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Si les professionnels du secteur funéraire sont familiers des dispositions du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) en matière de création et de gestion des chambres funéraires, il convient de rappeler que la construction de ces dernières n’échappe pas au droit de l’urbanisme. Un contentieux, opposant le voisin d’un terrain sur lequel un opérateur funéraire avait décidé de construire une chambre funéraire, a donné l’occasion à la cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 16 décembre 2022 de balayer de très nombreux aspects de droit de l’urbanisme en la matière.


Dans cette affaire, le maire d’une commune avait accordé le permis de construire pour un funérarium sur un terrain appartenant à un opérateur funéraire par le biais d’une Société Civile Immobilière (SCI). Ne l’entendant pas de cette oreille, le propriétaire du terrain voisin avait saisi le tribunal administratif d’une requête en annulation du permis. Débouté de sa demande en première instance, celui-ci avait saisi la cour administrative d’appel de nombreux moyens de droit de nature à faire réformer la décision de première instance. Cependant, la cour devait se joindre à la position du tribunal administratif et débouter à nouveau le voisin. Retour sur les moyens soulevés par le requérant et les règles de droit s’y rapportant…

Les règles spécifiques d’accessibilité applicables aux établissements recevant du public

Ainsi qu’il découle de l’art. L.161-1 du Code de la Construction et de l’Habitation (CCH), "les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux à usage d’habitation, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments à usage professionnel sont accessibles à tous […]". C’est la raison pour laquelle, l’art. L.122-3 du CCH (anciennement art. L.111-8) dispose que "les travaux qui conduisent à la création, l’aménagement ou la modification d’un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu’après autorisation délivrée par l’autorité administrative, qui vérifie leur conformité aux règles d’accessibilité prévues à l’art. L. 161-1 et, lorsque l’effectif du public et la nature de l’établissement le justifient, leur conformité aux règles de sécurité contre l’incendie".

En l’espèce, la SCI n’avait pas formulé de demande d’autorisation spécifique relative à l’accessibilité des locaux, mais avait fourni à l’appui de sa demande de permis de construire les pièces prévues à l’art. R. 431-30 du CCH qui dispose que "lorsque les travaux projetés portent sur un établissement recevant du public, la demande est accompagnée des dossiers suivants […] :
a) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles d’accessibilité aux personnes handicapées […] ;
b) Un dossier permettant de vérifier la conformité du projet avec les règles de sécurité […]".

Pour considérer que le permis de construire délivré était conforme sur ce point, la cour, après avoir visé l’alinéa 3 de l’art. L. 122-3 du CCH (anciennement L.111-8), qui dispose que "lorsque ces travaux sont soumis a permis de construire, celui-ci tient lieu de cette autorisation dès lors que sa délivrance a fait l’objet d’un accord de la même autorité administrative", a constaté que les dossiers visés à l’art. R. 431-30 du CCH étaient bien présents à l’appui de la demande de permis de construire et que ce dernier visait diverses autorisations émanant de la même autorité administrative et portant sur l’accessibilité et la sécurité du bâtiment à construire.

Ainsi, le non-respect des formes prescrites à l’art. L.122-3 du CCH n’est pas à elle seule de nature à entacher la légalité du permis de construire, pour autant que les pièces justificatives relatives à l’accessibilité et la sécurité du bâtiment ont été régulièrement produites et que l’autorité administrative a pu se prononcer dessus en délivrant les autorisations idoines.

Le constructeur n’est pas tenu d’équiper l’établissement d’un point d’incendie s’il en existe déjà un à proximité

Le rapport du Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS) préconisait, en l’espèce, que "les ressources en eau devront être assurées par un poteau d’incendie normalisé de 100 mm délivrant un débit de 30 m3/heure pendant deux heures" qui devra être "situé à moins de 200 m du projet par voie carrossable". En l’espèce, l’autorisation relative à la sécurité délivrée par le maire n’était pas assortie "d’une prescription spéciale à cet égard".

Pour considérer que cette absence de prescription n’entachait pas d’un vice de légalité le permis de construire, la cour a judicieusement retenu qu’un "poteau d’incendie normalisé de 100 mm [se situait] à 40 mètres du terrain d’assiette du projet".

Ainsi, lorsque les préconisations du SDIS sont d’ores et déjà remplies avant même la réalisation de la construction, le maire n’est pas tenu d’assortir son autorisation de préconisation particulières et de même, le constructeur ne sera pas tenu de prévoir des équipements spécifiques pour sa construction.

Le respect des prescriptions esthétiques d’intégration prévues par le Plan Local d’Urbanisme (PLU)

Propre à chaque commune, le PLU est notamment composé d’un règlement prescrivant des mesures dans des domaines très divers : coefficient d’occupation des sols par les constructions, règles d’homogénéisation esthétique des bâtiments, préconisations en matière de places de stationnement des véhicules et des vélos, obligation de plantations d’arbres et de préservation des plantations existantes, etc.

En l’espèce, le règlement du PLU disposait que "les constructions doivent être adaptées au site et à l’environnement par leur forme et par leurs matériaux, elles doivent s’intégrer au bâti environnant". Il poursuivait : "les constructions doivent présenter une unité d’aspect et de matériaux compatible avec le caractère des constructions avoisinantes et l’harmonie des paysages environnants".

