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Le décret 2020-352 prescrivant certaines mesures provisoires le temps d’un retour à la situation qui prévalait avant la pandémie de Covid-19 comporte néanmoins une mesure, et une seule, pérenne, celle du retour dans le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) du terme "dépositoire".
 
Le retour du dépositoire

Il faut remarquer que l’art. R. 2213-29 du CGCT comportait la référence à ce terme de dépositoire jusqu’en 2011, et que c’est la réforme opérée par le décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011 qui supprima ce terme. On sait que le dépositoire est un lieu de dépôt temporaire du cercueil. Quant à la question de connaître ses caractéristiques techniques, rien n’était, et n’est d’ailleurs toujours, explicité dans les dispositions pertinentes. Fallait-il alors voir la suppression de ce terme, par le décret de 2011, comme l’interdiction des caveaux provisoires hors sol, qui en fait sont ce qu’il est convenu d’appeler des dépositoires ? Apparemment, ce n’était pas la volonté du Gouvernement (question écrite n° 18779 de M. Philippe Leroy publiée dans le JO Sénat du 2 juin 2011, p. 1433, réponse du ministère chargé des Collectivités territoriales publiée dans le JO Sénat du 22 mars 2012, p. 734). Il s’agissait donc uniquement de proscrire des lieux de dépôts de corps "sans recourir aux cases réfrigérées prévues à cet effet".

L’art. R. 2213-29 est ainsi rédigé depuis l’intervention du décret 2020-352

Après la fermeture du cercueil, effectuée conformément aux dispositions de l’art. R. 2213-20, celui-ci peut être déposé temporairement dans un édifice cultuel, une chambre funéraire, au crématorium, dans un dépositoire, à la résidence du défunt ou celle d’un membre de sa famille, dans les conditions prévues aux articles R. 2213-33 et R. 2213-35. Le cercueil peut également être déposé dans un caveau provisoire, le cas échéant après accord du propriétaire du caveau, dans l’attente de l’inhumation définitive.
L’autorisation du dépôt est donnée par le maire de la commune du lieu du dépôt, après vérification que les formalités prescrites par l’art. R. 2213-17 et par les articles 78 et suivants du Code civil ont été accomplies. Le dépôt prévu au deuxième alinéa ne peut excéder six mois. À l’expiration de ce délai, le corps est inhumé ou fait l’objet d’une crémation dans les conditions prévues aux articles R. 2213-31, R. 2213-34, R. 2213-36, R. 2213-38 et R. 2213-39. Le dépôt d’un cercueil hermétique dans un dépositoire ne peut excéder six mois. À l’expiration de ce délai, le corps est inhumé.
C’était en effet la position du gouvernement : "Afin d’éviter la création de lieux de dépôt échappant à toute norme permettant d’assurer la sécurité sanitaire, le dépôt "en dépositoire" n’est désormais plus autorisé. Pour autant, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, il est possible d’assimiler les espaces aménagés par les communes dans leurs cimetières pour le dépôt temporaire des cercueils à des "caveaux provisoires", même s’il s’agit d’une case située au-dessus du niveau du sol. Dans ce cadre, les communes peuvent légalement continuer à utiliser leurs dépositoires, sous la seule réserve que ces équipements soient situés dans l’enceinte du cimetière" (réponse ministérielle n° 18779, JO S, 22 mars 2012). Ainsi, il apparaissait que la suppression du terme "dépositoire" dans le CGCT par le décret du 28 janvier 2011 ne devait avoir en pratique aucune influence sur les pratiques communales, qui pouvaient continuer d’utiliser des dispositifs hors sol dans les cimetières.
Si le Gouvernement persévère donc dans la position donnée au parlementaire en 2012, la réintroduction du terme "dépositoire" au CGCT ne concernerait donc pas les caveaux provisoires des communes, mais bien les équipements rendus nécessaires par la pandémie et qui permettent provisoirement d’entreposer les corps en attente d’inhumation. Le dernier aliéna de l’art. R 2213-29 ne fait qu’accréditer cette lecture, puisque ce dépôt provisoire, d’une durée maximale de 6 mois, doit conduire à une inhumation au bout de ce délai.

