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Cette fiche n° 9580 est issue du service documentaire "Pratique des opérations funéraires" des Éditions WEKA, dirigé par Marie-Christine Monfort, cheffe de service des crématoriums de la Métropole Européenne de Lille. Mis à jour en permanence, ce service offre une veille juridique et réglementaire et des conseils opérationnels pour tous les professionnels pratiquant le droit funéraire.
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Exception notable au nécessaire respect de la dépouille humaine, la réalisation de dissections sur les cadavres d’origine humaine a dû s’affranchir des obstacles moraux et religieux qui ont longtemps interdit et condamné cette pratique. Historiquement, on situe ces premières investigations dans l’Antiquité mais les tabous ont vraiment été levés durant la Renaissance, période où l’on relève une augmentation des pratiques expérimentales menées dans les domaines de la dissection et de l’anatomie.

Dans un premier temps, ce seront les corps des suppliciés qui seront remis aux médecins. À partir du XVIe siècle, ce seront ceux des défunts non réclamés ou abandonnés dans les hôpitaux. La prise en charge par les communes des obsèques des indigents ou de celles des défunts non réclamés, ou encore la mise en place du capital décès versé par les caisses de Sécurité sociale sont autant de raisons qui ont bouleversé ces pratiques.

Aujourd’hui, le don est la seule solution légale pour que la science puisse encore disposer de dépouilles humaines à explorer. En France, ce sont presque 3 000 personnes qui font la démarche chaque année.

La loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique, dans son art. 13 codifié dans le Code de la Santé Publique (CSP) par l’art. L. 1261-1, encadre désormais la procédure du don du corps à des fins d’enseignement médical et de recherche. Le récent décret n° 2022-719 du 27 avril 2022 relatif au don de corps à des fins médicales et de recherche en fixe les conditions de mise en place. Ses prescriptions seront également indiquées dans cette fiche qui se propose de balayer les aspects juridiques, psychologiques et pratiques du don du corps à la science.

Attention

Le don du corps ne doit pas être confondu avec le don d’organes. Le premier a pour vocation de participer aux progrès de la science, le second celle de sauver des vies par le prélèvement puis la greffe dans le corps d’un patient d’une partie de la dépouille avant sa restitution rapide à la famille.

Les conditions du don du corps

Un nouvel art. R. 1261-1 du CSP rappelle les principes généraux de la procédure :

Préalable
Le donneur est encouragé à informer sa famille ou ses proches de sa démarche de don. Il pourra d’ailleurs désigner une personne référente qui sera l’interlocuteur de l’établissement notamment lors de la restitution du corps ou des cendres.

Cette personne sera destinataire dès après le décès du donneur du document officiel d’information et, sauf opposition de l’intéressé, des conditions de restitution souhaitées. Si aucun paiement ne peut être alloué à la personne qui consent au don de son corps, aucune somme d’argent ne peut être demandée au donneur par l’établissement.

Procédure
La personne qui souhaite faire don de son corps après son décès à des fins d’enseignement médical et de recherche effectue une demande de renseignements auprès de l’établissement dûment autorisé le plus proche de son domicile. La liste des facultés acceptant les dons du corps est disponible sur le site http://www.afif.asso.fr
L’établissement remet à la personne un document d’information (établi par arrêté conjoint des ministres de tutelle). La personne est informée de la possibilité de demander la restitution le moment venu de son corps ou de ses cendres à sa famille, ses proches ou de s’y opposer.

En toute connaissance de cause, la personne concernée consent au don de son corps par une déclaration écrite en entier, datée et signée de sa main et dont le modèle est fixé par arrêté. Ce consentement est révocable à tout moment.

Cette déclaration est cosignée par le responsable de la structure d’accueil des corps, indiquant qu’il accepte le don et qu’il s’engage à respecter les volontés de mode de restitution du donneur. Une copie de la déclaration est remise au donneur accompagnée d’une carte qu’il doit porter en permanence.

À savoir

Lorsqu’il délivre cette carte, l’établissement s’engage à accueillir le corps après le décès du donneur qui intervient en tout lieu du territoire national sauf si les circonstances du décès ou l’état de conservation du corps rendent impossible le transport de ce dernier vers l’établissement qui a délivré ladite carte.
Il est d’ailleurs conseillé aux personnes qui souhaitent faire don de leur corps de prévoir une alternative à cette démarche. En effet, un décès à l’étranger ou le fait d’être porteur d’une maladie contagieuse exclut toute prise en charge du corps et contraint la famille à un autre mode de funérailles. Il en sera de même si le décès pose un problème médico-légal.
Si l’établissement n’est pas en mesure, pour quelque raison que ce soit, d’accueillir le corps après le décès du donneur, celui-ci est acheminé vers l’établissement autorisé le plus proche ou tout autre en capacité de le recevoir.

 
Utilisation et restitution des dépouilles

Le corps, une fois pris en charge par la faculté de médecine, devient juridiquement une pièce anatomique d’origine humaine qui va être conservée plusieurs mois, voire plusieurs années (congélation, embaumement) pendant lesquels elle sera disséquée par des étudiants ou "opérée" par des chirurgiens souhaitant se perfectionner. Le corps peut également être utilisé dans le cadre de la recherche fondamentale pour tester de nouvelles molécules ou de nouvelles méthodes.

Remarque

Les professionnels de médecine légale aux États-Unis disposent d’un établissement unique en son genre : le "Forensic Anthropology Center" de l’université du Tennessee qui recueille les corps de donateurs volontaires destinés à étudier les différents stades de décomposition en fonction de l’environnement, du lieu d’inhumation ou d’exposition. Cette institution surprenante, guère envisageable dans notre pays, participe de longue date à la résolution de nombreuses affaires criminelles !

 
Lorsque le corps ne peut plus être utilisé, dans la plupart des cas, il ne sera pas rendu à la famille. Les restes morcelés seront déposés dans un conteneur adapté à la crémation et les cendres dispersées sur un site dédié aux donateurs anonymes.

À savoir

Certaines facultés permettent la restitution de dépouilles identifiées en répertoriant de manière indélébile les prélèvements majeurs qui sont opérés sur le défunt. La famille informée, sur sa demande préalable, de cette restitution en vue de la crémation peut faire le choix de récupérer les cendres. L’acquisition de l’urne, la cérémonie, le cas échéant, leur inhumation ou leur dispersion sont alors à la charge de la famille.

Le transport et l’accueil du corps
L’art. R. 1261-2 du CSP stipule que l’exemplaire de la déclaration de don et la carte de donneur sont remis à l’officier d’état civil lors de la déclaration de décès. L’opérateur de pompes funèbres choisi par l’établissement assiste la personne référente indiquée par le donneur jusqu’à l’enlèvement du corps.

À l’instar de tous les transports avant mise en bière, les dispositions de l’art. R. 2213-7 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) s’appliquent à ce transfert, à savoir l’utilisation de véhicules spécialement aménagés exclusivement réservés aux transports mortuaires et répondant aux conditions des articles D. 2223-110 à 115 du CGCT.

Le transport est déclaré préalablement par tout moyen écrit auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt. Le transport avant mise en bière doit pouvoir être réalisé sans risque sanitaire. La déclaration est ainsi subordonnée à la détention d’un certificat de décès (CGCT, art. L. 2223-42) attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal et que le donneur n’était pas atteint d’une infection transmissible (CGCT, art. R. 2213-2-1).

À noter

À titre dérogatoire, les dispositions des articles R. 2223-33 et 35 du CGCT ne s’appliquent évidemment pas dans le cas du don du corps (délai maximum de 6 jours à compter du décès pour procéder à l’inhumation ou la crémation du défunt). Les opérations de transport doivent être achevées dans le délai maximum de 48 heures à compter du décès (à l’exclusion des exceptions prévues dans les articles R. 2213-33 et R. 2213-35 du CGCT).

 
De la même manière, les frais de transport du corps sont intégralement pris en charge par l’établissement qui accueille le corps ou tout autre établissement de substitution.

La procédure de réception du corps est codifiée par l’art. R. 1261-4 du CSP. Il sera ainsi pris en charge jusqu’au terme des activités d’enseignement médical et de recherche durant lesquelles son anonymat sera respecté. Un numéro d’identifiant lui est en effet attribué et inscrit dans le registre tenu par le responsable de la structure d’accueil des corps. L’identité du corps du donneur lui sera restituée lors de la restitution du corps ou des cendres, à la fin des activités qui doivent être réalisées dans un délai maximum de 2 ans.

La restitution du corps

Les personnels de la structure d’accueil assurent la meilleure restauration possible du corps avant les opérations funéraires, la restitution du corps ou des cendres. Il sera procédé à l’opération funéraire rendue possible par l’activité pratiquée sur le corps tout en tenant compte des volontés du donneur, le cas échéant la demande exprimée par sa famille ou ses proches.

Dans ce cas, la famille ou les proches seront informés par la structure d’accueil de la date à laquelle l’opération funéraire retenue sera mise en œuvre. Le caractère possible ou pas de la restitution sera communiqué en fonction de la nature des activités pratiquées sur le corps.

Lorsque le corps est restitué, la restitution est assurée par l’opérateur de pompes funèbres désigné aux frais de la personne référente, de la famille ou des proches qui en font la demande. La restitution peut également être refusée à la famille si le donneur s’y est opposé.

En l’absence de restitution, les cendres du donneur seront dispersées dans un espace aménagé à cet effet quand il y a crémation, à l’inhumation sinon. La crémation ou l’inhumation devra alors être réalisée dans les meilleurs délais. Lorsque la crémation est rendue nécessaire du fait des activités réalisées sur le corps, les cendres seront rendues dans les mêmes conditions à leurs frais dans une urne remise par l’opérateur funéraire.

À noter

L’établissement organise chaque année une cérémonie du souvenir à laquelle peuvent participer la personne référente désignée par le donneur, sa famille ou ses proches, à condition que le donneur ne s’y soit pas opposé lors du don.

Les conséquences psychologiques du don du corps

Afin de pouvoir disposer d’un corps le plus rapidement possible, c’est généralement dans un délai de 48 heures au plus que s’organise son transfert par la faculté. Ce contexte particulier prive cruellement les proches de tout recueillement auprès du disparu. Il est intéressant de noter la généralisation de la restitution du corps ou des cendres sauf opposition manifestée par le donneur.

Dans le cas contraire, il est procédé à la crémation des conteneurs de pièces anatomiques et les cendres sont ensuite dispersées en un lieu spécifique consacré aux donateurs (puits du souvenir le plus souvent). Cette pratique exclut toute "privatisation" de l’hommage.

À noter

Il y a l’obligation désormais pour la structure d’accueil d’organiser des cérémonies collectives à destination des familles dont le disparu a fait un choix souvent incompris et qui trouvent un certain apaisement à partager un moment collectif avec d’autres familles dans la même situation de désarroi.

 
Pour assurer une parfaite transparence sur les conditions d’exercice de cette mission toute particulière, les structures d’accueil sont désormais tenues de mettre en place un comité d’éthique scientifique et pédagogique chargé :
- des programmes de formation médicale et de recherche qui impliquent une utilisation du corps donné ;
- des projets de formation impliquant une segmentation du corps ;
- des projets de formation impliquant la sortie temporaire du corps hors la structure ;
- des projets de recherche ;
- des projets de convention avec un organisme tiers ;
- de tout projet de formation ou de recherche qui implique la conservation du corps au-delà de 2 années.

Notre conseil

À l’invitation des facultés de médecine ou des gestionnaires de crématoriums implantés sur leur territoire, les communes peuvent ériger dans leur cimetière, près du site de dispersion des cendres, une stèle qui fera office de lieu de mémoire pour les familles des donateurs. Ces lieux, lorsqu’ils sont aménagés et identifiés, sont fleuris en permanence, démonstration s’il en était besoin de leur utilité.

Erreurs à éviter

Veiller à présenter un cercueil de dimension standard
Dans le cas où la restitution d’un défunt identifié est rendue possible et que la famille souhaite organiser une ultime cérémonie au sein du crématorium contacté par la faculté, le gestionnaire du site veillera à ce que le cercueil présenté à la famille soit d’une dimension standard afin de ne pas choquer les proches. Un cercueil sans fond peut ainsi être déposé sur le conteneur et recouvert d’un drap mortuaire.

Ne pas informer systématiquement les familles de la restitution des défunts mais veiller à recueillir leurs intentions dès la prise en charge du corps
En effet, il arrive que ce dernier soit conservé à la faculté plus d’une année. Certaines familles vivent très mal le fait d’être plongées à nouveau dans le deuil et dans un rituel de séparation alors que le processus consécutif au décès a déjà été enclenché.

FAQ

La famille du défunt peut-elle s’opposer à la remise de sa dépouille auprès d’une faculté de médecine ?
Normalement non. Dans la mesure où le donateur est porteur de sa carte, sa décision devient irréversible. Toutefois, si ce choix n’a pas été préalablement communiqué par l’intéressé à ses proches, il peut donner lieu à des conflits familiaux qui dissuaderont la faculté de prendre en charge le corps dans un tel contexte.

La famille peut-elle récupérer directement le corps du défunt auprès de l’établissement de recherche ?
Oui, mais dans ce cas, la restitution est assurée par un opérateur funéraire aux frais de la famille. La restitution ne saurait être demandée avant l’issue des activités pratiquées sur le corps du donneur.

Sait-on pourquoi près de 3 000 personnes font don de leur corps à la science en France chaque année ?
Les raisons sont nombreuses : être utile après son décès, certains donateurs sont atteints d’une maladie rare ou orpheline et souhaitent ainsi faire avancer la recherche, certains sans famille trouvent dans la démarche une solution pour régler l’organisation de leurs funérailles.

Références juridiques

• CGCT :
- art. R. 2213-7 relatif au transport des défunts avant mise en bière,
- art. R. 2213-13 relatif aux conditions d’acceptation d’un corps par les établissements de santé, de formation ou de recherche,
- art. R. 2213-33 et 35 imposant un délai maximum de 6 jours après le décès pour procéder à l’inhumation ou à la crémation de la dépouille,
- art. D. 2223-110 à 115 relatifs aux caractéristiques des véhicules assurant le transport avant mise en bière des défunts.
• CSP, art. R. 44-7 relatif à l’élimination des pièces anatomiques, son Titre VI : don de corps à des fins médicales et de recherche.
• Loi du 18 novembre 1887 sur la liberté des funérailles, art. 3.
• Décret n° 2022-719 du 27 avril 2022 relatif au don de corps à des fins d’enseignement médical et de recherche.
• Décret n° 2011-121 du 28 janvier 2011 relatif aux opérations funéraires.
 
Julien Prévotaux
Directeur éditorial, WEKA

Résonance hors-série n° 14 - Août  2022

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations