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S’il est aujourd’hui largement admis que les dettes d’obsèques sont des dettes alimentaires constituant à ce titre des dettes ineffaçables dans le cadre des procédures de surendettement, il est un mystère judiciaire qui demeure : pourquoi les juridictions s’obstinent-elles à les qualifier de dettes de consommation, et à ce titre à les effacer dans le cadre du surendettement ? C’est à cette contradiction que nous renvoie une fois encore un arrêt de la cour d’appel de Pau du 25 avril 2023.


Les dettes d’obsèques, des dettes alimentaires

Un arrêt de la 2e chambre civile de la Cour de cassation rendu en 2009 définit avec précision la notion de dette alimentaire, conférant à cette dernière un régime particulier : "la dette alimentaire ne peut être imposée qu’en raison du lien de parenté ou d’alliance, qui oblige le débiteur d’aliments disposant de ressources suffisantes à prendre en charge les besoins du créancier"(1).

Ces dettes découlent ainsi de plusieurs dispositions du Code civil, telles que le célébrissime art. 212 (lu par l’officier de l’état civil à chaque célébration de mariage), "Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance", ou encore les articles 205 et 206 : "Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin", "Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère". L’art. 207 précisant que "Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques". Et ce n’est que lorsque "le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, [que] le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire".

Cependant, la jurisprudence ne s’accorde pas toujours sur l’application de cette notion pour qualifier telle ou telle dette d’alimentaire ou non. Ainsi, la question a pu se poser en matière de dette de cantine scolaire, de dette d’hospitalisation d’un enfant, mais également en matière de dette funéraire.

Illustrant la notion en matière d’obsèques, un autre arrêt rendu en 2009 par la première chambre civile de la Cour de cassation(2) justifie la naissance de la dette alimentaire des enfants envers leurs parents sur le fondement de l’art. 371 du Code civil : "L’enfant, à tout âge, doit honneur et respect à ses père et mère".

Une dette qui ne se contracte qu’en cas d’insuffisance d’actif successoral

L’appel en paiement des proches du défunt envers lequel ceux-ci avaient une dette d’aliments aura vocation à être initiée uniquement si le prix des obsèques ne peut pas être couvert par l’actif successoral. Ainsi, dans l’hypothèse où les proches d’un défunt renoncent à organiser ses obsèques et renoncent à la succession, le curateur de la succession (l’administration des Domaines) ne se tournera vers ses héritiers que lorsque l’actif de la succession sera insuffisant. C’est ce qui découle de l’art. 806 du Code civil : "Le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce".

Ainsi, ce n’est que lorsque le défunt était dépourvu de ressources et que ses proches le sont aussi qu’il sera fait application des dispositions de l’art. L. 2223-27 al.1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) aux termes duquel : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes". L’argent public n’ayant pas vocation à pallier les conséquences des querelles de familles aussi légitimes soient-elles.

Les dettes alimentaires : des dettes ineffaçables au titre du surendettement

Les dispositifs de surendettement des particuliers sont prévus aux articles L. 711-1 et suivants du Code de la consommation. La place de ces dispositions dans le Code de la consommation n’est pas un hasard. En effet, non seulement sont exclues au titre de l’art. L. 711-3, celles prévues par le Code de commerce, mais également au titre de l’art. L. 711-4 1° "les dettes alimentaires".

Ainsi qu’en dispose cet article, les dettes alimentaires "sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement" dans le cadre d’une procédure de surendettement.

Tel devrait donc être le cas pour les dettes funéraires, mais avec obstination, les juridictions du fond tendent de façon quasi systématique à faire bénéficier à ces dettes, pourtant alimentaires, du même régime qu’aux dettes de consommation. Et c’est à nouveau cette position qu’a adoptée la cour d’appel de Pau dans son arrêt du 25 avril 2023.

Les dettes d’obsèques une inclusion étonnante dans le dispositif de surendettement

Dans l’affaire soumise à la cour d’appel de Pau, l’épouse du défunt avait décidé de renoncer à la succession cependant qu’elle avait contracté une dette d’un montant de 4 404,01 € auprès d’un opérateur funéraire pour les obsèques de son mari.

De façon parfaitement logique, la cour d’appel a fait application des dispositions de l’art. 806 du Code civil, rappelant que "le renonçant n’est pas tenu au paiement des dettes et charges de la succession. Toutefois, il est tenu à proportion de ses moyens au paiement des frais funéraires de l’ascendant ou du descendant à la succession duquel il renonce".

Cependant, elle ne retiendra pas le caractère alimentaire de la dette contractée par l’épouse du défunt auprès de l’opérateur funéraire pour les obsèques de son mari et constatant que "la commission de surendettement des particuliers du département des Pyrénées-Atlantiques a pris une décision emportant rétablissement personnel sans liquidation judiciaire", considérant que la dette était éteinte.

Pire, la cour d’appel condamnera l’opérateur funéraire aux dépens de première instance et d’appel et renverra, en pure perte, celui-ci vers le curateur de la succession pour un éventuel paiement des frais d’obsèques. On ne peut en effet que supposer cette succession dépourvue d’actifs suffisants puisque, dans le cas contraire, il est plus que probable que son épouse l’aurait acceptée.

Conclusion

Cette décision, quoique habituelle en la matière ne peut que susciter un certain agacement de la part des professionnels du funéraire. En effet, alors même qu’en droit les dettes d’obsèques constituent des dettes alimentaires insusceptibles d’effacement ou d’aménagement dans le cadre d’un plan de surendettement, les juridictions du fond s’entêtent à ne pas les considérer comme telles. On ne peut dès lors qu’espérer que la Cour de cassation finira par se prononcer sur le sujet à l’occasion d’un litige futur pour trancher durablement le sujet.

Référence : Cour d’appel de Pau, 1re Chambre, 25 avril 2023, n° 21/03577
 
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris
 
Nota :
(1) Cass. 2e civ., 19 mars 2009, n° 07-20.315
(2) Cass. 1re civ., 28 janvier 2009, n° 07-14.272Résonance n° 191 - Mai 2023


Résonance n° 191 - Mai 2023

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