La dispense du cercueil hermétique entre six jours et vingt et un jours

On lira alors avec profit l’extrait suivant de la note de la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) en date du 9 avril 2020 (voir annexe) :
Pour autant, si le dépôt temporaire de cercueil simple est dû à une impossibilité d’inhumation ou de crémation dans les six jours du fait de la crise sanitaire et de la tension dans l’accès au crématorium par exemple, alors, la dérogation jusqu’à vingt et un jours est possible, l’opérateur funéraire ayant dans ce cas à proposer un lieu de dépôt adapté, notamment en ce qui concerne sa température, de sorte que le cercueil puisse être conservé convenablement.
En aucun cas il ne doit être dérogé aux volontés du défunt d’accéder à la crémation en imposant un cercueil en zinc sur la base d’une dérogation au délai de crémation de six à vingt et un jours. Ainsi, l’obligation de recourir à un cercueil en zinc concerne uniquement les dépôts de longue durée, pouvant aller jusqu’à six mois, en dépositoire ou en caveau provisoire, pour des motifs qui ne peuvent être celui d’attendre le prochain jour disponible pour procéder à l’inhumation ou à la crémation.

Ainsi, pour le Gouvernement, dès lors que l’on se place dans le délai maximum de vingt et un jours (voir notre autre commentaire Résonance n° 159 d’avril page 74) et que le corps peut être entreposé dans un dépositoire, le cercueil hermétique ne s’impose pas. Cette position, non corroborée par les textes réglementaires ou législatifs, permet de mieux lire le dernier alinéa de l’art. R. 2213-29 du CGCT.
En effet, il n’est pas absurde de penser que le dépôt implique le plus souvent l’utilisation d’un cercueil hermétique si l’inhumation provisoire dépasse les six jours depuis le décès du défunt. Cette lecture de la réintroduction du dépositoire pourra ainsi permettre de pallier des difficultés temporaires d’inhumation en autorisant expressément ces dispositifs, qui d’ailleurs pourraient être provisoires.

Le caveau provisoire

Il occupe dans les textes une place singulière En effet, parmi les éléments facultatifs du cimetière, nonobstant les concessions funéraires, le seul mentionné par le CGCT est le caveau provisoire. Si le Code utilise ce vocable, il n’est pas rare d’en rencontrer d’autres, à l’instar de caveau d’attente, caveau communal, dépositoire. Sous cette variété d’appellations se rencontre un équipement permettant le dépôt des cercueils en attente d’inhumation pour diverses raisons (conflit pendant devant le juge, emplacement de la sépulture non préparé, etc.). On relèvera enfin la possibilité que ce caveau provisoire soit celui d’un particulier, qui, évidemment, devra consentir à cette inhumation.
Il importe de mentionner que l’on peut alors envisager que, si la sortie du corps de ce lieu d’inhumation provisoire s’effectue dans les délais légaux pour pourvoir aux funérailles, la demande d’exhumation ne sera pas exigée. Les communes pourront d’ailleurs faire payer un droit de dépôt, dont le tarif peut varier suivant la durée du dépôt (CAA Lyon, 29 mars 1995, n° 93LY01709). Ce tarif est totalement libre puisqu’il est un acte de gestion du domaine public. Le dépôt implique le plus souvent l’utilisation d’un cercueil hermétique si l’inhumation provisoire dépasse les six jours depuis le décès du défunt :
Art. R. 2213-26 du CGCT
"Le corps est placé dans un cercueil hermétique satisfaisant aux conditions fixées à l’art. R. 2213-27 dans les cas ci-après : […]
2° En cas de dépôt du corps soit à résidence, soit dans un édifice cultuel ou dans un caveau provisoire, pour une durée excédant six jours."
Art. R. 2213-30 du CGCT
"Sous réserve des dispositions de l’art. R. 2213-26, le corps est placé, quel que soit le lieu du dépôt temporaire, dans un cercueil d’un modèle prévu au premier alinéa de l’art. R. 2213-25."
On remarquera que la DGCL semble estimer que cette dérogation au cercueil hermétique est liée notamment à la température d‘entreposage des cercueils. Or, il est assez rare en pratique que le caveau provisoire communal soit réfrigéré, et c’est pour cela que le raisonnement tenu pour le dépositoire ne sera que, selon nous, rarement transposable au caveau provisoire, où les règles usuelles devraient continuer de s’appliquer. Il convient alors de relever que certains auteurs (G. Chaillot, "Le Droit des sépultures en France", avril 2004, p. 374, § 2, Éditions Pro Roc) estiment alors que le maire pourrait, puisque par nature il ne connaît pas la durée du dépôt, exiger ce cercueil hermétique en toutes circonstances.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT

Résonance n° 160 - Mai 2020

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