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L’art. 198 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite "loi Élan", autorisa le Gouvernement à simplifier et unifier les pouvoirs de police relatifs à l’habitat indigne par ordonnance. En ce qui concerne plus particulièrement la commune, ce nouveau pouvoir de police, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2021, vient remplacer la police des édifices menaçant ruine. Nous allons donc le présenter, en gardant à l’esprit que certaines de ses dispositions vont nécessiter la prise de décrets.
 
C’est dans ce cadre qu’intervient alors l’ordonnance n° 2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations (JO 17 sept. 2020). Cette législation remplacera donc la procédure des arrêtés de péril pour les monuments funéraires. Nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir lorsque sera publiée la partie réglementaire, mais nous pouvons d’ores et déjà présenter le dispositif.

Une nouvelle police
L’art. L. 511-1 du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH) vient créer la police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations. Cette police vient alors viser expressément les monuments funéraires : "Art. L. 511-3. - Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux édifices ou monuments funéraires dans le cas mentionné au 1° de l’art. L. 511-2", c’est-à-dire lorsqu’il convient de protéger la sécurité et la santé des personnes en remédiant aux situations suivantes : "Les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers." Indubitablement, pour les monuments funéraires, ce sont les tiers qu’il conviendra de protéger.

Autorité compétente
Le maire sera l’autorité compétente (art. L. 511-4 du CCH). Néanmoins, l’art. 15 de l’ordonnance vient modifier l’art. L. 5211-9-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Auparavant, le président d’un EPCI se voyait automatiquement transférer la compétence en matière de lutte contre l’habitat indigne (et par là même la police des édifices menaçant ruine dans le cimetière). Il pouvait cependant refuser en intégralité ce transfert si un seul des maires composant l’intercommunalité s’y était opposé, ou encore n’exercer la compétence que dans les communes dont le maire avait acquiescé audit transfert.

Désormais, il ne peut décliner cette compétence que dans l’hypothèse où la moitié des maires, ou les maires représentant la moitié de la population, s’y sont opposés. En outre, le transfert peut désormais intervenir à tout moment, et non plus uniquement au stade de l’élection du président de l’EPCI, lequel n’est pas en droit de refuser d’exercer la compétence dans une commune s’il a accepté de le faire dans au moins une autre. Il convient de relever également qu’à Paris ce pouvoir sera dévolu au maire, et non pas à la préfecture de police (art. L. 511-5 du CCH).

Pouvoirs des tiers
Il convient de remarquer qu’à l’égal de ce qui était prévu pour la police des édifices menaçant ruine, toute personne ayant connaissance de faits révélant l’une des situations mentionnées à l’art. L. 511-2 doit les signaler à l’autorité compétente, qui met en œuvre, le cas échéant, ses pouvoirs de police (art. L. 511-6 du CCH). Ainsi, la responsabilité administrative pourra être retenue si, après information, il y a carence du pouvoir de police. Toute dénonciation de dangerosité d’un monument funéraire devrait donc faire l’objet, a minima, d’une vérification.

Instruction : l’expert est désormais facultatif 

Préalablement à l’adoption de l’arrêté de mise en sécurité, l’autorité compétente peut (et non pas doit) demander à la juridiction administrative la désignation d’un expert afin qu’il examine les bâtiments, dresse constat de leur état y compris celui des bâtiments mitoyens, et propose des mesures de nature à mettre fin au danger.
L’expert se prononce dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa désignation (art. L. 511-9 du CCH). Il demeure néanmoins prudent de recourir à un expert lorsque c’est possible afin de fonder au mieux l’arrêté. L’arrêté de mise en sécurité est pris à l’issue d’une procédure contradictoire avec les titulaires de la concession funéraire (art. L. 511-10 du CCH). À défaut d’adresse connue ou d’identification, on procédera à l’affichage à la mairie et sur la façade de l’immeuble (art. L. 511-12 du CCH). Le maire pourra faire publier l’arrêté au fichier immobilier (gratuitement).

Nature des mesures prononçables
L’arrêté prescrira en tant que de besoin la réalisation, dans le délai qu’il fixe, de celles des mesures suivantes nécessitées par les circonstances (art. L. 511-11 du CCH) :
- La réparation ou toute autre mesure propre à remédier à la situation, y compris, le cas échéant, pour préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments contigus ;
- La démolition de tout ou partie de l’immeuble ou de l’installation.

L’arrêté mentionne d’une part que, à l’expiration du délai fixé, en cas de non-exécution des mesures et travaux prescrits, la personne tenue de les exécuter est redevable du paiement d’une astreinte par jour de retard dans les conditions prévues à l’art. L. 511-15, et d’autre part que les travaux pourront être exécutés d’office à ses frais.

L’arrêté ne peut prescrire la démolition que s’il n’existe aucun moyen technique de remédier à l’insécurité, ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction. Quand le monument sera sécurisé et ne constituera plus un danger pour la santé ou la sécurité des tiers, la personne tenue d’exécuter les mesures prescrites n’est plus obligée de le faire dans le délai fixé par l’arrêté.

Suite de l’arrêté
Si les mesures sont réalisées, il sera fait mainlevée de l’arrêté. Cet arrêté sera notifié et publié au fichier immobilier (art. L. 511-14 du CCH).

