Dans un secteur funéraire en pleine mutation, Benjamin Rivaud, fondateur de la société éponyme, se distingue par son approche novatrice et personnalisée des véhicules funéraires. De la conception de corbillards atypiques à la location de véhicules d’exception, il incarne une vision innovante du secteur funéraire, alliant passion, personnalisation et respect des traditions. Son approche unique offre aux familles des hommages sur mesure, reflétant la singularité de chaque individu… entretien !

Résonance : Benjamin, parlons de votre actualité. Quelles sont les dernières nouveautés de la société Rivaud ?
Benjamin Rivaud : L’actualité est riche, notamment avec le lancement de notre camion corbillard, une première en France. Ce véhicule a suscité beaucoup d’intérêt, tant dans la presse grand public que dans la presse professionnelle. C’est une réponse à une demande spécifique et un hommage aux chauffeurs routiers.
R : Comment vous est venue l’idée de créer un camion corbillard ?
BR : L’idée m’est venue lors d’un déplacement professionnel. Coincé derrière deux camions sur l’autoroute, j’ai réalisé que les routiers, qui passent leur vie sur la route, n’avaient pas de véhicule funéraire adapté. C’était une évidence : il fallait leur offrir un dernier voyage à la hauteur de leur passion.
R : Quelles ont été les principales contraintes pour concrétiser ce projet ?
BR : La principale difficulté a été l’homologation. En France, obtenir une carte grise VASP-FG funéraire pour un poids lourd est complexe. Il a fallu près d’un an et demi de travail, en collaboration avec mes partenaires italiens et avec un accord de principe préalable de la DREAL, l’organisme en charge des homologations, pour mener ce projet à son terme.
R : Quel a été l’investissement nécessaire pour ce camion ?
BR : L’investissement dépasse les 300 000 €. C’est conséquent, mais c’était essentiel pour proposer un véhicule unique et répondre à une demande spécifique.
R : Ce camion est-il destiné à la vente ou à la location ?
BR : Il est exclusivement destiné à la location. Même pour une grande entreprise de pompes funèbres, l’amortir serait difficile. Cependant, si une commande spécifique est passée, nous pourrions envisager une fabrication sur mesure.
R : Comment le public et les professionnels ont-ils accueilli ce véhicule ?
BR : Le camion a été présenté au salon FUNEXPO de Lyon en 2024, mais il n’était pas encore homologué. Depuis, nous avons reçu de nombreuses demandes, bien que certaines n’aient pas abouti en raison des coûts logistiques. Cependant, des familles prévoyantes ont déjà intégré la location du camion dans leurs contrats obsèques.
R : Quelle est votre stratégie de communication pour promouvoir ce véhicule ?
BR : Nous continuons à communiquer auprès des professionnels pour la fabrication et la vente (ou la location) de corbillards classiques. Pour les véhicules atypiques comme les motos et le camion, nous ciblons davantage le grand public. Depuis le début de l’année 2025, la plupart des cérémonies moto sont initiées par des demandes directes des familles.
R : Les professionnels présentent-ils vos prestations aux familles ?
BR : C’est plus complexe. Le secteur funéraire évolue lentement, et les nouveautés mettent du temps à être adoptées. Cependant, avec la montée en puissance de la personnalisation des obsèques, les lignes bougent. Les entreprises cherchant à se démarquer n’hésitent pas à proposer nos prestations.
R : Peut-on considérer que les corbillards atypiques sont la marque de fabrique de l’entreprise Rivaud ?
BR : Absolument. Je cherche toujours à faire ce que les autres ne font pas. Dans le segment des véhicules funéraires, je suis le seul à proposer la fabrication, la vente ou la location de corbillards dans toutes leurs déclinaisons : fourgons, limousines, motos et maintenant, camion poids lourd.
R : Parlons des motos. Quels modèles proposez-vous ?
BR : Nous avons deux side-cars en déclinaison corbillard : une Harley-Davidson et une Goldwing. Un troisième modèle, le MASH, a été vendu à une entreprise de pompes funèbres au nord de Paris. Cependant, la vente de side-cars corbillard reste une exception. Les modèles présents dans notre parc sont exclusivement destinés à la location.
R : Comment le public a-t-il réagi à ces motos ?
BR : Cela a pris du temps. Les premières retombées sont apparues 6 à 8 mois après l’introduction des motos dans notre parc. Le véritable buzz a commencé lorsqu’une vidéo de la Harley-Davidson a été postée sur TikTok, atteignant plus de 2 millions de vues. Depuis, les demandes sont nombreuses et régulières.
R : Quelle part de votre activité représente la location ?
BR : Entre 2 et 5 %. Ce n’est pas énorme, mais j’y trouve mon compte. Cela me permet tout d’abord de répondre aux besoins ponctuels de mes clients et de proposer un service supplémentaire. Ensuite, cette activité est une vitrine efficace pour mon entreprise. Et, pour finir, elle me permet de lier l’utile à l’agréable. Je suis un ancien "croque-mort" qui aimait son métier, un motard et un passionné de belles mécaniques. Tout est dit… Ce n’est pas l’argent qui me motive… c’est la passion qui m’anime !
Inutile de vous dire que les dernières fois que j’ai conduit le side-car Harley pour une cérémonie funéraire, entouré de plus d’une centaine de bécanes, l’émotion était à son comble… D’autant plus qu’en fin de cérémonie la famille est venue me remercier avec ces quelques mots : "C’est un formidable cadeau que vous nous avez permis de lui offrir pour son dernier voyage".
C’était un honneur pour moi et c’est dans ces moments-là que je sais pourquoi je fais "ces" métiers….
R : Avez-vous des idées pour de futurs véhicules ?
BR : Pas pour le moment. Il faut un déclic, une idée réalisable et cohérente qui réponde à une attente récurrente. Le vintage et le youngtimer sont des créneaux exploitables, mais très compliqués en matière d’homologation. Cela pourrait être génial, mais il faut que ce soit faisable.
R : Quid du néo-rétro ? Vous commercialisez bien le nouveau Type H ?
BR : C’est vrai, mais beaucoup n’osent pas encore franchir le pas. Côté particuliers, la Coccinelle et plus récemment la R5 font un malheur… pour le Type H, malgré toute l’empathie qu’il peut susciter, c’est plus long.
Il n’en demeure pas moins que, dans les véhicules que je propose à la vente, le Type H est, à mon sens, le véhicule idéal pour tout entrepreneur de pompes funèbres qui souhaiterait sortir du lot et se démarquer. Il bénéficie d’un capital sympathie hors norme car très réussi… C’est un véhicule atypique par nature de par sa "gueule", mais aussi et surtout, un véhicule qui appartient au patrimoine populaire français.
R : Qu’en est-il des véhicules électriques ?
BR : Très honnêtement, je ne suis pas fan. Je considère qu’il n’y a rien d’écologique dans ce type de motorisation, c’est une pollution déportée. De plus, les contraintes techniques lors de la fabrication et l’autonomie sont des freins, surtout en province et dans les zones rurales. Cependant, je reste à l’écoute des demandes et je m’adapte en conséquence.
R : Merci, Benjamin, pour cet échange enrichissant.
BR : Merci à vous pour cette interview.
Steve La Richarderie
Résonance n° 215 - Mai 2025
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