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Dupuis Philippe 2015Il s’agit d’un banal problème d’accessibilité à une concession funéraire où le requérant demande au maire la fin d’un empiètement dans une allée par un monticule de terre qui, on le devine, constitue une portion du tertre d’une tombe récemment installée (CAA de Bordeaux 7 février 2019, n° 17BX01266). Voici donc l’occasion de quelques rappels sur l’exigence de cet espace et des pouvoirs du maire sur celui-ci.

 

Les obligations pesant sur le maire en matière de police dans le cimetière

L’art. L. 2212-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) confie au maire la police administrative générale, c’est-à-dire la police de la sécurité, la salubrité, la tranquillité publiques ainsi que de l’ordre public. L’art. L. 2213-8 du CGCT quant à lui confie la police des cimetières. Le maire, à travers le règlement du cimetière, fera donc respecter ces différentes prescriptions.
Notons que, par l’arrêt Cauchoix, le juge administratif a procédé à une extension des pouvoirs de police du cimetière du maire au détriment de la compétence du conseil municipal en matière de gestion de cette parcelle du domaine public (CE, 20 février 1946, Cauchoix, Rec. CE, p. 53). Par exemple, il a déjà été jugé par le passé que la surveillance devait porter sur les travaux exécutés par les concessionnaires pour éviter que ces travaux ne conduisent à des empiétements sur d’autres concessions (CAA Nancy 2 juillet 1991, Consorts Tahir, Mme Émilienne Debarge-Verqueren, req. nos 89NC01389 et 89NCO1394).
Ici, le requérant invoquait l’occupation des allées du cimetière qui l’empêchait alors de se rendre par son cheminement habituel jusqu’à sa concession. Il invoque alors les dispositions du CGCT relatives aux espaces devant exister entre les sépultures. Le maire ne répond pas au courrier du requérant, faisant ainsi naître une décision implicite de rejet au bout d’un délai de deux mois de silence.

La définition et l’utilité de l’espace "intertombes"

L’art. R. 2223-4 du CGCT précise en effet que les fosses doivent être distantes les unes des autres de 30 à 40 centimètres sur les côtés, et de 30 à 50 centimètres à la tête et aux pieds, tandis que l’art. L. 2223-13 du CGCT dispose, en son dernier alinéa, que : "Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnés ci-dessus est fourni par la commune."
Ainsi, les textes législatifs et réglementaires posent tout à la fois l’existence de ces emplacements et leur taille. Ces espaces appartiennent à la commune. Leur utilité est évidente : il s’agit de permettre aux usagers du cimetière d’y pouvoir déambuler pour accéder à leurs monuments et tombeaux. Ces espaces, tout autant d’ailleurs que ceux dévolus aux concessions funéraires, appartiennent au domaine public communal, depuis que le Conseil d’État, dans son célèbre arrêt "Marécar" de 1935 (Rec. CE, p. 734), a qualifié comme tels les cimetières en raison de leur affectation à l’usage direct du public. Il est de surcroît un ouvrage public (CE 12 décembre 1986 : Rec. CE, p. 429 ; AJDA 1987, p. 283).
Ainsi, cela signifie que tout dépôt temporaire par une personne privée ou toute construction dans cette partie est illégal et peut engager la responsabilité de la commune en cas de trouble occasionné. Il est courant que le règlement de cimetière impose que ces espaces soient de plus traités par les concessionnaires. Il est assez commun que les communes instituent à leur profit de telles servitudes sur ces terrains, en y obligeant, au gré des circonstances locales, soit les concessionnaires à y poser une semelle, soit en les obligeant à recouvrir cet espace d’un quelconque matériau, en en excluant toutefois en général tout ce qui pourrait favoriser les chutes.
Il peut aussi arriver que le règlement de cimetière y interdise d’y déposer quoi que ce soit. On trouvera par exemple une illustration de cette problématique dans l’arrêt de la CAA de Marseille commune de Cabestany (n° 07MA01011, cahiers juridiques des collectivités territoriales, juin-juillet 2009, p. 26, note Dupuis) : "[…] qu’il résulte de ces dispositions qu’un passage d’une largeur minimum réglementaire doit être ménagé entre les tombes ou les concessions ; que ces espaces intertombes ou interconcessions font partie du domaine public communal et sont insusceptibles de droits privatifs ; qu’il appartient au maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police des cimetières, d’empêcher tout empiètement sur ces espaces."

Une solution attendue, mais une motivation surprenante

Nous croyons alors comprendre que l’espace laissé libre obéit à ces dispositions, et qu’il s’agit uniquement d’un accès rendu moins pratique pour le requérant. Néanmoins, les développements du juge attirent l’attention : laissons de côté, même si elle mériterait que l’on s’y attarde, l’affirmation du juge selon laquelle : "Aucune disposition n’exige que l’ensemble des passages permettant d’accéder aux tombes d’un cimetière aient une largeur permettant l’accès de personnes à mobilité réduite."
Deux affirmations peuvent alors susciter l’intérêt.
- La première est celle selon laquelle : "Les prescriptions, invoquées par le requérant, de l’art. R. 2223-4 du CGCT concernent l’espace entre les fosses, et ne portent pas sur la largeur d’un passage de circulation entre les tombes. Or, il n’est ni établi ni même allégué que les règles de distance entre les fosses du cimetière de T… auraient été méconnues."
Nous avouons ne pas discerner fondamentalement la différence opérée par le juge entre la distance devant exister entre les fosses et celles devant exister entre les tombes. Il nous semble qu’intrinsèquement il s’agit de la même chose. Certes, la notion de fosse semble renvoyer plutôt au terrain commun, mais, le plus souvent, le juge amalgame les deux notions. Par exemple, pour ce qui concerne le passage intertombal, on relèvera qu’il en va ainsi (CE 17 janvier 2001, commune de Massels, n° 334156 ; JCP A 2011, n° 2142, note Dupuis).
- La seconde lorsqu’il énonce qu’ : "Enfin, en enjoignant aux titulaires de la concession funéraire de la famille A… de faire réaliser une pierre tombale, travaux qui ont été exécutés en novembre 2015, le maire de T… a pris les mesures appropriées pour faire cesser l’empiètement dénoncé par M. D… " 
Ainsi, un empiétement existait bel et bien dans l’allée, empiétement qui n’existait plus au moment du jugement. On remarquera alors que le maire obligea à la pose d’une pierre tombale la famille A…. Or, si faire cesser un empiétement non autorisé dans une portion du domaine public constituait bien une obligation pour le maire puisque le fait que cet occupant ait pu bénéficier d’une tolérance, de courte ou de longue durée, de la part du gestionnaire du domaine est sans influence sur l’occupation sans titre (CE 24 mai 1995, M. Choukroun, SARL Galerie des tissus, SARL Galerie les bons tissus c/ maire de Paris, Rec. CE p. 781), il n’appartenait pas à celui-ci d’imposer la pose d’une pierre tombale, car, si l’art. L. 2223-12 du CGCT reconnaît au titulaire d’une concession funéraire le droit de construire des monuments et caveaux, il ne saurait être question de lui imposer une quelconque construction.

CAA de Bordeaux – N° 17BX01266
Inédit au recueil Lebon 
3e chambre – formation à 3
 
M. de Malafosse, président
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, rapporteur
Mme de Paz, rapporteur public
 
Cabinet Prim Geny & Thomas Avocats, avocat(s)
 
Lecture du jeudi 7 février 2019
 
République française au nom du peuple français
 
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler la décision implicite du maire de T… portant rejet de sa demande du 3 juillet 2015 tendant à ce que cette autorité prenne les mesures nécessaires afin de rétablir un accès normal et conforme à sa concession située dans l’enceinte du cimetière communal, de déclarer ladite commune responsable du fait des fautes commises par son maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et de gestion du cimetière et d’enjoindre à la commune de T… de rétablir un accès normal à sa concession.
Par un jugement n° 1504940 du 14 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la requête.
 
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 avril 2017 et 27 juin 2017, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 14 février 2017 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d’annuler la décision contestée ;
3°) de déclarer la commune de T… responsable du fait des fautes commises par son maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et de gestion du cimetière ;
4°) d’enjoindre à la commune de T… de rétablir un accès normal à sa concession ;
5°) de mettre à la charge de la commune une somme de 2 000 € au titre de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative.
 
Il soutient que :
- le tribunal n’a pas statué sur le préjudice subi par M. D... lié aux difficultés d’accès à sa concession ;
- il est titulaire, dans le cimetière communal de T…, d’une concession funéraire à perpétuité dont l’accès a été rendu difficile par l’attribution d’une concession funéraire à Mme C..., située à 50 cm du mur d’enceinte, qui empêche l’accès à sa concession par le chemin situé contre le mur extérieur du cimetière, et par l’attribution d’une concession funéraire à Mme A..., située à 55 cm du mur du cimetière, qui empêche l’accès à sa concession par le chemin situé le long du mur où est située l’entrée du cimetière ; l’accès à sa concession ne peut donc plus s’exercer normalement, et est impossible pour une personne à mobilité réduite ;
- en vertu de l’art. L. 2223-13 du CGCT, relatif au pouvoir de gestion du domaine public, un espace entre les tombes doit être mis à disposition des usagers pour assurer leur passage ;
- le non-respect des espaces intertombes, dont les dimensions sont prévues par l’art. R. 2223-4 du CGCT, est sanctionné par le juge administratif ;
- les travaux réalisés en cours d’instance sur la concession de Mme A... sont insuffisants pour rétablir un accès normal à sa concession, de sorte qu’il convient d’enjoindre à la commune de réaliser les travaux nécessaires au rétablissement d’un accès normal.
Par une ordonnance du 28 juin 2017, la clôture d’instruction a été fixée en dernier lieu au 13 juillet 2017 à 12 h.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le CGCT ;
- la loi n° 2000-312 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
- le Code de justice administrative.
 
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Déborah de Paz, rapporteur public,
- et les observations de Me B..., représentant M. D....
 
Considérant ce qui suit :
Par un courrier du 3 juillet 2015, reçu le 7 juillet suivant ainsi que cela ressort des mentions de l’accusé de réception postal, M. D..., titulaire d’une concession funéraire à perpétuité au sein du cimetière de la commune de T…, a demandé au maire de cette commune de "prendre les mesures nécessaires pour rétablir un accès normal et conforme" à sa concession, cet accès ne pouvant plus s’effectuer, selon lui, en raison de l’attribution de concessions funéraires aux familles C... et A.... En application des dispositions alors applicables de l’art. 21 de loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le silence gardé par le maire de T… sur cette demande a fait naître le 7 septembre 2015 une décision implicite de rejet. M. D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d’annuler ce refus implicite, de "déclarer ladite commune responsable du fait des fautes commises par son maire dans l’exercice de ses pouvoirs de police et de gestion du cimetière" et d’enjoindre à la commune de T… de rétablir un accès normal à sa concession. Il fait appel du jugement du 14 février 2017 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
 
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. D... fait valoir que le tribunal administratif n’a pas statué sur le préjudice qu’il estime avoir subi du fait de ses difficultés d’accès à sa concession funéraire. Il ressort cependant des pièces du dossier de première instance que le requérant n’a pas présenté de conclusions indemnitaires devant le tribunal. Le jugement attaqué n’est, par suite, pas entaché d’une omission à statuer.
 
Au fond :
En ce qui concerne les conclusions à fin d’annulation :
3. Aux termes de l’art. L. 2213-8 du CGCT : "Le maire assure la police des funérailles et des cimetières." Aux termes de l’art. L. 2223-13 du même Code : "Lorsque l’étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux. […] Le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions de terrains mentionnées ci-dessus est fourni par la commune." L’art. R. 2223-3 dudit Code dispose : "Chaque inhumation a lieu dans une fosse séparée. Chaque fosse a 1,50 mètre à 2 mètres de profondeur sur 80 centimètres de largeur. Elle est ensuite remplie de terre bien foulée." Aux termes de l’art. R. 2223-4 de ce Code : "Les fosses sont distantes les unes des autres de 30 à 40 cm sur les côtés et de 30 à 50 cm à la tête et aux pieds".
4. M. D... soutient qu’il ne bénéficie plus d’un "accès normal" à la concession funéraire dont il est titulaire, située à l’angle nord-ouest du cimetière de T…, en raison de l’attribution d’une concession funéraire à Mme C..., située à 50 cm d’un mur d’enceinte du cimetière, puis de l’attribution d’une concession funéraire à Mme A..., située à 55 cm d’un autre mur d’enceinte du cimetière et qui est restée jusqu’à la fin de l’année 2015 recouverte d’une importante couche de terre qui obstruait le passage situé le long de ce mur.
5. En premier lieu, les prescriptions, invoquées par le requérant, de l’art. R. 2223-4 du CGCT concernent l’espace entre les fosses, et ne portent pas sur la largeur d’un passage de circulation entre les tombes. Or, il n’est ni établi ni même allégué que les règles de distance entre les fosses du cimetière de T… auraient été méconnues.
6. En second lieu, il ressort du constat d’huissier établi le 2 février 2015 à la demande de M. D... que l’accès à la concession funéraire dont ce dernier est titulaire par le passage situé sur la gauche de l’entrée du cimetière, le long du mur d’enceinte, nécessitait d’enjamber la tombe de Mme A..., alors constituée d’un amas de terre qui empiétait sur ce passage relevant du domaine public de la commune. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, en particulier du plan du cimetière produit par la commune de T…, que M. D..., qui ne bénéficie pas d’un droit au maintien de l’itinéraire qu’il avait pris l’habitude d’emprunter, pouvait aisément accéder à sa concession en modifiant cet itinéraire, ce qu’il ne conteste pas sérieusement. À cet égard, aucune disposition n’exige que l’ensemble des passages permettant d’accéder aux tombes d’un cimetière aient une largeur permettant l’accès de personnes à mobilité réduite ; au demeurant, M. D... n’établit pas ni même n’allègue avoir rencontré, du fait d’une altération de ses facultés de mobilité, des difficultés à emprunter les autres allées et passages du cimetière de T… Enfin, en enjoignant aux titulaires de la concession funéraire de la famille A... de faire réaliser une pierre tombale, travaux qui ont été exécutés en novembre 2015, le maire de T… a pris les mesures appropriées pour faire cesser l’empiètement dénoncé par M. D....
7. Il résulte de ce qui précède que M. D... n’est pas fondé à se plaindre du rejet, par le tribunal, de sa demande aux fins d’annulation de la décision implicite du maire de T… du 7 septembre 2015.
 
En ce qui concerne les autres conclusions de M. D... :
8. D’une part, le maire de T… n’ayant commis aucune faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police, la responsabilité de la commune de T… ne saurait, en tout de cause, être engagée.
9. D’autre part, l’exécution du présent arrêt n’appelle aucune mesure d’exécution. Les conclusions à fin d’injonction présentées par M. D... ne peuvent, par suite, être accueillies.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n’est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l’application de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative :
11. Les dispositions de l’art. L. 761-1 du Code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de T…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
 
Décide :
Art. 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Art. 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et à la commune de T…
 
Délibéré après l’audience du 10 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Aymard de Malafosse, président,
M. Laurent Pouget, président-assesseur,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, premier conseiller,
 
Lu en audience publique, le 7 février 2019.
 
Le rapporteur,
Marie-Pierre Beuve Dupuy

Le président,
Aymard de Malafosse

Le greffier,
Christophe Pelletier
 
La République mande et ordonne au ministre l’Intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent arrêt.
 
Abstrats : 49-05-08 Police. Polices spéciales. Police des cimetières.

 

Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT

Résonance n°149 - Avril 2019

Instances fédérales nationales et internationales :

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