Pour considérer que la construction projetée était conforme aux dispositions du règlement du PLU, la cour a constaté que le gabarit, la hauteur et la forme du toit de la chambre funéraire étaient comparables aux constructions avoisinantes et que la pierre naturelle de la façade rappelait "le mur du cimetière [lui faisant face]".

Des dispositions dérogatoires aux bâtiments nécessaires aux services publics

- Sur les espaces verts imposés par le PLU
Il n’est pas rare que les règlements des PLU prévoient de nombreuses dérogations aux règles générales applicables aux bâtiments nécessaires aux services publics. Tel est fréquemment le cas en matière de coefficient d’occupation du bâti sur la parcelle, ou en matière de surfaces réservées aux espaces verts, ou encore en matière d’obligation de prévoir des places de stationnement.

Et tel était le cas en l’espèce. En effet, le règlement du PLU prévoyait que "l’aménagement des terrains doit comporter une surface minimale réservée aux espaces de pleine terre […] [exigeant] l’aménagement de cette surface libre en espaces verts". Cependant, le même règlement assortissait ce principe d’une exception selon laquelle "les espaces de pleine terre ne s’appliquent pas aux bâtiments et ouvrages nécessaires au bon fonctionnement des équipements publics et/ou d’intérêt collectif".

Constatant que l’activité de gestion d’une chambre funéraire constituait une mission de service public au sens de l’art. L. 2223-19 du CGCT, la cour a considéré que le permis de construire n’était pas entaché d'un vice de légalité au regard du règlement du PLU, bien que la construction du funérarium ne prévoyait aucun espace vert.

- Sur le stationnement des vélos
Le règlement du PLU prévoyait que "toute opération […] de construction collective destinée à l’habitation, aux activités de caractère administratif, de bureaux, commercial, industriel, éducatif doit prendre en compte […] le garage des vélos". Or, le projet de construction de la chambre funéraire ne le prévoyait pas.

Mais c’est en suivant le même raisonnement qu’en matière d’espace vert que la cour n’a pu que constater au visa des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme, que le caractère de service public des services proposés par la chambre funéraire excluait cette dernière des catégories visées par le PLU en matière d'obligation de prévoir le garage des vélos.

- Sur le stationnement des véhicules des usagers de la chambre funéraire
À l’instar de nombre de PLU, le règlement prévoyait en l’espèce que pour les constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif, "le nombre de places de stationnement à réaliser sera déterminé en tenant compte de leur nature, du taux et du rythme de leur fréquentation, de leur situation géographique au regard des parkings publics existant à proximité, de leur regroupement et du taux de foisonnement envisageable". En l’espèce, le projet de construction ne prévoyait qu’une seule place de stationnement "handicapé" en façade.

Cependant, la cour, se fondant sur le nombre de personnes fixé à soixante-et-un, correspondant à la capacité d’accueil maximale du funérarium retenue au regard "de la définition des obligations au titre de la réglementation sur les établissements recevant du public" (tout en considérant que ce nombre "ne [correspondrait] pas à sa fréquentation habituelle"), a estimé que la présence d’une cinquantaine de places de stationnement gratuites à proximité de la chambre funéraire et la présence d’une ligne de bus étaient suffisantes pour dispenser le constructeur de prévoir des places de stationnement destinées aux familles.

- Sur la sécurité de l’accès par les véhicules funéraires au garage du funérarium
En l’espèce, la chambre funéraire avait vocation à ne disposer que d’un garage permettant l’accès des véhicules funéraires. L’implantation de ce garage impliquait, pour les véhicules, une sortie exclusivement en marche arrière pour regagner la voie publique.

La question se posait donc de savoir si ces manœuvres de sortie en marche arrière seraient de nature à violer les dispositions de l’art. R. 111-2 du Code de l’urbanisme qui dispose que "le projet [de construction] peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations".

Pour considérer que les futures manœuvres en marche arrière des véhicules funéraires ne seraient pas de nature à porter atteinte à la sécurité publique, la cour a recherché d’une part si la visibilité de part et d’autre de la voie de circulation desservie par le garage n’était pas insuffisante et d’autre part si le flux de circulation était important. Concluant que tel n’était pas le cas, la cour a considéré que le permis de construire n’était pas contraire aux dispositions susvisées.

Conclusion

Si la construction d’une chambre funéraire est soumise à diverses règles prévues par le CGCT, telles celles relatives à son agencement et à ses équipements, et à la détention d’une habilitation préfectorale, sa construction demeure également soumise aux règles du droit de l’urbanisme.

Rappelons également que si en la matière les règles générales figurent au Code de l’urbanisme, chaque commune dispose d’un PLU composé notamment d’un règlement divisant le territoire de la commune en zones dont chacune d’elles est susceptible d’être soumise à des règles particulières. Ainsi, tout projet de construction, qu’il s’agisse d’une chambre funéraire ou non, implique nécessairement, au préalable, une étude rigoureuse et extrêmement précise des règles d’urbanisme applicables à la parcelle destinée à recevoir la construction projetée.

Référence : CAA de BORDEAUX, 1re chambre, 16/12/2022, 21BX00211
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris

Résonance n° 190 - Avril 2023

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