

Me PN : Cela supposerait le recours à des médiateurs disponibles sur de très brefs délais et formés au droit funéraire, qui est vaste. Quant à l’accord à trouver, il est toujours le fruit de concessions réciproques, avec cette réserve que la matière étant aujourd’hui bien réglementée, il ne faut pas oublier que certains "droits" ne sont pas négociables, notamment ceux qui ont trait à la police des funérailles et des cimetière. Certaines "concessions réciproques" ne sont pas possibles.

R : Pour conclure, Maître, à raison ou par anticipation, quels devraient être, selon vous, les futurs grands sujets de réflexion en matière de législation et réglementation funéraires ?

Me PN :
1. La désignation par la loi de la personne la mieux placée pour pourvoir aux funérailles, au moins une sorte de hiérarchie compte tenu des typologies les plus courantes ;
2. Le régime des concessions dans les cimetières et leur restitution ;
3. La gestion même du cimetière dont le sort des carrés confessionnaux qui ne relève aujourd’hui d’aucun texte, et la précision du régime des forêts cinéraires ;
4. L’intégration des nouveaux modes de funérailles (humusation, aquamation etc.).
 
Steve La Richarderie

Résonance n° 183 - Septembre 2022

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations