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Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises les problématiques relatives aux demandes d’exhumation lorsqu’il n’existe aucune opposition familiale. Voici un jugement assez singulier où est annulé un refus du maire d’une exhumation d’un cimetière communal vers un lieu de sépulture privé.


Tribunal administratif, Polynésie française, 1re chambre, 11 février 2025 n° 2400301

Par un courrier du 13 mars 2024, M. et Mme D ont demandé au maire de la commune de Pirae l’autorisation d’exhumer la dépouille de leur fils décédé et enterré le 4 décembre 2023 au cimetière communal dans le caveau familial afin de l’inhumer sur leur terrain privé à Pirae, parcelle cadastrée S 107. Le silence de l’Administration sur cette demande a fait naître une décision implicite de rejet le 21 mai 2024 dont M. et Mme D demandent l’annulation.

Le mémoire en défense de la commune permet de connaître le motif de ce refus implicite. La commune estime que : "ni la nécessité absolue, ni la volonté exprimée ou présumée du défunt n’a été démontrée, justifiant l’exhumation ; que la propriété des requérants ne dispose d’aucun cimetière privé ; et que cette même propriété destinée à recevoir la sépulture de l’enfant décédé des requérants est située sur le territoire de la commune de Pirae, qualifiée de commune urbaine, soit dans une enceinte des villes et de bourgs".

On ne s’occupera pas de la problématique des lieux où l’inhumation en propriété privée est possible et de l’appréciation toujours délicate de l’expression "hors de l’enceinte des villes et des bourgs" ; et on insistera sur l’étroite marge de manœuvre du maire lorsqu’il est saisi d’une demande d‘exhumation à la demande du plus proche parent du défunt pour laquelle aucune opposition ne se manifeste.

Exhumation : un droit opposable à l’Administration

En effet, par le passé, déjà, certains maires ont refusé de pratiquer une exhumation lorsqu’ils connaissaient une volonté contraire du défunt. Ils s’opposaient alors à l’opération d’exhumation alors même qu’il n’y avait aucun conflit familial qui aurait pu légitimer une telle position.

Ces refus de délivrance d’autorisation d’exhumation ont même pu être confortés par quelques décisions où le juge administratif a accepté ces comportements. Ces décisions sont néanmoins la résultante d’une méconnaissance par certaines juridictions administratives, car le Conseil d’État lui-même invalide ce genre de raisonnement (CE 13 mai 1910, Houbdine : Rec. CE p. 391).

En effet, l’exhumation d’un défunt est un acte de police et, comme tel, la volonté d’un particulier, fût-elle protégée par le respect dû aux dernières volontés d’un défunt, ne peut lier le pouvoir de police (pour illustration : TA d’Amiens 23 mai 2005, M. Marquet, req. n° 0400344 ; TA de Toulouse 2 juin 2005, Mlle Toulze, req. n° 0303916).

Dans l’une de ces affaires, par exemple, le maire refusait l’exhumation d’un défunt qui avait été le desservant de la paroisse de la commune et dont la sœur demandait l’exhumation afin d’être plus proche de lui. Cette femme remplissait la qualité de plus proche parent du défunt, et c’est donc tout logiquement que le juge sanctionna la commune pour avoir refusé l’exhumation.

En quelque sorte, l’exhumation, en absence de tout conflit familial, est ainsi, pour reprendre l’heureuse expression de Marie-Thérèse Viel (Droit funéraire et gestion des cimetières, Berger-Levrault, 1999, p. 262) un droit opposable à l’Administration.

Si une personne remplit les conditions de plus proche parent et qu’il n’y a pas de conflit au sein de la famille, l’Administration doit autoriser l’exhumation. L’exhumation est une autorisation que le maire délivre dans le cadre de ses pouvoirs de police, or il est impossible de renoncer à exercer un pouvoir de police sauf pour des motifs tirés eux-mêmes du respect de l’ordre public.

Si l’on préfère, un individu n’a pas le droit de revendiquer la non-application d’une règle de droit. Il est évident que la responsabilité de la commune pourra être recherchée sur le terrain de la faute dans le cadre d’un refus d’exhumation (sur le terrain de la faute simple : CAA Nantes, 30 septembre 1998, Mme Marie-Agnès Mordellet, req. n° 96NT01061).

C’est justement sur ce terrain du respect de l’ordre public qu’il eût peut-être été plus judicieux de se défendre. En effet, le cimetière communal est bien le lieu commun de l’inhumation et il a déjà été jugé que c’est la sépulture en terrain privé, relique des temps passés, qui peut s’analyser comme commune lieu de sépulture provisoire (CA Bordeaux, 6e chambre civile, 28 février 2012, n° 11/03209, Alain L. c/ Renée L. veuve L., Annick L. épouse C. et Roselyne L. divorcée S.) où le juge considéra qu’une inhumation en terrain privé est une sépulture provisoire.

En effet, le juge estime dans cet arrêt que : "le raisonnement de la veuve, selon lequel un tombeau dans un cimetière public garantira mieux la pérennité du cercueil de son défunt mari qu’un emplacement dans un caveau en propriété privée, est bien fondé".
 
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon - Chargé de cours à l’université de Lille

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