Possibilités de prononcer des astreintes (art. L. 511-15 du CCH)

Lorsque les mesures et travaux prescrits par l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité n’ont pas été exécutés dans le délai fixé, il sera possible de prononcer des astreintes pouvant aller jusque 1 000 € par jour de retard fixé par le maire en tenant compte de l’ampleur des mesures et travaux prescrits, et des conséquences de la non-exécution. Son montant ne pourra excéder 50 000 €.
L’autorité compétente peut, lors de la liquidation trimestrielle de l’astreinte, consentir une exonération partielle ou totale de son produit si le redevable établit que la non-exécution de l’intégralité de ses obligations est due à des circonstances qui ne sont pas de son fait.

Possibilité de travaux d’office

À l’égal de ce qui était possible pour les édifices menaçant ruine, l’art. L. 511-16 du CCH prévoit la possibilité du prononcé de travaux d’office, lorsque les prescriptions de l’arrêté de mise en sécurité n’ont pas été mises en œuvre dans le délai fixé. Pour ce faire, il faudra une décision motivée d’exécution de ces travaux aux frais, bien évidemment, du propriétaire. Le prononcé de la démolition du bâtiment est également possible après jugement du président du tribunal judiciaire.
Lorsque l’autorité compétente se substitue aux propriétaires défaillants et fait usage des pouvoirs d’exécution d’office qui lui sont reconnus, elle agit en leur lieu et place, pour leur compte et à leurs frais. L’art. L. 511-7 du CCH précise alors que les frais de toute nature, avancés par la commune l’autorité compétente, sont recouvrés comme en matière de contributions directes, conformément aux dispositions de l’art. L. 1617-5 du CGCT.

Procédure d’urgence
On se souvient que la police des édifices menaçant ruine pouvait prendre deux aspects, ce qu’il était convenu d’appeler, par un quasi-oxymore, le "péril ordinaire", et le péril imminent, cette dualité subsiste dans la nouvelle police. En effet, en cas de danger imminent, manifeste ou par l’expert désigné en application de l’art. L. 511-9, l’autorité compétente ordonne par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu’elle fixe.

Lorsque aucune autre mesure ne permet d’écarter le danger, l’autorité compétente peut faire procéder à la démolition complète après y avoir été autorisée par jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond (art. L. 511-19 du CCH).
On remarquera la possibilité d’ordonner la démolition après autorisation du président du tribunal judiciaire, alors que, dans le cadre de la police des édifices menaçant ruine, il n’était possible que de prononcer des travaux confortatifs et que la démolition nécessitait, une fois la sécurisation intervenue, la prise d’un arrêté de péril ordinaire ; on remarquera également la possibilité de se passer de l’intervention d’un homme de l’art, qui fondait en quelque sorte l’arrêté de péril imminent.
De nouveau, si les mesures prescrites n’ont pas été exécutées dans le délai imparti, l’autorité compétente les fait exécuter d’office, cette fois-ci, il ne saurait y avoir d’astreinte (art. L. 511-20 du CCH). Si les mesures ont mis fin durablement au danger, l’autorité compétente prend acte de leur réalisation et de leur date d’achèvement, et prononce la mainlevée de l’arrêté (art. L. 511-21 du CCH).

Responsabilité pénale
L’art. L. 511-22 du CCH dispose qu’est puni d’un an d’emprisonnement et d’une amende de 50 000 € le refus délibéré et sans motif légitime d’exécuter les travaux et mesures prescrits en application de ces dispositions.

Que faire en cas d’extrême urgence ?

Il peut advenir que même un formalisme souple ne puisse être mise en œuvre, faute de temps. Il existe alors un dernier moyen d’action, mais qui doit être réservé aux cas les plus urgents, sous peine de mise en œuvre de la responsabilité de la commune. L’art. L. 2212-2 du CGCT énonce en effet que la police municipale peut être utilisée pour : "Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des édifices et monuments funéraires menaçant ruine."

Ces dispositions doivent être combinées avec l’art. L. 2212-4 du CGCT, qui énonce "qu’en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’art. L. 2212-2,
le maire prescrit l’exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances". Il faut donc appliquer cette procédure lorsque le danger qui menace l’immeuble est extérieur à celui-ci.

En effet, le juge a récemment réaffirmé que "les pouvoirs ainsi reconnus au maire, qui s’appliquent dans l’hypothèse où le danger menaçant un immeuble résulte d’une cause qui lui est extérieure, sont distincts des procédures de péril ou de péril imminent... qui doivent être mises en œuvre lorsque le danger provoqué par un immeuble provient à titre prépondérant de causes qui lui sont propres" (Conseil d’État, 27 juin 2005, Ville d’Orléans, req. n° 262199).

Néanmoins il importe de mentionner que le Conseil d’État a infléchi sa jurisprudence récemment en acceptant en cas d’extrême urgence la démolition d’un immeuble sur le fondement des pouvoirs de police générale quelle que soit la cause du danger, même si le péril provient d’une cause interne à l’immeuble (CE, 10 oct. 2005, Commune de Badinières, req. n° 259205). Ainsi, sous réserve de publication d’un arrêté, le maire peut sur ce fondement obtenir la fin du danger, quelle qu’en soit la cause, sans quasiment de formalités.
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT

Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020

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